Cisco à mâchoires égales (Coregonus zenithicus) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 2

Résumé

Cisco à mâchoires égales

Coregonus zenithicus

Introduction

Le cisco à mâchoires égales (Coregonus zenithicus) est une espèce répandue de Salmonidé appartenant à la sous-famille des Corégoninés. Décrite pour la première fois à partir d’un spécimen prélevé par Jordan et Evermann (1909) dans le lac Supérieur à Duluth, au Minnesota, l’espèce a par la suite été découverte dans la plupart des Grands Lacs et dans de nombreux petits lacs du centre de l’Amérique du Nord. Les grands individus pèsent habituellement autour de 300 g et les poissons exceptionnellement gros peuvent peser jusqu’à 1 kg. La biologie de ce cisco est mieux connue dans les Grands Lacs (y compris le lac Nipigon), où l’espèce, qui était autrefois une des principales espèces ciblées par une activité intense de pêche vivrière, occupait des profondeurs intermédiaires de 20 à 180 m.

Répartition 

Le cisco à mâchoires égales, connu surtout dans les Grands Lacs, est cependant réparti dans tout le centre du Canada. Sa présence a été confirmée pour la dernière fois dans le lac Érié avant 1970, dans le lac Michigan en 1975 et dans le lac Huron en 1982; elle n’a jamais été rapportée dans le lac Ontario. L’espèce persiste dans le lac Supérieur, où son abondance relative a toutefois considérablement décliné. En plus des Grands Lacs, sa présence a été rapportée dans au moins 22 lacs du Canada, de l’Ontario aux Territoires du Nord-Ouest.

Protection

Le cisco à mâchoires égales a été déclaré espèce menacée par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC). Sauf pour les mesures de protection générales de la Loi sur les pêches, il ne bénéficie d’aucune protection spéciale au Canada.

Variabilité phénotypique et génétique

Les ciscos à mâchoires égales présentent des variations morphologiques dans l’ensemble de leur aire géographique et sont divisés en deux groupes principaux au Canada. La forme la plus commune habite des lacs de grande taille comme le lac Supérieur, le lac Nipigon et le Grand lac des Esclaves et se distingue par ses branchicténies plus nombreuses et plus longues que chez l’autre forme, caractéristique des petits lacs comme le lac Basswood (Ontario), le lac George (Manitoba) et le lac Barrow (Alberta). 

Taille et tendances des populations

Le cisco à mâchoires égales représente une part importante de la pêche vivrière dans les Grands Lacs depuis au moins le milieu du XIXe siècle. Les débarquements, dans l’ensemble, n’étaient pas enregistrés espèce par espèce, mais toutes les espèces de ciscos d’eau profonde étaient plutôt réunies dans une catégorie générale (chubs) dont était exclu le cisco de lac, qui se tient plutôt en eau peu profonde. Le cisco à mâchoires égales semble avoir été relativement peu commun dans la baie Georgienne du lac Huron, mais il aurait représenté de 17 à 19 p. 100 des prises de ciscos d’eau profonde dans le lac Huron proprement dit dans les années 1950. Dans les années 1970, seuls quelques spécimens ont été pris, et en 1982, un individu unique a été capturé dans le lac Huron.

Dans le lac Michigan, la proportion de l’espèce (ce qui comprend les poissons identifiés comme C. alpenae) dans les prises de ciscos d’eau profonde, qui était d’environ 21 p. 100 dans les années 1930, a chuté à 6 p. 100 dans les années 1950, et à 2 p. 100 au début des années 1960; ce cisco a fini par disparaître du lac dans les années 1970.

Dans le lac Érié, sauf pour les quelques spécimens signalés dans l’article original sur les ciscos à mâchoires égales (décrits en tant que ciscos à grande bouche, C. alpenae), aucun autre spécimen n’a jamais été collecté.

L’espèce persiste dans le lac Supérieur, mais a décliné en abondance relative : de 90 p. 100 des prises de ciscos d’eau profonde dans les années 1920, elle est passée à 25 p. 100 à la fin des années 1950, puis à une proportion variant entre 6 et 11 p. 100 dans les années 1970, dans les eaux du Michigan. Dans ce même secteur, deux petites collectes effectuées en 1997 ont révélé des abondances de 5 p. 100 et de 11 p. 100, des chiffres comparables à ceux des années 1970. L’abondance de l’espèce dans le lac Supérieur n’a cependant pas été adéquatement étudiée, et hormis sa présence certaine dans le lac et un déclin massif à partir des années 1920, on sait peu de choses sur les tendances récentes.

En ce qui concerne le lac Nipigon, on ne dispose pas de suffisamment de données exhaustives sur une longue période, bien que des évaluations périodiques des populations soient effectuées depuis les années 1970. Les ciscos à mâchoires égales constituaient 31 p. 100 des prises totales de ciscos en 1973, mais selon des évaluations plus récentes fournies par des pêches effectuées à l’aide de filets à maillage progressif, ce pourcentage serait de 3,4 p. 100.

Les tendances des populations dans les autres lacs habités par l’espèce sont généralement inconnues, mais les méthodes d’échantillonnage employées dans les années 1960 entraînaient la capture d’un plus grand nombre de ciscos à mâchoires égales. Par contre, les effectifs sont probablement demeurés stables au cours des dernières décennies. L’espèce représente sans aucun doute une partie des captures de la pêche vivrière dans certains des lacs importants comme le Grand lac des Esclaves, qui ont soit des programmes d’évaluation, soit des bureaux des statistiques sur les pêches, mais il ne semble pas que, par le passé, ces prises aient été évaluées espèce par espèce. Des activités récentes visant à prélever des spécimens du Grand lac des Esclaves ont eu des taux de réussite variants en ce qui concerne le repérage de ciscos à mâchoires égales.

Habitat

Dans les lacs Supérieur, Michigan et Huron, le cisco à mâchoires égales, qui vit généralement à des profondeurs de 55 à 144 m, a été signalé jusqu’à 183 m et occasionnellement à moins de 55 m. Des variations saisonnières ont été notées dans le lac Supérieur, les poissons se déplaçant vers des eaux moins profondes pendant la fraye. Ils vivent à des profondeurs de 110 à 114 m au printemps, de 55 à 71 m en été, et de 73 à 90 m en hiver. Dans le lac Nipigon, les ciscos à mâchoires égales occupent des profondeurs de 10 à 60 m, exception faite de quelques individus capturés de temps à autre sous les 60 m. On connaît mal les préférences en matière d’habitat dans les lacs plus petits.

Biologie générale

Dans les Grands Lacs, la fraye se déroule à l’automne ou au printemps, alors que dans les lacs Michigan, Huron et Érié, elle n’a lieu qu’à l’automne. Cependant, dans le lac Supérieur, les poissons fraient au printemps comme à l’automne. La fécondité des ciscos à mâchoires égales ressemble vraisemblablement à celle des autres espèces d’eau profonde comme le cisco de fumage, avec des pontes allant de 3 230 œufs pour un poisson de 241 mm de longueur totale (LT), à 18 768 œufs pour un poisson de 305 mm de LT.

Comme la plupart des poissons, les ciscos à mâchoires égales croissent rapidement au cours de leur première année de vie. Même si, en longueur, les deux sexes grandissent au même rythme, les femelles prennent plus rapidement du poids que les mâles. La maturité correspond à la cinquième année. Les corégoninés sont des consommateurs sélectifs et opportunistes qui ingèrent habituellement une proie à la fois. La disponibilité de la nourriture est un facteur important, et des proies saisonnières comme les insectes font partie de l’alimentation des poissons dans les petits lacs. Le cisco à mâchoires égales étant susceptible d’habiter les parties les plus profondes d’un lac, où les apports terrestres sont limités, les crustacés limnétiques (copépodes et cladocères) et les organismes benthiques (Mysis et Diporeia) dominent donc son alimentation.

Facteurs limitatifs

Aucun facteur unique ne semble à lui seul être responsable du déclin du cisco à mâchoires égales dans les Grands Lacs. Dans le lac Érié, des changements écologiques profonds se sont produits, ce qui a créé des conditions mésotrophiques dans le lac, tandis que les conditions physiques des lacs Michigan et Huron ne changeaient pas vraiment, à l’exception notable de la baie de Saginaw. La communauté vivante y a été modifiée considérablement. Il ne fait pas de doute que la pêche commerciale a eu des répercussions négatives au cours du XXe siècle, surtout sur les gros individus au départ, puis sur les individus plus petits lorsque le maillage des filets a été réduit pour maintenir le volume des prises. Par contre, la compétition et la prédation par l’éperlan et le gaspareau ont certainement gagné en influence au cours des 30 dernières années, période pendant laquelle la pêche vivrière des ciscos d’eau profonde était bien en deçà des niveaux historiques. La grande lamproie marine continue de faire des victimes dans les Grands Lacs : en effet, elle s’attaque à de petites espèces comme les ciscos d’eau profonde, en plus de s’en prendre à de grandes espèces comme le touladi, la lotte et le grand corégone. On soupçonne également des facteurs non biotiques comme les conditions météorologiques et les changements thermiques de jouer un rôle dans la déstabilisation des populations.

Les facteurs limitant les populations dans les petits lacs sont très mal connus. L’éperlan arc-en-ciel, qui a été introduit dans un grand nombre de lacs à ciscos, dont le lac Nipigon en Ontario, a produit un effet non négligeable sur l’écologie de ces systèmes.

Importance particulière de l’espèce

Le cisco à mâchoires égales, avec le cisco de lac, serait l’espèce colonisatrice ancestrale dans la plus grande partie de la région de distribution post-glaciaire du refuge du Mississippi. À l’intérieur des Grands Lacs, il représente une des lignées du plus spectaculaire rayonnement de formes sympatriques qui soit survenu dans des lacs septentrionaux. C’est une forme unique dont la répartition est intimement liée à l’hydrologie post-glaciaire, ce qui explique son grand intérêt scientifique. Les pêcheurs commerciaux, particulièrement dans les Grands Lacs, capturaient cette espèce parmi d’autres pour alimenter le marché du cisco fumé, un produit très prisé, mais le cisco à mâchoires égales n’était pas plus recherché que les autres espèces de ciscos de taille et de condition analogues.

Évaluation

L’absence du Coregonus zenithicus des lacs Michigan (depuis 1975), Huron (depuis 1982) et Érié (depuis 1957) semble confirmer que l’espèce est disparue de ces lacs. Le déclin massif et graduel de l’espèce dans le lac Supérieur au cours du siècle écoulé, auquel s’ajoute sa disparition des Grands Lacs inférieurs, devrait être matière à inquiétude. En outre, l’introduction de l’éperlan arc-en-ciel dans quelques-uns des habitats canadiens restants du cisco à mâchoires égales pourrait, à terme, être préjudiciable à l’espèce. Dans l’ensemble de son aire, l’espèce est vulnérable à la surpêche, à la dégradation des habitats et à l’introduction d’espèces exotiques. Actuellement, le U.S. Fish and Wildlife Service envisage de soumettre la candidature du cisco à mâchoires égales pour une désignation comme espèce menacée ou en voie de disparition.

Mandat du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) détermine le statut, au niveau national, des espèces, des sous-espèces, des variétés et des populations sauvages canadiennes importantes qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées à toutes les espèces indigènes des groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, lépidoptères, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Composition du COSEPAC

Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes fauniques des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (Service canadien de la faune, Agence Parcs Canada, ministère des Pêches et des Océans, et le Partenariat fédéral sur la biosystématique, présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres ne relevant pas de compétence, ainsi que des coprésident(e)s des sous-comités de spécialistes des espèces et des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.

Définitions

Espèce sauvage
Espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’une autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.

Disparue (D)
Espèce sauvage qui n’existe plus.

Disparue du pays (DP)
Espèce sauvage qui n’existe plus à l’état sauvage au Canada, mais qui est présente ailleurs.

En voie de disparition (VD)*
Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.

Menacée (M)
Espèce sauvage susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitants ne sont pas renversés.

Préoccupante (P)**
Espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou en voie de disparition en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.

Non en péril (NEP)***
Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.

Données insuffisantes (DI)****
Une catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l’admissibilité d’une espèce à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce.

* Appelée « espèce disparue du Canada » jusqu’en 2003.
** Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.
*** Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
**** Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».
***** Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999. Définition de la catégorie (DI) révisée en 2006.

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.

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