Léchéa maritime (Lechea maritima) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 9

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

De 2003 à 2006, toutes les populations connues ont fait l’objet de relevés, mais certaines portions de plusieurs sites n’ont pas été visitées. De plus, des relevés ont été effectués dans 25 sites potentiels, pour la préparation du présent rapport ainsi que dans le cadre de travaux sur le terrain réalisés pour le Centre d’information sur la conservation du Canada atlantique et pour l’Éco-centre Irving de la Dune de Bouctouche (figure 3). Jusqu’à présent, les relevés ont porté sur une vaste gamme d’habitats dunaires, mais tout particulièrement sur les grands systèmes dunaires stabilisés bordant la côte est du Nouveau-Brunswick et la côte nord de l’Île-du-Prince-Édouard. Au Nouveau-Brunswick, les activités de recherche ont été approfondies et ont visé presque tout l’habitat potentiel de l’espèce. Les dunes qui n’ont pas été visitées, dans le nord-est du Nouveau-Brunswick, sont des dunes littorales étroites, relativement peu stabilisées et donc moins aptes à abriter l’espèce. L’information disponible peut donc être considérée comme une représentation fiable de la répartition de l’espèce dans la province. À l’Île-du-Prince-Édouard, les systèmes dunaires les plus grands et les plus stables ont fait l’objet de relevés, mais de nombreuses dunes plus petites n’ont pas été visitées. Il subsiste donc une faible probabilité que d’autres occurrences restent à découvrir dans cette province.

Il a été avancé que l’espèce pourrait être présente aux îles de la Madeleine, au Québec, où les milieux côtiers présentent de nombreuses similarités avec ceux de l’Île-du-Prince-Édouard et de l’est du Nouveau-Brunswick. Cependant, les îles de la Madeleine ont fait l’objet de nombreux relevés réalisés par les botanistes. En Nouvelle-Écosse, peu de milieux pourraient convenir au L. maritima. Les dunes situées sur la côte nord de la partie continentale de cette province ou ailleurs en Nouvelle-Écosse ne sont généralement pas aussi développées que celles du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard et devraient donc moins convenir à l’espèce. D’ailleurs, le Hudsonia tomentosa, qui est l’espèce la plus étroitement associée à la présence duL. maritima, ne se rencontre en Nouvelle-Écosse que dans deux systèmes dunaires, situés près d’Antigonish. Aucun relevé n’a été effectué dans les dunes de Nouvelle-Écosse, mais les spécimens de L. intermedia qui se trouvent dans les principaux herbiers de Nouvelle-Écosse et qui pourraient provenir de dunes ont été examinés, et, parmi eux, aucun spécimen de L. maritiman’a été trouvé.


Abondance

Au Canada, l’effectif total du Lecheamaritima peut être estimé à au moins 181 000 individus. Il s’agit d’une estimation grossière, et sans doute plutôt prudente, puisque des portions d’habitat potentiel situées à proximité des sites connus n’ont pas été examinées et qu’il est difficile de dénombrer tous les individus des populations les plus étendues. On trouvera au tableau 2 une liste des populations canadiennes, avec une estimation de leur effectif ainsi que des précisions sur leurs première et dernière observations. L’effectif des populations du Nouveau-Brunswick est très variable, allant de quelques colonies dispersées, dans le cas des populations les plus au nord, dans les îles Portage et Fox, à des populations plus denses et beaucoup plus étendues, comptant des dizaines de milliers d’individus, dans le système dunaire Kouchibouguac-Richibouctou. Les quatre populations présentes dans ce système représentent environ 65 p. 100 de l’effectif total. Les populations de l’Île-du-Prince-Édouard sont de taille plus uniforme, sauf la plus grande, celle de la section sud de l’île Hog, dont l’effectif est estimé à 35 500 individus.

 

Tableau 2 : Effectif, superficie et longueur d’occurrence de chacune des populations canadiennes de léchéa maritime, avec précisions sur les première et dernière observations
Site Nom du site et province Effectif SuperficieNote de bas de page a, longueur d’occurrence et notes Première (P) et dernière (D) observations
1 Île Portage, NB 250-500 Population observée répartie en 5 colonies, dont une presque continue sur 0,15 km, les autres très petites; dispersée sur 3 km. Note : Plantes plus difficiles à repérer, en forêt, et donc probablement plus nombreuses, mais certainement peu communes.

P : Blake. 1913

D : Blaney et al.. 2004

2 Île Fox, NB ~220 Population observée occupant 1 375 m2, discontinue sur 0,28 km + occurrence isolée. Note : Les 4,3 km du sud de l’île, qui ne conviennent pas à l’espèce, n’ont fait l’objet d’aucune étude.

P : J. Fowler. 1892

D : Blaney et Goltz. 2005

3 Dune Kouchibouguac-Sud, NB >50 000 Population observée occupant 280 000 m2, presque continue sur 4 km

P : Blake. 1913

D : Mazerolle. 2004

4 Dune Richibouctou-Nord, NB >50 000 Population occupant 210 900 m2, presque continue sur 7,5 km

P : Mazerolle. 2002

D : Mazerolle. 2004

5 Île Richibouctou-Sud, NB >10 000 Population observée occupant 125 000 m2, presque continue sur 1,3 km

P : Blake. 1913

D : Mazerolle. 2005

6 Dune Richibouctou-Sud, NB ~8 000 Population observée occupant 16 000 m2, presque continue sur 4 km

P : Blake. 1913

D : Mazerolle. 2004

7

Dune de Bouctouche

(partie nord), NB

~5 000 Population observée occupant 55 000 m2, presque continue sur 1 km P : Marie-Victorin. 1932 (partie N ou S, non spécifié); D : Mazerolle. 2004
8

Dune de Bouctouche

(partie sud), NB

~5 000 Population observée occupant 110 000 m2, presque continue sur 3 km

P : Mazerolle. 2003

D : Mazerolle. 2004

9 Cascumpec Sandhills, PE ~250 Population discontinue sur 0,06 km. Note : Les 3,3 km du nord de l’île, qui ne conviennent pas à l’espèce, n’ont fait l’objet d’aucune étude. P et D : Blaney. 2005
10

Conway Sandhills

(partie nord), PE

~5 000 Population discontinue sur 4,9 km et presque continue sur 1,5 km. Note : Un tronçon de 2,8 km, qui abrite probablement l’espèce, n’a fait l’objet d’aucune étude.

P : Blaney. 2003

D : Blaney et Curley. 2005

11

Conway Sandhills

(partie sud), PE

>3 500 Population presque continue sur 1,5 km P et D : Mazerolle et Curley. 2006
12 Île Hog (partie nord), PE ~740 Population discontinue sur 1 km. Note : Les 3,2 km du nord de l’île, qui abritent probablement l’espèce, n’ont pas été étudiés. P et D : Blaney, Mazerolle et Curley. 2006
13 Île Hog (partie sud), PE 35 500+ Population continue sur 1,1 km + 0,7 km. Note : L’effectif indiqué comprend une occurrence très dense d’individus jeunes, mais reproducteurs; les 2 km du nord de l’île, qui abritent probablement l’espèce, n’ont fait l’objet d’aucune étude.

P : P.M. Catling et al..1984

D : Blaney et Curley. 2005

14 Parc provincial Cabot Beach, PE ~1 500 Population presque continue sur 0,18 km + discontinue sur 0,16 km

P : Vander Kloet. 2005

D : Blaney et Mazerolle. 2006

15 Blooming Point, PE ~6 000 Population continue sur 0,4 km P et D : Mazerolle. 2006

Effectif estimatif total (nombre d’individus) : 181 000 +

Les numéros des sites correspondent à ceux employés dans la figure 3.


Fluctuations et tendances

Les données recueillies avant 2003 ne sont pas assez détaillées pour qu’on puisse déterminer si les populations ont connu un accroissement ou un déclin. Dans les publications consultées, on ne trouve aucune mention de fluctuations d’effectif importantes dans les populations de Lechea maritima. Le groupe dense de quelque 20 000 jeunes individus d’âge uniforme, apparemment apparu à la suite d’une perturbation ponctuelle dans la section sud de l’île Hog, ainsi que des observations semblables visant le L. intermedia (C.S. Blaney, obs. pers.) semblent indiquer que des fluctuations peuvent survenir sur plusieurs années. Cependant, si on fait abstraction de ces cas isolés, il semble que l’effectif total a été stable au cours des trois dernières générations (de 24 à 30 années). Les populations correspondant aux cinq mentions anciennes (île Portage, île Fox, Kouchibouguac, Richibouctou-Sud et Bouctouche), découvertes de 1892 à 1932, sont toutes encore existantes, tout comme la population découverte en 1984, par P.M. Catling et al., dans la partie sud de l’île Hog. Dans les sites où on a récemment observé des pertes dues aux inondations de tempête, à l’utilisation de VTT ou au piétinement, ces dommages sont jusqu’à présent demeurés légers et localisés, par rapport à la taille des populations touchées. La succession végétale cause peut-être un déclin dans les populations des îles Fox et Portage, les seules à se trouver sous couvert arborescent. Les anciennes mentions ne précisent pas si l’espèce y était abondante, mais les habitants de la région affirment que l’île Portage est beaucoup plus boisée aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a une quarantaine d’années, et il en est sans doute ainsi pour l’île Fox. Ces populations sont relativement petites et pourraient finir par disparaître, particulièrement dans le cas de l’île Fox, où aucun individu ne pousse dans un habitat dégagé. Les activités de recherche menées de 2002 à 2006 ont permis de doubler le nombre des populations connues et de sensiblement augmenter leur effectif total, mais cette augmentation résulte sûrement de l’intensité accrue des recherches, et non d’un accroissement réel de l’effectif.

C’est plutôt le risque de déclin futur qui soulève des craintes, étant donné la hausse du niveau de la mer combinée avec la subsidence natuelle des terres ainsi que l’augmentation de la force et de la fréquence des tempêtes, phénomènes imputés aux changements climatiques. Il existe des projections crédibles sur la hausse future du niveau des mers, mais il est impossible de prévoir les déplacements futurs des habitats dunaires et d’estimer les pertes d’effectif qui en résulteraient. Environ 25 p. 100 de la population de la partie nord de la dune de Bouctouche a récemment subi une inondation marine, et le secteur touché a connu une diminution de densité des plantes et une perte locale d’habitat. Une grande portion des populations de Kouchibouguac-Sud, Richibouctou-Sud, Richibouctou-Nord et Bouctouche, représentant en tout 71 p. 100 de l’effectif connu, est située à une altitude de 3 à 4 mètres, derrière des avant-dunes mesurant moins de 5 ou 6 m. Une bonne partie du reste des populations est située à des altitudes semblables, mais souvent derrière des dunes plus hautes. Les sites situés à ces altitudes ne sont actuellement que très rarement touchés par les tempêtes, mais ils devraient subir, selon les projections, la plus forte augmentation de fréquence des effets de tempête. En effet, les sites situés à 3,1 m, à 3,2 m et à 3,3 m d’altitude devraient être perturbés par les tempêtes respectivement 4,5, 5,5 et 3,8 fois plus souvent à compter de 2100 (Parkes et al., 2006). Des observations faites sur le terrain indiquent que les sites constituant un habitat idéal pour la léchéa maritime sont très rarement inondés par les tempêtes, et il est très vraisemblable que les changements décrits plus haut puissent convertir les communautés de hudsonie tomenteuse et de léchéa maritime en communautés dominées par l’ammophile à ligule courte ou en terrains sableux dénudés convenant beaucoup moins à la léchéa maritime. De plus, l’effet de l’érosion due aux tempêtes ne se limite pas nécessairement aux secteurs exposés à l’inondation directe, car l’érosion du bas des dunes risque de déstabiliser leur crête et d’en modifier les communautés végétales. On trouvera une analyse plus détaillée des effets possibles des changements climatiques dans la section « Facteurs limitatifs et menaces ».


Immigration de source externe

Comme la variété du Lechea maritima présente dans le golfe Saint-Laurent (var. subcylindrica) est endémique au Canada, elle ne pourrait pas se rétablir par suite d’une immigration en provenance des États-Unis.

À l’échelle de l’espèce entière, l’immigration par dispersion naturelle à partir des États-Unis est improbable. En effet, la plus proche occurrence de la variété maritimaest située dans le centre-sud du Maine, à environ 115 km du point de la frontière canadienne situé près de St. Stephen, au Nouveau-Brunswick. Les habitats dunaires pouvant servir d’habitat à l’espèce sont très limités sur la côte néo-brunswickoise de la baie de Fundy. De plus, comme les eaux de la baie sont beaucoup plus froides que celles du golfe Saint-Laurent, un facteur limitatif de nature climatique pourrait exister. Environ 370 km séparent le centre-sud du Maine de la partie de la côte du golfe Saint-Laurent qui est la moins éloignée. Les individus de la variété maritima poussant dans le nord des États-Unis pourraient être adaptés aux conditions du golfe, où l’habitat n’est probablement pas un facteur limitatif, mais un tel phénomène de dispersion est sans doute extrêmement rare.

Un rétablissement par migration entre les populations de chacune des cinq régions d’occurrence énumérées au tableau 1 est vraisemblable, car plusieurs populations ne sont séparées que par quelques kilomètres d’habitat convenant peu ou ne convenant pas du tout à l’espèce. Cependant, comme il sera précisé sous la rubrique « Isolement et fragmentation », les probabilités de migration entre régions d’occurrence sont limitées.

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