Guillemot à cou blanc (Synthliboramphus antiquus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 9

Taille et tendances des populations

Six colonies ont connu un déclin et onze colonies ont été abandonnées. La baisse de population constatée sur les îles Langara, Lyell et Kunghit serait attribuable à l’introduction de rats (Harfenist, 1994; Bertram et Nagorsen, 1995). Dans le cas des îles Helgesen, Saunders et Limestone, la baisse a été attribuée aux ratons laveurs (Procyon lotor) (Gaston et Masselink, 1997). Des hausses de population allant de 2,6 à 9,5 p. 100 par année ont été enregistrées sur les îles Reef, George, Ramsay et Lihou (Lemon et Gaston, 1999; tableau 1). À partir des données sur les colonies étudiées dans les années 1980 et 1990, on obtient un taux de déclin global d’environ 18 p. 100 sur 10 ans.

Plusieurs colonies de petite taille de la région du sud-est de l’île Moresby sont disparues depuis le début des années 1970. L’espèce était présente sur l’île Low et les îles Skedans en 1970, mais, en 1983, elle n’y était plus (Summers, 1974; Rodway et al., 1988). Vu la petitesse de ces îles, il est peu probable qu’elles aient un jour été très peuplées. Parmi les autres colonies disparues, on compte celles des îles Lucy, Cox, Instructor, Boulder, Sea-Pigeon, Arichika, Bischof, Tar et High (Rodway, 1991).


Estimations des populations

On estime à 256 000 le nombre de couples de Guillemots à cou blanc qui nichent dans les 31 colonies de l’archipel de la Reine-Charlotte (Rodway, 1991; Gaston, 1992; Vermeer et al., 1997). Les colonies les plus peuplées sont celles des îles Frederick, George et Langara. Depuis qu’on a commencé à étudier les colonies au début des années 1970, six colonies ont décliné, quatre ont vu leur population augmenter et onze ont été abandonnées (tableau 1, et section « Aire de répartition canadienne »). Malgré certains indices montrant que les oiseaux d’une colonie peuvent passer à une colonie voisine, aucun n’indique que des individus de colonies abandonnées se soient intégrés à une autre.

Tableau 1 (Recensement des colonies) : Recensement et suivi des populations de Guillemots à cou blanc des îles de la Reine-Charlotte (Lemon et Gaston, 1999)
Recensement des colonies 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1988 1989 1991
Île Reef*           7 845        
Île East Limestone*       2 376         2 850  
Île Dodge Pt., Lyell     10 656              
Île George           11 614        
Île Langara*   82 650           63 150    
Île Frederick 68 407                  
Île Helgesen             6 804      
Île Lihou             6 452      
Île Kunghit+             44,2      

 

Tableau 1 (Recensement des colonies) suite : Recensement et suivi des populations de Guillemots à cou blanc des îles de la Reine-Charlotte (Lemon et Gaston, 1999)
Recensement des colonies 1992 1993 1995 1996 1998 Variation annuelle (%) Références
Île Reef*     10 465     2,90 Gaston et Lemon, 1996
Île East Limestone*     2 122     -1,00 Gaston et Lemon, 1996
Île Dodge Pt., Lyell 8 332         -2,25 Lemon, 1993a
Île George       17 384   3,70 Lemon, 1997
Île Langara*   41 220       -6,60 Harfenist, 1994
Île Frederick         70 321 0,20 Lemon, données inédites
Île Helgesen   1 139       -23 Gaston et Masselink, 1997
Île Lihou   12 140       9,50 Gaston et Masselink, 1997
Île Kunghit+   11,1       -18 Harfenist, 1994

 

Tableau 1 (Parcelles de surveillance) : Recensement et suivi des populations de Guillemots à cou blanc des îles de la Reine-Charlotte (Lemon et Gaston, 1999)
Parcelles de surveillance 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1988 1989 1991
Île Ramsay*         206          
Île George*           258       327

 

Tableau 1 (Parcelles de surveillance) suite : Recensement et suivi des populations de Guillemots à cou blanc des îles de la Reine-Charlotte (Lemon et Gaston, 1999)
Parcelles de surveillance 1992 1993 1995 1996 1998 Variation annuelle (%) Références
Île Ramsay* 252         2,60 Lemon, 1993b
Île George*       367   3,30 Lemon, 1997

* Décompte ou estimation du nombre de terriers. Les autres chiffres renvoient au nombre de couples d’oiseaux nicheurs, sauf pour (+) qui indique la
superficie en hectares de la colonie.
Les chiffres de 1998 pour l’île Frederick sont provisoires, dans l’attente d’une nouvelle analyse de la superficie de la colonie.
Les données de recensement des colonies datant de 1980 à 1988 sont tirées de Rodway et al., 1988, 1990 et 1994.
Tous les chiffres soutiennent des taux de croissance annuelle variant entre 0,2 % et 9,5 %, sauf lorsque que des rats (Langara, Lyell, Kunghit) ou des
ratons laveurs (East Limestone, Helgesen) sont présents ou l’ont déjà été.

Les changements dans la taille des populations récemment étudiées dans les îles de la Reine-Charlotte sont résumés ci-dessous. Un grand nombre d’îles n’ont pas fait l’objet de relevés depuis près de 20 ans; les informations touchant ces îles n’ont donc pas été incluses puisqu’elles n’offrent aucune perspective nouvelle sur les tendances des populations. Les estimations pour les îles Reef, Limestone Est, Langara, Ramsay et George sont fondées sur le dénombrement ou l’estimation du nombre de terriers. Les chiffres relatifs aux îles Lyell, George, Helgesen et Lihou sont des estimations du nombre de couples nicheurs. Les données concernant l’île Frederick sont provisoires, dans l’attente d’une nouvelle analyse de la superficie de la colonie. Globalement, des augmentations récentes de l’ordre de 0,2 p. 100 à 9,5 p. 100 par année ont été enregistrées sur toutes les îles sauf sur celles où des rats ou des ratons laveurs sont présents (Lemon et Gaston, 1999). Toutes les colonies exposées à des prédateurs introduits déclinent, souvent de manière considérable. 

Île Langara

D’après des données anciennes, on estime que les effectifs historiques de l’île Langara étaient d’environ 200 000 oiseaux (Gaston, 1994b). En 1971, on évaluait le nombre de couples nicheurs entre 80 000 et 90 000. Des études subséquentes ont montré que la population ne comptait plus que 25 700 couples en 1981 (Rodway et al., 1983) et 24 100 couples en 1988 (Bertram, 1989). La superficie de la zone occupée par les Guillemots à cou blanc a également diminué entre 1981 et 1988. Ces données indiquent une réduction alarmante des effectifs de ce qui était probablement la colonie la plus importante de l’archipel de la Reine-Charlotte, voire du monde entier (Nelson, 1990). 

Des études des années antérieures ont montré que la colonie de l’île Langara non seulement était en déclin mais aussi augmentait en densité, laquelle est passée de 840 terriers par hectare en 1981 (Rodway et al., 1983) à 1358 terriers par hectare en 1988 (Bertram, 1989). La détermination des limites des colonies a évidemment une incidence sur les estimations de la densité moyenne. Par exemple, si certaines zones non occupées sont incluses dans le calcul, la densité sera plus faible, mais il y aura compensation dans la taille de la population du fait que celle-ci sera estimée sur la base d’une plus grande superficie. Toutefois, la détermination des limites de la colonie ne suffit pas à expliquer les différences de densité observées, car la densité moyenne déterminée par Bertram (1989) était plus élevée que la densité maximale établie par Rodway et al. (1983). La présence de rats sur l’île pourrait en partie expliquer cet accroissement de la densité. 

Depuis le lancement du principal programme d’éradication des rats de l’île Langara en 1995, la taille de la population n’a pas augmenté, mais la superficie de la colonie s’est accrue. De 14 630 ± 2060 couples en 1993, la population nicheuse est passée, en 1999, à 10 365 ± 2011 couples; cette différence n’est toutefois pas significative sur le plan statistique (Drever, 2002). L’analyse préliminaire des données de 2004 montre qu’un rétablissement significatif de cette population n’a pas encore été accompli (Hipfner, comm. pers., 2004). En revanche, on a constaté entre 1993 et 1999 une diminution significative de la densité de terriers (de 1800 ± 160 terriers/ha à 765 ± 104 terriers/ha). En outre, la superficie de la colonie a augmenté, passant de 22,9 hectares en 1993 à 35,6 hectares en 1999; la colonie s’est étendue en direction du littoral à des zones où les rats se tenaient auparavant (Drever, 2002). Cela corrobore l’hypothèse selon laquelle la présence des rats avait une incidence sur la densité de terriers. Il est possible que d’autres facteurs (p. ex. les variations dans la production de zooplancton et la mortalité associée à la pêche commerciale) limitent la population de l’île (Drever, 2002).

Île Limestone Est et île Reef

Les relevés effectués sur les îles Limestone indiquent que, entre 1974 et 1989, la population a chuté, passant de 5000 couples (Summers, 1974) à environ 1500 couples (Rodway et al., 1988; Gaston et al., 1989). Seul un petit nombre d’oiseaux sont restés sur l’île ouest, occupant une petite partie de l’extrême nord-est de l’île. La population de l’île Limestone Est est demeurée stable ou a légèrement diminué (baisse annuelle de 1 p. 100) depuis l’élimination des ratons laveurs entre 1985 et 1995,  et elle est présentement (en 1999) relativement stable (Gaston et Lemon, 1996; Gray, 2001). À seulement six kilomètres de là, sur l’île Reef, la population a augmenté de 30 p. 100 (croissance annuelle de 2,9 p. 100) pendant la même période (1974-1989), selon les recensements et les captures d’oisillons (Gaston et Lemon, 1996). La présence de ratons laveurs sur l’île Limestone Est pourrait expliquer la différence observée entre les deux colonies et le recrutement d’oiseaux de l’île Limestone Est sur l’île Reef (Gaston et Lemon, 1996).     

Îles Rankine

Aucun changement démographique perceptible n’a été noté sur l’île Rankine. Un relevé a été effectué en 2000, les parcelles de surveillance de la densité de terriers établies en 1984 ayant été revisitées. La comparaison du nombre de terriers en 1984 et en 2000 pour ces parcelles n’a révélé aucun changement (M.J.F. Lemon, données inédites).

Île Frederick

L’île Frederick a fait l’objet d’un nouveau relevé en 1998. On a constaté une légère augmentation de la population, laquelle est passée de 68 407 couples en 1982 à 70 321 couples en 1998, ce qui représente une augmentation annuelle de 0,20 p. 100 (M.J.F. Lemon, données inédites). Aucun prédateur n’a été introduit sur l’île Frederick.

Autres îles

L’introduction de prédateurs est à l’origine de la diminution de la population de plusieurs îles, comme à l’île Langara (rats) et à l’île Helgesen (ratons laveurs; baisse annuelle de 23 p. 100 [Gaston et Masselink, 1997]), et pourrait avoir causé la disparition de certaines colonies. Sur d’autres îles, comme celles de Kunghit et de Lyell, la prédation par les rats a causé une baisse dramatique des populations, voire leur disparition complète. La superficie de la colonie de l’île Kunghit est passée de 44,2 hectares à 11,1 hectares entre 1986 et 1993 (diminution annuelle de 18 p. 100) (Harfenist, 1994; Bertram et Nagorsen, 1995) et il semble qu’en 2004 elle était disparue (Hipfner, comm. pers, 2004). Le nombre de terriers sur l’île Lyell a baissé, passant de 10 656 terriers en 1982 à 8332 en 1992 (diminution de 25 p. 100, soit 2,5 p. 100 par année), et la superficie de la colonie a diminué de 30 p. 100 (Lemon, 1993a). Les prédateurs semblent avoir un impact de longue durée car les populations des îles Helgesen, Little Helgesen et Saunders ne présentent aucun signe de rétablissement depuis que les ratons laveurs y ont été éliminés vers le milieu des années 1990 (Hipfner, comm. pers., 2004). 

Les populations des îles sur lesquelles aucun prédateur n’a été introduit présentent une croissance annuelle variant entre 0 p. 100 et 9,5 p. 100 (Lemon et Gaston, 1999). Une croissance annuelle de 9,5 p. 100 a été enregistrée pour l’île Lihou entre 1986 et 1993 (Gaston et Masselink, 1997); cette île est exempte de prédateurs introduits et sa population demeure stable (Hipfner, comm. pers., 2004). Certaines hausses de population pourraient s’expliquer par un changement dans la répartition des oiseaux, certains oiseaux pouvant avoir quitté des îles abritant des prédateurs introduits (Harfenist et al., 2002).

Parcelles de surveillance

En 1985 et 1986, des équipes du Service canadien de la faune (SCF) travaillant sur le terrain ont délimité des parcelles de surveillance permanentes dans plusieurs colonies de Guillemots à cou blanc des îles de la Reine-Charlotte, notamment les îles George et Ramsay. Les parcelles ont été cartographiées et clairement délimitées sur le terrain, et on a procédé au décompte des terriers.

Île George – Le nombre de terriers a augmenté dans les huit parcelles de surveillance, passant de 258 en 1985 à 327 en 1991, ce qui représente une augmentation de 27 p. 100. En 1996, le nombre avait augmenté de 12 p. 100, avec 367 terriers (Lemon, 1997). Globalement, on estime que la population a augmenté de 3,7 p. 100 par année, de 11 614 couples en 1985 à 17 384 couples en 1996 (Lemon et Gaston, 1999).

Île Ramsay – Le relevé effectué en 1992 dans les onze parcelles délimitées en 1985 a montré que le nombre de terriers avait augmenté (Lemon, 1993b). Un relevé mené en 2002 fait ressortir une hausse globale de 58 p. 100 entre 1984 et 2002 (M. Hipfner, données inédites). Ces données indiquent que le nombre de Guillemots à cou blanc augmente dans la région de Gwaii Haanas. Aucun prédateur n’a été introduit sur les îles George et Ramsay.

 

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