Musaraigne de Bendire (Sorex bendirii) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Activités de recherche

La plupart des mentions d’occurrence pour cette espèce au Canada sont basées sur des captures ou observations fortuites par des naturalistes et des collectionneurs de musée ou sur des relevés récents effectués à l’aide de pièges à fosse (Craig et Vennesland, 2004b) sur des zones géographiques très restreintes, dans le cadre d’évaluations environnementales. Toutefois, on a effectué au Canada deux relevés intensifs de cette espèce qui peuvent être utilisés pour évaluer sa présence ou son absence et l’activité d’échantillonnage. De 1989 à 1991, Seip (données inédites) ainsi que Seip et Savard (1990) ont échantillonné 22 sites dans des coupes à blanc, des peuplements de deuxième venue et des peuplements vieux situés dans l’aire de répartition de la musaraigne de Bendire, dans les bassins versants des rivières Capilano, Seymour et Coquitlam dans le sud de la chaîne Côtière (figure 5). Ils ont utilisé des pièges à fosse constitués de boîtes de conserve, des pièges à rats du Museum Special et des pièges de Sherman permettant de capturer l’individu vivant avec un effort d’échantillonnage de 17 315 nuits-pièges à fosse, 6 054 nuits-pièges à rat et 4 791 nuits-pièges de Sherman. Au cours de cette période d’échantillonnage, seulement cinq musaraignes de Bendire ont été capturées, à 2 des 22 sites, et toutes dans des pièges à fosse. Seip et Savard (1990) ne fournissent pas d’information sur la proximité de leurs pièges à l’eau ou à des habitats riverains.

Figure 5. Données sur la présence ou l’absence de la musaraigne de Bendire (Sorex bendirii’) à 61 emplacements inventoriés dans l’aire de répartition. Fondées sur 22 emplacements ayant fait l’objet de relevés de 1989 à 1992 par Seip (données inédites) ainsi que Seip et Savard (1990) et 39 emplacements échantillonnés en 1992 par Zuleta et Galindo-Leal (1994).

Figure 5.  Données sur la présence ou l’absence de la musaraigne de Bendire (Sorex bendirii’) à 61 emplacements inventoriés dans l’aire de répartition. Fondées sur 22 emplacements ayant fait l’objet de relevés de 1989 à 1992 par Seip (données inédites) ainsi que Seip et Savard (1990) et 39 emplacements échantillonnés en 1992 par Zuleta et Galindo-Leal (1994).

En 1992, Zuleta et Galindo-Leal (1994) ont inventorié 55 sites à 39 emplacements (figure 5) pour y prélever des musaraignes de Bendire et d’autres petits mammifères à l’aide de pièges à seau de plastique. Leur zone d’étude couvrait la plus grande partie de l’aire de répartition canadienne de la musaraigne de Bendire, mais aucun échantillonnage n’a été effectué dans les parcs régionaux et provinciaux. À tous les emplacements, leur plan d’échantillonnage consistait en une ligne de piégeage de 15 postes munis de pièges établis le long d’un cours d’eau (distance à l’eau non fournie) et en 1 ou 2 autres lignes de piégeage installées dans la forêt de 50 à 100 m de distance des cours d’eau. Les pièges ont été installés à un emplacement pendant 2 à 5 semaines. Leurs efforts d’échantillonnage de 13 462 nuits-pièges n'ont permis de prendre que 3 musaraignes de Bendire à trois emplacements distincts.

Abondance

Il n’existe pas d’estimation de la densité de population de cette espèce sur aucune partie de son aire de répartition, et le nombre total d’individus et le nombre d’individus matures au Canada sont inconnus. La musaraigne de Bendire semble rare sur toute son aire de répartition. Des études de petits mammifères effectuées sur les côtes de l’Oregon et de l’État de Washington (Aubry et al., 1991) n’ont pu capturer que peu d’individus de cette espèce; son abondance relative dans divers habitats était faible comparativement aux autres espèces de musaraignes. En raison de sa grande taille et de son alimentation spécialisée, la musaraigne de Bendire serait une espèce rare dans les colonies de musaraigne. En effet, selon une tendance générale dans les colonies de musaraignes des régions tempérées (Churchfield, 1991), les espèces de taille intermédiaire ont tendance à être numériquement dominantes. Seulement huit musaraignes de Bendire ont été capturées par Seip et Savard (1990) et par Zuleta et Galindo-Leal (1994), malgré un échantillonnage intensif de 41 622 nuits-pièges (figure 5); ce faible nombre peut être attribuable à la fois à la difficulté de détecter la musaraigne même à l’aide de pièges efficaces tels que des fosses (voir Bury et Corn, 1987), et à sa rareté naturelle. La difficulté à détecter cette espèce et à établir son absence est bien illustrée par le fait que Zuleta et Galindo-Leal (1992) n’ont capturé aucune musaraigne de Bendire à trois emplacements à Clayburn Creek sur la montagne Sumas dans le cadre de leur relevé de 1992. Néanmoins, un individu a été capturé de façon accessoire dans une nasse à vairon de type Gee installée à Clayburn Creek en 1995, pendant un relevé de poissons.

Fluctuations et tendances

On ne sait rien sur les fluctuations annuelles des populations chez la musaraigne de Bendire. Les tendances à long terme de la population ne peuvent être inférées qu’à partir de données et de preuves anecdotiques, fondées sur la capture de spécimens de musée. L’étude d’Allan Brooks (1902) était la seule information publiée sur la situation des mammifères dans la vallée du Bas-Fraser au début de la colonisation européenne. L’auteur décrivait la musaraigne de Bendire comme « fréquente » dans la région de Chilliwack; il y a en effet récolté une vaste série de spécimens de musée à la fin du XIXe siècle. Des 114 spécimens de musée canadiens (récoltés entre 1888 et 1999) de cette espèce, 29 (25 p. 100) ont été capturés par Brooks sur une période de trois ans, de 1895 à 1897, à « Sumas »; il s’agit probablement de la prairie Sumas où, selon Laing (1979), a été effectuée une grande partie des recherches de Brooks au cours de cette période. La prairie Sumas était une vaste zone humide de marécages et de bourbiers associés au lac Sumas, qui a été asséchée avant 1924 (Moore, 1990). Étant donné le caractère primitif et inefficace des pièges de la fin du XIXe siècle et les faibles taux de capture de la musaraigne de Bendire dans les années 1990 à l’aide de pièges à fosse plus efficaces (voir la section précédente), le fait que Brooks en ait capturé 29 en trois ans est remarquable, et porte à croire que les densités de population étaient plus élevées à la fin des années 1880, avant la modification à grande échelle de l’habitat.

Effet d’une immigration de source externe

La musaraigne de Bendire occupe le comté de Whatcom, dans l’État de Washington, qui est adjacent à la frontière canadienne. Selon John Fleckstein (comm. pers.), l’État de Washington a modifié la cote de cette espèce, de S4 à S5, en raison de la modification de l’habitat dans les basses terres de Puget Sound. Le modèle d’habitat général selon Johnson et Cassidy (1997) montre que l’espèce est très répandue dans la zone adjacente à la frontière canadienne. Toutefois, puisque l’on en sait peu sur la répartition réelle et la situation de la population de cette musaraigne dans les zones adjacentes à la population canadienne, il est difficile d’évaluer le potentiel de l’effet d’une immigration de source externe provenant de l’État de Washington. Il est important de noter que la partie de l’aire de répartition canadienne adjacente à la population de l’État de Washington est gravement affectée par des pertes d’habitat. L’habitat propice pour les immigrants serait de plus minime et fortement fragmenté.

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