Héliotin d'Aweme (Schinia avemensis) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 5

Habitat

Besoins en matière d’habitat

L’habitat de l’héliotin d’Aweme se limite aux dunes actives et aux creux de déflation dunaires. L’espèce n’a été trouvée que dans des zones de sable mobile ou juste à côté de telles zones (J. Troubridge, comm. pers., 2004; C. Harp, comm. pers., 2004; B. C. Schmidt, comm. pers., 2004; .G. Anweiler, données inédites). Dans ces milieux, l’héliotin d’Aweme vit en association étroite avec des colonies de sa seule plante hôte connue, l’hélianthe des prairies (Helianthus petiolaris Nutt.) (Hardwick, 1996) (figure 3). Aux sites situés près de Bindloss et du lac Pakowki, en Alberta, le papillon n’a été observé qu’autour d’hélianthes poussant au centre du creux de déflation (B.C. Schmidt, comm. pers., 2004; G.G. Anweiler, données inédites).

L’habitat doit aussi compter une source de nectar adéquate pour les adultes. Dans les quatre populations pour lesquelles des données existent, les seules fleurs sur lesquelles on a vu l’héliotin d’Aweme s’alimenter sont celles de l’herbe-squelette commune (Lygodesmia juncea [Pursh] D. Don ex Hook.). (C. Harp, comm. pers., 2004; B.C. Schmidt, comm. pers., 2004; G. Anweiler, données inédites).

Il existe dans le sud des provinces des Prairies d’importants champs de dunes fixées, mais les dunes actives et les creux de déflation sont rares et ne représentent qu’une très petite partie de la superficie totale de champs de dunes; nombre de dunes sont totalement dépourvues de zones notables de sable mobile (David, 1977; S. Wolfe, comm. pers., juillet 2004). L’habitat favorable à l’héliotin d’Aweme est donc extrêmement fragmenté et réparti en petits îlots. Les dunes actives peuvent aussi n’abriter ni héliotins ni hélianthes, possiblement à cause de facteurs tels la topographie et l’humidité (grandes nappes de sable plates plutôt qu’une alternance de crêtes et de creux) et la taille des particules de sable. Le grand secteur de dunes actives des dunes Great, au sud de Prelate (Saskatchewan) et le secteur adjacent des dunes de Burstall présentaient plutôt des nappes de sable et leur relief étant peu prononcé (figure 7). Ces milieux paraissaient aussi constitués d’un sable fin ayant formé une fine croûte superficielle. La végétation y était très éparse ou absente, sauf dans les bordures dunaires et le versant actif des dunes. Seules deux espèces de plantes y étaient abondantes, soit la psoralée lancéolée (Psoralea lanceolata [Pursh]) et la patience veinée (Rumex venosus Pursh); l’hélianthe des prairies y était totalement absent, mais des individus épars poussaient dans les prairies adjacentes et, au site de Burstall, le long de routes passant non loin (G. Anweiler, données inédites).

Figure 3. Colonie d’hélianthe des prairies occupée par l’héliotin d’Aweme aux dunes Spirit, dans le parc national Spruce Woods (Manitoba). Les hélianthes se trouvent au bas de la pente à la bordure du sable mobile. Le 4 août 2004.

Figure 3. Colonie d’hélianthe des prairies occupée par l’héliotin d’Aweme aux dunes Spirit, dans le parc national Spruce Woods (Manitoba). Les hélianthes se trouvent au bas de la pente à la bordure du sable mobile. Le 4 août 2004.

Figure 4. Dunes de Burstall (Saskatchewan). On y voit des nappes de sable dans un relief peu accentué, avec peu de végétation. Les plantes à l’arrière-plan sont des psoralées lancéolées. Le 6 août 2004.

Figure 4 Dunes de Burstall (Saskatchewan). On y voit des nappes de sable dans un relief peu accentué, avec peu de végétation. Les plantes à l’arrière-plan sont des psoralées lancéolées. Le 6 août 2004.

Figure 5. Peuplement massif d’hélianthe des prairies dans un champ en jachère, à l’est de Burstall (Saskatchewan). Le 6 août 2004.

Figure 5. Peuplement massif d’hélianthe des prairies dans un champ en jachère, à l’est de Burstall (Saskatchewan). Le 6 août 2004.

Figure 6. Hélianthes des prairies en pleine floraison sur un front dunaire, dans les dunes Spirit dans le parc provincial Spruce Woods (Manitoba). Le 27 août 2004.

Figure 6. Hélianthes des prairies en pleine floraison sur un front dunaire, dans les dunes Spirit dans le parc provincial Spruce Woods (Manitoba). Le 27 août 2004.

Figure 7. Hélianthes des prairies poussant dans le terrain perturbé d’une route et d’un coupe-feu de la Base des forces canadiennes (BFC) Shilo. Le 4 août 2004.

Figure 7. Hélianthes des prairies poussant dans le terrain perturbé d’une route et d’un coupe-feu de la BFC Shilo. Le 4 août 2004.

La dépendance à l’égard d’un étroit éventail de plantes hôtes est habituelle dans le genre Schinia, bon nombre d’espèces de ce genre étant limitées quant à leurs plantes hôtes à une seule espèce ou à quelques espèces appartenant à un même genre, ou à quelques genres étroitement apparentés (Hardwick, 1996).

L’Helianthus petiolaris est une plante indigène de la famille des Astéracées. Il pousse dans des sols légers ou sableux dans une grande portion du sud du Canada et de la partie continentale des États-Unis, et son aire de répartition semble s’être étendue depuis la colonisation humaine (Heiser, 1969). Contrairement à la plupart des hélianthes indigènes, l’hélianthe des prairies est une plante annuelle; il est donc une des dernières espèces d’hélianthes à fleurir dans la saison de végétation. Il ne pousse à peu près que dans des terrains perturbés, dans le sable ou dans des sols sableux, notamment en bordure des routes, dans les champs en jachère (figure 6), sur des dunes actives et sur des plages (G. Anweiler, obs. pers.). Dans le sud-ouest de la Saskatchewan et dans le sud-est de l’Alberta, l’hélianthe des prairies forme des peuplements presque continus sur de nombreux kilomètres le long de chemins de gravier et de routes pavées. Au site des dunes Spirit, on a observé qu’il était l’une des premières espèces à coloniser les sables mobiles en haut et en bas des crêtes dunaires actives pour y former des peuplements essentiellement purs (figures 4 et figure5). L’hélianthe des prairies a rarement été observé parmi d’autres espèces sur les dunes, à l’exception de la patience veinée à certains endroits (G. Anweiler, données inédites, 2004).

Le milieu de dunes actives occupé par l’héliotin d’Aweme dans les dunes Spirit, dans le parc provincial Spruce Woods, abrite une série d’autres lépidoptères nocturnes rares, dont le Schinia bimatris (Harv.), le Schinia roseitincta (Harv.), le Pygarctia spraguei (Grt.) et au moins trois espèces du genre Copablepharon (J. Troubridge, comm. pers., 2004; Schmidt et Anweiler, 2004; G. Anweiler, données inédites).

Tendancesen matière d’habitat

Selon Wolfe (2001), il y a eu fixation de nombreuses dunes actives dans le sud des provinces des Prairies, à un taux de 10 à 20 p. 100 par décennie, et certaines ont été fixées presque complètement au cours du siècle dernier. Les causes de la transformation de ces zones de dunes actives en dunes fixées végétalisées sont mal connues. Les changements des utilisations des terres et la fréquence des perturbations de même que les changements des conditions climatiques contribuent tous à la stabilisation des dunes (Wolfe, 2001).

Des photographies aériennes montrent que la superficie de dunes actives dans les dunes Middle (d’une superficie d’environ 400 km²), qui était importante en 1937, en Alberta, n’en représentait plus qu’une faible proportion en 1998 (voir Commission géologique du Canada, 2001). Vance et Wolfe (1966) ainsi que Mahus et Wolfe (1999) ont étudié les photographies historiques des dunes et ont conclu qu’il y avait passablement moins de sable dans les dunes Middle depuis les années 1930. Bender et al. (2005) ont quantifié les changements dans les dunes sableuses Middle de 1949 à 1998 à l’aide de photographies aériennes et de l’imagerie satellitaire. Ils ont découvert que de nombreuses dunes individuelles devenaient complètement stabilisées par la végétation à un taux moyen de perte de sept dunes par décennie et que, dans l’ensemble du réseau des dunes, les endroits où le sable est exposé avait diminué en nombre à un taux moyen de 40 p. 100 par décennie. De plus, Gummer et Bender (COSEPAC, 2006) ont extrapolé la perte de dunes dans les dunes sableuses Middle en l’établissant à 53 p. 100 de 1995 à 2005 et ont conclu que toutes les dunes sableuses mobiles du réseau disparaîtront d’ici 2014.

Non loin de là, dans les dunes Great (environ 2 000 km²), en Saskatchewan, le nombre de secteurs de sable mobile soufflé par le vent a été réduit de 60 p. 100 entre les années 1880 et l’année 1980. Ce changement a été largement attribué à de bonnes pratiques de gestion qui ont contribué à réduire la superficie de sable nu soufflé par le vent et à accroître la couverture végétale dans les zones de dunes sensibles (Wolfe, 2001). Enfin, dans les zones de sable mobile des dunes Spirit, au Manitoba, il y a eu accroissement de la superficie végétalisée depuis la fin des années 1920, époque où ont été prises les premières photos aériennes de la région. La superficie de sables mobiles dans les dunes Spirit était d’environ 145 ha en 1928, de 23 ha en 1958 et de 15 ha en 1969; elle est actuellement d’environ 20 ha (Wolfe, 2001; Commission géologique du Canada, 2001).

Protection et propriété

La population manitobaine d’héliotin d’Aweme se trouve en très grande partie, sinon entièrement, à l’intérieur du parc provincial Spruce Woods, l’espèce pouvant aussi être présente dans certains secteurs de la BFC Shilo, adjacente au parc. Le parc est de compétence provinciale tandis que les terres de la BFC Shilo sont de compétence fédérale. Les colonies d’héliotin d’Aweme de Bindloss (Alberta) et de Burstall (Saskatchewan) se trouvent dans des terres privées, et la colonie du lac Pakowki (Alberta) dans un pâturage loué appartenant à la province.

Une bonne part de l’habitat potentiel en Alberta se trouve dans les dunes Middle, dans les terres fédérales de la BFC Suffield. Une autre partie de l’habitat potentiel dans le sud de l’Alberta et de la Saskatchewan se trouve dans des pâturages appartenant à la province qui sont loués ou qui font partie de pâturages collectifs. On devra effectuer des recherches additionnelles dans ces secteurs pour déterminer s’ils abritent des héliotins d’Aweme.

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