Cisco à mâchoires égales (Coregonus zenithicus) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Taille et tendances des populations

Le cisco à mâchoires égales constitue un élément important des pêches vivrières dans les Grands Lacs depuis le milieu du XIXe siècle (Milner, 1874; Koelz, 1926). Les débarquements, dans l’ensemble, n’étaient pas enregistrés espèce par espèce, mais plutôt réunis dans une catégorie générale, qui incluait toutes les espèces de ciscos d’eau profonde (chubs), et dont était exclu le cisco de lac qui vit en eaux peu profondes (Baldwin et al., 1979). Le C. zenithicus semble avoir été relativement peu commun dans la baie Georgienne du lac Huron, mais il aurait représenté jusqu’à 17 p. 100 des prises de ciscos d’eau profonde dans le lac Huron proprement dit (Koelz, 1929). Des collectes faites en 1956 dans les eaux américaines du lac Huron ont révélé qu’il y constituait 19 p. 100 (ce qui comprend ici les poissons identifiés comme C. alpenae) des prises totales de ciscos d’eau profonde–dont 66 p. 100 étaient composés de ciscos de fumage (U.S.G.S., Great Lakes Science Center, données inédites). Dans les années 1970, seuls quelques spécimens ont été pêchés, et, en 1982, un individu unique a été pris dans le lac Huron au large d’Ausable Pt. (Michigan) (Todd, 1985). Dans le lac Michigan, la proportion de l’espèce (ce qui comprend ici les poissons identifiés comme C. alpenae) dans les prises de ciscos d’eau profonde, qui était d’environ 21 p. 100 dans les années 1930, a chuté à 6 p. 100 dans les années 1950, à 2 p. 100 au début des années 1960, et ce cisco a fini par disparaître du lac dans les années 1970 (Smith, 1964; Todd, 1985). Sauf les quelques spécimens signalés dans l’article original sur les ciscos à mâchoires égales du lac Érié (décrits en tant que C. alpenae), aucun autre spécimen n’a été capturé; il n’existe donc aucune information sur les tendances des populations dans le lac Érié (Scott et Smith, 1962; Scott et Crossman, 1974). L’espèce persiste dans le lac Supérieur, mais y a décliné en abondance relative : de 90 p. 100 des prises de ciscos d’eau profonde dans les années 1920 (Koelz, 1929), elle est passée à 25 p. 100 à la fin des années 50 (Hoff et Todd, 2004), puis à une proportion variant entre 6 et 11 p. 100 dans les années 1970, dans les eaux du lac situées au Michigan (Peck, 1977). Dans ce même secteur, deux petites collectes faites en 1997 ont révélé des abondances de 5 et de 11 p. 100, chiffres du même ordre de grandeur que ceux des années 1970 (Hoff et Todd, 2004). L’abondance de l’espèce dans le lac Supérieur n’a cependant pas été adéquatement étudiée, et hormis sa présence certaine dans le lac et un déclin massif à partir des années 1920, on en sait peu sur les tendances récentes. Bien que la tendance générale à la disparition dans les Grands Lacs soit suffisamment documentée, les raisons de ce déclin ne sont pas bien comprises. Les premiers pêcheurs commerciaux récoltaient les plus gros individus, toutes espèces de ciscos confondues, et ont pratiquement fait disparaître les plus grandes espèces (C. johannae et C. nigripinnis) vers les années 1920 (Koelz, 1929; Hile et Buettner, 1955). Au fur et à mesure que ces espèces de choix se raréfiaient, les pêcheurs se sont tournés vers les plus petites espèces, qu’ils ont exploitées plus intensivement (Smith, 1964, 1968). La prolifération d’espèces introduites, l’éperlan arc-en-ciel (Osmerus mordax) et le gaspareau (Alosa pseudoharengus), entre les années 1930 et 1950, a apporté un stress supplémentaire dû à la compétition et à la prédation. En outre, à partir de la fin des années 1940, les changements écologiques provoqués par la quasi-disparition du touladi (Salvelinus namaycush) attribuable à l’introduction de la grande lamproie marine (Petromyzon marinus), qui préfère les proies de grande taille, ont entraîné l’extinction des grands ciscos (C. johannae et C. nigripinnis) et la prolifération sélective du cisco de fumage (Smith, 1964, 1968). L’hybridation, en tant que conséquence supplémentaire de la déstabilisation des populations, est devenue un facteur de la disparition finale de ces espèces (Smith, 1964; Todd et Stedman, 1989). Le cisco de fumage est aujourd’hui la seule espèce de cisco d’eau profonde présente dans les lacs Michigan et Huron, et l’espèce dominante dans le lac Supérieur (Fleischer, 1992).

Le cisco à mâchoires égales est toujours abondant dans le lac Nipigon, où il coexiste avec le cisco de lac, le cisco de fumage et le cisco à nageoires noires (C. nigripinnis regalis), de même qu’avec le grand corégone (C. clupeaformis) et le ménomini rond (Prosopium cylindraceum), un peu comme dans les autres Grands Lacs (exception faite du cisco à nageoires noires). On ne dispose pas de suffisamment de données exhaustives et couvrant une longue période, bien que des évaluations périodiques des populations aient été effectuées depuis les années 1970. En 1973, un  examen des prises commerciales (filets à grandes mailles) et des captures expérimentales a permis de constater que les ciscos à mâchoires égales constituaient 31 p. 100 des prises totales de ciscos (U.S.G.S., Great Lakes Science Center, données inédites). Des évaluations plus récentes (1997) fournies par des pêches effectuées à l’aide de filets à maillage progressif ont produit des valeurs de 3,4 p. 100, mais il s’agit probablement d’une sous-estimation en raison des incertitudes de l’identification (R. Salmon, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, Unité d’évaluation du lac Nipigon, communication personnelle).

Les tendances des populations dans les autres lacs habités par l’espèce sont en général inconnues. Steinhilber et Ruhde (2001) ont trouvé que, dans le lac Barrow, en Alberta, l’espèce constituait 4,2 à 5,7 p. 100 des captures de ciscos en 1996-1997 et 11,6 p. 100 en 2000. La présence de nombreux jeunes individus dans les prises de toutes ces années semble indiquer un bon taux de reproduction et de survie des jeunes. En 1966, les prises de ciscos dans le lac Barrow contenaient 21 p. 100 de ciscos à mâchoires égales (Turner, 1967; Paterson, 1969). Steinhilber et Ruhde (2001) ont conclu que les méthodes d’échantillonnage employées dans les années 1960 entraînaient la capture de davantage d’individus de cette espèce, et que la population est demeurée stable au cours des dernières décennies. L’espèce représente sans aucun doute une partie des captures de pêche vivrière dans certains des plus grands lacs comme le Grand lac des Esclaves, qui ont soit des programmes d’évaluation, soit des bureaux des statistiques sur les pêches, mais il ne semble pas que ces prises soient évaluées au niveau de l’espèce. Certains des prélèvements récemment effectués dans le Grand lac des Esclaves n’ont pas rapporté de cisco à mâchoires égales (Murray et Reist, 2003).

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