Chardon de Hill (Cirsium hillii) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 6

Biologie

Généralités

En 1990, The Nature Conservancy signalait le manque de données concernant les différentes étapes du cycle vital du chardon de Hill. Elle faisait valoir la nécessité d’accroître les connaissances sur la biologie et le cycle vital de l’espèce afin de pouvoir la gérer adéquatement. Dans un rapport sur la situation du C. hillii préparé pour le compte de l’US Fish and Wildlife Service, Penskar (2001) mentionnait qu’il n’avait trouvé sur Internet et dans les publications scientifiques pratiquement aucune information sur l’espèce ni aucune référence à des recherches sur l’espèce ou des contrôles de son effectif. Le fait que les recherches documentaires de Penskar soient demeurées infructueuses en dépit de tentatives répétées ne signifie pas qu’il n’existe pas de données sur ce taxon du Midwest américain, mais qu’il y en a peu d’accessibles. Penskar recommande que des études sur l’histoire naturelle des différents aspects de la biologie et de l’écologie du chardon de Hill soient entreprises en vue d’augmenter et d’orienter les programmes expérimentaux de gestion de l’espèce. Au moment où le présent rapport a été rédigé, les connaissances sur le C. hillii étaient toujours au même point. 

Reproduction

Le chardon de Hill est une vivace à durée relativement courte, puisqu’elle ne vit généralement que deux ou trois ans, rarement plus de quatre ou cinq (Ostlie et Bender, 1990). La plante fleurit un ou deux ans après l’établissement de la rosette basilaire (voir figure 4), le plus souvent durant sa troisième année (Higman et Penskar, 1999). Elle peut se multiplier par voie végétative, de nouvelles rosettes émergeant de bourgeons adventifs qui se forment sur les racines latérales. Un pied peut ainsi produire plusieurs rosettes (The Nature Conservancy, 1990; Higman et Penskar, 1999). La racine pivotante meurt avec le reste de la plante après la floraison. Les pousses issues des bourgeons racinaires avant que la plante meure poursuivent leur croissance au printemps suivant (The Nature Conservancy, 1990; Higman et Penskar, 1999).

Le taux de germination des graines observé en milieu naturel et en milieu contrôlé est faible (Ostlie et Bender, 1990). Certains chercheurs qui étudient le chardon de Hill dans son milieu naturel voient dans ce facteur la principale cause de la rareté de l’espèce. Ils pensent qu’une couche trop épaisse de litière peut nuire à la germination des graines et que les semis ont peut-être une capacité de compétition médiocre pour l’espace et la lumière. Or, la suppression du régime naturel d’incendies mène à une plus forte accumulation de la litière (Ostlie et Bender, 1990). Henderson a obtenu en serre un taux de germination de 10 à 20 p. 100 pour des graines semées en plateaux. Wade a également obtenu en serre un faible taux de germination pour des graines semées dans une couche de sol de ¼ pouce d’épaisseur; il a cependant observé un taux de germination sensiblement plus élevé pour les graines dispersées naturellement. Henderson pense que le faible taux de germination chez l’espèce est attribuable à une courte viabilité des graines, et Wade ajoute que le faible niveau d’éclairement est peut-être aussi en cause (Ostlie et Bender, 1990). Voici des indications sur la manière de semer les graines : « Semer à 68˚. Si les graines ne germent pas, les placer à 39˚ durant quatre semaines, puis répéter le cycle, entre 14 et 30 jours. Faire attention de ne pas perturber les racines. » (Anonyme, 2001).

Roberts et Chancellor (1979) ont réalisé des expériences intéressantes sur les graines de 7 espèces de Cirsium et de Carduus, dont le Cirsium eriophorum, le C. palustre, le C. vulgare et le C. arvense. Ils ont observé que plus de 90 p. 100 des semis de Carduus et de Cirsium émergeaient dans l’année suivant la mise en terre des graines et que la viabilité des graines dans un sol travaillé était relativement courte. Au Canada, Chepil (1946) a observé que les akènes du Cirsium arvense demeurent viables de 1 à 2 ans à 7,5 cm de profondeur dans un sol travaillé, et aux Pays-Bas, Bakker (1960) a observé qu’aucun akène n’était viable après avoir passé 10 mois enfouis à 1 cm de profondeur dans un sol travaillé. La viabilité des akènes du C. arvense est cependant beaucoup plus longue lorsque ceux-ci sont enfouis plus profondément dans un sol non travaillé. Ainsi, Bakker a constaté que les akènes enfouis à environ 40 cm de profondeur dans un sol non travaillé conservaient leur pouvoir germinatif pendant 4 ans; de même, on a observé des akènes viables après 21 ans aux États-Unis (Toole et Brown, 1946) et après 26 ans au Danemark (Madsen, 1962). Ces résultats donnent à croire que chez le C. arvense, la période de dormance naturelle des akènes est courte, mais que si la dormance est forcée (Harper, 1957), les akènes peuvent demeurer viables très longtemps. Il en est peut-être de même pour d’autres Cirsium et Carduus. Roberts et Chancellor (1979) ont observé la même tendance chez les 6 espèces de Carduus et de Cirsium étudiées : une proportion plus ou moins faible des akènes produits germent à l’automne de la même saison de végétation, tandis que la majorité germent le printemps suivant. Ils ont également constaté que dans la couche superficielle d’un sol travaillé, les graines ont une viabilité relativement courte, bien qu’elles peuvent demeurer longtemps viables, du moins celles du C. arvense, dans un sol non perturbé. (Ces résultats ne sont évidemment pas transposables au Cirsium hillii; ils sont présentés ici en raison du manque de données spécifiques concernant ce dernier.)

Le Cirsium hillii est pollinisé par au moins 4 espèces d’abeilles à longue langue, à savoir le Bombus pensylvanica et le Psithyrus variabilis, de la famille des Apidées, et le Megachile montivaga et le Megachile pugnatus, de la famille des Mégachilidées (Hilty, 2003).

La plante produit normalement une grande quantité de graines (TNC, 1990; Higman et Penskar, 1999).

D’après les notes de terrain de certains chercheurs et les observations personnelles d’Allen en 2002, il semble que le principal facteur limitant la capacité de l’espèce à se reproduire soit l’augmentation du couvert de la forêt environnante et la diminution de la quantité de lumière disponible qui en résulte. On peut constater l’effet du stress consécutif au manque de lumière aux sites 44 et 60, où les sous-populations poussant à l’ombre ne comptent que des individus végétatifs (rosettes).

Survie

Les fleurs et les graines sont vulnérables aux insectes et peut-être aux champignons (The Nature Conservancy, 1990).

Physiologie

Selon Moore et Frankton (1966), la floraison du Cirsium hillii se produit entre la deuxième semaine de juin et la deuxième semaine de septembre, le pic se situant entre la mi-juin et la fin juillet. En Ontario, la floraison a lieu entre la mi-juillet et la fin août (Moore et Frankton, 1974) (voir figure 8). Hill avait observé dans la région de Chicago que la floraison durait 6 semaines et était pratiquement terminée au 25 juillet. À ce moment, la plupart des fleurs avaient libéré leurs graines, et au début août, la plupart des tiges étaient flétries et sèches (Hill, 1910).

Figure 7. Cirsium hillii poussant dans une grande étendue dégagée, sur les dunes d’une savane à chêne rouge et à pin blanc du parc provincial de Wasaga Beach (juillet 1997).

Figure 7. Cirsium hillii poussant dans une grande étendue dégagée, sur les dunes d’une savane à chêne rouge et à pin blanc du parc provincial de Wasaga Beach (juillet 1997).
Figure 8. Cirsium hillii montant en graines; on peut voir à l’avant-plan le capitule de l’année précédente. Parc provincial de Wasaga Beach (juillet 1997). Toutes les populations ontariennes de l’espèce poussent sur des sols sableux calcaires ou de la roche dolomitique.
Figure 8. Cirsium hillii montant en graines; on peut voir à l’avant-plan le capitule de l’année précédente. Parc provincial de Wasaga Beach (juillet 1997).Toutes les populations ontariennes de l’espèce poussent sur des sols sableux calcaires ou de la roche dolomitique.

Déplacements et dispersion

L’étude réalisée en 1967 par Moore et Frankton sur 7 espèces de Cirsium (y compris C. pumilum ssp. hillii et ssp. pumilum) a révélé que de ce groupe, seul le C. pumilum, qu’on trouve aujourd’hui dans l’est, a un nombre chromosomique différent du nombre ancestral de 34, et les auteurs pensent que la réduction du nombre chromosomique à 30 chez cette espèce s’est peut-être accompagnée de changements génétiques qui ont rendu possible sa dispersion vers l’est. Un nombre d’autosomes de 30 est mentionné pour 9 spécimens de C. pumilum s.l. provenant de localités très éloignées les unes des autres et représentatives de l’aire de l’espèce, et le nouveau génome nucléaire semble stable.         

À maturité, le capitule se détache et est emporté par le vent (TNC, 1990), ce qui assure ainsi la dispersion des graines.

Comportement et adaptabilité

Le Cirsium hillii dépend de facteurs naturels de perturbation, surtout le feu mais aussi la sécheresse, pour le maintien du type de milieu nécessaire à sa survie. Dans toute l’aire de l’espèce, l’homme lutte contre les feux de végétation naturels depuis au moins 100 ans. Selon Penskar (2001), la principale menace pesant sur l’espèce aux États-Unis serait la perte progressive de son habitat par suite de la disparition du régime naturel d’incendies, qui laisse libre cours à la succession végétale, entraînant ainsi la fermeture du couvert forestier et une diminution consécutive du niveau d’éclairement au sol. Ces conditions ont rendu les colonies de C. hillii beaucoup plus vulnérables aux aléas ainsi qu’à de nombreuses pressions liées à l’activité humaine, notamment le développement, l’application d’herbicides, le pâturage, l’aménagement et l’exploitation du territoire à des fins récréatives, certaines pratiques agricoles et forestières, et diverses activités liées à l’entretien des emprises de voies ferrées, de routes et de pipelines. En Ontario, la situation est à peu près la même. Jones (2000), Morton (2002) et Johnson (2002) ont tous souligné l’importance du feu (et mentionné les traces ou l’absence de traces de feu) pour les sites ontariens de C. hillii. Il y a plus de 100 ans, la péninsule Bruce a été en grande partie dévastée par le feu. Johnson (2002) souligne l’importance de cet incendie pour l’habitat du C. hillii lorsqu’il précise qu’au site 52, l’espèce ne semble pousser que là où la forêt a été brûlée au début du 20e siècle. Fernald (1930) a été impressionné par la situation à l’île Great Cloche et mentionne que l’île Manitoulin, où il a fait des excursions, est en grande partie brûlée (Morton, comm. pers., 2002). Aujourd’hui, il n’y a presque plus de feux à l’île Manitoulin (Morton, comm. pers., 2002). Un autre facteur naturel de perturbation favorable au C. hillii est la fluctuation du niveau des eaux des Grands Lacs, qui a contribué à arrêter la succession végétale sur les rives du lac Huron et, ainsi, à sauvegarder les alvars (Morton, comm. pers., 2002).

Le C. hillii est vulnérable à la sécheresse extrême, mentionnée comme principale cause probable de la disparition de la population de Cook Prairie, la plus importante population d’Indiana (Penskar, 2001). Le fauchage, l’application d’herbicide, l’envasement lié au ruissellement sur les terres cultivées, la circulation de matériel lourd (écrasement de la végétation et compactage du sol) et les engins de débardage du bois sont d’autres facteurs également nuisibles. Dans plusieurs localités d’Ontario, on a observé une prédilection de l’espèce pour les milieux perturbés par l’activité humaine, par exemple les bords de sentiers ou de chemins d’approvisionnement de camps forestiers. Souvent, ces milieux sont les seuls où l’espèce a été observée, ou les seuls où des pieds reproducteurs ont été observés. Ainsi, Brunton (1989) mentionne qu’au site 60, tous les pieds poussent isolément sous le couvert de chênes rouges et de pins, sur les bords stabilisés des chemins de défense contre les incendies qui traversent les forêts sèches des hautes dunes. De même, dans sa description du site 22, Jones (2001) mentionne que les petites étendues où pousse le chardon de Hill sont coupées par une route, ce qui peut favoriser l’espèce car la route crée une ouverture non envahie par les fougères. 

On ne sait pas si la plantation en sillon du pin gris, technique employée au Michigan pour favoriser le rétablissement de la Paruline de Kirtland, une espèce menacée, et les autres techniques forestières pratiquées dans cet État sont favorables au chardon de Hill ou si l’espèce réussit tout simplement à s’y adapter. On pense que la plantation en sillon du pin gris associée à une révolution de 50 ans menace la survie du chardon de Hill (Penskar, 2001).  

Le C. hillii tolère une certaine dégradation du milieu. Comme il a déjà été mentionné, il peut recoloniser des pâturages et apparemment soutenir la compétition avec le trèfle blanc, le trèfle rouge, la phléole des prés, le pâturin des prés (Poa pratensis) et le pâturin comprimé (P. compressa) (Hill, 1910). Il peut aussi survivre dans les milieux broutés (Cusick, 1995). En Illinois, le C. hillii subsiste dans des reliquats de prairie dégradée au sein de cimetières, grâce au fauchage qui empêche l’établissement d’espèces ligneuses et tient la succession végétale en échec, mais qui par ailleurs empêche l’espèce de fleurir (Penskar, 2001).

Le C. hillii résiste mal à la compétition d’espèces envahissantes; il risque notamment d’être supplanté par le robinier faux-acacia (Robinia pseuodoacacia), le chèvrefeuille (Lonicera spp.) et les chardons envahissants (Penskar, 2001).

Dans un rapport de The Conservancy (Ostlie et Bender, 1990), on a mentionné que la possibilité de rétablissement du Cirsium hillii était incertaine. Jusque-là, les expériences de transplantation avaient donné des résultats mitigés, un grand nombre de tentatives s’étant soldées par un échec. Wade a obtenu un taux élevé de reprise des semis transplantés, pourvu qu’ils le soient au stade de rosette (Ostlie et Bender, 1990), avec ou sans motte de terre autour des racines. Henderson a également obtenu un taux élevé de reprise pour des chardons de Hill prélevés dans une prairie fraîchement labourée.

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