Corydale de Scouler (Corydalis scouleri) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Habitat

Exigences en matière d’habitat

Les peuplements luxuriants de corydale de Scouler se trouvent dans des habitats humides et frais associés à des cours d’eau, depuis les grandes rivières jusqu’à leurs petits affluents. En Colombie-Britannique, l’espèce se rencontre depuis le niveau de la mer jusqu’à environ 200 m d’altitude (Douglas et Jamison, 2000), dans la sous-zone submontagnarde maritime très humide de la zone biogéoclimatique côtière à pruche de l’Ouest (CWHVM1) (Pojar et al., 1991). Dans les régions où elle est localement abondante, par exemple les secteurs de faible altitude du parc national Mt. Rainier, au Washington (Brockman, 1947), et les bassins des rivières Nitinat et Klanawa, l’espèce pousse dans des plaines inondables alluviales à pente faible et sur des terrasses fluviatiles dont la pente ne dépasse généralement pas 10 p. 100, mais peut atteindre 40 p. 100 (Douglas et Smith, 2003). Les populations les plus abondantes et les plus vigoureuses ont été observées sur des terrains plats ou à pente faible. Les sites observés en dehors de plaines inondables plates avaient une orientation nord-ouest à nord-est, sauf un, qui était orienté au sud-sud-ouest. Le substrat était généralement composé de limon fin, d’argile limoneuse ou de sédiments sableux ou graveleux comprenant parfois des graviers ou des galets. Dans la vallée de la Nitinat, la corydale de Scouler est une des espèces caractéristiques du sous-étage des forêts mixtes ou caducifoliées qui sont à un stade peu avancé de succession végétale. Tous les peuplements d’aulne rouge (Alnus rubra) âgés d’environ 30 ans et plus qui ont été explorés dans la vallée de la Nitinat abritaient la corydale de Scouler. Outre l’aulne rouge, les espèces de l’étage supérieur qui sont associées à la corydale de Scouler sont l’Acer macrophyllum, le Picea sitchensis et, moins fréquemment, le Tsuga heterophylla et le Thuja plicata. Les principales espèces du sous-étage qui sont associées à la corydale de Scouler sont le Polystichum munitum, l’Oplopanax horridus, le Sambucus racemosa, le Petasites frigidus var. palmatus, le Ribes bracteosum et le Rubus spectabilis.

La corydale de Scouler pousse également en bordure de routes, dans le gravier et dans les fossés. S’ils sont suffisamment humides durant la période de croissance de la corydale de Scouler, ces habitats offrent à peu près les mêmes conditions que les habitats graveleux des plaines inondables. Une seule population (comptant au moins 500 tiges) a été échantillonnée dans ce type d’habitat.


Tendances en matière d’habitat

Les tendances en matière d’habitat de la corydale de Scouler sont en grande partie inconnues. On sait cependant que l’espèce colonise des habitats perturbés, donc qu’elle possède une certaine capacité d’adaptation. Les plus grands sites (plus de 400 000 tiges, soit près de la moitié de la population canadienne connue) de la corydale de Scouler au Canada sont aujourd’hui protégés grâce à la création d’aires d’habitat faunique, sous le régime de la Forest and Range Protection Act de la Colombie-Britannique, visant principalement à protéger l’espèce contre les effets de l’aménagement forestier.

Au cours des 50 dernières années, la construction de routes et de ponts a probablement détruit une très faible partie de l’habitat de la corydale de Scouler dans le bassin de la Nitinat, mais ces activités n’ont probablement pas eu un impact important sur la quantité d’habitats disponibles pour l’espèce. De nombreux habitats répondant aux exigences écologiques de la corydale de Scouler demeurent inexplorés en raison de leur inaccessibilité (figure 4). Comme l’espèce se rencontre dans des forêts de début de succession végétale situées dans des plaines inondables, on peut penser que les habitats qui lui conviennent sont en perpétuel changement, certains se formant pendant que d’autres disparaissent.

Les perturbations anthropiques directes de l’habitat de la corydale de Scouler dans les plaines inondables ont été mineures, en dépit des activités d’exploitation forestière menées dans la vallée de la Nitinat. Aucun site de l’espèce n’a été touché récemment par l’exploitation forestière, et ce, en partie grâce à la protection de zones riveraines sous le régime de la Forest and Range Practices Act et à l’absence d’essences exploitables dans l’habitat de l’espèce. Une population (no 23, bassin de la Nitinat; voir la figure 4) a cependant été perturbée par de l’équipement lourd pendant l’exécution de travaux de restauration d’un ruisseau. Cette population est passée de 30 tiges en 1997 à seulement 6 tiges en 2003. Il est possible que cette population se rétablisse naturellement puisqu’il subsiste de grandes étendues de gravier nu à proximité.


Protection et propriété des terrains

Les principales populations de corydale de Scouler du sud-ouest de l’île de Vancouver sont presque toutes protégées d’une façon ou d’une autre. Bien qu’elles n’aient pas été mentionnées dans le rapport de situation original, des populations de l’espèce avaient été répertoriées pour un parc provincial (44 850 tiges) et pour une réserve écologique (moins de 15 tiges). Une autre population a été découverte récemment dans un autre parc provincial (Carmanah-Walbran); cette dernière semblait compter environ 7 tiges, mais aucun relevé exhaustif n’a encore été réalisé dans ce secteur (voir le tableau 1 et les figures 5 et 6). Ces populations sont protégées des activités d’aménagement forestier par une loi visant les parcs provinciaux.

 

Tableau 1 : Sommaire des aires protégées – Superficie et nombre de tiges
No de l’élément
d’occurrence
(population)
Nom de
l’AHF ou
de l’aire
protégée
Superficie du
cœur de
l’AHF (ha)
Superficie de la
zone tampon
de l’AHF (ha)
Superficie
totale de
l’AHF (ha)
Nombre
estimé
de tiges
2 (partie) Cours supérieur de la rivière Nitinat-1-190 8 3 11 7 500
3 (partie) Ruisseau Jasper-1-191 16 5 21 293 500
13 (partie) Cours médian de la rivière Nitinat-1-192 1 1 2 94 800
21 Cours inférieur de la rivière Nitinat-1-193 4 1 5 1 500
5 Cours supérieur du ruisseau Granite-1-194 1 2 3 18 000
5 Cours inférieur du ruisseau Granite-1-195 1 2 3 200
10 Ruisseau Klanawa-1-196 4 5 9 11 600
6 Ruisseau Vernon-1-197 15 10 25 10 000
4 (partie) Parc provincial Nitinat River s. o. s. o. s. o. 44 850
15 Réserve écologique Klanawa s. o. s. o. s. o. < 15
Aucun no Parc provincial Carmanah-Walbran s. o. s. o. s. o. 7
  Somme 46 24 79 481 972

EO = « élément d’occurrence », c’est-à-dire une aire terrestre ou aquatique dans laquelle une espèce ou une communauté naturelle est présente. Un élément d’occurrence principal peut être composé d’une seule aire ou de plusieurs parcelles ou sous-populations discrètes (NatureServe, 2006a).

AHF = aire d’habitat faunique

Aux termes de la Forest and Range Practices Act (FRPA), les grands cours d’eau à poissons, comme les rivières Nitinat et Klanawa et les ruisseaux Carmanah et Walbran où la corydale de Scouler a été observée, font l’objet d’une règle par défaut exigeant que dans chaque zone d’aménagement, une zone riveraine soit réservée. La zone réservée doit obligatoirement être protégée de manière qu’elle conserve ses caractères essentiels au bon fonctionnement du cours d’eau et à la vie de la faune. Ce mécanisme permet aux exploitants de concessions forestières de gérer leur obligation à l’égard de la rétention d’arbres utiles pour la faune de manière à laisser une zone intacte autour des habitats susceptibles d’abriter la corydale de Scouler.

En mai 2006, la province a désigné, en vertu de la FRPA, 8 aires d’habitat faunique (AHF) pour assurer la protection des principales populations (plus de 400 000 tiges) de corydale de Scouler. Ces AHF englobent les aires occupées par l’espèce dans les bassins des rivières Nitinat et Klanawa (voir le tableau 1 et les figures 5 et 6). La FRPA oblige les sociétés forestières à protéger les populations de corydale de Scouler pendant leurs activités d’exploitation. Les AHF procurent à l’espèce le même niveau de protection que la Parks Act de la province face à l’exploitation forestière, principale menace à sa survie, puisque l’exploitation forestière est interdite dans les AHF comme dans les parcs.


Figure 5 : Aires protégées créées pour la corydale de Scouler dans le bassin de la Nitinat

Figure 5 : Aires protégées créées pour la corydale de Scouler dans le bassin de la Nitinat. Les sites marqués d’un astérisque et portant les numéros de 1-190 à 1-195 et 1-197 se trouvent dans les aires d’habitat faunique désignées pour la protection de l’espèce.

Les sites marqués d’un astérisque et portant les numéros de 1-190 à 1-195 et 1-197 se trouvent dans les aires d’habitat faunique désignées pour la protection de l’espèce.


Figure 6 : Aires protégées créées pour la corydale de Scouler dans la région de la rivière Klanawa et du ruisseau Carmanah

Figure 6 : Aires protégées créées pour la corydale de Scouler dans la région de la rivière Klanawa et du ruisseau Carmanah.Le site 1-196 se trouve dans une aire d’habitat faunique désignée pour la protection de l’espèce.

Le site 1-196 se trouve dans une aire d’habitat faunique désignée pour la protection de l’espèce.

La majorité des sites actuels de corydale de Scouler se trouvent sur des terres domaniales, dans la concession de ferme forestière (CFF) no 44. Cette concession est actuellement détenue par la société Western Products (anciennement Weyerhaeuser Canada). Une deuxième concession de ferme forestière (no 46) abritant 3 sites connus de l’espèce (nos 7, 8 et 9, bassin de la Nitinat; voir la figure 4) est aujourd’hui détenue par le Teal-Jones Group (concession détenue par TimberWest jusqu’en janvier 2004). Toutes les populations de corydale de Scouler susceptibles d’être touchées par des activités forestières ont été identifiées et figurent dans des plans de gestion (Bill Beese, comm. pers.; Bo Ferguson, comm. pers.).

Une partie du plus grand site (no 14, bassin de la Nitinat; voir la figure 4) se trouve dans la réserve Chuchummisapo de la bande de Ditidaht. Il n’y a aucune menace connue pour cette population. Pendant des relevés sur le terrain réalisés par Douglas et Smith en 2003, Douglas a évalué, à partir de cartes topographiques, que les plantes se trouvaient à proximité de la limite de la réserve indienne et non à l’intérieur de la réserve (S. Smith, comm. pers., 2006).La bande de Ditidaht est consciente de la présence de cette population sur son territoire et a participé aux travaux de l’équipe de rétablissement de l’espèce.

 

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