Stylophore à deux feuilles (Stylophorum diphyllum) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Biologie

Cycle vital et reproduction

Le Stylophorum diphyllumest une plante vivace polycarpique. Chaque individu produit une ou plusieurs tiges florifères. Le plus grand nombre de tiges florifères à avoir été observé chez un individu est de 19, tandis que la moyenne est de 8,3. Le nombre de tiges florifères présente une forte corrélation avec la taille de la plante, mesurée en termes de superficie occupée par le feuillage. Cultivée ex situ,la plante peut fleurir dès la première année, tandis que, dans la nature, aucune floraison n’a été observée chez les plants mesurant moins de 20 cm de diamètre (Bowles, 1997). Les plants cultivés ex situ ou marqués dans la nature fleurissent chaque année, mais elles commencent à décliner et à présenter des signes de dépérissement au centre de leur collet au bout de 4 ou 5 ans. La floraison est indéfinie, mais elle atteint un maximum durant une dizaine de jours du milieu à la fin de mai. Généralement, chaque tige produit 1 à 4 fleurs, mais d’autres fleurs ou même d’autres tiges florifères peuvent apparaître après la période de floraison maximale et en automne. Ce phénomène se produit beaucoup plus fréquemment chez les populations ex situ que chez les populations sauvages. Chaque capsule produit 0 à 99 graines bien remplies, le nombre moyen étant de 39. Par conséquent, un individu de grandeur moyenne peut produire plus de 1 000 graines par année.

Le Stylophorum diphylluma un régime phénologique semblable à celui de nombreuses plantes herbacées des forêts décidues, qui restent vertes tout l’été. Dans le sud de l’Ontario, la croissance végétative est manifeste de la mi-avril à la fin d’avril, et la floraison se termine vers la fin de mai ou le début de juin. Dans les feuilles, la photosynthèse se poursuit jusqu’au début de l’automne. Les fruits ont alors fini de se désintégrer et de libérer leurs graines.

Les dates de floraison indiquées pour les spécimens déposés à l’herbier de la University of Michigan montrent la relation habituelle avec la latitude : la récolte la plus hâtive de sujet en fleurs a été faite un 11 avril, et le spécimen provenait du comté de Cheatam, au Tennessee (36° 10' N environ), tandis que la récolte la plus tardive a été faite un 18 juin, et le spécimen provenait du comté d’Antrim, au Michigan (45 °N environ). Lindsey et Newman (1956) ont noté une fourchette de 30 jours pour la date de première floraison. Selon eux, la floraison exige au préalable une période de croissance de 30 jours, une température atteignant 10 °C et une chaleur cumulative d’environ 1 150 degrés-jours. Au Canada, la date de première floraison se situe habituellement durant la première ou la deuxième semaine de mai (Bowles, données inédites).

Les graines du Stylophorum diphyllum renferment un albumen huileux blanc et charnu ainsi qu’un embryon rudimentaire. Les études de germination effectuées par Baskin et Baskin (1984) ont montré que la plupart des graines germent au cours du printemps suivant leur production. Le régime de dormance s’est révélé assez complexe, faisant intervenir à la fois des mécanismes morphologiques et physiologiques. Les graines renfermant un embryon peu développé sont considérées comme morphologiquement dormantes, tandis que celles inhibées par des facteurs physiologiques sont considérées comme physiologiquement dormantes. Or, la dormance semble être à la fois morphologique et physiologique chez le Stylophorum diphyllum. Une température d’au moins 5 ºC est requise pour que l’embryon commence à croître en vue de la germination.

En 1998, des graines provenant de populations de Canada ont été séchées à l’air et conservées au réfrigérateur, à 3 °C, de juin à octobre, puis placées dans des caissettes, en couche froide, pour l’hiver. L’année suivante, leur taux de germination a été de plus de 80 p. 100. Des essais de germination ultérieurs faisant appel à des méthodes semblables ont été infructueux, et aucune germination n’a été relevée chez des graines qui avaient été semées dans des emplacements marqués à l’intérieur des sites duStylophorum diphyllum (Bowles, données inédites).Herbivores et maladies

Un broutage limité a été observé chez les individus sauvages de l’espèce. Généralement, il s’agit des capsules qui sont prélevées soit par le cerf de Virginie (Odocoileus virginianus), soit par la marmotte commune (Marmota monax). Le latex âcre et jaune de la plante agit probablement comme répulsif pour de nombreux herbivores potentiels. Très peu de broutage par des invertébrés (notamment les insectes et les mollusques) a été observé chez les individus sauvages de l’espèce. La plus grande partie de la mortalité observée chez les plants adultes semble faire suite à un ramollissement et à une pourriture du centre du collet, mais on ne sait pas s’il s’agit d’une maladie ou simplement d’une pourriture consécutive à la sénescence de plants plus vieux. Les graines sont également consommées par les souris.

Déplacement et dispersion 

La graine du Stylophorum diphyllum mesure environ 2 mm de longueur et 1,5 mm de largeur et est enveloppée d’un arille caronculé (Gunn et Seldin, 1976; Gunn, 1980), lequel serait une adaptation favorisant la dispersion par les fourmis (Nordhagen, 1959). La graine renferme un albumen charnu, huileux et blanc (figure 4). Chez les espèces végétales dispersées par les fourmis, ces dernières sont attirées par les acides gras que renferme l’élaïosome et transportent normalement les graines à leur colonie, où l’organe riche en huile est enlevé et où le reste de la graine est abandonné. Des graines placées sur une allée de béton, dans un jardin, ont été enlevées par les fourmis en moins d’une minute (Bowles, obs. pers.). Dans le site de London, 79 p. 100 des 600 graines qui avaient été disposées sur de petites caissettes ont été enlevées en 24 heures. Dans ce même site, lorsque la moitié des graines ont été recouvertes d’une cage en grillage métallique empêchant la prédation par les rongeurs, 25 à 33 p. 100 des graines ainsi protégées ont été enlevées, tandis qu’aucune ne l’a été dans le site de Fanshawe. Cela semble indiquer qu’il n’y a pas de fourmis à Fanshawe, ou qu’elles n’y prélèvent pas les graines, ce qui expliquerait le très faible recrutement observé dans ce site durant cette période. À Fanshawe, les graines non protégées ont apparemment été consommées surtout par des souris, car des excréments de souris renfermant des téguments de graine ont été trouvés dans les caissettes employées pour l’expérience (Bowles, 2000).

Adaptabilité

Les fleurs grandes et voyantes du Stylophorum diphyllum sont fréquentées par les insectes, mais Elrod (1904) a découvert que la production de graines demeure normale lorsqu’on empêche aux insectes d’avoir accès aux fleurs.

Selon Baskin et Baskin (1984), le Stylophorum diphyllumne se multiplie pas par voie végétative, même si la plante peut s’étendre par la croissance de son rhizome. Cependant, ce rhizome est très court et épais, et la propagation individuelle des individus demeure très limitée.

Selon Baskin et Baskin (1984), la période de stratification froide nécessaire à la germination des graines a une valeur adaptative chez les plantes herbacées des forêts de feuillus, car elle permet aux plantules de ne pas être exposées aux températures extrêmes de l’hiver, mais de profiter de la période d’ensoleillement printanier précédant l’apparition du feuillage des arbres.

Figure 4. Photo d’une graine de Stylophorum diphyllum, avec élaïosome huileux constitué de cellules translucides.

Figure 4. Photo d’une graine de Stylophorum diphyllum, avec élaïosome huileux constitué de cellules translucides.

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