Rorqual commun (Balaenoptera physalus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 5

Répartition

Aire de répartition mondiale et structure des stocks

Le rorqual commun est considéré comme une espèce cosmopolite (figure 1) qui vit dans tous les grands océans, mais il est plus abondant dans les eaux tempérées et polaires (Leatherwood et al., 1988; Reeves et al., 2002). L’espèce vit aussi bien dans les eaux côtières des plateformes continentales qu’en haute mer (Jefferson et al., 1993). Selon Aguilar (2002), les populations de rorquals communs sont plus denses au-delà de la pente continentale que près des côtes et elles semblent être absentes de la lisière des glaces et de la plupart des zones équatoriales.

D’après Gambell (1985), l’aire de répartition estivale de l’espèce dans l’Atlantique Nord s’étend jusqu’en Arctique, tandis que l’aire de répartition hivernale, beaucoup plus vaste, va de la lisière des glaces jusqu’aux Antilles. Selon Rice (1998), l’aire de répartition estivale est délimitée au nord par la baie de Baffin (75e parallèle Nord) et le Spitzberg (80parallèle Nord) et au sud par le cap Hatteras (35e parallèle Nord), alors que des individus ont été aperçus des Grands Bancs jusqu’au golfe du Mexique en hiver. D’après Mitchell (1974), les rorquals communs passent l’hiver aux environs du 35e parallèle Nord, entre la côte du continent nord-américain et le rebord de la plateforme continentale. On sait cependant encore peu de choses sur la pleine étendue de l’aire de répartition estivale et hivernale de l’espèce, sans doute en raison de sa nature pélagique (Notarbartolo-Di-Sciara et al., 2003).

Figure 1. Aire de répartition mondiale du rorqual commun, selon Perry et al.(1999). Réimpression autorisée.

Figure 1. Aire de répartition mondiale du rorqual commun, selon Perry et al.(1999). Réimpression autorisée.

Dans le Pacifique Nord, l’aire de répartition estivale connue de l’espèce est circonscrite au nord par la mer d’Okhotsk (50e parallèle), la mer de Béring (60eparallèle) et le golfe d’Alaska (58parallèle) et au sud par la mer du Japon (40e parallèle Nord) et les eaux situées au large des côtes de la Californie (32e parallèle Nord). L’aire de répartition hivernale connue s’étend de la Corée à Taïwan et jusqu’à la Basse-Californie en passant par Hawaï, le gros de la population étant apparemment concentré en haute mer(Leatherwood et al., 1988).

La Commission baleinière internationale reconnaît l’existence de sept stocks de rorquals communs dans l’Atlantique Nord(Donovan, 1991), dont deux – celui de Terre-Neuve-et-Labrador et celui de la Nouvelle-Écosse – passent l’été en grande partie dans les eaux canadiennes. Selon le National Marine Fisheries Service (NMFS) des États-Unis, les eaux territoriales américaines n’en abritent qu’un seul, appelé « stock de l’ouest de l’Atlantique Nord ». Même s’il pourrait exister jusqu’à trois stocks canadiens sur la côte est – celui de Terre-Neuve-et-Labrador, celui de la Nouvelle-Écosse et celui du golfe du Saint-Laurent (Mitchell, 1974) – la question de la structure des stocks de l’Atlantique Nord n’est pas encore résolue (Waring et al.,2002).

À la lumière de récentes analyses génétiques, on a pu établir une distinction entre les populations de l’est et de l’ouest de l’Atlantique Nord. Cependant, il a été impossible de déceler des différences génétiques significatives entre les individus du golfe du Saint-Laurent et ceux du golfe du Maine(Bérubé et al., 1998). En 1997, Coakeset al.(en cours de rédaction)ont photo-identifié 36 individus près de Halifax. Neuf d’entre eux avaient été photographiés antérieurement dans le golfe du Maine, et trois autres, dans le golfe du Saint-Laurent. Des chercheurs basés aux îles Mingan, sur la côte nord du golfe du Saint-Laurent, ont documenté de nombreux échanges partout dans le golfe du Saint-Laurent, en Nouvelle-Écosse et dans le golfe du Maine (Richard Sears, comm. pers.; Mingan Island Cetacean Study, 285, rue Green, Saint-Lambert [Québec], CANADA, J4P 1T3). Ces observations donnent à entendre qu’au moins les stocks présumés de la Nouvelle-Écosse et du golfe du Saint-Laurent seraient issus de la même population.

La Commission baleinière internationale considère les rorquals communs de la partie est du Pacifique Nord comme un seul et même stock, tandis que le NMFS reconnaît l’existence de trois stocks distincts : le stock du Pacifique Nord-Est, le stock de Hawaï et le stock de la Californie, de l’Oregon et du Washington(Carrettaet al., 2002). En se fondant sur des données histologiques et des données de marquage, Fujino (1960)est arrivé à la conclusion que le Pacifique Nord abrite deux populations, l’une de l’est et l’autre de l’ouest. De plus, les données de marquage semblent indiquer que, dans une certaine mesure, les rorquals communs observés au large de la Colombie-Britannique forment un groupe isolé.

Certaines données attestent l’existence de plus d’un stock, ou du moins de plusieurs lieux d’alimentation, dans l’est du Pacifique Nord. Les rorquals communs qui demeurent à l’année dans le golfe de Californie (Tershy et al., 1990)forment une population génétiquement isolée (Bérubé et al.,2002). On observe également des troupeaux présents à l’année dans les eaux bordant le centre-sud de la Californie (Forneyet al., 1995). Certains groupes passent l’été dans les eaux de l’Oregon, tandis que d’autres occupent le détroit de Shelikof et le golfe d’Alaska en été et en automne (Carrettaet al., 2002). Les marques récupérées dans l’est du Pacifique Nord permettent de supposer que les rorquals communs passent l’été entre l’Alaska et le centre de la Californie (Rice, 1974).

Les stocks du Pacifique Nord-Est et de la Nouvelle-Écosse, et peut-être celui de la Californie, de l’Oregon et du Washington, sont transfrontaliers, les régions qu’ils fréquentent étant situées dans les eaux territoriales du Canada et des États-Unis (figure 2). Les stocks présumés du golfe du Saint-Laurent et de Terre-Neuve et du Labrador passeraient l’été principalement dans les eaux canadiennes.

Aire de répartition canadienne

Au Canada, le rorqual commun est observé et signalé beaucoup plus souvent dans l’Atlantique que dans le Pacifique. Cette différence s’explique, du moins en partie, par des efforts d’observation plus intenses dans l’aire de répartition de l’espèce du côté de l’océan Atlantique.

Figure 2. Aire de répartition approximative du rorqual commun à l’intérieur et autour des eaux canadiennes.

Aire de répartition approximative du rorqual commun à l’intérieur et autour des eaux canadiennes

Le Balaenoptera physalus est communément observé en été le long de la côte est de l’Amérique du Nord. Il en va de même pour les mois d’hiver, en particulier le long de la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse (Brodie, 1975; Gaskin, 1982). Des rassemblements estivaux ont été notés au large de Terre-Neuve, dans le Saint-Laurent, sur la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse et dans la baie de Fundy (Mitchell, 1974; Perkins et Whitehead, 1977; Sergeant, 1977).

Parmi toutes les grandes baleines qui fréquentent la baie de Fundy, les rorquals communs sont les plus nombreux de juin à l’automne (Gaskin, 1983). La base de données du North Atlantic Right Whale Consortium (NARWC) contient de nombreuses mentions provenant de cette région (Kate Bredin, comm. pers.; Centre de données sur la conservation du Canada atlantique, Mount Allison University, C.P. 6416, Sackville [Nouveau-Brunswick], E4L 1G6). La base de données sur les espèces en péril tenue par le MPO (Sean C. Smith, comm. pers.; ministère des Pêches et des Océans, Station biologique de St. Andrews, 531 Brandy Cove Rd., St. Andrews [Nouveau-Brunswick], E5B 2L9) fait état d’une série de mentions issues de cette région et de secteurs situés à la lisière de la plateforme néo-écossaise (figure 3). La majorité des mentions proviennent du programme d’observation en mer et d’entreprises offrant des croisières d’observation des baleines dans la baie de Fundy. Les mentions provenant de secteurs situés au large du Labrador et de l’île de Terre-Neuve (figure 4) sont réunies dans une base de données tenue par la Région de Terre-Neuve-et-Labrador du MPO (Jack Lawson, comm. pers.; Section des mammifères marins, Région de Terre-Neuve-et-Labrador, Pêches et Océans Canada, C.P. 5667, St. John's [Terre-Neuve-et-Labrador], A1C 5X1), et elles témoignent de la présence continue de rorquals communs dans ces eaux. Cette base de données renferme les observations faites lors de recensements aériens réalisés en 2002 et en 2003 et à partir desquelles on tirera des estimations de la densité et de l’abondance de l’espèce, estimations qui devraient être publiées en 2005 (J. Lawson, comm. pers.). Il n’a pas été possible d’obtenir une carte des mentions pour le Saint-Laurent.

Figure 3. Mentions tirées de la base de données sur les espèces en péril pour 1998 à 2003, principalement autour de la Nouvelle-Écosse, au Canada. La taille des points noirs est proportionnelle au nombre de spécimens observés. Données fournies par S.C. Smith (comm. pers.). Ligne isobathe de 200 m tracée par Stefen Gerriets (comm. pers.).

Mentions tirées de la base de données sur les espèces en péril pour 1998 à 2003, principalement autour de la Nouvelle-Écosse, au Canada. La taille des points noirs est proportionnelle au nombre de spécimens observés

Lors des recensements aériens réalisés entre le cap Hatteras, en Caroline du Nord, et la Nouvelle-Écosse (de 1978 à 1982), les rorquals communs représentaient 46 p.100 de toutes les grandes baleines observées et 24 p.100 de l’ensemble des mentions de cétacés (CeTAP, 1982). Selon ces recensements, les rorquals étaient largement disséminés sur l’ensemble de la plateforme continentale, certains ayant été observés bien loin des côtes dans des eaux de plus de 2 000 m de profondeur, preuve qu’il existe peu d’endroits entre le cap Hatteras et la Nouvelle-Écosse où les rorquals communs sont absents à l’année (Hain et al., 1992).

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, les rorquals communs étaient observés plus souvent et en plus grand nombre que toute autre espèce dans les territoires de chasse de la plateforme néo-écossaise (Mitchell et al., 1986). Les études réalisées à divers endroits sur la plateforme, entre la Nouvelle-Écosse et le Labrador, révèlent régulièrement la présence de rorquals communs (Perkins et Whitehead, 1977; Whitehead et Glass, 1985; Whitehead et al., 1998).

Figure 4. Mentions de rorquals communs à l’intérieur ou à proximité des eaux du Labrador et de l’île de Terre-Neuve depuis 1979. Recueillies principalement au gré des occasions à bord de navires, ces données préliminaires ne sont ni ventilées par saison ni corrigées pour tenir compte de l’intensité de l’effort. Elles reflètent un effort de recensement relativement limité (surtout en haute mer) et représentent les lieux où des rorquals communs sont susceptibles de se trouver dans la région (J. Lawson, comm. pers.).

 Mentions de rorquals communs à l’intérieur ou à proximité des eaux du Labrador et de l’île de Terre-Neuve depuis 1979. Recueillies principalement au gré des occasions à bord de navires, ces données préliminaires ne sont ni ventilées par saison ni corrigées pour tenir compte de l’intensité de l’effort

Certains animaux passent l’été près de Tadoussac, dans l’estuaire du Saint-Laurent, au Québec (Sergeant, 1977). En tout, 88 individus y ont été photo-identifiés entre 1986 et 2001 (Giard et al., 2001). De ce nombre, environ 30 p.100 sont considérés comme des résidents saisonniers, et les autres, comme des visiteurs réguliers ou occasionnels. Depuis 1998, la « courbe de découverte » par photo-identification s’est stabilisée à une moyenne de deux à quatre nouvelles mentions par année, ce qui donne à penser que la population de résidents saisonniers s’élève à quelque 26 individus (Giard et al., 2001). Sur la côte nord du golfe du Saint-Laurent, plus de 300 individus différents ont été photo-identifiés depuis le début des années 1980 (R. Sears, comm. pers.). 

Dans les eaux de la Colombie-Britannique, des rorquals communs étaient autrefois souvent observés dans les eaux côtières exposées (détroit d’Hécate et bassin de la Reine-Charlotte) et, à l’occasion, dans les eaux plus abritées du détroit de la Reine-Charlotte et du détroit de Géorgie (Pike et MacAskie, 1969). Selon les archives des sites baleinières de la Colombie-Britannique, seuls quelque 17 p.100 des spécimens dépecés dont les lieux de capture sont connus ont été tués sur la plateforme continentale (Gregr, 2004).

En comparant les dossiers des sites baleinières en exploitation autour du golfe d’Alaska, Gregr et al. (2000) ont conclu que l’espèce ne semblait pas se restreindre à certaines latitudes particulières. L’analyse des archives tenues par les sites baleinières de la Colombie-Britannique (figure 5) révèle que le rorqual commun fréquentait les secteurs situés le long de la plateforme continentale, les eaux exposées de l’entrée Dixon et du détroit d’Hécate et une région située au large de l’extrémité nord de l’île de Vancouver (Gregr et Trites, 2001).

Figure 5. Captures géoréférencées de rorquals communs (croix, carte A) par des chasseurs travaillant à partir des sites baleinières de la Colombie-Britannique entre 1907 et 1967; prédictions relatives à l’emplacement de l’habitat essentiel de l’espèce (probabilités variant de faible [blanc] à élevé [noir], carte B), d’après une modélisation des relations avec les conditions océanographiques (données tirées de Nicholet al.[2002]; figures tirées de Gregr et Trites [2001]).

Captures géoréférencées de rorquals communs (croix, carte A) par des chasseurs travaillant à partir des sites baleinières de la Colombie-Britannique entre 1907 et 1967; prédictions relatives à l’emplacement de l’habitat essentiel de l’espèce (probabilités variant de faible [blanc] à élevé [noir], carte B), d’après une modélisation des relations avec les conditions océanographiques (données tirées de Nichol <em>et al.</em>[2002];figures tirées de Gregr et Trites [2001])

De nos jours, les rorquals communs qui fréquentent les eaux de la Colombie-Britannique sont surtout observés sur la côte ouest de l’île de Vancouver ainsi que dans les eaux du détroit d’Hécate et du bassin de la Reine-Charlotte. Au cours de récentes croisières organisées chaque année au printemps et en été (2001-2003), des rorquals communs ont régulièrement été aperçus au-delà de la plateforme continentale, près du rebord de la plateforme continentale à la hauteur du bassin de la Reine-Charlotte, dans le détroit d’Hécate et dans l’entrée Dixon (John K.B. Ford, comm. pers.; Pêches et Océans Canada, Station biologique du Pacifique, Nanaimo [Colombie-Britannique], V9R 5K6). La présence de rorquals communs est également signalée au large de l’extrémité sud de l’île de Vancouver en été (Brian Gisborne, comm. pers.; Juan de Fuca Express, 427-118, Menzies Street, Victoria [Colombie-Britannique], V8V 2G5). D’autres recensements effectués en août 2002 et 2003 ont permis de repérer des individus dans le bassin de la Reine-Charlotte et dans le détroit d’Hécate (J. Calambokidis, comm. pers.; Cascadia Research Collective, 218½ W. 4th Avenue, Olympia [Washington], 98501, États-Unis).

La base de données du réseau d’observation des cétacés en Colombie-Britannique (British Columbia Cetacean Sightings Network, BCCSN) contient 83 mentions de rorquals communs pour la période de 1985 à 2003; la majorité de ces observations ont été faites entre 1999 et 2003, par des plaisanciers dans la quasi-totalité des cas (Doug Sandilands, comm. pers.; Vancouver Marine Science Centre, P.O. Box 3232, Vancouver [Colombie-Britannique], V6B 3X8). Les mentions sont concentrées autour des îles de la Reine-Charlotte et dans le détroit d’Hécate, et certaines proviennent de secteurs situés au large de la côte ouest de l’île de Vancouver (figure 6). La base de données ne fait état d’aucune mention hivernale, pas plus qu’elle ne renferme d’information sur des spécimens observés récemment dans le détroit de Georgia (J.K.B. Ford, comm. pers.). De même, le dernier rapport d’examen sur la situation des mammifères marins dans le détroit de Georgia (Calambokidis et Baird, 1994) ne fait aucune allusion au rorqual commun.

Figure 6. Observations au gré des occasions de rorquals communs dans les eaux de la Colombie-Britannique et dans les environs (BCCSN, D. Sandilands, comm. pers.).

Observations au gré des occasions de rorquals communs dans les eaux de la Colombie-Britannique et dans les environs (BCCSN, D. Sandilands, comm. pers.)

Tous les ans de 1995 à 2002, le NMFS a effectué des recensements estivaux de deux semaines au large de la partie nord de l’État de Washington, et il n’a pas repéré un seul rorqual commun (Calambokidis et al., 2004). Les recensements aériens réalisés au large de la côte ouest de l’État de Washington et de la côte sud-ouest de l’île de Vancouver au début des années 1990 ont donné des résultats tout aussi infructueux (Green et al., 1992, cité par Calambokidis et al., 2004).

Lors d’un récent recensement par transect (2004) au-dessus des eaux côtières de la Colombie-Britannique, il n’a pas été possible de repérer assez de rorquals communs pour produire une estimation démographique. Cependant, les observations effectuées dans le bassin de la Reine-Charlotte et dans l’entrée Dixon ont permis de confirmer la faible étendue de l’aire de répartition de l’espèce dans les eaux côtières canadiennes du Pacifique (Rob Williams, comm. pers.; Raincoast Conservation Society, Pearse Island, P.O. Box 193, Alert Bay [Colombie-Britannique], V0N 1A0).

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