Saumon chinook (Okanagan population) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Le grossissement des saumons chinooks s’effectue dans les cours d’eau, les lacs, les estuaires et l’océan. Les adultes en maturation migrent pour se reproduire dans leurs cours d’eau natals, après quoi les adultes meurent. Cependant, les poissons à maturation précoce, notamment les mâles de moins d’un an, pourraient être capables de survivre à la fraye et de frayer à nouveau une année subséquente(Mullan et al., 1992).

Bien que les habitats de fraye du chinook comprennent une grande variété de profondeurs d’eau, de vitesses d’écoulement et de substrats (voir, p. ex., Scott et Crossman [1973], Healey [1991]), le chinook se répartit souvent de façon discontinue dans des habitats apparemment uniformes, ce qui laisse entendre que d’autres facteurs, comme la circulation de l’eau dans le gravier, peuvent être déterminants (M. Healey, comm. pers., 2004). Cependant, dans certains cas, la vitesse de l’eau et le substrat se sont avérés des indicateurs utiles de l’habitat de fraye préféré des chinooks (Gallagher et Gard, 1999). Les caractéristiques des habitats de fraye des chinooks de l’Okanagan, basées sur des mesures prises à 18 nids de fraye en 2002 et en 2003, ont été décrites (tableau 1; Phillips et Wright, 2005).

Tableau 1 : Caractéristiques des habitats de fraye des chinooks dans la rivière Okanagan
  Profondeur (m) Vitesse moyenne (m/s) Granulométrie d90 (m) Granulométrie d50 (m)
Moyenne 0,49 0,65 0,10 0,05
Écart-type 0,16 0,19 0,03 0,02
Minimum 0,20 0,34 0,05 0,03
Maximum 0,75 1,14 0,14 0,10

Phillips et Wright (2005) ont estimé qu’il y aurait de l’habitat de fraye propice pour 1 260 à 4 340 couples reproducteurs de chinooks de l’Okanagan entre le lac Osoyoos et le barrage McIntyre. La limite supérieure de cette fourchette est fondée sur les facteurs ci-dessus et est probablement trop élevée; par ailleurs, la limite inférieure tient aussi compte des zones avec apport d’eau souterraine et des associations observées des nids de fraye avec les barres et les îles présentes dans les cours d’eau.

Les estimations de la superficie de la rivière Okanagan et du lac Osoyoos disponible pour la fraye et le grossissement des juvéniles laissent penser que la zone d’occurrence du chinook de l’Okanagan est d’environ 16 km2 et que la zone d’occupation n’est que légèrement inférieure, avec peut-être 15 km2 dans les eaux douces canadiennes. Les individus anadromes utilisent également le fleuve Columbia comme corridor de migration et le Pacifique pour la croissance jusqu’à l’âge adulte (aucun des deux n’est inclus dans les calculs de la zone d’occurrence et de la zone d’occupation).


Tendances en matière d’habitat

Habitat lotique

Comme aux États-Unis, le saumon chinook du Canada subit les atteintes de nombreux facteurs, dont les prélèvements d’eau, la construction de barrages (pour la production d’énergie ou le détournement des eaux) qui entravent le passage des poissons ou entraînent et blessent les poissons en migration, et la dégradation de l’habitat par les utilisations industrielles, agricoles et urbaines (Raymond, 1988; Myers et al., 1998). L’existence d’une destruction ou d’une dégradation de l’habitat pourrait être inférée, en partie, par le déclin de l’abondance du saumon chinook dans le haut Columbia (il y avait des centaines de milliers de saumons chinooks dans le haut Columbia au milieu du XIXe siècle alors qu’il n’y en avait plus qu’environ 58 000 il y a quelques années; Myers et al., 1998). 

La perte d’habitat (ou d’accès à l’habitat) de fraye, de grossissement et de halte a eu un impact inconnu sur la population de chinooks de l’Okanagan. Si l’accès avait été restreint pendant que les remontes étaient encore fortes, l’impact aurait probablement déjà été important. Cependant, les remontes étaient probablement déjà réduites, peut-être par des facteurs extérieurs au bassin, au moment où ont été construits les barrages sur le cours principal au Canada. Les observations historiques et les connaissances traditionnelles des peuples autochtones de l’Okanagan indiquent que le chinook avait accès au lac Okanagan dans le passé (Clemens et al., 1939; Ernst, 1999; Vedan, 2002).

La longue histoire des grandes modifications du cours principal dans le bassin canadien de l’Okanagan a commencé vers 1910 par des modifications à la décharge du lac Okanagan (Symonds, 2000). Depuis ce temps, des barrages ont été construits aux décharges du lac Okanagan (barrage Penticton), du lac Skaha (barrage des chutes Okanagan), du lac Vaseux (barrage McIntyre) et du lac Osoyoos (barrage Zosel, aux États-Unis). Seul le barrage Zosel, à la décharge du lac Osoyoos, permet régulièrement le passage des poissons qui migrent en amont. Bien que le barrage McIntyre puisse être géré de façon à permettre le passage des salmonidés adultes à certaines périodes de l’année (Summit et ONFC, 2002), ce n’est pas la pratique habituelle. Actuellement, tous les salmonidés anadromes frayent en aval du barrage McIntyre, à moins qu’on en laisse quelques-uns passer le barrage. 

En plus d’une perte d’accès à l’habitat, il y a eu de grandes pertes directes d’habitat de fraye et de grossissement dans la rivière Okanagan au Canada. La plus grande partie de la rivière entre les lacs Okanagan et Osoyoos a été redressée et canalisée (Symonds, 2000). Il y avait autrefois plus de 10 km de chenal (environ 80 000 m2) entre les lacs Okanagan et Skaha qui convenaient aux saumons rouges (et probablement aux chinooks) reproducteurs, mais il n’y a plus qu’environ 3 km de chenal qui conviennent à la fraye (anonyme, 1909; Summit, 2003). Des pertes d’habitat similaires ou plus importantes se sont produites tout le long du cours principal de la rivière Okanagan au Canada partout où la rivière a été canalisée (Hourston, 1954) : une estimation évalue la perte de chenal de rivière naturel accessible à 91 p. 100 (Bull, 1999). Cependant, cela ne signifie pas nécessairement qu’il y a eu une réduction équivalente de l’habitat approprié pour les salmonidés reproducteurs. On ne connaît pas la quantité d’habitat de grossissement d’été dans la rivière (c.-à-d. les chenaux secondaires alimentés par des eaux souterraines) qui a été perdue. Cependant, il est probable qu’il reste peu d’habitat d’été utilisable dans les sections endiguées du chenal en raison de l’absence de chenaux secondaires et d’autres zones où l’apport d’eau souterraine pourrait avoir un effet important de modération de la température.

Actuellement, la rivière Okanagan est utilisée par les chinooks de l’Okanagan reproducteurs et peut être utilisée par des juvéniles en développement pendant une période allant de quelques jours à quelques mois ou plus. Des températures d’eau élevées dans la rivière limitent la période pendant laquelle les chinooks de l’Okanagan matures peuvent entrer dans la rivière, tant pour la migration que pour la fraye, et limitent la zone disponible pour les juvéniles en développement. Durant les mois d’été, les températures de l’eau dans la rivière sont souvent à des niveaux létaux pour le saumon chinook, sauf dans des chenaux secondaires alimentés par les eaux souterraines (ONA, 2003). On a observé des salmonidés juvéniles dans des chenaux secondaires de la rivière quand les températures dans le reste de la rivière étaient de 24 °C (Alexis et al., 2003). On ne sait pas quelles étaient les températures de l’eau dans la rivière avant la construction des barrages sur le cours principal et les autres modifications du chenal. 

Après les dernières grandes modifications du chenal dans les années 1950, l’habitat des poissons de la rivière est demeuré relativement inchangé jusqu’aux 5 dernières années. Les conditions d’habitat du chenal de la rivière ne semblent pas s’être détériorées durant les 50 dernières années. En fait, la qualité de l’eau dans la rivière s’est probablement améliorée au cours des 20 dernières années grâce à des améliorations généralisées du traitement des eaux usées dans des zones en amont. Les autres améliorations de l’habitat comprennent l’ajout de grillages bloquant les poissons à de nombreuses prises d’eau sur la rivière et l’aménagement expérimental de radiers (pour accroître la diversité de l’habitat et améliorer le passage des poissons) dans une section canalisée de la rivière. Une autre amélioration importante est une initiative de gestion de l’eau visant à améliorer la prise de décisions concernant les poissons fréquentant le cours principal de la rivière et les lacs (COBTWG, 2004). Cette initiative devrait améliorer de façon importante la production de smolts chez le saumon rouge, et probablement chez le chinook (COBTWG, 2004). Enfin, il existe des plans conceptuels visant à remettre le plus possible à l’état naturel la rivière Okanagan par des mesures comprenant la reconstitution de méandres, la construction de digues en retrait, la remise en état des rives et l’aménagement de radiers dans le cours de la rivière (Gaboury et al., 2000). La mise en œuvre de ces plans a commencé avec l’achat d’une zone le long de la rivière Okanagan en vue de l’aménagement de digues en retrait.

Habitat lacustre

En raison de la construction des barrages et de la manière dont ils sont exploités, le lac Osoyoos fournit le seul habitat lacustre de grossissement dont disposent les saumons anadromes dans le bassin de l’Okanagan. Les chinooks de l’Okanagan adultes demeurent dans le lac durant des semaines ou des mois avant de frayer, et les juvéniles grossissent dans le lac durant une période allant de quelques semaines à plusieurs années. La plupart des observations détaillées des conditions de grossissement dans le lac Osoyoos portent sur le saumon rouge, mais une bonne partie de cette information s’applique également au chinook de l’Okanagan.

Le lac Osoyoos se compose d’une série de trois bassins, dont le plus au sud chevauche la frontière canado-américaine. Le lac a une profondeur moyenne de 15 m, et le temps de séjour de l’eau est d’environ 0,7 an (Pinsent et al., 1974). Il est classé comme lac mésotrophe, le phosphore étant le nutriant limitant (Wright, 2002). Aucune étude paléolimnologique n’a été effectuée sur le lac Osoyoos; on ne dispose donc pas de données historiques. Cependant, des mesures de réduction du phosphore ont été prises (comme pour les autres lacs du cours principal de l’Okanagan) au début des années 1970 en raison de problèmes de qualité de l’eau (Pinsent et al., 1974). Jensen et Epp (2001) indiquent que la qualité de l’eau s’est améliorée en ce qui concerne le phosphore : alors que la charge de phosphore au printemps au début des années 1970 était d’environ 25-30 µg/L, elle est aujourd’hui en moyenne de 15-20 µg/L.

Le lac Osoyoos présente un pourcentage élevé de superficie littorale (23 p. 100) par rapport aux lacs Skaha et Okanagan (15 p. 100) (Wright, 2002). Cependant, les températures élevées des eaux épilimnétiques limitent probablement l’utilisation de l’habitat littoral par le chinook durant la saison de croissance (avril à novembre). De plus, le myriophylle à épi (Myriophyllum spicatum), plante exotique, s’est répandu rapidement dans les zones littorales de l’Okanagan et fournirait un habitat supplémentaire pour des espèces prédatrices exotiques chassant à l’affût, comme l’achigan à grande bouche (Wright et al., 2002). La pêche au saumon rouge à la senne de plage dans le bassin nord du lac Osoyoos en 2002 a révélé une faible abondance d’alevins dans les zones littorales jusqu’à ce que les températures de l’eau dépassent 17 °C (mi-juin), moment auquel ils s’en vont vers le large (FDONA, données inédites, 2005). De plus, l’habitat de grossissement du lac peut être également restreint à la fin de l’été et à l’automne par des températures de l’eau élevées dans l’épilimnion et des faibles concentrations d’oxygène dissous dans l’hypolimnion (Wright, 2002; Wright et Lawrence, 2003). Cette restriction de l’habitat par des températures de l’eau élevées dans l’épilimnion et de faibles concentrations d’oxygène dissous dans l’hypolimnion est particulièrement marquée dans les deux bassins du sud du lac, de sorte que toute la production de saumon rouge (et probablement de chinook de l’Okanagan) du lac Osoyoos provient du bassin nord (Hyatt et Rankin, 1999). Cependant, malgré les limitations de l’habitat, les smolts de saumon rouge du lac Osoyoos sont parmi les plus gros du monde (Hyatt et Rankin, 1999), ce qui atteste de l’abondance de nourriture dans le lac. Les chinooks de l’Okanagan qui grossissent dans le lac peuvent présenter des taux de croissance élevés similaires, ce qui pourrait être associé à la période de grossissement anormalement longue en eau douce (Brannon et al., 2004).

   L’introduction d’une crevette exotique, le Mysis relicta, dans le bassin de l’Okanagan représente une autre contrainte, de gravité inconnue. Le M. relicta est présent dans le lac au moins depuis 1998 (Hyatt et Rankin, 1999) et provient des lacs d’amont, où il est bien établi. Il y a habituellement une tendance à la baisse des populations de poissons limnétiques après envahissement des eaux par le M. relicta (Lasenby et al., 1986), ce qui a déjà été établi pour les populations de kokanis dans le lac Okanagan. Bien que les chinooks se trouvent plus souvent dans les zones littorales et se nourrissent moins de zooplancton (d’où une moins forte compétition avec les mysidés), ce comportement n’a pas été établi pour le lac Osoyoos, où la zone littorale est probablement inaccessible durant une bonne partie de la saison de croissance en raison des températures élevées de l’eau (FDONA, données inédites, 2005).

En résumé, des températures de l’eau élevées dans la rivière Okanagan retardent le moment de la migration et de la fraye des chinooks de l’Okanagan adultes, et limitent l’habitat de grossissement des juvéniles aux chenaux secondaires alimentés par les eaux souterraines durant une bonne partie de l’été. La construction de barrages a réduit l’habitat accessible du chinook de l’Okanagan à une fraction de sa taille antérieure, supprimant l’accès au cours principal de la rivière, aux lacs et aux affluents en amont du barrage McIntyre (décharge du lac Vaseaux). De plus, environ 90 p. 100 du cours principal de la rivière Okanagan au Canada a été modifié, entraînant une perte importante d’habitat de fraye et de grossissement. L’habitat de grossissement du saumon dans le lac Osoyoos est en grande partie limité au bassin nord. Le chinook de l’Okanagan peut grossir dans des zones littorales au début de la saison de croissance, mais est vite limité par les températures élevées des eaux épilimnétiques. L’habitat de grossissement est de plus limité par les faibles concentrations d’oxygène dissous dans l’hypolimnion à la fin de l’été et à l’automne. De plus, le chinook de l’Okanagan qui grossit dans le lac peut se trouver en compétition avec les mysidés pour la nourriture (au moins jusqu’à ce qu’ils deviennent piscivores), en particulier quand les zones littorales sont inaccessibles, et peut être sujet à la prédation par des espèces exotiques quand il grossit dans des zones littorales. Cependant, malgré ces contraintes, le lac Osoyoos fournit un environnement productif pour le grossissement des saumons, comme le démontrent le taux de croissance et la taille des smolts chez le saumon rouge.


Protection et propriété

La principale zone de reproduction pour le chinook dans la rivière Okanagan s’étend de Oliver au barrage McIntyre. Presque toute la zone de fraye accessible au Canada est endiguée, les différentes parties du chenal faisant l’objet d’une gestion active par le Ministry of Water, Land and Air Protection de la Colombie-Britannique, ou se trouvant dans les limites des terres de la réserve de la bande indienne Osoyoos. Il y a très peu de développement le long du chenal de la rivière sur la partie qui passe dans la réserve indienne.

Dans la partie canadienne des bassins hydrographiques de l’Okanagan et de la Similkameen, les parcs provinciaux comptent pour 14,5 p. 100 des propriétés foncières. Les terres de réserve indienne comptent pour 4 p. 100, et les terres municipales ou privées pour 50,2 p. 100. Les terres restantes (environ 30 p. 100) sont des terres de la Couronne. De plus, 31,8 p. 100 des terres (réparties dans ces différentes catégories) font partie de la réserve de terres agricoles. 

 

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