Grenadier berglax (Macrourus berglax) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 6

Biologie

Généralités

Le M. berglax appartient aux Macrouridés, l’une des familles de poissons les plus répandues sur le talus continental de l’Atlantique Nord et le long de la dorsale médio-atlantique. L’espèce se caractérise par une croissance lente, une maturation tardive et un long cycle vital (Scott et Scott, 1988).

Reproduction

La détermination de l’âge par l’analyse des écailles et des otolithes se révèle difficile chez cette espèce, en raison du profil très imprécis des annuli. Malgré tout, il a été possible d’attribuer l’âge maximal de 25 ans à des femelles (Cohen et al., 1990). Ce profil flou, courant chez de nombreux poissons des grands fonds, est probablement attribuable à un rythme métabolique généralement lent (Smith et Hessler, 1974). 

Comme d’autres membres de la famille des Macrouridés, le grenadier berglax se caractérise par une croissance lente, une maturation tardive et un long cycle vital (Scott et Scott, 1988). À l’âge de 7 à 9 ans, les femelles commencent à grossir plus vite que les mâles (Murua, 2001), et cette différence s’accroît avec l’âge. Murua et Motos (2000) ont découvert que les femelles de l’Atlantique Nord-Ouest parvenaient à maturité à 66,7cm (L50), ce qui correspond à l’âge de 13 ou 14 ans, si l’on en juge par la structure longueur-âge établie pour l’espèce. À l’issue d’observations directes, Eliassen et Falk-Petersen (1985) ont fixé à 15 ans l’âge de la maturité chez les femelles de l’Atlantique Nord-Ouest.

L’estimation de la durée d’une génération repose sur le calcul suivant : l’âge de la femelle à la maturité plus 1/M, où M représente le coefficient instantané de mortalité naturelle. À la lumière des relevés effectués par l’Espagne dans 3NO, González-Costas et Murua (2005) sont arrivés à des valeurs de 0,34 chez les femelles et de 0,71 chez les mâles pour Z, le coefficient instantané de mortalité totale. Ces chiffres paraissent plutôt élevés, compte tenu de ce que nous savons actuellement sur le cycle vital et la pression de la pêche. Ces estimations de Z sont fondées sur une analyse des courbes de prise et représentent des surestimations, dans la mesure où les vieux poissons sont sous-représentés dans les prises des relevés, puisqu’ils tendent à fréquenter des eaux plus profondes que celles où ont eu lieu les échantillonnages. En présumant que Z est supérieur à M en raison de la mortalité attribuable à la pêche, les chercheurs sont arrivés à une valeur hypothétique de 0,2 pour M chez les femelles, ce qui donne une estimation de 19 ans pour la durée d’une génération.

Savvitimsky et Gorchinsky (2001) ont découvert que le nombre de femelles s’élevait à près de 50 p. 100 de la population âgée de moins de 9 à 10 ans. Les individus âgés de 12 ans et plus étaient tous des femelles. Ces résultats indiquent que les femelles vivent plus longtemps que les mâles (Savvatimsky, 1994; Murua, 2000). À l’heure actuelle, les prises commerciales comprennent généralement des spécimens âgés de 5 à 10 ans, le plus grand nombre d’individus étant âgés de 6 ans (Savvitimsky et Gorchinsky, 2001; Junquera et al., 2001).   

Le M. berglax est une espèce sexuellement dimorphe. Les femelles sont plus grosses, et, comme il a déjà été mentionné, elles vivent plus longtemps que les mâles. De plus, les mâles ont deux gros muscles tambourineurs intrinsèques sur la partie antérieure de leur vessie gazeuse (Cohen et al., 1973).

La fraye a généralement lieu en hiver et au début du printemps, mais elle peut s’échelonner sur une année entière (Eliassen et Falk-Peterson, 1985; Scott et Scott, 1988; Murua et Motos, 2000). Les femelles produisent chacune quelque 25 000 gros œufs, qu’elles pondent au cours d’une longue période. Pour les poissons de ce genre, il s’agit d’un taux de fécondité relativement faible (Cohen et al., 1973). Pour l’instant, il est impossible de déterminer si l’espèce est itéropare ou sémelpare. Les œufs du grenadier berglaxseraient pélagiques et sont recouverts d’une membrane aux motifs hexagonaux (Eliassen et Falk-Peterson, 1985). L’emplacement exact des frayères demeure inconnu, mais les chercheurs pensent que ces dernières se trouvent sur les talus sud et sud-est du Grand Banc (Scott et Scott, 1988).   

Survie

Zaferman (1992) a observé directement des grenadiers à bord d’un submersible dans la dorsale de l’Atlantique Nord, et il a découvert que leurs déplacements étaient directement liés à la vitesse et à l’orientation du courant. Même si les poissons observés n’étaient pas des grenadiers berglax, il est généralement convenu que l’espèce se déplace très lentement, ce qui en fait une proie facile pour de gros poissons prédateurs qui fréquentent les mêmes eaux. Des spécimens de grenadiers berglaxont été découverts dans le contenu stomacal de morues et d’autres poissons prédateurs.

La pêche représente elle aussi une cause de mortalité importante. Le grenadier berglaxest l’une des deux espèces de grenadiers qui font l’objet d’une exploitation commerciale dans la partie ouest de l’Atlantique Nord, et il compte pour une importante proportion des prises accessoires de l’industrie de la pêche au flétan noir (Duran et al., 1997). 

Physiologie

Le grenadier berglax se rencontre généralement dans des eaux variant de 2 à 5,4 °C, mais il a déjà été recensé à des températures légèrement au-dessous du point de congélation dans la mer de Norvège et la mer de Barents (Scott et Scott, 1988; Cohen et al., 1990; Murua et Motos, 2000). 

Comme d’autres poissons des grands fonds, les grenadiers sont pourvus de vessies gazeuses spécialisées qui leur permettent de tolérer de grandes profondeurs et donc de fortes pressions dans l’océan. La paroi de la vessie gazeuse est imperméable aux gaz, et la présence de certains lipides empêche la diffusion d’oxygène vers l’extérieur (Wittenberg et al., 1980).

Déplacements et dispersion

Katsarou et Naevdal (2001) ont recueilli des données attestant que les grenadiers berglaxde l’Atlantique Nord ne forment pas un stock panmictique unique. Il semble plutôt y avoir au moins trois unités de stock (celle de l’ouest du Groenland, celle de l’est du Groenland et celle de la mer de Norvège) qui possèdent chacune leur patrimoine génétique. Il se peut donc que les populations canadiennes soient distinctes des autres populations de l’Atlantique Nord. Cependant, les distances génétiques estimées entre les unités de stock étaient faibles. Selon Katsarou et Naevdal (2001), l’importance évolutionnaire de ces différences génétiques est incertaine et pourrait se révéler faible.

Alimentation et interactions interspécifiques 

Prédateur généraliste, le grenadier berglax se nourrit d’une gamme variée d’invertébrés (Cohen et al., 1973; Cohen et al., 1990). Le type de proie consommée dépend généralement de la taille du poisson. Les petits individus se nourrissent de petits bivalves, d’étoiles de mer, de crevettes et de polychètes, qui sont essentiellement des proies benthiques. Les gros grenadiers tendent à consommer des organismes benthopélagiques actifs tels que de gros bivalves, des crevettes, de petits poissons et des calmars (Eliassen et Jobling, 1985; Scott et Scott, 1988). Eliassen et Jobling (1985) ont découvert que les crustacés sont les proies le plus souvent consommées, mais que les poissons représentent une proportion considérable du poids total des proies ingérées par les femelles matures pendant les mois d’été dans les eaux de la Norvège.

Comportement et adaptabilité

En raison de son faible taux de fécondité, de son rythme de croissance lent, de sa maturation tardive et du long délai de renouvellement de sa population, ce poisson est très vulnérable aux perturbations démographiques. Par conséquent, il a probablement une faible capacité d’adaptation aux changements soudains.

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