Buchloé faux-dactyle (Buchloë dactyloides) programme de rétablissement : chapitre 2


1. Contexte

1.1 Évaluation de l'espèce par le COSEPAC

Date de l'évaluation : Novembre 2001

Nom commun : Buchloé faux-dactlye

Nom scientifique : Buchloë dactyloides

Statut selon le COSEPAC: Menacée

Justification de la désignation : Herbe graminiforme vivace et clonale, ayant des plantes femelles et mâles unisexuées, dont la présence est très limitée dans deux petites zones de la Saskatchewan et du Manitoba, et qui est isolée de l'aire de répartition principale de l'espèce vers le sud.

Présence au Canada : SK, MB

Historique du statut selon le COSEPAC: Espèce désignée « préoccupante » en avril 1998. Réexamen du statut : l'espèce a été désignée « menacée » en novembre 2001. Dernière évaluation fondée sur un rapport de situation existant.

1.2 Description

La buchloé faux-dactyle (Buchloë dactyloides [Nutt.] Engelm.) est membre de la famille des Poacées (Graminées). Cette herbe courte vivace, à maturation tardive (C4), est étonnante parce qu'elle se reproduit par voie asexuée au moyen de stolons1, et par voie sexuée grâce à des fleurs mâles et femelles qui sont presque toujours portées par des individus distincts (dioïques) (Quinn et Engel, 1986; Huff et Wu, 1992). La multiplication végétative a lieu le long des stolons (figure 1), qui s'enracinent au niveau de leurs nœuds, d'où des groupes clonaux pouvant atteindre une superficie de 3 m ou plus de diamètre. Dans des conditions idéales, les stolons peuvent s'allonger de 5,72 cm par jour (Mueller, 1941; Quinn, 1991; Harms, sous presse). La reproduction végétative de la buchloé faux-dactyle peut également se faire par des rhizomes, mais à un rythme plus lent (Mueller, 1941). Les feuilles, enroulées et de couleur vert grisâtre, possèdent une longueur d'environ 2 à 10 cm et une largeur de 1 à 2 mm; leur face ventrale et leur face dorsale portent toutes deux des poils fins ainsi qu'une frange de poils au point de rencontre de la feuille et de la tige. Le moment de la floraison varie selon les plantes (Quinn, 1991), mais au Canada la plus grande partie de la floraison est terminée à la mi-juillet, et les graines mûres se dispersent à la fin de juillet ou au début d'août (Harms, sous presse; C. Neufeld, obs. pers.).

Figure 1. Stolon de buchloé faux dactyle

Figure 1. Stolon de buchloé faux dactyle. © Environnement Canada, Photo: Candace Elchuk.

La buchloé faux-dactyle a des individus mâles et des individus femelles distincts (figure 2), des plantes monoïques – qui possèdent à la fois les organes mâles et les organes femelles – n'étant signalées que de temps à autre (Quinn et Engel, 1986; Shaw et al., 1987; Huff et Wu, 1992). Les plants mâles comptent 2 ou 3 épis, d'environ 5 à 15 mm de long, à l'extrémité de tiges pouvant atteindre 20 cm(figure 2). Chacun des épis est formé d'épillets renfermant chacun deux fleurs pollinifères entre des bractées papyracées. Les épillets sont disposés en deux rangs sur un des côtés de l'épi. Le pollen est dispersé par le vent, mais la distance de dispersion est limitée du fait qu'il est libéré près du sol (Jones et Newell, 1946; Beetle, 1950; Quinn, 1998). Les épis mâles ressemblent à première vue à des épis en fleurs de boutelou grêle (Bouteloua gracilis), et comme les deux espèces poussent dans le même habitat, la buchloé faux-dactyle passe souvent inaperçue. Quant aux organes femelles, ils forment des groupes serrés de deux ou trois fleurs femelles cachés parmi les feuilles et enfermés dans un glomérule épineux sur une courte tige (figure 2). En parvenant à maturité, ces structures durcissent et forment un enveloppe épineuse (glomérule)_ renfermant de 1 à 5 graines, (figure 3; Looman et Best, 1979; Boivin, 1981; Quinn et Engel, 1986; Harms, sous presse). Au moins 50 % des glomérules renferment des graines produisant tant des plants mâles que des plants femelles (Quinn et Engel, 1986; Quinn, 1987). Les glomérules deviennent les unités de dispersion et restent intacts pour protéger les graines contre les dégâts causés par la chaleur ou le feu, le dessèchement ou l'ingestion par les animaux. Ils contribuent à la dispersion, ancrent les plantules au sol, améliorent la longévité des graines et inhibent la germination jusqu'à ce que l'humidité soit suffisante (Ahring et Todd, 1977; Quinn, 1987). La dispersion des glomérules par le vent est limitée, en raison de son poids et du fait qu'ils se situent dans le bas du feuillage; les graines se retrouvent donc en général groupées au sol près des plantes dont elles sont issues (Coffin et Lauenroth, 1989; Quinn, 1998). L'ingestion et le passage dans le tractus intestinal des brouteurs (p. ex. les bovins d'élevage ou le bison) et, dans une moindre mesure, le transport sur la fourrure des animaux et dans la boue de leurs sabots, ou encore dans l'eau de ruissellement après une tempête, assurent la dispersion à grande distance des glomérules renfermant les graines (Quinn, 1987; Quinn, 1991; Quinn et al., 1994; Quinn, 1998). Les graines de la buchloé faux-dactyle, même celles d'un même glomérule, possèdent des périodes de germination et de dormance variables, ce qui peut donner de multiples chances de coloniser un même microsite dont les conditions de climat et de compétition varient (Quinn, 1987).

Figure 2. Plant de buchloé faux dactyle mâle (à gauche) et plant de buchloé faux dactyle femelle (à droite)

Figure 2. Plant de buchloé faux dactyle mâle (à gauche) et plant de buchloé faux dactyle femelle (à droite). ©USDA-NRCS PLANTS Database, Photo:  Robert Soreng

Figure 3. Glomérule d'un plant de buchloé faux dactyle femelle

Figure 3. Glomérule d’un plant de buchloé faux dactyle femelle. ©Environnement Canada, Photo: Candace Elchuk

1.3 Populations et répartition

La buchloé faux-dactyle est une plante indigène de l'Amérique du Nord, dont l'aire de répartition s'étend depuis le désert de Chihuahua au centre du Mexique jusqu'aux prairies semi-arides tempérées du Canada, en passant par le bassin intérieur occidental et les prairies semi-arides du centre-ouest et du centre-sud des États-Unis (figure 4; Commission de coopération environnementale, 1997). Au Canada, la buchloé faux-dactyle est présente seulement le long de la rivière Souris et de ses affluents dans le sud-est de la Saskatchewan et le sud-ouest du Manitoba. Dans ces deux provinces, la buchloé faux-dactyle est cotée S1 (gravement en péril). Sa cote nationale au Canada est également « gravement en péril », ou N1 (NatureServe, 2006). En 2001, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), en se fondant sur un rapport de situation existant (COSEPAC, sous presse), a réévalué le statut de la buchloé faux-dactyle comme étant une espèce menacée plutôt qu'une espèce préoccupante. Aux États-Unis, la buchloé faux-dactyle est cotée N4N5, ou manifestement répandue, abondante et apparemment non en péril (NatureServe, 2006). Aucune cote n'a été attribuée à la plupart des États de son aire de répartition principale aux États-Unis, dont le Texas, le Colorado, le Nouveau-Mexique, l'Oklahoma, le Kansas, le Nebraska, le Dakota du Sud, le Dakota du Nord et le Montana (NatureServe, 2006). Des populations périphériques ou isolées se trouvent en Arkansas, en Louisiane, au Wisconsin, en Géorgie et au Nevada, où aucune cote ne leur a été attribuée. Les populations périphériques de buchloés faux-dactyles de l'Arizona, du Missouri, de l'Iowa et de l'Utah ont une cote de gravement en péril (S1) et celles de l'Illinois de en péril (S2). Il existe une population introduite en Virginie (NatureServe, 2006). À l'échelle mondiale, la buchloé faux-dactyle est cotée G4G5, ou non en péril (NatureServe, 2006).

Figure 4. Aire de répartition connue de la buchloé faux dactyle en Amérique du Nord (tiré de Harms, sous presse, et USDA, 2006, et modifié)

Figure 4. Aire de répartition connue de la buchloé faux dactyle en Amérique du Nord (tiré de Harms, sous presse, et USDA, 2006, et modifié)

La buchloé faux-dactyle est une graminée commune dans une bonne partie de la partie principale de son aire de répartition aux États-Unis. Il est probable que 1 % seulement, au plus, de l'aire de répartition et de l'abondance mondiales de l'espèce se trouve au Canada (figure 4). Selon la base de données sur les végétaux du Natural Resources Conservation Service (USDA, 2006) du United States Department of Agriculture (USDA), les populations états-uniennes les plus proches se trouvent vraisemblablement au Dakota du Nord, dans les comtés de Ward, de Pierce et de Walsh. Il n'existe pas d'information précise sur les emplacements où pousse la buchloé faux-dactyle dans ces comtés; ces sites sont cependant situés à plus de 50 à 100 kilomètres de ceux du Manitoba et de la Saskatchewan.

1.3.1 Canada

Au Canada, la présence de la buchloé faux-dactyle est restreinte à de très petites superficies au Manitoba et en Saskatchewan (figure 5). Au Manitoba, cinq populations2 ont été découvertes jusqu'à maintenant le long d'un corridor de 17 km dans la vallée de la rivière Souris et d'un corridor de 8 km dans la vallée de la rivière Blind (Foster et Hamel, 2006; Centre de données sur la conservation du Manitoba, données inédites). Au moment de la préparation du rapport de situation du COSEPAC, la buchloé faux-dactyle n'avait été observée au Manitoba que dans six quarts de section, et la superficie qu'elle occupait était estimée à 1,01 hectare (Harms, sous presse). Les activités de recherche ont par la suite été plus intensives et depuis 2006, nous savons qu'elle a une zone d'occupation3 de plus de 407 hectares, répartis dans 49 quarts de section (Centre de données sur la conservation du Manitoba, données inédites). La zone d'occupation n'a pas été mesurée pour tous les emplacements connus de l'espèce; seules des mentions de présence pour de grandes portions de certaines populations ont été faites. Par exemple, des relevés dans la prairie mixte aux environs de la rivière Souris ont permis de constater la présence de buchloés faux-dactyles dans 1 992 hectares; ce chiffre représente la superficie totale du relevé, plutôt que la somme des superficies réellement occupées par la buchloé faux-dactyle, et peut être considéré comme la zone d'occupation potentielle. Les activités futures d'inventaire et de cartographie feront vraisemblablement augmenter la zone d'occupation connue et, peut-être, la zone d'occurrence (C. Foster, comm. pers.); des populations actuellement considérées comme étant isolées pourraient se voir fusionnées en un moins grand nombre de populations, mais plus grandes.

En Saskatchewan, une population a été repérée dans la vallée de la rivière Souris au sud-sud-ouest d'Estevan (figure 5). Au moment de la préparation du rapport de situation du COSEPAC, la buchloé faux-dactyle n'avait été observée en Saskatchewan que dans 10 quarts de section, et la superficie qu'elle occupait était estimée à 0,02 hectare (234,5 ) (Harms, sous presse). À la suite des relevés effectués en 2005 et en 2006, nous savons que la zone d'occupation de la buchloé faux-dactyle est d'au moins 1,27 ha, réparti dans au moins 17 quarts de section (C. Neufeld, données inédites). Cependant, comme dans le cas du Manitoba, la zone d'occupation n'a pas été mesurée pour tous les emplacements connus de l'espèce; seules des mentions de présence pour certains quarts de section ont été colligées. Les activités futures d'inventaire et de cartographie feront vraisemblablement augmenter la zone d'occupation connue, et d'autres populations pourraient être découvertes dans les prairies indigènes situées au sud et à l'est d'Estevan.

Figure 5. Aire de répartition connue de la buchloé faux dactyle au Canada

Figure 5. Aire de répartition connue de la buchloé faux dactyle au Canada

1.4 Besoins de la buchloé faux-dactyle

1.4.1 Besoins biologiques et besoins en matière d'habitat

La buchloé faux-dactyle pousse dans l'écorégion de la prairie mixte humide de la Saskatchewan et dans l'écorégion de la forêt-parc à trembles du Manitoba, situées dans l'écozone des prairies (Wiken, 1986; Groupe de travail sur la stratification écologique, 1995; pour plus de précisions sur la physiographie, voir Harms, sous presse). Cette région est dominée par un climat steppique (zone septentrionale tempérée-fraîche) caractérisé par des déficits en eau occasionnels résultant de faibles précipitations, de l'évaporation élevée et de l'écoulement rapide de l'eau en surface (Harms, sous presse; Fung et al., 1999). Les régimes saisonniers des précipitations et de la température sont bien marqués. Les précipitations annuelles moyennes varient entre 433 mm en Saskatchewan et 467 mm au Manitoba; la plus grande partie tombe en été, le pic étant en juin, et les hivers sont quant à eux relativement secs. Les étés sont chauds, la température moyenne de juillet étant de 19,5 °C, alors que les hivers sont froids, la température moyenne de janvier allant de -14,8 °C en Saskatchewan à -15,5 °C au Manitoba (Environnement Canada, 2006).

La buchloé faux-dactyle codomine avec le boutelou grêle dans une grande partie de la prairie mixte et à herbes courtes des États-Unis, et elle est commune aussi dans de nombreux autres écosystèmes de ce pays (p. ex. les prairies semi-désertiques, la prairie côtière, la prairie à herbes hautes, les régions de pins pignons et genévriers, et les boisés de pins ponderosas). À l'échelle du microsite, la buchloé faux-dactyle pousse surtout dans les sols argileux où la disponibilité du phosphore et l'humidité sont relativement élevées (Schimel et. al., 1985; Bai, 1989; Richard et Redente, 1995), et elle est plus fréquente au bas des pentes que vers les sommets (Richard et Redente, 1995; Reimer et al., 2003; C. Neufeld, obs. pers.). Au Canada, la buchloé faux-dactyle se trouve à la limite septentrionale de son aire de répartition et semble limitée à un habitat précis le long de la vallée de la rivière Souris et dans les coulées de ses affluents en Saskatchewan et au Manitoba, y compris la vallée de la rivière Blind au Manitoba. La buchloé faux-dactyle croît dans le fond aride de coulées peu profondes, le bas des pentes de coulées, la mi-pente des terrasses ainsi que sur les hautes terres avoisinantes dans de légères dépressions ou près de perturbations du sol, comme les pistes des bovins (Harms, sous presse; Reimer et al., 2003; C. Neufeld, obs. pers.). Le sol peut être issu de chenaux fluvioglaciaires créés par l'eau de fonte dans lesquels des roches sédimentaires marines sont exposées de même que de pentes érodées et colluviales, de cônes alluviaux et de chenaux plus récents entourés de moraine et de dépôts lacustres. La plante pousse dans un éventail de sous-ordres de sol, allant des tchernozioms noirs et des brun foncé orthiques, des solods et des solonetz jusqu'aux tchernozioms régosoliques et aux régosols orthiques et cumuliques, qui correspondent à divers stades d'évolution du sol (Eilers et al., 1978; Manitoba Land Resource Unit, 1997; Saskatchewan Soil Survey, 1997). La texture loameuse à argileuse représente une caractéristique du sol, semble-t-il constante, là où pousse la buchloé faux-dactyle (Eilers et al., 1978; Harms, sous presse; Saskatchewan Soil Survey, 1997; Reimer et al., 2003; C. Foster, comm. pers.).

La buchloé faux-dactyle pousse en général dans des territoires perturbés par le pâturage et dominées par le boutelou grêle (Bouteloua gracilis), la stipe chevelue (Stipa comata) et l'agropyre de l'Ouest (Agropyron {Pascopyrum} smithii) (Harms, sous presse; Reimer et al., 2003). Comme la buchloé faux-dactyle forme en général des plaques clonales circulaires denses qui excluent la plupart des autres espèces, elle est souvent la plante dominante là où elle croît, constituant de 80 % à 90 % du tapis végétal (Reimer et al., 2003; C. Neufeld, données inédites). Parmi les autres plantes fréquemment associées à la buchloé faux-dactyle, il y a le pâturin des prés (Poa pratensis), la koelérie à crêtes (Koeleria macrantha), l'herbe à gomme commune (Grindelia squarrosa), l'armoise douce (Artemisia frigida), l'armoise de l'Ouest (Artemisia ludoviciana), l'hédéoma rude (Hedeoma hispida), l'orge queue-d'écureuil (Hordeum jubatum), le lin rigide (Linum rigidum), le ratibida en colonne (Ratibida columnifera), l'achillée millefeuille (Achillea millefolium), le mélilot (Melilotus spp.), la gutierrezie faux-sarothra (Gutierrezia sarothrae), le distichlis dressé (Distichlis stricta), la sélaginelle dense (Selaginella densa), le schédonnard paniculé (Schedonnardus paniculatus), le lotier des prairies (Lotus purshianus), l'oponce fragile (Opuntia fragilis) et la mamillaire vivipare (Coryphantha vivipara) (Harms, sous presse; Reimer et al., 2003; Centre de données sur la conservation du Manitoba, données inédites; C. Neufeld, données inédites).

1.4.2 Rôle écologique

La buchloé faux-dactyle est une graminée fourragère importante pour le bétail aux États- Unis, en raison de sa résistance au broutage, de sa tolérance à la sécheresse et aux conditions semi-arides et de son appétibilité associée à une teneur élevée en protéines et en nutriments tout au long de l'année (Dittberner et Olson, 1983; Howard, 1995). Elle représente également un aliment important pour divers animaux sauvages, dont le wapiti (Cervus elaphus), le cerf (Odocoileus spp.) et l'antilope d'Amérique (Antilocapra americana). La buchloé faux-dactyle devient de plus en plus importante aux États-Unis comme pelouse en plaques pour les terrains de golf et les projets d'aménagement paysager, y compris les fossés, les pistes des aéroports, les terrains d'athlétisme et les zones récréatives, parce qu'elle nécessite peu d'entretien, qu'elle forme un gazon, et qu'il s'agit d'une espèce de courte stature qui tolère la sécheresse et le piétinement et qui possède une bonne capacité compétitive (Pozarnsky, 1983; Quinn, 1998; Mintenko et al., 2002); des cultivars plus faciles à établir à partir de graines que de mottes ou de plaques ont été créés (Mintenko et al., 2002). La buchloé faux-dactyle est aussi utilisée dans les projets de végétalisation pour diminuer l'érosion et remettre en état les mines à ciel ouvert, les terrils des mines de charbon et de bentonite, et les sites d'enfouissement des boues de forage (Vogel, 1981; Thornburg, 1982; Sieg et al., 1983; McFarland et al., 1994). Aux États-Unis, des études ont conclu que la buchloé faux-dactyle est un recolonisateur important des champs cultivés et des anciennes routes cinq à dix ans après qu'ils aient été abandonnés, en raison de sa capacité de s'étendre rapidement par voie végétative (Judd, 1974; Coffin et al., 1996). Cette recolonisation réduit l'érosion par l'eau et le vent, et retourne ces territoires aux espèces indigènes. De 25 à 50 ans après avoir été abandonnés, ces champs peuvent être dominés par la buchloé faux-dactyle et le boutelou grêle (Coffin et al., 1996).

Par le passé, la buchloé faux-dactyle a rempli de nombreuses fonctions. Les colons qui bâtissaient des huttes de terre dans le centre-ouest des Grandes Plaines utilisaient des plaques de buchloé faux-dactyle et celle-ci servait vraisemblablement aussi d'herbe à pâturage pour le bétail et les chevaux (Lowe, 1940; Harms, sous presse). Les tribus Acoma et Laguna du sud des États-Unis mélangeaient les stolons écrasés de buchloés faux-dactyles avec de la racine de yucca ou les faisaient tremper dans de l'eau afin de s'en servir comme pommade dermatologique pour faire pousser les cheveux (Swank, 1932). Les Pieds-Noirs utilisaient la buchloé faux-dactyle comme fourrage pour les chevaux à l'automne et pendant l'hiver (Johnston, 1987).

1.4.3 Facteurs limitatifs

Toutes les plantes ont besoin de lumière, de chaleur, d'humidité, de nutriments et d'espace pour s'établir, croître et se reproduire. En tant que graminée vivace de saison chaude (C4) qui se trouve à la limite septentrionale de son aire de répartition, la buchloé faux-dactyle est probablement limitée surtout par la durée de la saison de végétation. Souvent, les graminées vivaces C4 transplantées plus au nord croissent souvent lentement et n'arrivent pas à se reproduire (Potvin, 1986; Linhart et Grant, 1996). De plus, les populations poussant à la limite de l'aire de répartition d'une espèce sont souvent plus fragmentées et moins denses, et elles occupent un habitat de moins bonne qualité que les populations du centre de l'aire de répartition de l'espèce (Vucetich et Waite, 2003; Channell et Lomolino, 2000). Il est possible qu'elles soient de ce fait plus sensibles aux effets de la fragmentation, tels les faibles taux d'immigration et les taux de disparition plus élevés. Les différences que présente l'habitat se trouvant à la limite de l'aire de répartition d'une espèce peuvent aussi avoir une incidence sur sa persistance. La buchloé faux-dactyle est une graminée vivace de courte stature adaptée à des écosystèmes secs et relativement pauvres en éléments nutritifs où la végétation est basse elle aussi. Par conséquent, il est probable que les habitats où poussent des plantes hautes ayant tendance à former un couvert qui diminue la quantité de lumière disponible poseraient des limites pour l'espèce.

Les glomérules qui renferment les graines de la buchloé faux-dactyle sont adaptés à la dispersion par les animaux. Les petits poils sur leurs arêtes les aident à se fixer à la fourrure, et leur passage lent dans le rumen permet une dispersion des graines à de plus grandes distances. Les glomérules restent dans le tractus digestif des bovins pendant un à cinq jours, durant lesquels les animaux peuvent parcourir une bonne distance (Quinn et Hervey, 1970; Quinn et al., 1994; Ortmann et al., 1998). Les taux de germination des glomérules ingérés, puis déposés sur le sol dans les fèces, sont plus élevés que ceux des glomérules non digérés (Quinn et al., 1994; Ortmann et al., 1998). Les fèces tuent au départ ou éliminent le tapis végétal existant réduisant ainsi la compétition, et elles fournissent de l'humidité et des éléments nutritifs à la plantule (Quinn et al., 1994). En l'absence de ces animaux brouteurs, ou si des clôtures entravent leurs déplacements, il peut y avoir accumulation de graines sous les plantes mères, ce qui empêche les graines de germer, accroît la mortalité des plantules ou cause éventuellement une dépression de consanguinité (Quinn, 1987; Coffin et Lauenroth, 1989; Quinn, 1991; Quinn et al., 1994). En l'absence de multiplication sexuée, la croissance végétative par les stolons deviendrait le principal moyen d'augmenter la répartition de l'espèce.

1.5 Protection

Au Canada, la buchloé faux-dactyle est protégée en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) lorsqu'elle se trouve dans le territoire domanial. L’espèce a récemment été désignée comme menacée en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition du Manitoba, mais en date de 2007, elle n’était pas inscrite en vertu de la législation provinciale en Saskatchewan, bien que la petite réserve écologique provinciale Buffalograss (Buffalograss Provincial Ecological Reserve) ait été établie en Saskatchewan et la buchloé faux-dactyle y est protégée par l’Ecological Reserves Act. Les conditions offertes par ce site ne sont pas optimales pour la buchloé faux-dactyle et nécessitent une certaine gestion; le pâturage n’est toutefois pas permis par le plan de gestion actuel. La buchloé faux-dactyle est aussi présente en Saskatchewan sur des terres privées et des terres de la Couronne provinciale louées. Au Manitoba, la buchloé faux-dactyle pousse surtout sur des terres privées, une occurrence se trouvant dans un parc dont une municipalité rurale est propriétaire.

1.6 Menaces

Les principales menaces pesant sur la buchloé faux-dactyle sont liées à la perte et à la dégradation de l'habitat, et à l'envahissement par les espèces exotiques. La buchloé faux-dactyle ayant une petite zone d'occupation où elle est présente sous la forme de touffes regroupées dans des parcelles ou bandes étroites, la destruction de superficies, même restreintes, dans les sites existants entraînerait une grosse diminution de la population connue au Canada. Les menaces sont analysées plus en détail ci-dessous et le tableau 1 les présente par catégorie.

1.6.1 Classification des menaces

Tableau 1. Classification des menaces
Genre de menaces Information sur la menace
1 Extraction du charbon à ciel ouvert
Catégorie de menace Perte et dégradation de l’habitat Étendue Localisée
  Locale Ensemble de l’aire de répartition
Menace générale Exploitation de mines de charbon à ciel ouvert Occurrence Courante/ anticipée  
Fréquence Unique  
Menaces spécifiques Transformation de l’habitat, fragmentation de l’habitat, enlèvement du substrat/des plantes/du terrain de germination, introduction d’espèces exotiques envahissantes Certitude causale Élevée  
Gravité Inconnue (élevée)  
Stress Mortalité des plants et des graines, réduction de la taille de la population Niveau de préoccupation Élevé
2 Espèces exotiques envahissantes
Catégorie de menace Espèces exotiques Étendue Répanduea
  Locale Ensemble de l’aire de répartition
Menace générale Espèces exotiques envahissantes Occurrence Courante Prévue
Fréquence Continue  
Menaces spécifiques Compétition par les plantes et pour les ressources, modification des caractéristiques de l’habitat (p. ex. litière, composition et hauteur de la végétation), modification de la communauté végétale Certitude causale Inconnue  
Gravité Élevée Moyenne
Stress Réduction de la taille de la population, dormance accrue des graines, mortalité accrue des plants, germination réduite Niveau de préoccupation Élevé
3 Absence de pâturage et/ou modification du régime des feux
Catégorie de menace Modifications de la dynamique écologique ou des processus naturels Étendue Localisée (broutage)/ensemble de l'aire de répartition (feu)
  Locale Ensemble de l'aire de répartition
Menace générale Absence de broutage et/ou modification des régimes des feux Occurrence Courante Courante
Fréquence Continue Continue (?)
Menaces spécifiques Compétition par les plantes, modification des caractéristiques de l'habitat (p. ex. litière, sol nu, hauteur de la végétation), modification de la communauté végétale Certitude causale Moyenne Moyenne
Gravité Faible-modérée Élevée
Stress Réduction de la taille/viabilité de la population, mortalité accrue, dormance accrue des graines, germination réduite des graines Niveau de préoccupation Moyen
4. Inondations causées par les réservoirs et les barrages
Catégorie de menace Modifications de la dynamique écologique ou des processus naturels, perte ou dégradation de l'habitat Étendue Localisée
  Locale Ensemble de l'aire de répartition
Menace générale Inondation par les petits barrages de captage des eaux et étangs-réservoirs dans les vallées et les coulées, inondation par les grands barrages et réservoirs existants Occurrence Historique/ courante/ anticipée  
Fréquence Saisonnière  
Menaces spécifiques Réduction du micro-habitat, modification des caractéristiques de l'habitat, modification éventuelle de la communauté végétale Certitude causale Moyenne  
Gravité Modérée  
Stress Réduction de la taille de la population, mortalité accrue Niveau de préoccupation Moyen
5. Agriculture
Catégorie de menace Perte et dégradation de l'habitat Étendue Ensemble de l'aire de répartition
  Locale Ensemble de l'aire de répartition
Menace générale Agriculture, production agricole, conversion vers la culture de plantes fourragères Occurrence Surtout historique/inconnue
Fréquence Ponctuelle/récurrente
Menaces spécifiques Transformation de l'habitat, fragmentation, isolement, perturbation/enlèvement du substrat et/ou du terrain de germination Certitude causale Élevée
Gravité Élevée
Stress Mortalité des plants et des graines, réduction de la taille de la population, disparitions à l'échelle locale, réduction des échanges génétiques Niveau de préoccupation Moyen
6. Construction ou réfection des routes
Catégorie de menace Perte ou dégradation de l'habitat Étendue Localisée
  Locale Ensemble de l'aire de répartition
Menace générale Construction ou réfection des routes Occurrence Historique/
anticipée
 
Fréquence Unique/ récurrente  
Menaces spécifiques Fragmentation de l'habitat, isolement, transformation de l'habitat, mortalité directe, envahissement par des espèces exotiques Certitude causale Élevée  
Gravité Faible  
Stress Réduction de la taille de la population, mortalité accrue, réduction des échanges génétiques Niveau de préoccupation Faible/moyen
7. Expansion urbaine
Catégorie de menace Perte ou dégradation de l'habitat Étendue Localisée
  Locale Ensemble de l'aire de répartition
Menace générale Expansion/étalement urbains ou construction domiciliaire Occurrence Anticipée  
Fréquence Unique  
Menaces spécifiques Transformation et fragmentation de l'habitat, isolement, perturbation/enlèvement du substrat et/ou du terrain de germination Certitude causale Élevée  
Gravité Faible  
Stress Mortalité des plants et des graines, réduction de la taille de la population, disparitions à l'échelle locale Niveau de préoccupation Faible/moyen
8. Exploitation d'argilières
Catégorie de menace Perte et dégradation de l'habitat Étendue Localisée
  Locale Ensemble de l'aire de répartition
Menace générale Exploitation d'argilières Occurrence Historique/
anticipée
 
Fréquence Unique  
Menaces spécifiques Transformation de l'habitat, enlèvement du substrat/des plants/du terrain de germination, introduction d'espèces exotiques envahissantes Certitude causale Élevée  
Gravité Faible  
Stress Mortalité des plants et des graines, réduction de la taille de la population Niveau de préoccupation Faible

a La présence des diverses espèces exotiques envahissantes et leur étendue ou l'importance de la menace qu'elles représentent diffèrent selon les occurrences.

1.6.2 Description des menaces

Extraction à ciel ouvert du charbon

La formation de Ravenscrag, qui s'étend sur la région d'Estevan, contient des couches horizontales de lignite. Le charbon est extrait de grandes carrières à ciel ouvert, d'environ 35 m de profondeur, créées par des pelles à benne traînante qui enlèvent la couche arable, le sous-sol et le roc qui recouvrent les filons de charbon. Quatre mines de charbon sont en activité dans la région d'Estevan (Saskatchewan Industry and Ressources, 2006), dont certaines sont exploitées à proximité immédiate de sites où pousse à l'heure actuelle la buchloé faux-dactyle (Harms, sous presse; C. Neufeld, obs. pers.). L'expansion des mines à ciel ouvert en direction des sites existants détruirait de grandes portions de la population de la Saskatchewan. On ignore si l'extraction à ciel ouvert a déjà eu des incidences sur certains des sites. La fragmentation et la destruction de l'habitat potentiel sont cependant évidentes, malgré les tentatives de remise en état des terres une fois l'exploitation terminée. Il est important de procéder à des relevés des secteurs proposés pour l'exploitation afin d'éviter les incidences sur les occurrences.

Espèces exotiques envahissantes

Les espèces exotiques envahissantes, introduites délibérément ou accidentellement, sont souvent associées à l'empiètement sur les espèces indigènes et à la diminution de la diversité des espèces ou de la richesse en espèces, en raison de leur capacité compétitive supérieure et de leurs effets sur le fonctionnement de l'écosystème (Wilson, 1989; Wilson et Belcher,1989; Reader et al., 1994; Christian et Wilson, 1999; Bakker et Wilson, 2001; Henderson, 2005; Henderson et Naeth, 2005). Parce que la buchloé faux-dactyle semble limitée aux endroits peu ombragés et une compétition réduite par des espèces plus hautes, l'envahissement par de plantes exotiques de grande taille, comme l'agropyre à crête (Agropyron cristatum), le pâturin des prés (Poa pratensis) et le brome inerme (Bromus inermis), représenterait une menace pour l'espèce (Wu et Harivandi, 1995; Harms, sous presse). Les plantes stolonifères et moins productives, comme la buchloé faux-dactyle, ont tendance à disparaître des secteurs où poussent des graminées denses plus productives (Richard et Redente, 1995). L'empiètement par l'agropyre à crête, le brome inerme et le pâturin des prés représente une menace pour la buchloé faux-dactyle en Saskatchewan; le pâturin des prés est une espèce dominante dans la réserve écologique Buffalograss en Saskatchewan, vraisemblablement en raison de l'absence de pâturage et de gestion. L'euphorbe ésule, espèce eurasienne exotique envahissante, pourrait constituer une menace importante au Manitoba. L'euphorbe ésule réduit l'abondance des espèces indigènes dans les régions où elle pousse en leur faisant une compétition directe (Wilson et Belcher, 1989); or elle s'est rapidement propagée dans la vallée des rivières Souris et Blind au cours des dernières années (Foster et Hamel, 2006). L'agropyre à crête, le brome inerme et le pâturin des prés ont été signalés en certains sites où pousse la buchloé faux-dactyle au Manitoba (Reimer et al., 2003; Centre de données sur la conservation du Manitoba, données inédites). Il est essentiel pour la survie de la buchloé faux-dactyle de réduire l'abondance de ces espèces exotiques envahissantes et de les empêcher de se propager davantage; il faut toutefois prendre les précautions nécessaires de façon à ne pas nuire à la buchloé faux-dactyle ou modifier son habitat de façon négative, par une utilisation systématique d'herbicides pour lutter contre les espèces envahissantes.

L'absence de pâturage et/ou la modification du régime des feux

Les plantes de la prairie ont évolué avec la présence des processus écologiques du feu et du broutage, qui étaient importants pour le maintien des fonctions de l'écosystème. La colonisation européenne a réduit la fréquence et l'étendue des feux de prairie ainsi que la diversité des modes de pâturage, ce qui a modifié la structure et la composition de nombreuses communautés de plantes (Higgins et al., 1989; Frank et al., 1998; Brockway et al., 2002). Au cours de son évolution, la buchloé faux-dactyle s'est adaptée aux feux et au broutage grâce à des structures, des glomérule durcis, qui protègent les graines qu'ils renferment contre les dommages causés par la chaleur et aident à la dispersion endozoïque (Ahring et Todd, 1977; Wright et Bailey, 1982; Quinn et al., 1994; Ford, 1999).

L'incidence des feux sur la buchloé faux-dactyle semble dépendre en grande partie des précipitations, des saisons et du temps écoulé depuis le dernier feu (Higgins et al., 1989; Ford, 1999). La buchloé faux-dactyle étant une graminée de saison chaude à maturation tardive (C4), un feu pendant la saison de végétation tue les feuilles en croissance. La buchloé faux-dactyle ne peut pas réaffecter ses réserves d'énergie à la production de nouvelles feuilles avant la fin de la saison, ce qui réduit de façon significative sa couverture après l'incendie pendant une période qui peut atteindre deux ans (Brockway et al., 2002; Ford, 2003; Ford et Johnson, 2006). Un feu pendant la saison de dormance (p. ex. en automne et en hiver) a peu d'effets sur la couverture de la buchloé faux-dactyle parce que les tissus aériens sont déjà morts (Ford, 1999; Ford, 2003; Ford et Johnson, 2006). Les feux qui se produisent pendant les années sèches semblent aussi susciter tout au moins une réaction initiale négative, puisque les plantes subissent peut-être déjà un stress physiologique. La buchloé faux-dactyle a parfois besoin de plus de trois ans pour se rétablir après un feu survenant pendant la saison sèche (Brockway et al., 2002; Ford, 2003). Un examen des études sur la buchloé faux-dactyle et les feux a conclu que, dans l'ensemble, la réponse de cette plante aux feux peut être de positive à neutre (Ford, 1999). Des recherches à plus long terme sur les interactions entre des facteurs comme la sécheresse, la saison et l'historique des feux, ainsi que les mécanismes gouvernant les réponses, sont nécessaires. Par exemple, Ford (2003) a constaté, cinq ans après l'expérience, que la couverture de la buchloé faux-dactyle était plus importante dans une superficie brûlée pendant la saison de végétation que dans une superficie témoin non brûlée et une superficie brûlée pendant la saison de dormance au cours d'une année de sécheresse. Des études sur les effets à long terme du feu sur la buchloé faux-dactyle et sur son écosystème au Canada sont également nécessaires.

Bien que la buchloé faux-dactyle domine encore des régions d'où les incendies ou le pâturage ont été exclus (Hulett et al.,1972; Howard, 1995), l'absence de ces perturbations peut accroître l'épaisseur de la litière et la hauteur de la végétation (Hayes et Holl, 2003), et ainsi réduire la croissance des espèces courtes et qui ne tolèrent pas l'ombre, comme la buchloé faux-dactyle. Plus important encore peut-être, la suppression du broutage et des feux peut aussi rendre les grands pâturages libres plus susceptibles d'être envahis par des espèces nuisibles, ou des espèces envahissantes exotiques qui tolèrent moins bien les feux (Higgins et al., 1989; Milchunas et al., 1989; Milchunas et al., 1992). Tous les emplacements où pousse actuellement la buchloé faux-dactyle en Saskatchewan et au Manitoba sont broutés, à l'exception du parc Sourisford au Manitoba (où les herbes sont cependant fauchées) et de la réserve écologique Buffalograss en Saskatchewan. Les espèces nuisibles causent des problèmes à ces deux sites et la réserve écologique est dominée par des espèces exotiques envahissantes plus hautes que la buchloé faux-dactyle, comme le pâturin des prés. Les brûlages dirigés ne sont pas pratique courante dans ces sites et les feux de friche sont en général réprimés.

L'incidence du broutage sur la buchloé faux-dactyle semble positive, puisque l'accroissement de son intensité accroît, selon les recherches, la couverture et/ou la fréquence de la buchloé (Herbel et Anderson, 1959; Anderson et al., 1970; Bonham et Lerwick, 1976; Klatt et Hein, 1978; Ring et al., 1985; Hart et Ashby, 1998). Outre les bovins, le cheval et le bison, un large éventail d'animaux, comme le cerf, le wapiti, l'antilope d'Amérique, le lièvre de Townsend (Lepus townsendii), le chien de prairie (Cynomys ludovicianus), des oiseaux des hautes terres considérés comme gibier et divers petits mammifères, consomment la buchloé faux-dactyle (voir Howard, 1995). La buchloé faux-dactyle semble tolérer le broutage modéré ou intense, et est peut-être avantagée du fait qu'elle se répand rapidement par voie végétative une fois que le broutage a réduit ses concurrents, en particulier les herbes plus hautes. Comme dans le cas des effets du feu, la buchloé faux-dactyle peut résister à une plus grande défoliation pendant les périodes de dormance que pendant les périodes de croissance active (Vallantine, 1990). Toutefois, ses collets profondément enfouis semblent résister au piétinement des ongulés, ce qui en fait une plante très robuste même pendant les périodes de croissance active (Young, 1956).

Petits barrages de captage des eaux et étangs-réservoirs

De petits barrages et les étangs-réservoirs qui leur sont associés ont été installés au bas des coulées dans le but de retenir les eaux de ruissellement pour abreuver les bovins. Harms (1997) a estimé que ces ouvrages ont supprimé 300 m d'habitat de la buchloé faux-dactyle au bas des coulées. La buchloé faux-dactyle a été observée croissant sous la forme d'un anneau autour d'un étang-réservoir, mais on ne sait pas si la plante poussait à cet endroit avant la construction du réservoir, ou si elle y a été transportée par les bovins qui l'utilisaient et s'y est ensuite établie en raison des conditions convenables du microsite créées par la circulation intense des bovins (c.-à-d. argile nu piétiné possédant une haute teneur en humidité et une quantité élevée d'éléments nutritifs, peu de compétition, température chaude) (C. Neufeld, données inédites).

Inondations causées par les gros réservoirs/barrages

La modification du régime d'humidité d'un site pourrait avoir des incidences négatives sur la croissance et la survie de la buchloé faux-dactyle. La plupart des sites où pousse la buchloé faux-dactyle se trouvent au bas des pentes des vallées et des coulées. Par conséquent, toute inondation non naturelle prolongée de ces secteurs, provoquée par des aménagements ou des perturbations nuisant à la migration des canaux ou détournant les eaux, pourrait modifier le régime de perturbation à un niveau dépassant les limites de la variabilité naturelle, ce qui aurait une incidence négative sur la création et le maintien de l'habitat de la buchloé faux-dactyle. La création des barrages et réservoirs Rafferty et Boundary, en Saskatchewan, a inondé une superficie considérable d'habitat dans la vallée de la rivière Souris, où se trouvaient probablement des populations de la buchloé faux-dactyle. Les sites existant à l'heure actuelle dans le voisinage du réservoir Rafferty pourraient être en péril au cours des années où s'élèvent les niveaux de l'eau  (Harms, sous presse). Jusqu'à maintenant, aucun barrage ayant une incidence sur les populations de la buchloé faux-dactyle n'a été construit au Manitoba, mais le secteur du réservoir 357, sur la rivière Souris au Dakota du Nord, en aval des sites de la buchloé faux-dactyle du Manitoba, était peut-être une source de graines avant que ce secteur ne soit inondée (Reimer et al., 2003).

Agriculture

On estime à moins de 20 % au Manitoba, et à 31,3 % en Saskatchewan, la superficie de la prairie mixte qui n'est pas cultivée (Gauthier et. al., 2002; Nernberg et Ingstrup, 2005). La prairie indigène qui reste est fragmentée, et la plupart des parcelles sont petites, et isolées des autres parcelles par des terres agricoles (James et al., 1999), d'où une perturbation des modes naturels de dispersion des graines et de flux génétique dans les anciennes populations et entre les populations restantes. La menace que représente l'agriculture est plus historique qu'actuelle, la plus grande partie des dommages s'étant déjà produite. La prairie non cultivée restante, où pousse la buchloé faux-dactyle, ne sera vraisemblablement pas exploitée parce qu'en général, les sols ne conviennent pas à l'agriculture. Au Manitoba, la buchloé faux-dactyle pousse sur des sols dont la structure, la faible perméabilité et la présence de sels solubles limitent grandement les possibilités de culture (Eilers et al., 1978). En Saskatchewan, les sols où pousse la buchloé faux-dactyle ne conviennent qu'au pâturage parce qu'ils sont peu profonds, que le substrat rocheux y affleure et que le terrain est découpé. Quelques sites où se trouve la buchloé faux-dactyle possèdent un sol convenant à l'agriculture, mais ils se trouvent dans des bandes irrégulières dans des vallées, ce qui est peu propice au travail du sol (Saskatchewan Soil Survey, 1997). De plus, la topographie des sites situés sur les pentes de vallées ou les fonds découpés de coulées ne se prête pas à l'agriculture. L'utilisation de certains produits chimiques (p. ex. herbicides, engrais, pesticides) sur les terres cultivées avoisinantes peut aussi modifier l'habitat de la prairie indigène (p. ex. changement de la composition en espèces, de la couverture, de l'hydrologie et de la stabilité du sol, et dégradation des populations des pollinisateurs). L'agriculture a probablement réduit l'habitat global disponible, la taille des populations et la diversité génétique de l'espèce au point où des parties de son aire de répartition historique ont peut-être été détruites et où l'expansion de son aire de répartition actuelle n'est plus possible.

Construction ou réfection des routes

La construction des routes a probablement eu par le passé des incidences sur les populations de buchloés faux-dactyles. La route 18 qui va vers l'ouest à partir d'Estevan, en Saskatchewan, divise les occurrences qui avoisinent maintenant ses fossés (Harms, sous presse; C. Neufeld, obs. pers.). Ces occurrences fragmentées étaient probablement réunies avant la construction de cette route. De même, la route 251 et le lit d'une voie ferrée abandonnée divisent des populations de buchloés faux-dactyles près de Coulter, au Manitoba (Harms, sous presse). La buchloé faux-dactyle est de temps à autre observée le long de sentiers utilisés par des véhicules hors route, où elle semble tirer parti de la compétition réduite. La réfection de ces routes détruira les clones de buchloés faux-dactyles qui poussent à leurs abords (Harms, sous presse). Les routes peuvent aussi changer l'hydrologie de l'habitat en modifiant le drainage et l'écoulement de l'eau dans un secteur.

Expansion urbaine

En Saskatchewan, des sites de buchloés faux-dactyles ont été découverts à moins d'un kilomètre d'Estevan. Il est possible qu'il existe aussi de l'habitat convenable plus près de la ville, ou des terrains non aménagées dans les limites de la ville où pousse déjà la buchloé faux-dactyle. La croissance future d'Estevan, en particulier à sa périphérie, pourrait menacer les sites où pousse la buchloé faux-dactyle, ou réduire encore davantage l'habitat convenable restant.

Exploitation d'argilières

Par le passé, des argilières ont été exploitées dans la région, et au moins deux mines se trouvent à proximité étroite des sites où pousse la buchloé faux-dactyle à l'heure actuelle (Harms, sous presse, C. Neufeld, obs. pers.). Bien que ces mines semblent abandonnées et ne devraient pas présenter de menace, il est possible que l'une d'elles ait par le passé détruit des plants de la buchloé faux-dactyle, comme le laisse supposer la présence de l'espèce dans le voisinage de la carrière. Dans le sud de la Saskatchewan, l'intérêt pour l'extraction de l'argile renaît car on voudrait l'utiliser comme additif dans les mélanges spécialisés de béton (S. McAdam, comm. pers.).

1.7 Lacunes dans les connaissances

Les lacunes dans les connaissances relatives à la buchloé faux-dactyle sont traitées à la section 2.4 Objectifs du rétablissement, à la section 2.5 Approches recommandées pour l'atteinte des objectifs du rétablissement, et au tableau 2. Il faudrait notamment :

  1. disposer de lignes directrices standardisées pour l'inventaire et le suivi de la buchloé faux-dactyle;
  2. connaître la zone d'occurrence complète et posséder des connaissances plus précises et plus exactes sur la zone d'occupation de la buchloé faux-dactyle au Canada;
  3. connaître les tendances démographiques, y compris les taux de reproduction et de mortalité, afin de mieux comprendre la viabilité des populations de buchloés faux-dactyles au Canada;
  4. mieux connaître les associations de l'habitat de l'espèce et désigner son habitat essentiel au Canada;
  5. posséder des connaissances sur la ressemblance génétique et l'ampleur des effets de l'isolement des populations de buchloés faux-dactyles canadiennes les unes par rapport aux autres, et par rapport aux populations états-uniennes avoisinantes.

1 Les stolons sont des tiges rampantes horizontales et allongées qui rampent sur le sol et s'enracinent au niveau de leurs nœuds ou de leurs extrémités, donnant ainsi naissance à de nouvelles plantes (Harrington, 1977; Harris et Harris, 2001). Les rhizomes sont des tiges souterraines horizontales et allongées qui s'enracinent au niveau de leurs nœuds et produisent ainsi de nouvelles plantes (Harrington, 1977; Harris et Harris, 2001).

2 Selon la définition du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), la population est un groupe géographiquement ou autrement distinct au sein d'une espèce qui a peu d'échanges démographiques ou génétiques avec d'autres groupes (en général, un individu reproducteur immigrant ou une gamète par génération au plus) (COSEPAC, 2006). « Population » équivaut au terme « sous-population » employé par l'Union mondiale pour la nature (UICN, 2001). NatureServe considère comme une occurrence du même élément (population) les sites qui se trouvent à moins de 1 km l'un de l'autre, ou à moins de 2 km s'il existe un habitat approprié entre eux (NatureServe, 2006). Il faut remarquer que les recherches génétiques permettront peut-être de découvrir que les échanges génétiques se produisent à des distances supérieures ou inférieures à 1 km et par conséquent, notre définition de la population pourrait changer. Ce changement pourrait entraîner un regroupement ou une division des sites, ce qui modifierait le nombre de populations, mais ne devrait pas en soi être interprété comme une tendance à la hausse ou à la baisse. La population canadienne, ou population totale, est le nombre total d'individus matures au Canada (équivalent au terme « population » employé par l'Union mondiale pour la nature) (COSEPAC, 2006).

3 La buchloé faux-dactyle étant une espèce clonale, qui forme souvent des tapis denses lorsque des clones voisins fusionnent, il est impossible de dénombrer les individus et difficile de dénombrer avec précision les clones. Sa zone d'occupation, ou la taille des groupements, ou plaques, qu'elle forme, est donc souvent consignée et utilisée comme moyen d'effectuer le suivi de l'espèce. Selon la définition du COSEPAC, la zone d'occupation est « la superficie au sein de la “ zone d'occurrence ” occupée par un taxon, à l'exclusion des cas de nomadisme » (COSEPAC, 2006). Le COSEPACdéfinit la zone d'occurrence comme étant « la superficie délimitée par un polygone sans angles concaves comprenant la répartition géographique de toutes les populations connues d'une espèce » (COSEPAC, 2006).

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