Morse de l'Atlantique (Odobenus rosmarus rosmarus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 10

Taille et tendances des populations

À mesure que l’abondance des baleines dans l’Arctique canadien et la baie d’Hudson diminuait vers la fin du XIXe siècle, les baleiniers se sont tournés de plus en plus vers la chasse d’autres espèces, dont les morses (Low, 1906; Degerbøl et Freuchen, 1935). La chasse commerciale et la chasse sportive des morses ont été interdites au Canada en 1928 par décret du Conseil privé (C.P. 1036; voir Mansfield, 1973). Il n’existe aucune estimation du taux d’exploitation, mais les populations de morses de l’est de l’Arctique canadien semblent encore aujourd’hui considérablement réduites (Manning, 1946; Schwartz, 1976; Reeves, 1978; Davis et al., 1980; Richard et Campbell, 1988; Born et al., 1995). Il n’existe aucune compilation exhaustive des données historiques sur la chasse qui pourrait être utilisée pour estimer l’abondance initiale de ces populations.

On ne dispose d’aucune estimation complète ou récente de l’abondance des populations de morses au Nunavut (Stewart, 2002) et au Nunavik. Des indices ont été estimés pour certaines populations, mais ils ont de larges intervalles de confiance (Cosens et al., 1993), de sorte que seules de très grandes variations dans la taille de la population peuvent être détectées. Ces estimations ne peuvent être corrigées pour tenir compte des individus immergés indétectables ou de la dynamique des échoueries. Or, cette correction est nécessaire pour déterminer la proportion d’un troupeau qui se trouve sur la terre, sur la glace ou dans l’eau au moment des relevés. Les données sur l’abondance des morses dans un secteur se limitent souvent à un décompte des individus présents dans des échoueries connues ou à des observations non scientifiques, et ne peuvent être utilisées pour estimer la population totale de morses au Canada (Richard et Campbell, 1988).

Les populations de morses du Groenland – ouest du Groenland, eaux du Nord et est du GroenlandNote de bas de page 3– ont été récemment évaluées à l’aide d’un modèle de la dynamique des populations en fonction de la densité avec des paramètres prédéterminés liés au cycle vital. On a ajusté le modèle à l’aide de méthodes bayesiennes pour tenir compte des séries de données remontant jusqu’au début des années 1900 ou la fin des années 1800 ainsi que d’une estimation de chaque population fondée sur un seul inventaire (Witting et Born, 2005). Les analyses des populations de l’ouest du Groenland (ouest du Groenland et eaux du Nord) ont conclu que la taille initiale de ces populations était beaucoup plus grande, que les morses font actuellement l’objet d’une chasse excessive et qu’un déclin additionnel ou une disparition est probable. Ces conclusions sont fondées sur les estimations du relevé et sur les hypothèses concernant les paramètres du cycle vital (les données ne contenaient aucune information permettant d’actualiser les distributions antérieures des paramètres du cycle vital). Dans son examen de cette étude, la NAMMCO a reconnu en 2005 que les distributions antérieures des paramètres du cycle vital n’étaient pas actualisées par les données. La qualité des relevés a également été mise en doute. De plus, les interactions probables entre les morses du détroit d’Hudson et du nord de la baie d’Hudson et ceux de l’ouest du Groenland ont été ignorées dans l’étude de Witting et Born (2005). Cependant, les conclusions de Witting et Born (2005) soutiennent la conclusion générale voulant que ces populations (ouest du Groenland et eaux du Nord) subissent un important déclin, malgré les réserves formulées par le comité scientifique de la NAMMCO concernant les détails de l’évaluation.


Population du sud et de l’est de la baie d’Hudson

Aucun relevé complet de la population de morses de l’est et du sud de la baie d’Hudson et de la baie James n’a été effectué. Au printemps 1955, un troupeau estimé à plus de 1 000 individus a été aperçu dans une échouerie sur une flèche de sable au cap Henrietta Maria (Clarke cité dans Loughrey, 1959). En septembre 1955, le capitaine du Fort Severn a aperçu un troupeau au large de la côte, à Winisk (Loughrey, 1959). Born et al. (1995) ont remis en question la précision de cette première estimation, qui a été rapportée à Clarke, et ont recommandé de ne pas l’employer pour déterminer les tendances de la population. Le ministère des Richesses naturelles de l’Ontario (MRNO) enregistre les observations non scientifiques de morses dans les hauts-fonds au large de l’embouchure de la rivière Brant depuis 1957 (C. Chenier, MRNO, comm. pers., 2003). Des morses ont été signalés dans ces hauts-fonds entre le 20 juillet et le 18 octobre. Le nombre d’individus varie considérablement, et aucune tendance démographique ne se dégage. Les décomptes les plus élevés enregistrés par le MRNO s’élevaient à 310 le 5 octobre 1978 (J.P. Prevett), à 204 le 9 septembre 1983 (K.F. Abraham), à 330 le 8 septembre 1986 (K.F. Abraham) et à environ 221 en août 1999 (C. Chenier).

À la fin des années 1930, Twomey et Herrick (1942) ont observé et chassé un troupeau qu’ils estimaient à plus de 400 individus dans le nord des îles Sleeper. Depuis, seuls des troupeaux de plus petite taille sont signalés dans la région. Le 4 août 1971, Manning (1976) a aperçu 75 morses près de l’extrémité sud des îles Sleeper et, le jour suivant, il en a vu 25 au large de la côte ouest de l’île Kidney, la plus grande île de l’archipel. Un troupeau d’environ 30 morses a été observé dans les îles Sleeper en octobre 1996; 9 d’entre eux ont été abattus (Brooke, 1997). À l’été 1993, un troupeau d’environ 30 morses a été aperçu dans les îles Belcher, directement au nord de Sanikiluaq, lors d’un relevé aérien (J. Desrosier, comm. pers., 2003). Les chasseurs signalent qu’il y a moins de morses à proximité de la collectivité et dans les îles avoisinantes aujourd’hui que dans le passé (MPO, 2000).

Au début des années 1990, on signalait une abondance de morses le long de la côte ontarienne de la baie d’Hudson, à l’ouest de la région de Winisk (Peawanuck). On observe des individus en juillet près de Fort Severn (Fleming et Newton, 2003). Ce littoral offre peut-être un refuge à la population, les Cris n’ayant pas une grande tradition de chasse au morse et capturant peu d’individus (Johnston, 1961).

Richard et Campbell (1988) et Born et al. (1995) ont estimé la taille de cette population à plus de 410 et à 500 individus respectivement. Ces deux estimations sont spéculatives et fondées sur quelques observations dans un vaste territoire réparties sur une longue période. En ne tenant compte que des plus grands dénombrements directs des dix dernières années environ, Richard et Campbell (1988) sont arrivés à une estimation de plus de 270 individus. Les données sont trop rares pour déterminer si un déclin s’est produit.


Population du nord de la baie d’Hudson et du détroit de Davis

Des relevés aériens de morses dans la région du nord de la baie d’Hudson qui englobent le nord de l’île Coats, l’île Walrus et le sud-est de l’île Southampton ont été menés en juillet ou août 1954 (Loughrey, 1959), 1961 (Mansfield, 1962), 1976-1977 (Mansfield et St. Aubin, 1991) et 1988-1990 (Richard, 1993). Les dénombrements maximaux de ces relevés étaient respectivement de 2 900 (Loughrey, 1959 : 80), de 2 650 (Mansfield, 1959 : 46), de 2 370 (Mansfield et St. Aubin, 1991 : 97) et de 1 376 (Richard, 1993 : 7) individus. La population est probablement de plus grande taille en réalité, car ces dénombrements ne sont pas fondés sur un relevé systématique de l’ensemble de la région et n’ont pas été corrigés pour tenir compte des individus ayant échappé aux observateurs. Bien que les données indiquent une tendance au déclin, on doit les interpréter avec prudence compte tenu des différences dans les méthodologies des relevés et dans la couverture des glaces. Il faut aussi considérer les grandes fluctuations dans le nombre de morses dans les échoueries selon la période. Les relevés de Richard (1993) menés en 1988-1990, par exemple, ont donné des résultats supérieurs aux dénombrements quotidiens moyens de 1976 et 1977. Sur l’île Coats, Gaston et Ouellet (1997) ont dénombré environ 600 morses au cap Pembroke le 7 août 1992 et environ 500 au cap Prefontaine le 31 juillet 1995. Les chasseurs de Coral Harbour ont signalé une augmentation de l’abondance des morses près de leur collectivité au cours des dix dernières années (MPO, 2000).

Les morses étaient plus communs et abondants dans le passé le long de la côte ouest de la baie d’Hudson, entre Arviat et Chesterfield Inlet (Loughrey, 1959; Born et al., 1995). Aujourd’hui, on les trouve principalement au nord de Chesterfield Inlet. Aucun dénombrement n’a été effectué dans cette région.

Les chasseurs de Cape Dorset ont signalé des troupeaux de morses comptant entre 500 et 1 000 individus sur la glace ou dans des uglit sur le littoral ouest de la péninsule Foxe en été, en particulier entre Cape Dorset et Cape Dorchester, et un nombre semblable de morses entre les îles Salisbury et Nottingham (Orr et Rebizant, 1987). Ils affirment également que le nombre de morses a augmenté à proximité de la collectivité au cours des 30 dernières années (MPO, 2000). Un relevé aérien mené en août 1990 a dénombré 461 morses sur l’île Nottingham (Richard, 1993).

Plusieurs uglit ont été localisés lors de relevés menés l’été et l’automne de 1977 à 1979 sur la côte sud-est de l’île de Baffin (MacLaren Atlantic Limited, 1978; MacLaren Marex Inc., 1979, 1980a,b; Smith et al., 1979). Le nombre de morses à chaque ugli variait entre quelques têtes et quelques centaines d’individus, sauf sur un îlot près de l’île Lady Franklin, où 600 à 700 morses ont été aperçus le 15 août 1979 (McLaren Marex Inc., 1980b).

Currie (1963 : 22) a estimé à au moins 1 000 et peut-être à plus de 2 000 individus la population de morses qui ont fréquenté l’île Akpatok le printemps de 1960. En effet, avant les années 1950, les chasseurs débarquaient 800 morses à cet endroit en une seule saison et, durant les années 1950, on capturait annuellement de 150 à 200 morses. Les résidents des collectivités de la baie d’Ungava chassent encore les morses chaque année à l’île Akpatok (Olpinski, 1990, 1993; Portnoff, 1994; Brooke, 1997), mais le nombre d’individus qui s’y trouvent aujourd’hui est inconnu.

Richard et Campbell (1988) et Born et al. (1995) ont estimé la taille de cette population à 4 850-5 350 et à 6 000 individus respectivement. Ces deux estimations sont de nature spéculative et fondées sur quelques observations dans un vaste territoire réparties sur une longue période. Elles font l’objet d’une grande incertitude et ne peuvent être mises à jour, car on ne dispose pas de nouvelles données.


Population du bassin Foxe

Le bassin Foxe n’a jamais été un important territoire de chasse à la baleine ni une grande voie maritime; par conséquent, sa population de morses n’a pas subi de chasse intensive par les baleiniers lorsque les baleines se sont faites rares. La taille initiale de la population est inconnue, mais elle a probablement été réduite par la pratique d’une importante chasse de subsistance. Orr et al. (1986) ont dénombré 2 722 morses durant un relevé de reconnaissance par hélicoptère dans le nord du bassin Foxe en août 1983. En août 1988 et juillet 1989, des relevés visuels systématiques ont été effectués par survol de transects au-dessus du centre du bassin Foxe (Richard, 1993). En 1988, le nombre d’individus à la surface a été estimé à 5 200 (IC 95 p. 100 : 900-30 500) d’après un dénombrement direct de 440 morses; en 1989, celui-ci a été estimé à 5 500 (IC 95 p. 100 : 2 700-11 200), d’après un dénombrement direct de 475 morses. Ces relevés n’ont pas couvert l’ensemble du nord du bassin Foxe ni apporté de facteur de correction pour tenir compte des individus en plongée qui ont échappé aux observateurs. Ils fournissent un indice permettant de mesurer les fluctuations et non une estimation globale de la taille de la population.

Richard et Campbell (1988) ont estimé la taille de cette population à plus de 2 725 individus, d’après les dénombrements directs d’Orr et al. (1986); Born et al. (1995) ont pour leur part fondé leur estimation de 5 500 individus sur les relevés de Richard (1993). Cette dernière estimation a une incertitude élevée, mais représente la meilleure estimation disponible. Elle indique que la population minimale aurait compté beaucoup plus que 2 700 individus en 1989. Aucune tendance démographique ne peut être dégagée des données disponibles.


Population de la baie de Baffin (Extrême-Arctique)

Aucun relevé complet des eaux du Nord et des régions environnantes occupées par cette population n’a été mené; on ne dispose donc que de données partielles obtenues à des saisons et à des années différentes pour estimer la taille de la population. Finley et Renaud (1980) ont dénombré environ 700 morses dans les eaux du Nord en mars 1979, mais n’en ont aperçu qu’un petit nombre lors d’un relevé mené l’année précédente. Durant un relevé systématique de la région à la fin de mars 1993, Richard et al. (1998) ont aperçu 13 individus très dispersés. Davis et al. (1978) ont inventorié les échoueries terrestres et les eaux voisines dans le centre de l’Extrême-Arctique canadien en 1977. Entre le 21 et le 23 août, ils ont dénombré 303 individus dans la région de la baie Goose et de la baie Walrus, dans le sud-ouest de l’île d’Ellesmere, et dans la région de la baie Norfolk et de la baie Arthur, dans le nord de l’île Devon. Ils ont également dénombré 118 individus du côté oriental du détroit de Penny, 281 dans la région du détroit de Crozier, du détroit de Pullen et de la baie Milne et 71 le long de la côte sud-ouest de l’île Devon. Dans cette dernière région, un ours blanc était présent dans l’une des échoueries, et les individus dans l’eau n’ont pas été dénombrés. La distance séparant ces régions et la courte période durant laquelle les relevés ont été menés excluent presque toute probabilité que des individus aient été comptés deux fois. D’après ces dénombrements, au moins 773 morses se trouvaient dans la région en 1977.

Ces données et d’autres ont été examinées en détail par Born et al. (1995), qui estiment les abondances estivales de morses : à 100 dans la région du bassin Kane; à 300 dans la baie Buchanan (78°58’N, 75°11’O) et la baie Princess Marie (79°20’N, 76°00’O); à 300-600 dans le détroit de Jones et le long de la côte est de l’île d’Ellesmere, au sud de l’île Pim (78°44’N, 74°25’O); à 1 000 dans la région du détroit de Lancaster et le long de la côte sud de l’île Devon. Ces chiffres sont des conjectures puisque les données sont insuffisantes pour produire une évaluation précise et actualisée. Depuis, des relevés de fin d’été dans les eaux côtières du détroit de Jones et du nord du détroit de Lancaster menés quatre années consécutives (1998-2001) ont produit des dénombrements moyens d’environ 350 morses (MPO, 2000; R. Stewart, MPO, comm. pers., 2004). Ces chiffres n’infirment pas les estimations, mais confirment plutôt qu’au moins 350 morses vivaient dans la région ces dernières années.

Un relevé aérien a été mené en août 1999 le long de la côte est de l’île d’Ellesmere, dans le détroit de Jones, dans le sud de l’île Devon, dans l’île Cornwallis et dans la péninsule Grinnell. Un total de 452 morses ont été dénombrés. Witting et Born (document de travail cité dans NAMMCO, 2006) ont appliqué un facteur de correction à ce dénombrement et estimé qu’environ 1 000 individus étaient présents dans la région inventoriée. Ils ont également présumé que les régions non inventoriées abritaient environ 500 individus. La NAMMCO (2006) a indiqué que l’estimation totale de 1 500 individus pour les eaux du Nord ne doit pas être employée dans les évaluations tant que de l’information additionnelle sur la conception et l’analyse des relevés ne sera pas présentée.


Population de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et du golfe du Saint-Laurent (Maritimes)

On estime que cette population comptait des dizaines de milliers d’individus à l’origine. Aucun signe de rétablissement de cette population n’a été observé au cours des 200 dernières années.

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