Requin griset (Hexanchus griseus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

Au cours de la préparation du présent rapport, les auteurs ont consulté des experts ainsi que des établissements de recherche sur les requins établis le long de la côte ouest de l’Amérique du Nord. Il n’existe pas d’indice à long terme de l’abondance ni d’estimations de l’abondance absolue du requin griset. Les pêches qui utilisent des chaluts de fond ou des lignes dormantes ne capturent pas assez souvent le requin griset pour permettre de répertorier ses populations dans les enquêtes indépendantes standard qui s'y rapportent. Nous avons étudié l’inventaire 1994-2004 sur les lignes dormantes de la Commission internationale du flétan du Pacifique (six enregistrements), l’inventaire triennal sur le chalutage de fond du National Marine Fisheries Service (un enregistrement issu des eaux canadiennes) ainsi que plusieurs inventaires sur le chalutage du ministère des Pêches et des Océans (un enregistrement). Aucune de ces enquêtes ne permet l’indexation des tendances dans l’abondance ou une estimation de l’abondance absolue au moyen d’une extension.

Abondance

La taille effective à long terme de la population a été estimée, par le biais de techniques génétiques, à environ 7 900 individus (Larson et al., 2005). Cette estimation a été établie en examinant la diversité génétique au moyen de sept marqueurs d’ADN microsatellitaires d’environ 200 individus juvéniles sur lesquels une biopsie a été effectuée à Puget Sound (de 2001 à 2004). Étant donné le faible nombre de marqueurs, les hypothèses relatives aux taux de mutation et la zone géographique restreinte dans laquelle les échantillons ont été recueillis (au centre et au sud de Puget Sound), il est peu probable que cette estimation soit exacte et elle pourrait ne pas tenir compte des changements récents dans l’abondance de la population. De plus, on ne connaît pas l’étendue géographique de la population reproductrice. Si les tendances soupçonnées en matière de dispersion et de déplacements du requin griset sont exactes, la population reproductrice réside alors probablement le long de la plateforme continentale de la partie ouest de l’Amérique du Nord. On ne connaît pas l’étendue de la dispersion et des déplacements latitudinaux.

Fluctuations et tendances

Une étude par vidéosurveillance ayant cours sur un petit récif rocheux peu profond à proximité des îlots Flora (49°30,9′N, 124°34,5′O), dans le détroit de Géorgie, et décrite précédemment dans le présent rapport est le seul indice d’abondance disponible pour les requins grisets en eaux canadiennes (voir la section « Déplacements et dispersion »). Des résultats non publiés tirés de cette étude montrent un déclin constant et graduel dans la fréquence des observations de 2001 à 2005 (figure 11; Dunbrack, comm. pers., 2006). Il est important de noter que les requins ne peuvent généralement pas être différenciés des autres; l’indice pourrait donc ne pas dénoter l’abondance mais plutôt le comportement au site. Le déclin observé est par ailleurs corroboré par un déclin similaire dans les taux de rencontre au cours de plongées autonomes récréatives, qui vont d’une moyenne de 1,8 requin par plongée en 1999 à 0,1 requin par plongée en 2005 (Heath, comm. pers., 2006; annexe 5). Les données de plongée n’ont pas été normalisées pour tenir compte de l’effort réel (c’est-à-dire le temps passé dans l’eau, le nombre de plongeurs) et sont donc considérées anecdotiques.

Figure 11. Fréquence relative d’observations de requins grisets au moyen d’une caméra de vidéosurveillance continue aux îlots Flora, dans ledétroit de Géorgie. Les observations ont été enregistrées durant le jour. Dunbrack, comm. pers. (2006), données non publiées.

Figure 11. Fréquence relative d’observations de requins grisets au moyen d’une caméra de vidéosurveillance continue aux îlots Flora, dans ledétroit de Géorgie. Les observations ont été enregistrées durant le jour.Dunbrack, comm. pers. (2006), données non publiées.

Le site d’étude des îlots Flora est unique au monde puisqu’il existe très peu d’endroits où il est possible d’observer régulièrement des requins grisets en eau peu profonde. Considérant la nature atypique de ce site et la présence d’un seul point de surveillance, les interprétations faites à partir de la tendance observée doivent être examinées avec prudence. Aucune cause évidente, par exemple le début d’une pêche commerciale, ne peut expliquer le déclin dans le taux de rencontre. La seule activité de pêche tenue dans le détroit de Géorgie connue pour capturer des requins grisets est la pêche à l’aiguillat commun au moyen de la palangre. Cette pêche est active dans le détroit de Géorgie depuis plusieurs décennies et montre différentes quantités de prises (figure 12). Depuis 2002, les quantités débarquées d’aiguillats communs ont augmenté dans tout le détroit de Géorgie. Il est improbable, même dans l’hypothèse où la mortalité du requin griset a augmenté, que cela soit suffisant pour expliquer la quasi-disparition des requins grisets au site des îlots Flora.

Figure 12. Quantités débarquées (t) d’aiguillats communs capturés à la palangre dans la zone 4B : détroit de Géorgiede la Commission des pêches maritimes du Pacifique. Source : base de données PacHarvHL.

Figure 12. Quantités débarquées (t) d’aiguillats communs capturés à la palangre dans la zone 4B : détroit de Géorgiede la Commission des pêches maritimes du Pacifique. Source : base de données PacHarvHL.

Parmi les autres causes plausibles, il y a la modification des conditions environnementales comme la température de l’eau, qui pourrait influencer la répartition en profondeur des requins. Aucun des requins grisets observés au site des îlots Flora n’a montré de comportements de reproduction ou d’alimentation. Par conséquent, Dunbrack et Zielinski (2003) avancent que la présence locale de requins grisets au site d’étude pourrait être due à la couche de fond du détroit de Géorgie qui est profonde et thermiquement stable et donc similaire aux eaux froides de la pente continentale (où se trouve la plus grande partie de la population de requins grisets). La station hydrographique de la Marine située au large de Nanoose Bay, dans la partie centrale du détroit de Géorgie (à ~ 50 kilomètres (km) du site d’étude), enregistre les profils profondeur-température depuis 1969 (figure 13). En 2004, la température à 10 mètres était la deuxième température annuelle la plus élevée depuis 1970 tandis que la couche de fond (395 m) a présenté les températures les plus chaudes (Ministère de pêches et océans Canada (MPO), 2005b; figure 13). Cette tendance de températures chaudes a persisté jusqu’en 2005 (MPO, 2006). Il est possible que cette hausse observée dans les températures se soit étendue vers le nord jusqu’au site des îlots Flora et, de ce fait, qu’elle ait eu un effet sur les taux de rencontre vidéo de requins grisets à cet endroit.

Figure 13. Emplacement de la station hydrographique de Nanoose Bay (NB) et du site d’étude des îlots Flora (carte de gauche) et profils de la température de l’eau moyenne annuelle (à la surface, à 10 m et à 395 m) de 1969 à 2003 enregistrés à la station hydrographique de Nanoose Bay (graphique de droite). Sources : MPO, 2002; MPO, 2005b.

Figure 13. Emplacement de la station hydrographique de Nanoose Bay (NB) et du site d’étude des îlots Flora (carte de gauche) et profils de la température de l’eau moyenne annuelle (à la surface, à 10 m et à 395 m) de 1969 à 2003 enregistrés à la station hydrographique de Nanoose Bay (graphique de droite). Sources : MPO, 2002; MPO, 2005b.

Sommaire des tendances et situation actuelle

Il n’y a actuellement aucun indicateur fiable qui permette de comprendre la situation du requin griset en eaux canadiennes. Une pêche intensive de cette espèce s’est déroulée entre la fin des années 1930 et le milieu des années 1940, puis une pêche expérimentale de faible envergure a eu lieu entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, sinon la capture de cette espèce s’est toujours limitée à des captures accessoires. On ne sait pas à combien se chiffre la capture accessoire, mais on a estimé dans le présent rapport qu’elle représentait entre 12 tonnes et 38 tonnes de requins grisets par année, pour un pourcentage inconnu de requins tués. L’incidence sur la population de la mortalité par la capture accessoire dépend de la taille de la population, très peu connue à ce jour, et du profil démographique même de la capture accessoire (c’est-à-dire la taille et le sexe des individus capturés). La seule estimation de l’abondance reposant sur des techniques génétiques donne à penser que la taille effective à long terme de la population dans le nord-est du Pacifique serait d’environ 8 000 individus (Larson et al., 2005), mais la relation de cette valeur avec l’abondance absolue actuelle n’est pas clair. D’après les données de vidéosurveillance et les enregistrements anecdotiques au cours de plongées, les taux de rencontre de requins grisets immatures à un site peu profond du détroit de Géorgie ont diminué de manière notable (> 90 p. 100) au cours des cinq dernières années (Dunbrack, comm. pers., 2006; Heath, comm. pers., 2006). Il est peu probable que la pêche soit la cause de ce déclin. Les données environnementales, bien que limitées, expliquent peut-être cette tendance à la baisse.

Effet d’une immigration de source externe

À ce jour, l’abondance globale et les habitudes migratoires entre les populations du Canada et des États-Unis sont inconnues et, par conséquent, on ne peut tirer de conclusions sur l’effet d’une immigration de la population américaine dans la population canadienne. L’abondance de cette espèce dans les eaux de l’Alaska est inconnue car les individus sont rarement capturés par les pêches commerciales et n’apparaissent pas dans les enquêtes alieutiques (Courtney et al., 2004).

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