Ketmie des marais (Hibiscus moscheutos) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 6

Biologie

Généralités

La reproduction végétative semble jouer un rôle important chez l’Hibiscus moscheutos, les touffes étant capables de produire de nouvelles tiges à fleurs chaque année. Les touffes peuvent aussi être fragmentées et dispersées par l’action du vent et des vagues, ce qui facilite la colonisation de nouveaux endroits. La pollinisation est surtout accomplie par une seule espèce d’abeille non sociale, le Ptilothrix bombiformis, l’apparition et la disparition des adultes coïncidant largement avec la floraison de l’H. moscheutos et l’activité des abeilles se concentrant en grande partie autour de cette plante (Blanchard, 1976). Parmi les autres insectes qui visitent les fleurs, on note plusieurs espèces de papillons diurnes et nocturnes, de petites abeilles et de Diptères, mais aucune de celles-ci ne semble être un pollinisateur efficace. Fait important, le P. bombiformis n’a jamais été signalé au Canada. Il est possible qu’aux limites de l’aire de répartition de la plante, les pollinisateurs comme le P. bombiformis soient absents. Deux coléoptères, l’Althaeus hibisci et le Conotrachelus fissunguis, sont des parasites connus des graines de l’H. moscheutos (Blanchard, 1976).

Les graines d’H. moscheutos peuvent flotter longtemps et, puisque l’espèce occupe des marais riverains, elles peuvent parcourir de bonnes distances, transportées par les courants et particulièrement par les fortes ondes de tempête. Les graines sont mangées par le Colin de Virginie (Colinus virginianus), la Sarcelle à ailes bleues (Anas discors), le Canard pilet (Anas acuta) et le Canard branchu (Aix sponsa) et ont une valeur nutritive limitée pour la sauvagine (Blanchard, 1976). L’Hibiscus moscheutos occupe des milieux humides ouverts et dépend donc probablement d’incendies, d’inondations, de sécheresses ou de perturbations anthropiques périodiques, qui réduisent l’ombrage dû aux arbres et arbustes et dégagent le milieu.

Reproduction

Au moment de la rédaction du premier rapport de situation, on en savait fort peu sur la biologie de la reproduction de l’H. moscheutos. Cependant, ces lacunes ont été comblées par une série d’études récentes, dont celles de Spira (1989), Snow et Spira (1991a), Snow et Spira (1991b), Spira et al. (1992), Snow et Spira (1993), Snow et Spira (1996), Snow et al. (1996), Spira et al. (1996) et Snow et al. (2000).

Les populations d’Hibiscus moscheutos sont constituées de ramets (tiges végétatives ayant le potentiel de vivre en autonomie) et de genets (plantes issues de graines). Les genets peuvent être multipliés par voie végétative, mais ils ne se reproduisent pas par clonage dans des conditions naturelles (Snow et al., 2000). Les plantes individuelles (genets) produisent de multiples tiges à partir d’un système racinaire vivace fasciculé dense. Les « touffes » ainsi formées, composées de tiges à fleurs s’élevant au nombre de quelques-unes à 70, ont un diamètre de 1 à 2 mètres (aucun étalement latéral) et une hauteur de 1 à 2 mètres. À l’apogée de la floraison, on peut compter plus de 20 fleurs ouvertes en même temps sur les plus grandes plantes (Ford, 1985; Spira, 1989; Snow et al., 1996). La reproduction végétative semble jouer un rôle important, les touffes étant capables de produire de nouvelles tiges à fleurs chaque année. Les touffes peuvent être fragmentées et dispersées par l’action du vent et des vagues, ce qui facilite la colonisation de nouveaux endroits.

L’Hibiscus moscheutos produit des fleurs chasmogames et son système de reproduction tend à favoriser la pollinisation croisée, entre individus distincts (Blanchard, 1976) (les fleurs chasmogames sont des fleurs qui s’ouvrent pour exposer les organes reproducteurs; cela facilite la pollinisation croisée mais n’exclut pas l’autopollinisation). L’H. moscheutos est toutefois clairement autocompatible, ses ovules pouvant être fécondés par autofécondation (Spira, 1989). Les stigmates dépassent nettement les anthères les plus longs, ce qui empêche une autopollinisation automatique. La pollinisation par le vent est improbable, car les grains de pollen sont collants et tendent à s’agglutiner. Spira (1989) a observé que des fleurs couvertes d’une couche unique de gaze (laissant passer le pollen mais pas les insectes pollinisateurs) ont accumulé peu ou pas de grains de pollen sur les stigmates et n’ont pas produit de fruits, ce qui indique que l’espèce n’est pas apomictique et qu’un vecteur autre que le vent est requis pour assurer la pollinisation. L’auteur conclut que « l’écart entre les anthères et les stigmates (herkogamie) suffit pour prévenir efficacement l’autopollinisation chez cette espèce autocompatible. L’herkogamie n’empêche pas toutefois la pollinisation entre des fleurs de la même plante (géitonogamie). Bien que les clones d’H. moscheutos soient composés de nombreuses tiges, le nombre de fleurs ouvertes présentes durant une journée est généralement inférieur à cinq. Dans une journée donnée, la plupart des tiges ne donnent aucune fleur ouverte, et celles qui le font en donnent généralement une ou deux seulement. La relativement petite quantité de fleurs ouvertes par genet à n’importe quel moment devrait diminuer la géitonogamie et favoriser la pollinisation croisée, entre individus distincts, chez cette espèce » (Spira, 1989, traduit de l’anglais).

Selon Snow et al. (1996), la géitonogamie peut se traduire par un taux d’autogamie plus élevé.

Les fréquentes visites des pollinisateurs sur les fleurs très voyantes de la plante donnent lieu à une forte compétition pour les ovules entre les tubes polliniques (Snow et al., 1996). Snow et Spira (1993), dans leur étude des taux de croissance relatifs des tubes polliniques, ont observé que les résultats concernant la performance relative des tubes polliniques en cas d’autofécondation ou de pollinisation croisée (entre individus distincts) étaient variables, la compétition entre les tubes polliniques ne semblant pas constituer un mécanisme général permettant d’accroître la proportion de descendants issus de la pollinisation croisée entre individus distincts chez l’H. moscheutos.

Les pollinisateurs efficaces de l’H. moscheutos sont une espèce d’abeille solitaire de l’ordre des Anthophoridés (Ptilothrix bombiformis) et des bourdons (Bombus spp.) (Blanchard, 1976; Spira, 1989; Snow et Spira, 1993). À la différence de bien d’autres Malvacées, l’H. moscheutos porte ses fleurs avec leur axe de symétrie plus ou moins à l’horizontale. Chez les grandes fleurs, cette orientation permet de restreindre aux organes reproducteurs les surfaces sur lesquelles les insectes peuvent se poser. Chez l’H. moscheutos, les branches du style sont tournées vers le haut et les stigmates sont gros et aplatis. Cette morphologie particulière offre aux insectes des surfaces invitantes.

D’après les études de Blanchard (1976) et Spira (1989) sur des populations d’H. moscheutos des États-Unis, la pollinisation est surtout assurée par une seule espèce d’abeille non sociale, le Ptilothrix bombiformis (famille des Apidae), dont l’activité se concentre en grande partie autour de cette plante; l’apparition et la disparition des insectes adultes coïncide largement avec la floraison de l’H. moscheutos. Il semble que le seul pollen utilisé par cette espèce soit celui de plusieurs espèces d’Hibiscus. Lorsqu’elle visite une fleur, cette abeille se pose sur les stigmates tournés vers le haut, puis se dirige vers la base de la fleur en se faufilant entre les nombreuses anthères chargées de pollen. L’abeille quitte généralement la fleur depuis la partie inférieure des pétales et, de ce fait, n’entre pas en contact de nouveau avec les stigmates. Les femelles sont les principales collectrices de pollen, qu’elles récoltent pour approvisionner le nid. La surface ventrale des femelles en quête de pollen en devient généralement couverte. De même, les abeilles à la recherche de nectar passent souvent sur les anthères pour atteindre les nectaires à la base de la fleur et accumulent ainsi de grandes quantités de pollen sur leurs surfaces ventrales. Les mâles, pour leur part, peuvent s’abreuver de nectar mais ne récoltent pas de pollen. Ils passent la plupart du temps à la recherche de femelles dans les fleurs. Pendant la nuit et par mauvais temps, on peut trouver des mâles endormis dans les fleurs, enroulés autour de la base du tube staminal (Blanchard, 1976; Spira, 1989; Spira et al., 1992).

Spira (1989) et Spira et al. (1992) ont conclu que la plupart des visites des P. bombiformis et des Bombus ne donnent pas lieu à une pollinisation, car les individus n’entrent pas souvent en contact avec les stigmates. Selon leurs études, seulement 27 p. 100 des P. bombiformis et B. pennsylvanicus butineurs sont entrés en contact avec un stigmate pendant leur recherche de nectar ou de pollen. Cependant, lorsqu’ils sont entrés en contact avec un stigmate, ils y ont déposé généralement une grande quantité de pollen (jusqu’à 889 grains), soit jusqu’à 14 fois plus de grains de pollen qu’il y avait d’ovules dans les ovaires.

Les deux espèces pollinisatrices, le Bombus et le Ptilothrix, repèrent les fleurs de l’H. moscheutos par leurs pétales, car elles ignorent presque complètement les fleurs dont on a retiré 100 p. 100 des pétales (Kudoh et Whigham, 1998).

Parmi les autres insectes qui visitent les fleurs, on note plusieurs espèces de papillons diurnes et nocturnes, de petites abeilles et de Diptères, mais aucune de celles-ci ne semble être un pollinisateur efficace (Spira, 1989; Spira et al., 1992).

Fait important, le P. bombiformis n’a jamais été signalé au Canada (Mitchell, 1962), et cette espèce n’a pas été observée pendant la présente étude. L’Apis mellifera et les Bombus spp. ont été les seuls insectes visiteurs signalés durant les relevés sur le terrain pour le rapport de 1985, mais l’activité des pollinisateurs était faible dans toutes les localités étudiées. La rareté des pollinisateurs au cours de l’étude pourrait tout simplement être attribuable au fait que les recherches ont été effectuées pendant une période de faible activité des pollinisateurs. Par ailleurs, il se peut que les pollinisateurs comme le P. bombiformis soient absents de la périphérie de l’aire de répartition de l’H. moscheutos.

Spira et al. (1992) ont démontré que, chez H. moscheutos, la production de graines n’est clairement pas limitée par le pollen. Entre 65 p. 100 et 97 p. 100 des fleurs échantillonnées dans leur étude portaient un excédent de pollen sur leurs stigmates après deux ou trois heures d’exposition aux pollinisateurs, ce qui laisse croire que la compétition entre grains de pollen est fréquente.

Biologie des graines

Le fruit est une capsule qui s’ouvre à la fin de l’automne et qui donne des graines rondes à enveloppe dure de moins de 3 mm (Cahoon et Stevenson, 1986).

La grenaison semblait forte chez de nombreux spécimens examinés dans des herbiers pour le premier rapport de situation, mais le pourcentage de capsules matures produites dans une population et le nombre de graines viables par capsule sont inconnus.

Schull et Tachibara (dans Blanchard, 1976) ont démontré qu’une concentration élevée de H2SO est requise pour obtenir un pourcentage élevé de germination des graines.

D’après leurs études sur l’H. moscheutos dans la baie de Chesapeake, Kudoh et Whigham (2001) ont conclu que la maturation des fruits prend de trois à quatre semaines, la plupart des graines étant libérées des fruits déhiscents en octobre et en novembre. Chaque capsule produit environ 120 graines (Spira, 1989).

Dans leur examen du réservoir de semences d’un marais d’eau douce à marée du New Jersey, qui comprenait l’Hibiscus moscheutos, Leck et Graveline (1979) ont conclu que la très faible germination de graines dans la couche de profondeur 8-10 cm pourrait signifier que dans les sols saturés des marais, la dormance et la longévité sont prolongées. Hall et al. (dans Blanchard, 1976) ont observé que les graines de l’H. laevis demeurent en dormance lorsque submergées dans un bassin expérimental, mais germent rapidement et abondamment lorsque le bassin est asséché. Cette adaptation est probablement un important mécanisme pour la colonisation des vasières et des zones récemment asséchées chez l’H. laevis et d’autres espèces apparentées.

Écologie des semis

Bien que l’H. moscheutos soit une plante vivace, il est capable de coloniser des amas de déblais nouvellement formés et d’y fleurir en moins d’un an.

On présume que, au fur et à mesure de sa maturation, la plante développe ses racines et est capable de produire plus de tiges à fleurs chaque année. Par contre, comme les grosses touffes peuvent être fragmentées, il est impossible de distinguer les vieilles touffes fragmentées des jeunes plantes.

Hybridation

Il existe de nombreux hybrides cultivés de l’H. moscheutos avec d’autres membres du genre Hibiscus. Certains cultivars commerciaux proviennent de ces hybridations (Blanchard, 1976). Dans des conditions horticoles, des croisements avec l’H. moscheutos ssp.lasiocarpos, l’H. grandiflorus, l’H. laevis, l’H. coccineus, l’H. dasycalyx et l’H. mutabilis ont été réalisés avec un succès variable. Le seul hybride naturel connu est un croisement entre l’H. grandiflorus et l’H. laevis, mais il est rare. L’Hibiscus grandiflorus a des pollinisateurs différents et est largement allopatrique avec l’H. moscheutos, alors que l’H. laevis produit avec ce dernier des hybrides semi-létaux et en est séparé par des barrières écologiques (Blanchard, 1976). Wise et Menzel (1971) ont noté une diminution de la fructification et de la grenaison chez des hybrides entre des membres de populations du sud des États-Unis de l’H. moscheutos et de l’H. laevis. Stout (1917) a rapporté que certaines races d’H. moscheutos s’hybrident facilement avec l’H. laevis pour donner une descendance F1 très fertile. Klips (1999) a noté que les habitats de l’H. moscheutos (marais ouverts) et de l’H. laevis (berges de rivières calmes) se fondent parfois et estime que là où les plantes sont suffisamment rapprochées pour que les pollinisateurs puissent visiter les fleurs des deux espèces, une certaine hybridation serait possible. Il ajoute que les hybrides seraient rares en raison de l’apparente compétition entre les grains de pollen observés dans son étude, mais que, compte tenu de la facilité avec laquelle quelques hybrides ont été formés lors de ses observations, l’introgression entre populations serait chose possible. Ce phénomène n’avait pas été détecté entre l’H. moscheutos et l’H. laevis à la date de ses travaux, en 1999.

Une race naine de l’H. moscheutos a été signalée à Long Island, New York (Stout, 1917). Ces plantes, pourtant toutes âgées de plusieurs années, ne dépassaient pas 26 pouces de hauteur. Stout a transplanté 25 de ces plantes dans des parcelles expérimentales au jardin botanique de New York. Si les résultats de cette transplantation ont jamais été publiés, ils n’ont pas été retrouvés par les auteurs.

Physiologie

Spira (1989) estime que des sécheresses régionales sévères pourraient influer sur la fructification de l’H. moscheutos; durant la sécheresse de juillet et août 1986, survenue au moment de la floraison et de la fructification, il a observé des symptômes de stress hydrique, notamment l’inclinaison des tiges et le flétrissement des feuilles. Il a constaté que la fructification était extrêmement faible cette année-là par comparaison aux autres années sans sécheresse, mais que la grenaison dans les fruits qui étaient parvenus à se développer était demeurée assez forte.

Dans une station expérimentale au Maryland, Snow et Spira (1996) ont étudié les effets de la salinité et d’un taux élevé de nutriments dans le sol sur la performance du pollen chez l’H. moscheutos. Ils ont constaté que leurs traitements avec apport en sel et en nutriments ont causé une baisse de la croissance végétative, de la quantité de fleurs et de la taille des pétales par comparaison au traitement témoin, mais n’ont eu aucun effet sur la longueur du style ou le succès de paternité par suite des pollinisations par des donneurs mixtes. Le traitement avec fort apport en nutriments a augmenté légèrement la croissance de la plante et la taille des pétales par comparaison au traitement témoin, mais ce traitement n’a aussi eu aucun effet sur la longueur du style ou la compétitivité du pollen. Les auteurs ont conclu que la longueur du style et, ce qui est plus important, le nombre d’ovules fécondés étaient protégés contre ces variations environnementales (ils signalent cependant que d’autres conditions environnementales non testées pourraient avoir un effet sur ces caractéristiques), alors que la production de fleurs et la longueur des pétales ne l’étaient pas.

Phénologie

L’Hibiscus moscheutos est une espèce à longue floraison, celle-ci s’étendant du 25 juillet au 25 septembre et atteignant son apogée dans la deuxième semaine d’août (Botham, 1981). Une tige peut porter jusqu’à huit fleurs et les grosses touffes peuvent en porter des centaines. Les fleurs émergent des aisselles des feuilles supérieures (une seule fleur par aisselle) et demeurent ouvertes quelques jours seulement avant de flétrir. Les fleurs présentent une séquence de changements d’orientation au cours de leur développement. Au stade de boutons, elles sont dressées, alors qu’à l’anthèse (période entre l’épanouissement de la fleur et la grenaison) les pédoncules se plient pour orienter les fleurs ouvertes à l’horizontale. Après l’anthèse, les pédoncules s’épaississent et s’allongent avec la maturation du fruit. Les fruits pleinement développés sont visibles peu après la floraison et demeurent fixés à la plante. Toutefois, les pédoncules ont près de leur point insertion une zone d’abscission qui assure la chute des fleurs avortées ou non fécondées (Blanchard, 1976).

La périodicité diurne de l’H. moscheutos fait l’objet de recherches depuis des années. Alexander F. Skutch, ornithologue de réputation mondiale, a étudié l’H. moscheutos au Maryland il y a 75 ans (Skutch et Burwell, 1928). Ces chercheurs ont constaté qu’à la mi-août, la plupart des fleurs sont presque complètement épanouies vers 7 h 30 ou 8 h. Ils ont observé une pollinisation et remarqué qu’à 16 h, la fermeture des corolles était perceptible et qu’à 18 h, elles étaient complètement fermées. Ils ont constaté que les fleurs ne s’épanouissaient qu’une seule journée et ne s’ouvraient pas le lendemain matin, ne demeurant donc pleinement ouvertes que pendant neuf heures ou moins. Par expérimentation, ils ont constaté une différence entre les fleurs d’H. moscheutos pollinisées et non pollinisées; les fleurs dont ils ont empêché la pollinisation sont demeurées épanouies deux jours ou plus. Grâce à ces travaux, ils ont souligné l’importance de tenir compte du succès de la pollinisation lors de la détermination de l’anthèse, facteur ayant été apparemment négligé depuis l’horloge florale de Linné.

Dispersion

Les graines sont mangées par le Colin de Virginie, la Sarcelle à ailes bleues, le Canard pilet et le Canard branchu (Blanchard, 1976). Elles ont une enveloppe dure et sortent probablement intactes du tube digestif (Blanchard, 1976). Elles ont une valeur nutritive limitée pour la sauvagine (McCormick et Somes, 1982, dans Cahoon et Stevenson, 1986).

Les graines de l’H. moscheutos peuvent flotter longtemps et, puisque les plantes occupent des marais riverains, il est possible que les graines parcourent de grandes distances, transportées par le courant et particulièrement par les fortes ondes de tempête (Cahoon et Stevenson, 1986). Spira (1989) a démontré que les graines flottent et semblent être dispersées par l’eau. En étudiant le réservoir de semences d’un marais d’eau douce à marée du New Jersey, Leck et Graveline (1979) ont constaté que les semis d’H. moscheutos étaient abondants le long des berges d’un cours d’eau, ce qui laisse croire à une dispersion efficace par l’eau (hydrochorie). Kudoh et Whigham (2001) ont démontré l’importance de l’hydrochorie pour les métapopulations d’Hibiscus moscheutos dans le milieu intertidal de la baie de Chesapeake. Dans leur étude de 1997, menée également dans la baie de Chesapeake, ils concluent que le comportement des pollinisateurs ne peut expliquer à lui seul la panmixie presque complète (échange généralisé d’allèles) au sein de populations d’H. moscheutos, et estiment que les graines sont largement disséminées lorsque les sites sont inondés. Selon eux, le mélange spatial des génotypes par hydrochorie atténue probablement l’effet des croisements entre individus étroitement apparentés. Malgré l’évident flux génique entre les populations d’H. moscheutos, une différenciation génétique importante existe entre les populations, surtout chez celles qui sont plutôt isolées des chenaux de marée (Kudoh et Whigham, 1997).

Alimentation et relations interspécifiques

Comme la plupart des plantes phanérogames, l’H. moscheutos peut être en association étroite avec ses pollinisateurs et dépend d’eux pour le succès de sa reproduction sexuée. Cependant, les insectes n’ont pas que des effets bénéfiques pour la ketmie. Deux Coléoptères, l’Althaeus hibisci et le Conotrachelus fissunguis sont des parasites connus des graines d’Hibiscus. Les Althaeus hibisci se nourrissent de pollen et de nectar et se rassemblent dans l’espace entre la corolle et le calice. Cachées dans cet espace, les femelles attendent le flétrissement de la corolle, signe que la pollinisation a eu lieu. Elles déposent alors leurs œufs sur l’ovaire nouvellement fécondé. Dès son éclosion, la larve perce la paroi de l’ovaire, pénètre dans une loge, puis dans la graine en développement. Les graines parasitées semblent se développer normalement pendant que les larves dévorent leur contenu. La nymphose a lieu dans la graine et l’adulte émerge au moment de la déhiscence de la capsule (Blanchard, 1976). Blanchard (1976) a constaté un taux élevé de parasitisme en conditions naturelles et pense que les infestations peuvent atteindre un niveau pouvant nuire au succès reproducteur d’une population.

L’autre Coléoptère parasitant les graines d’H. moscheutos est le charançon C. fissunguis. Il semble que les adultes mangent la base des pétales et déposent leurs œufs dans la capsule en maturation. Les larves se nourrissent du contenu des graines et des parois des loges et tombent au sol à la déhiscence. La nymphose a lieu dans le sol (Blanchard, 1976).

Dans le cadre d’une étude de deux ans (1985, 1986) sur des populations d’H. moscheutos menée dans la baie de Chesapeake, Spira (1989) a constaté qu’environ 53 p. 100 et 89 p. 100 des graines (dont 88 p. 100 étaient viables) présentes dans les fruits étaient détruites par l’A. hibisci ou le C. fissunguis, respectivement. Il a conclu que la prédation des graines sur la plante même ont compromis considérablement le succès reproducteur de l’H. moscheutos. D’après leurs études sur les prédateurs de graines dans un marais à H. moscheutos du Maryland, Kudoh et Whigham (1998) ont conclu que la quantité finale de graines variait considérablement en fonction de la densité des larves d’Althaeus hibisci et de Conotrachelus fissunguis. De même, Bauman et al. (2001) ont constaté, dans une étude menée sur la rive du lac Érié en Ohio, que les ravages causés par l’A. hibisci et le C. fissunguis ont été maximaux chez les fleurs qui se sont épanouies avant l’apogée de la floraison et se sont amenuisés au fur et à mesure que la saison avançait. Compte tenu de l’ampleur constatée des ravages sur les fruits et les graines, les auteurs émettent les hypothèses que la floraison synchronisée pourrait représenter un avantage considérable pour l’H. moscheutos et que la fécondité des plantes semble davantage limitée par les prédateurs des graines que par les effectifs de pollinisateurs, des études antérieures ayant démontré que la production de graines n’était pas limitée par les pollinisateurs.

Parmi les autres insectes parasitant l’H. moscheutos, on compte le Paragrilus tenuis, Buprestidé qui perce les tiges, l’Ectemnius paucimaculatus, guêpe de la famille des Sphécidés qui niche dans les tiges, l’Argidé Atomacera decepta, l’enrouleuse Chionodes hibiscella et le papillon de nuit Acontia delecta (Cahoon et Stevenson, 1986; Blanchard, 1976). D’après leurs études dans des sites du New Jersey, Weiss et Dickerson (1919, dans Cahoon et Stevenson, 1986), concluent que l’H. moscheutos semble offrir aux insectes un substrat très comestible et diversifié, non inondé par les marées et les tempêtes. Cela pourrait expliquer selon eux pourquoi plus de 30 espèces connues d’insectes infestent les feuilles, les tiges et les fleurs de cette plante. On ignore l’abondance de ces divers parasites dans les populations ontariennes de l’H. moscheutos.

Adaptabilité

L’Hibiscus moscheutos occupe des milieux humides ouverts et dépend donc probablement d’incendies, d’inondations, de sécheresses ou de perturbations anthropiques périodiques, qui réduisent l’ombrage dû aux arbres et arbustes et dégagent le milieu. Farney et Bookout (1982) ont décrit comment des hausses du niveau du lac Érié ont transformé des zones de végétation émergente en eau libre et pratiquement éliminé de grands couverts végétaux communs, comme ceux d’H. moscheutos. D’autre part, de grandes zones d’eau peu profonde ont favorisé l’expansion de populations de ketmies; les conditions idéales pour la plante semblent être un régime régulé de niveau d’eau avec des rabattements partiels annuels. La hausse du niveau d’eau de même qu’un rabattement total pourraient avoir des conséquences néfastes pour les populations de ketmies. Cependant, dans la mesure où elles sont de courte durée, ces conditions sont probablement bénéfiques, du fait qu’elles éliminent les espèces concurrentes et créent un environnement ouvert.

La rustique ketmie est cultivée depuis très longtemps aux États-Unis et en Europe; l’Hibiscus moscheutos et l’H. palustris sont mentionnés dès 1807 dans le catalogue de John Bartram and Son (Philadelphie). Depuis 1850 environ, les différentes espèces de ketmies figurent régulièrement dans les catalogues horticoles européens, et au moins une race d’H. moscheutos est naturalisée en Europe (Winters, 1970). Depuis le début des années 1900, on a hybridé avec succès l’H. moscheutos avec des sujets issus des espèces H. coccineus, H. laevis et H. grandiflorus pour obtenir plusieurs hybrides F1 très répandus, notamment la ‘Dixie Belle’, la ‘Southern Belle’ et sa version naine, la ‘Disco Belle’. On peut se procurer les graines de ces hybrides par catalogue, par exemple auprès de Thompson & Morgan, Chiltern, Park, Stokes et Sakata, et ces plantes conviennent aux zones 5 à 10 de l’USDA. Les variétés de jardin fleurissent de 135 à 150 jours après la mise à la terre de la graine. Elles peuvent être parties en février ou en mars dans des serres climatisées et cultivées dans de grands pots individuels. L’immersion des graines pendant 24 heures avant la mise en terre favorise la germination. On doit laisser germer les graines durant une à deux semaines à 21 °C. L’hybride connu sous le nom de ‘Meehan’s Mallow Marvels’, qui s’est longtemps vendu sur le marché horticole, était obtenu par le croisement d’un hybride rustique à fleurs rouges H. coccineus X H. militaris avec l’H. moscheutos (Wise et Menzel, 1971; Vesterin, 1997).

L’H. moscheutos supporte bien la transplantation lorsqu’il est en pleine floraison et peut aussi facilement être cultivé à partir de la graine, qui, si elle est plantée assez tôt, produira une plante qui donnera des fleurs dans la première saison (Winters, 1970).

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