Morse de l'Atlantique (Odobenus rosmarus rosmarus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 7

Unités désignables

Dans les publications sur les morses, les termes « stock » et « population » ne sont pas employés de manière uniforme, et les bases sur lesquelles ces concepts sont définis (gestion ou génétique) sont souvent omises (Stewart, 2002). Le MPO a, dans le passé, défini quatre stocks pour la gestion de la chasse, d’après des données sur la répartition géographique, la génétique et les isotopes du plomb. Ces populations occupent : 1) le sud et l’est de la baie d’Hudson; 2) le nord de la baie d’Hudson et le détroit de Davis; 3) le bassin Foxe; 4) la baie de Baffin (Extrême-Arctique) (figure 4) (Born et al., 1995; Outridge et Stewart, 1999; Stewart, 2002; Outridge et al., 2003). Born et al. (1995) discutent en détail de la répartition saisonnière des morses à l’intérieur de chacune de ces populations présumées.


Figure 3 : Toponymes mentionnés dans le texte

Toponymes mentionnés dans le texte


Figure 4 : Répartition estivale et hivernale approximative des populations de morses de l’Atlantique de la partie sud et est de la baie d’Hudson (A), de la partie nord de la baie d’Hudson et du détroit de Davis (B), du bassin de Foxe (C) et de la baie de Baffin (Haut-Arctique) (D) dans les eaux canadiennes

Figure 4 : Répartition estivale et hivernale approximative des populations de morses de l’Atlantique de la partie sud et est de la baie d’Hudson (A), de la partie nord de la baie d’Hudson et du détroit de Davis (B), du bassin de Foxe (C) et de la baie de Baffin (Haut-Arctique) (D) dans les eaux canadiennes.

Les points d’interrogation (?) indiquent les répartitions et/ou les déplacements incertains.

Une cinquième population, celle de l’Atlantique nord-ouest, ou des Maritimes, était autrefois abondante le long de la côte atlantique du Canada et dans le golfe du Saint-Laurent, mais a été exterminée il y a longtemps (Reeves, 1978; Richard et Campbell, 1988).

Il est possible que ces populations aient autrefois été contiguës. Le degré de leurs échanges génétiques est incertain, et chaque population peut être composée de sous-unités locales presque ou complètement indépendantes (Outridge et al., 2003). Des recherches récentes ont davantage remis en question l’homogénéité de certains de ces stocks. Elles ont notamment suscité des inquiétudes quant au fait que certaines chasses locales visent peut-être des stocks de plus petite taille qu’on ne le croyait auparavant.

Avec les techniques d’analyse de la structure des populations qui se raffinent, le COSEPAC a et continuera d’avoir des difficultés à définir les « unités désignables » des mammifères marins, lesquelles ne sont pas nécessairement identiques aux « stocks » de gestion. Cinq populations de morses de l’Atlantique, réparties de la Nouvelle-Écosse à l’Extrême-Arctique, sont reconnues pour les besoins de la gestion de la chasse et définies d’après des données sur la répartition géographique, la génétique et les isotopes du plomb. Cependant, le COSEPAC estime que les données sur la structure des populations sont insuffisantes à l’heure actuelle pour reconnaître et évaluer ces populations en tant qu’unités désignables distinctes.

Les connaissances des scientifiques et des collectivités sur le morse de l’Atlantique sont recueillies et compilées par unité de gestion (stock ou population). Par conséquent, l’information employée pour évaluer la situation des morses au Canada est organisée de manière à refléter les cinq populations reconnues et utilisées pour gérer les morses. Cependant, le COSEPAC ne considère pas ces populations comme des unités désignables.


Population du sud et de l’est de la baie d’Hudson

La population du sud et de l’est de la baie d’Hudson est répartie sur un territoire d’environ 65 000 km2, depuis les îles Ottawa jusqu’à la région de la pointe Ekwan, dans l’ouest de la baie James (figure 4). On a conclu que cette population était distincte de celle du nord de la baie d’Hudson et du détroit de Davis d’après les répartitions géographiques, les changements dans l’abondance et les isotopes du plomb. Il semble y avoir un vide dans la répartition de ces populations entre l’île Mansel et les îles Ottawa. Le déclin apparent dans l’abondance des morses de la population du sud et de l’est de la baie d’Hudson ne s’est pas accompagné d’un déclin analogue dans la région de l’île Coats, ce qui donne à penser que l’immigration à partir du détroit d’Hudson ou du nord de la baie d’Hudson est limitée (Born et al., 1995). Les différences dans les rapports des isotopes du plomb (208Pb/207Pb) dans les dents des individus capturés par les chasseurs d’Akulivik et d’Inukjuak corroborent l’hypothèse voulant que ces populations soient séparées (Outridge et Stewart, 1999; Outridge et al., 2003). Cette analyse, qui compare le plomb accumulé dans les dents des morses au cours de leur vie, indique que, en moyenne, les individus capturés par les chasseurs de ces collectivités fréquentent des habitats différents sur le plan géochimique pendant la plus grande partie de leur vie. Les Inuits d’Akulivik chassent traditionnellement les morses de l’île Nottingham, alors que les Inuits d’Inukjuak chassent principalement le morse dans les îles Ottawa, King George ou Sleeper (Olpinski, 1993; Portnoff, 1994; Reeves, 1995; Brooke, 1997).

La population du sud et de l’est de la baie d’Hudson et la population du bassin Foxe se distinguent par les signatures de leurs composés organochlorés (Muir et al., 1995), leurs concentrations en métaux (Wagemann et Stewart, 1994) et leurs rapports isotopiques du plomb (206Pb/207Pb et 208Pb/207Pb) (Outridge et Stewart, 1999). Cependant, une analyse de haute précision des signatures des isotopes du plomb dans les dents de morses au moyen de la spectrométrie de masse à ionisation thermique (voir également Evans et al., 1995) indique qu’une partie du groupe chassé par le passé dans le bassin Foxe par les chasseurs de Hall Beach peut s’être déplacée vers le sud, dans l’est de la baie d’Hudson (Stewart et al., 2003), peut-être dans les îles Sleeper.

On ignore la nature de la relation entre les morses des îles Sleeper et Belcher dans l’est de la baie d’Hudson et les morses vivant au sud du cap Henrietta Maria et dans la baie James.


Population du nord de la baie d’Hudson et du détroit de Davis

La population du nord de la baie d’Hudson et du détroit de Davis est répartie sur un territoire d’environ 385 000 km2, depuis Arviat, sur la côte ouest de la baie d’Hudson, jusqu’à Clyde River, sur la côte est de l’île de Baffin, en passant par le détroit d’Hudson (figure 4) (Richard et Campbell, 1988; Born et al., 1995; Stewart, 2002). Born et al. (1995) considèrent que les morses des îles Digges et Mansel appartiennent à cette population. Les motifs justifiant la distinction entre cette population et la population du sud et de l’est de la baie d’Hudson sont décrits ci-dessus.

La distinction entre la population du bassin Foxe et la population du nord de la baie d’Hudson et du détroit de Davis est fondée sur la distance qui les sépare et sur des différences dans la croissance et le rapport des isotopes du plomb des individus. Il est possible que la distance n’isole pas complètement ces populations l’une de l’autre, mais il est certain qu’elle limite les échanges entre elles. Le vide les séparant (figure 4) demeure spéculatif, la répartition saisonnière de l’espèce dans le sud-est du bassin Foxe étant méconnue. Les morses effectuent certains déplacements dans l’axe nord-sud du bassin Foxe, mais il n’existe aucune preuve de déplacement massif en direction ou en provenance du détroit d’Hudson (Anderson et Garlich-Miller, 1994). Étant donné que les morses hivernent dans les deux régions, leurs déplacements n’ont pas pour objectif la recherche d’un habitat d’hivernage. Les individus échantillonnés dans le bassin Foxe durant les années 1980 et 1990 étaient significativement plus gros que ceux échantillonnés dans le nord de la baie d’Hudson durant les années 1950 (Garlich-Miller et Stewart, 1998); il est donc possible que les individus de ces régions se distinguent par leurs caractères génétiques ou leur habitat. Les rapports des isotopes du plomb (206Pb/207Pb et 208Pb/207Pb) dans les dents de morses capturés par des chasseurs d’Akulivik et de Coral Harbour sont différents des rapports mesurés chez les morses capturés dans le nord du bassin Foxe (Outridge et Stewart, 1999; Outridge et al., 2003). Cependant, les signatures isotopiques du plomb dans les dents des morses donne à penser qu’une partie du groupe visé par les chasseurs de Hall Beach pourrait s’être déplacée vers le sud, dans la partie nord-est de la baie d’Hudson (Outridge et al., 2003; Stewart et al., 2003).

La population du nord de la baie d’Hudson et du détroit de Davis pourrait être constituée de quatre sous-populations distinctes occupant le nord de la baie d’Hudson, le détroit d’Hudson et le détroit de Davis. Cette subdivision repose sur l’analyse des rapports des isotopes du plomb (206Pb/207Pb et 208Pb/207Pb) – ces derniers diffèrent significativement entre Coral Harbour et Akulivik (Outridge et al., 2003) – et sur des observations morphométriques – les Inuits ont remarqué des différences dans la taille corporelle et la longueur des défenses entre les morses de l’île Nottingham (pris par les chasseurs d’Akulivik) et ceux de l’île Coats (pris par les chasseurs de Coral Harbour), de même qu’entre les morses de la région de Chesterfield Inlet et ceux de la région de Repulse Bay (Fleming et Newton, 2003).

La distinction entre la population du nord de la baie d’Hudson et du détroit d’Hudson et la population de la baie de Baffin a été déduite principalement à partir des données sur la répartition et les déplacements des morses (Born et al., 1995). Il peut y avoir un vide dans la répartition des morses le long de la côte est de l’île de Baffin, entre Clyde River et Pond Inlet (Mansfield, 1967). Durant les années 1970, les chasseurs de la région de Clyde Inlet se déplaçaient vers le nord jusqu’à Scott Inlet pour chasser les morses (Kemp, 1976), alors que les chasseurs de Pond Inlet se déplaçaient vers le sud jusqu’à la région du cap Macculloch (Direction des terres, 1981). La portion de la côte est de l’île de Baffin située entre ces deux sites de chasse, région éloignée pour les deux collectivités, est rarement visitée en été. Elle n’a pas été inventoriée récemment, et on ignore si cette région abrite des morses. La graisse des morses du nord-ouest du Groenland a des signatures et quantités de contaminants organochlorés différentes de celles des morses du sud-est de l’île de Baffin (Loks Land), ce qui indique également que ces individus appartiennent à des populations distinctes (Muir et al., 2000).

L’ampleur des échanges entre la population du nord de la baie d’Hudson et du détroit de Davis et la population du centre-ouest du Groenland est inconnue. Dunbar (1955) et Vibe (1967) ont avancé que de tels échanges sont possibles. Cette hypothèse est soutenue par des observations de morses au large, dans les eaux profondes entre le sud-est de l’île de Baffin et l’ouest du Groenland (Born et al., 1994) et par le suivi récent du déplacement d’une femelle marquée dans l’ouest du Groenland et retrouvée moins d’un mois plus tard dans le sud de l’île de Baffin (R. Dietz, comm. pers.).


Population du bassin Foxe

Les morses sont largement répartis dans les eaux relativement peu profondes du nord du bassin Foxe, région d’environ 50 000 km2 occupée par l’espèce toute l’année (figure 4) (Mansfield, 1959; Loughrey, 1959; Crowe, 1969; Beaubier, 1970; Brody, 1976; Orr et al., 1986). Des analyses génétiques soutiennent l’hypothèse selon laquelle les individus chassés dans cette région appartiennent à une population distincte de celle de la région de la baie Resolute et de l’île Bathurst (Buchanan et al., 1998; de March et al., 2002). Cela donne à penser que les morses ne traversent pas le détroit de Fury and Hecla, un déplacement que les scientifiques tout comme les Inuits considèrent improbable (Loughrey, 1959; Mansfield, 1959; Davis et al., 1980; Garlich-Miller cité dans Stewart, 2002). On trouve à l’occasion des morses dans le golfe de Boothia, au sud de la baie Pelly (Brice-Bennett, 1976) et de la baie Committee ainsi que de l’île Crown Prince Frederik (70°02’N., 86°50’O.) (Loughrey, 1959; Anders, 1966). On croit que ces morses proviennent de la population de la baie de Baffin, au nord, et que leur présence est le fait d’individus errants (Loughrey, 1959) ou qu’elle est due à l’absence de débâcle des glaces dans le détroit de Barrow (Riewe, 1976). Les motifs justifiant la distinction entre la population du bassin Foxe et la population du nord de la baie d’Hudson et du détroit de Davis sont décrits ci-dessus.

L’existence de sous-populations à l’intérieur du bassin Foxe n’a pas été démontrée à ce jour par les analyses génétiques, qui n’ont révélé aucune différence significative entre les morses capturés par les chasseurs d’Igloolik et ceux de Hall Beach (de March et al., 2002). Cependant, des différences entre les rapports des isotopes du plomb (206Pb/207Pb) dans les dents des morses tués par les chasseurs des deux collectivités indiquent de manière assez concluante que les individus proviennent de deux sous-populations locales (Outridge et al., 2003; Stewart et al., 2003) ou, du moins, qu’ils appartiennent à des groupes ayant des aires d’alimentation distinctes. Les anciens Inuits reconnaissent deux groupes de morses dans le nord du bassin Foxe d’après des différences de taille, de couleur et de répartition (MPO, 2000).


Population de la baie de Baffin (Extrême-Arctique)

La population de la baie de Baffin est répartie sur un territoire d’environ 150 000 km2, qui s’étend vers l’ouest jusqu’à l’île Bathurst, vers le nord jusqu’au bassin Kane (figure 4) et vers le nord-ouest jusqu’au Groenland. Elle semble séparée géographiquement des autres populations canadiennes de morses plus au sud (comme il a été mentionné précédemment), mais elle fréquente et le Canada et le Groenland, sa répartition le long de la côte ouest du Groenland s’étendant vers le sud jusqu’aux environs de l’île Disko (Reeves, 1978; Richard et Campbell, 1988; Born et al., 1995). Des analyses génétiques ont révélé une séparation génétique considérable entre les morses appartenant à cette population et ceux de la population du centre-ouest du Groenland, plus au sud (Andersen et Born, 2000). D’après les résultats, ces populations sont peut-être reliées par une certaine migration de mâles; par contre, la migration des femelles serait très limitée. Il est connu que des morses se déplacent entre les eaux canadiennes et groenlandaises (voir par exemple Degerbøl et Freuchen, 1935; Vibe, 1950; Born et al., 1995), mais on ignore le nombre d’individus qui le font et l’importance de ces déplacements. Certains individus de cette population ont été signalés à l’extérieur de leurs limites territoriales, dans les îles Prince Patrick et Melville et à proximité de Taloyoak (Spence Bay) (Harrington, 1966).

Les subdivisions à l’intérieur de cette population régionale ont fait l’objet de recherches. Les rapports des isotopes du plomb (206Pb/207Pb et 208Pb/207Pb) dans les dents de morses de Resolute étaient différents des rapports observés chez les morses échantillonnés près de Grise Fiord et de Thule, au Groenland (Outridge et al., 2003). Les signatures isotopiques du plomb indiquent que les chasseurs de Grise Fiord et de Thule abattent des morses appartenant à la même sous-population de même qu’à des sous-populations distinctes. Environ 80 p. 100 des morses chassés à Grise Fiord et 20 p. 100 des morses chassés à Thule présentaient des signatures isotopiques similaires.

Des analyses génétiques préliminaires n’ont montré aucune distinction significative entre les morses de la région de la baie Resolute et de l’île Bathurst et les morses de la région de Grise Fiord (de March et al., 2002), mais des analyses plus récentes (mais toujours préliminaires) des microsatellites de l’ADN nucléaire ont révélé certains indices, encore non concluants, d’une certaine distinction entre des groupes occupant l’est du détroit de Jones, l’ouest du détroit de Jones et l’ouest de l’île Devon (R. Stewart, comm. pers.). Certaines de ces distinctions ont été appuyées en partie par des études de marquage, qui n’ont révélé aucun signe de déplacement entre l’est et l’ouest du détroit de Jones; les marqueurs, cependant, sont restés en place moins de trois mois.


Population de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et du golfe du Saint-Laurent (Maritimes)

Le sud-ouest du golfe du Saint-Laurent et la plate-forme Néo-Écossaise présentent de vastes étendues d’eaux peu profondes au fond plat et sablonneux. De nombreux stocks de morses fréquentaient autrefois des échoueries terrestres dans le réseau du Saint-Laurent. Parmi les sites documentés figurent Sept-Îles, dans le nord-ouest du golfe, l’île Miscou, dans l’ouest du golfe, et plusieurs sites dans les îles de la Madeleine et dans les environs, au centre du golfe. La répartition initiale dans le Saint-Laurent s’étendait en amont jusqu’à Rivière-Ouelle. L’île de Sable, au large de la Nouvelle-Écosse, était également fréquentée par un grand nombre de morses, tout comme l’île Ramea, au large de Terre-Neuve (Born et al., 1995).

Ces troupeaux ont subi une chasse intensive, en particulier au XVIIe et au XVIIIe siècle. À la fin du XVIIIe siècle, la population était déjà exterminée. Des observations occasionnelles ont été signalées au cours des dernières décennies (Kingsley, 1998; Camus, 2003; Richer, 2003), mais celles-ci ne sont pas considérées comme des signes de rétablissement de cette population.


Changements dans la répartition saisonnière

De manière générale, les morses ont tendance à s’éloigner des collectivités pour occuper des régions moins accessibles (Born et al., 1995). Ce phénomène, qui n’est pas nouveau, est lié aux avancées technologiques qui ont permis aux chasseurs de s’éloigner davantage de leur résidence (Brody, 1976). Tout a commencé avec l’arrivée des baleinières dans les années 1920, qui ont permis d’élargir le territoire de chasse et de chasser en eaux libres. La tendance s’est accentuée avec la mécanisation, vers les années 1940-1960, et se poursuit avec l’accroissement de l’autonomie et de la vitesse des embarcations (voir aussi Crowe, 1969; Beaubier, 1970; Orr et al., 1986). On ignore si ces changements dans la répartition reflètent un déclin ou plutôt un déplacement des populations de morses mais, tant que des augmentations d’effectifs dans d’autres parties de l’aire de répartition n’auront pas été démontrées, il est prudent de présumer que l’abondance de l’espèce a diminué (MPO, 2000).

Les Inuits de la baie d’Hudson ont attribué la disparition des morses dans leurs territoires traditionnels de chasse aux déplacements naturels de l’aire de répartition de l’espèce, à des techniques de chasse inefficaces et abusives et à de faibles taux de chasse (Fleming et Newton, 2003). Dans le passé, la chasse non réglementée à bord d’embarcations à moteur perturbait les individus dans leurs uglit (échoueries) des îles Belcher et Sleeper, de même que le long de la côte ouest de la baie d’Hudson. Cette activité s’accompagnait peut-être d’une forte mortalité. Les restes des morses parfois abandonnés dans les uglit et les morses abattus perdus en mer ont souillé les uglit et les aires d’alimentation, ce qui a fait fuir les troupeaux. Les connaissances traditionnelles des Inuits font mention de la sensibilité des morses aux perturbations de l’habitat et à la mortalité d’autres morses.

« Quand j’étais petit, je me souviens que mon père et les autres disaient de ne jamais essayer de tuer un morse s’il risque de couler dans les aires d’alimentation et de ne jamais dépecer un morse dans les endroits où ils se chauffent au soleil ou se reposent habituellement. Les aînés disaient de ne jamais abandonner les intestins près des îles où les morses se chauffent au soleil. Sinon, les morses quitteront l’endroit. » (Zach Novalinga, Sanikiluaq) [Traduction].

Certains Inuits de l’est de la baie d’Hudson ont toutefois affirmé que le déclin des populations de morses peut être attribuable à des taux de chasse trop élevés pour maintenir le taux de reproduction (Fleming et Newton, 2003).

Population du sud et de l’est de la baie d’Hudson. Les morses étaient autrefois nombreux dans les archipels du sud et de l’est de la baie d’Hudson (Flaherty, 1918; Twomey et Herrick, 1942; May, 1942; Manning, 1946; Freeman, 1964; Schwartz, 1976; Born et al., 1995). Ils ne le sont plus dans les îles Belcher depuis la fin des années 1950 environ, et des expéditions de chasse peu fructueuses (voir Olpinski, 1993; Portnoff, 1994) indiquent que la fréquentation des uglit dans les îles Ottawa a peut-être diminué durant les années 1990. En 1993, les morses ont réintégré certains uglit dans le nord des îles Belcher, et les Inuits croyaient alors que la population pourrait se rétablir (Z. Novalinga, Sanikiluaq Environmental Committee, et Peter Kattuk, maire de Sanikiluaq, comm. pers., 1993). Cependant, le MPO (2000) rapporte que les morses sont toujours peu nombreux dans les îles Belcher. En automne, les Inuits de la région se rendent généralement aux îles Sleeper pour chasser les morses.

La répartition des morses dans la baie James a beaucoup diminué. Le long de la côte est de la région de Wemindji, à Wiipichuutukuwiih, les morses étaient autrefois abondants et représentaient un danger pour les pagayeurs (Fleming et Newton, 2003). Les Cris les chassaient dans la région de Wemindji-Waskaganish au moins jusqu’en 1934. Les noms géographiques suggèrent qu’il y avait également des échoueries de morses à Walrus Point et à pointe du Morse près de Chisasibi, mais aucun individu n’y a été aperçu récemment. À l’ouest, on trouvait des morses au sud d’Attawapiskat. Des morses ont été aperçus au début des années 1960 sur des floes, entre la rivière Lakitusaki (Lake River) et l’île Bear (Johnston, 1961), et durant les années 1970 à la pointe Ekwan (Fleming et Newton, 2003). Les résidents d’Attawapiskat voyaient un moins grand nombre de morses dans leur région au début des années 1990, mais signalaient encore leur présence sur le continent, entre l’île Akimiski et la rivière Ekwan après la débâcle du printemps.

Des morses sont encore présents sur la côte ontarienne de la baie d’Hudson, près du Cap Henrietta Maria. En 1993, des Cris de la région ont signalé « beaucoup » de morses dans la région en juillet près de Peawanuck (Fleming et Newton, 2003).

Population du nord de la baie d’Hudson et du détroit de Davis. Les principaux changements dans la répartition saisonnière de cette population ont eu lieu entre le début et le milieu des années 1900. Des uglit ont été abandonnés le long de la côte ouest de la baie d’Hudson jusqu’à Chesterfield Inlet, sur l’île Digges (dans le nord-est de la baie d’Hudson), près du fond de la baie Cumberland et sur les îles Gyrfalcon (59°05’N, 68°57’O) (dans le sud de la baie d’Ungava) (Born et al., 1995).

Dans la partie ouest de la baie d’Hudson, les morses étaient rares à Churchill, mais leur abondance augmentait en progressant vers le nord, où le littoral offre des uglit plus adéquats. Six morses ont été aperçus au large, près du cap Churchill, en octobre 1954 (Johnson, cité dans Loughrey, 1959). Les morses sont rares près de Whale Cove, mais ils étaient abondants sur les îles à proximité de cette collectivité entre 1942 et 1945 (Fleming et Newton, 2003). Ils ont abandonné divers uglit dans l’ouest de la baie d’Hudson, maisjusque dans les années 1950, ils allaient à terre en petits nombres l’été dans l’île Bibby (61°53’N, 93°05’O), la pointe Term (62°08’N, 92°28’O), l’île Little Walrus, la baie Mistake, l’île Sentry (61°10’N, 93°51’O), l’île Wag (63°23’N, 90°38’O), l’île Marble (62°41’N, 91°08’O) et l’île Fairway (63°15’N, 90°33’O) (Low, 1906; Degerbøl et Freuchen, 1935; Loughrey, 1959; Reeves, 1978; Born et al., 1995; MPO, 2000; Fleming et Newton, 2003) (figure 4). De petits groupes de morses sont parfois aperçus en bordure des plaques de glace, au sud de Whale Cove (Gamble, 1988; Fleming et Newton, 2003). Les Inuits indiquent que les morses étaient plus abondants dans la région de Chesterfield Inlet au début des années 1990 que par le passé (Fleming et Newton, 2003).

Bell (1884 : 33DD) a constaté de nombreux morses à l’île Digges durant les années 1880, mais ils semblent rares dans la région de nos jours (Born et al., 1995). Ils étaient communs au fond de la baie Cumberland au XIXe siècle (Kumlien, 1879), et on les chassait dans la région de la baie Kingnait au début du XXe siècle (Anders et al., 1967). Ils sont aujourd’hui rares dans ces régions. Les morses étaient autrefois communs en été sur les îles Gyrfalcon, dans le sud de la baie d’Ungava (Dunbar, 1955) et sur les îles de la baie Deception, près de Sugluk (Loughrey, 1959).

Au début du XXe siècle, les plus grands uglit de la côte est de l’île de Baffin se trouvaient peut-être à Padlei, juste au sud de l’île Padloping (Mansfield, 1958; Reeves, 1978). De nombreux morses ont été capturés dans cette région, qui est encore fréquentée par l’espèce, quoique apparemment en moins grand nombre.

Population du bassin Foxe. La répartition estivale des morses du bassin Foxe a changé au cours des 50 dernières années (Anders, 1966; Crowe, 1969; Beaubier, 1970; Brody, 1976; Orr et al., 1986). Jusque dans les années 1940 ou 1950, les morses étaient abondants dans les uglit le long de la côte est de la péninsule Melville. L’établissement d’un comptoir de la Compagnie de la Baie d’Hudson à Igloolik en 1939 et d’une station du réseau DEW à Hall Beach en 1955-1956 a rassemblé les Inuits du bassin Foxe dans cette région. Cela a intensifié la chasse aux morses à cet endroit ainsi que les perturbations par le passage des bateaux, et l’espèce s’y fait aujourd’hui plus rare. Les chasseurs d’Igloolik et de Hall Beach estiment que le nombre de morses dans le nord du bassin Foxe n’a pas changé au cours des 25 dernières années (MPO, 2000). Aujourd’hui, bien qu’ils aillent plus loin au large pour chasser en été, ils attribuent ce changement à un recul de la couverture des glaces. Trois îles de l’ouest du bassin Foxe ont toujours de grandes concentrations de morses en automne, et trois autres qui étaient utilisées par le passé sont aujourd’hui fréquentées de nouveau, mais les uglit le long de la côte est de la péninsule Melville ne sont pas réoccupés.

Population de la baie de Baffin (Extrême-Arctique). Le principal changement dans la répartition saisonnière de cette population a été observé dans la région d’Avanersuaq (Thule), dans l’ouest du Groenland, d’où les morses, qui y étaient autrefois abondants, ont disparu (Vibe, 1950; Born et al., 1995).

Population de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et du golfe du Saint-Laurent (Maritimes). L’exploitation des troupeaux de cette population a duré plus de 100 ans, soit au XVIIe et au XVIIIe siècle, mais les mentions historiques disponibles ne donnent aucune indication quant aux effets de cette chasse massive sur la répartition de l’espèce.

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