Brosme (Brosme brosme) évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2012: chapitre 6

Description et importance de l’espèce sauvage

Nom et classification

Le brosme (Brosme brosme) appartient à l’ordre des Gadiformes, pour lequel la classification des espèces ne fait pas l’unanimité (Van Guelpen, 2011). Cohen (1984) a élevé les Gadinés, les Lotinés et les Phycinés au rang de familles, ce que Markle (1989) a accepté, mais pas Nelson et al. (2004), qui ont continué de les considérer comme des sous-familles. Ces derniers classent le brosme dans la sous-famille des Gadinés, tandis que Eschmeyer (2011) classe l’espèce dans la famille des Lotidés.

Le brosme constitue un genre monotypique. Parmi ses noms communs dans les autres langues figurent « cusk » (anglais), « cusk », « tusk », « torsk » (norvégien) et « menek » (russe) (Scott et Scott, 1988).

Description morphologique

Le brosme est une espèce démersale relativement robuste, à nage lente. Sa tête est trapue, et son corps, allongé, atteint une longueur totale (LT) maximale d’une centaine de centimètres (Cohen et al., 1990). Le plus long brosme signalé dans la base de données d’échantillonnage au port du Secteur des sciences de la Région des Maritimes du MPO mesurait 115 cm, tandis que le plus long spécimen capturé lors d’un relevé de l’industrie sur le flétan mesurait 118 cm. Le brosme possède une nageoire dorsale et une nageoire anale. Toutes deux allongées, ces nageoires s’étendent vers l’arrière pour rejoindre la nageoire caudale arrondie (Scott et Scott, 1988; Collette et Klein-MacPhee, 2002) (figure 1).

Figure 1. Brosme (Brosme brosme) (illustration provenant de l’évaluation du COSEPAC de 2003).

Illustration d’un brosme (Brosme brosme) vu de profil.
Longue description pour la figure 1

Illustration d’un brosme (Brosme brosme) vu de profil. Le brosme possède une nageoire dorsale et une nageoire anale. Ces deux nageoires sont allongées et s’étendent vers l’arrière pour rejoindre la nageoire caudale arrondie. Le brosme a un seul barbillon sous le menton. Les petites nageoires pelviennes sont situées sous les nageoires pectorales arrondies et en forme de brosse.

La présence d’un seul barbillon sous le menton et d’une seule nageoire dorsale est un caractère qui permet d’identifier le Brosme brosme. La manière dont les nageoires anale et dorsale sont reliées à la nageoire caudale est également distinctive : elles sont attachées à la nageoire caudale à la base, mais séparées d’elle par des encoches nettes (Scott et Scott, 1988; Collette et Klein-MacPhee, 2002). Les petites nageoires pelviennes, situées sous les nageoires pectorales arrondies et en forme de brosse, présentent 4 ou 5 rayons. Toutes les nageoires sont épaisses et charnues à la base (Collette et Klein-MacPhee, 2002). Les rayons ne sont visibles qu’à la marge. Le corps est recouvert d’écailles minuscules profondément enfoncées (Wheeler, 1969). La couleur est variable : dans le nord-est de l’Atlantique, le brosme peut être gris pâle avec une teinte brunâtre, les flancs sont plus pâles, et le ventre devient blanc grisâtre. Dans le nord-ouest de l’Atlantique, le brosme peut être rougeâtre foncé ou brun verdâtre, parfois brun pâle; le ventre est crème ou blanc (Bigelow et Schroeder, 1953; Scott et Scott, 1988, Collette et Klein-MacPhee, 2002).

Structure spatiale et variabilité de la population

Le brosme est une espèce démersale largement répartie dans l’ensemble de l’Atlantique Nord. Selon les observations issues de relevés d’œufs et de larves, la reproduction a lieu sur une vaste étendue, et il ne semble pas y avoir de rassemblement de géniteurs. Comme les brosmes provenant de différents sites de fraye présentent des variations en termes de couleurs, de taux de croissance, de nombre de vertèbres et de rayons, de distribution des longueurs et de relation longueur-poids (Hareide, 1988 in Knutsen et al., 2009), il est probable que la fraye, bien qu’elle se déroule à l’échelle de l’aire de répartition, soit également localisée. On sait peu de choses actuellement sur la capacité de migration et de dispersion de l’espèce. Celle-ci semble cependant assez sédentaire, ce qui laisse croire que les déplacements saisonniers seraient limités (Halliday, 2006).

Knutsen et al. (2009) ont entrepris l’analyse de la structure génétique du brosme dans l’Atlantique Nord. Au moyen de navires scientifiques et commerciaux, ils ont obtenu des échantillons de tissus à l’échelle de l’aire de répartition de l’espèce (figure 2) et ont effectué l’analyse de l’ADNmicrosatellite au niveau de sept loci. L’ampleur générale de la différentiation génétique était assez faible, la valeur globale de Fst s’établissant à 0,0014. Les valeurs estimatives de Fst par paire entre la seule localité canadienne étudiée et les localités du reste de l’aire de répartition transatlantique se sont établies en moyenne à seulement 0,0042. La variabilité génétique spatiale n’était que faiblement liée à la distance géographique séparant les sites étudiés ou à la séparation des sites le long des grands courants océaniques. L’étude a plutôt mis en lumière un effet bathymétrique significatif. La migration limitée des adultes attribuable aux obstacles bathymétriques, combinée à l’échange restreint d’œufs et de larves pélagiques entre les sites, dû à des caractéristiques de la circulation océanique qui les retiennent à l’échelle locale, et au faible taux de survie durant les phases de dérive à travers les bassins profonds, pourrait entraîner une réduction du flux génétique. De plus, la rareté des prises capturées dans les eaux très froides au large du Labrador pourrait indiquer une discontinuité de la répartition de l’espèce dans le nord-ouest de l’Atlantique, qui limiterait sans doute considérablement les échanges génétiques entre les populations de brosmes au large de la côte Ouest du Groenland et les populations des bancs de Terre-Neuve et des secteurs plus au sud (Halliday, 2006).

Figure 2. Sites d’échantillonnage de l’étude de Knutsen et al. (2009), topographie de l’océan et masses d’eau dans l’Atlantique Nord; Rockall (RA) et la dorsale médio-atlantique (MAR) sont situés sur des chaînes de montagnes sous-marines entourées de zones profondes (zones blanches >1 000mde profondeur, au-delà des profondeurs maximales fréquentées par le brosme); le Groenland (GR), l’Islande (IS), les îles Féroé (FI), Storegga (SE) et Tromsøflaket (TF) sont reliés par des passages d’une profondeur inférieure à 1 000m(zones grises), ce qui correspond à la plage de profondeur connue du brosme (tiré de Knutsen et al., 2009).

Carte montrant les sites d’échantillonnage de l’étude de Knutsen et al.

Unités désignables

Dans le présent rapport, nous considérons que le brosme qui fréquente les eaux de l’Amérique du Nord constitue une seule unité désignable. Cette conclusion s’appuie sur la distribution spatiale restreinte de l’espèce – le gros de la population se trouvant entre les 41e et 44e degrés de latitude nord, dans le golfe du Maine et le sud du plateau néo-écossais (figure 3) –, de même que sur les études portant sur les obstacles au flux génétique, mentionnées précédemment.

Figure 3. Répartition du brosme dans le nord-ouet de l’Atlantique (Brown et al., 1996).

Carte de la répartition du brosme dans le nord-ouest de l’Atlantique, selon les données sur les captures par trait de chalut de Pêches et Océans Canada et de la National Oceanic and Atmospheric Administration des États Unis.

Le brosme est transfrontalier : on le trouve aussi aux États-Unis, dans la région du golfe du Maine. Toutefois, comme l’espèce semble peu mobile, nous nous sommes concentrés sur l’analyse des données canadiennes dans le cadre du présent rapport, les sources de données américaines ayant été utilisées pour corroborer les observations.

Compte tenu de la discontinuité potentielle de la répartition du brosme entre l’ouest du Groenland et les zones plus au sud (Halliday, 2006), des analyses du flux génétique et des obstacles au flux génétique chez le brosme (Knutsen et al., 2009), les brosmes de l’ouest du Groenland pourraient faire partie d’une population différente.

Importance

Le brosme appartient à un genre monotype. Dans les eaux de la côte Est du Canada, il ne revêt pas d’importance particulière en tant qu’espèce ciblée, mais il constitue une prise accessoire de diverses pêches (p. ex., morue franche (Gadus morhua), aiglefin (Melanogrammus aeglefinus), goberge (Pollachius virens), flétan atlantique (Hippoglossus hippoglossus) et homard de l’Atlantique (Homarus americanus)). Le brosme ne semble avoir aucune importance sur le plan socio-économique, pour des usages commerciaux ou cérémoniels.

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