Grand iguane à petites cornes (Phrynosoma hernandesi) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Taille et tendances des populations

Les détails des relevés réalisés en 1995 et en 1996 par Powell et al. en Saskatchewan figurent dans Powell et al. (1998). Les relevés de 2001 et de 2002 réalisés en Alberta sont accessibles en format grand public (James, 2002; 2003) et en versions détaillées publiées par le gouvernement de l'Alberta pour usage interne.

Activités de recherche

Les grands iguanes à petites cornes sont connus pour être difficiles à observer en raison de leurs faibles densités, de leur coloration cryptique et de leur capacité à demeurer immobile, même lorsqu'on les approche de très près. Puisqu'ils ne sont pas très mobiles et qu'ils ne laissent que peu d'indices de leur présence, comme des traces ou des excréments identifiables, le piégeage ou l'observation des indices de présence ne sont pas des méthodes réalistes. Les relevés menés pour les iguanes à petites cornes en Alberta et en Saskatchewan ont toujours été réalisés à pied (p. ex. Powell, 1982; Powell et Russell, 1996; Powell et al., 1998; James, 2002; 2003).

Les chercheurs observent le sol devant eux, marchent lentement, portent généralement un bâton pour écarter la végétation, font des allers-retours distancés de deux mètres dans l'habitat convenable. De cette façon, chaque chercheur peut examiner efficacement une bande de végétation d'environ deux mètres de largeur. Lorsque deux personnes ou plus font la recherche en même temps, elles marchent à peu près côte à côte, ou l'une suit légèrement derrière, ce qui facilite la tâche et permet à la personne qui suit de détecter tout individu fuyant au passage de la première personne. Les captures d'une journée peuvent être très rares, voire inexistantes, en raison de la faible densité de ces populations d'iguanes, et cela peut être épuisant pour les chercheurs. Certains iguanes bougent si peu que leurs mouvements en sont presque négligeables, comme une inclinaison de la tête ou un changement de posture; il est donc important pour les chercheurs de scruter attentivement le moindre mouvement.

Il y aura toujours un degré d'incertitude associé à la détermination de la présence et de l’abondance réelle de cet animal excessivement bien camouflé. On présume que les taux de capture atteignent leur maximum après la période de parturition, de la fin de juillet au début d'août (Powell et Russell, 1992a; James, 2002). Les captures peuvent être plus nombreuses en raison du plus grand nombre total d'individus, et parce que les nouveau-nés semblent plus faciles à faire fuir que les individus expérimentés (James, 2002).

Les relevés des populations de l'Alberta et de la Saskatchewan ont été concentrés sur les sites où des enregistrements ont été consignés dans le passé; ils ont généralement été bien documentés en ce qui concerne le format quart, section, canton, rang (Powell et al., 1998; James, 2002, 2003). Certains enregistrements historiques plus anciens ne précisent que le canton, ou le nom de la municipalité, ce qui est moins utile. Depuis l'apparition des SIG, la capacité de localiser les occurrences s'est grandement améliorée et la précision des enregistrements a considérablement augmenté.

Des recherches menées en 1991 ont permis de confirmer la présence de l'espèce dans 16 des 28 secteurs (57 p. 100) où elle avait été enregistrée auparavant (Powell et Russell, 1992a). D'après Powell et Russell (1992a), les populations avaient subi un déclin depuis les travaux sur le terrain de Powell menés de 1978 à 1982 (Powell, 1982). On compte des occurrences confirmées d'iguanes à petites cornes en Alberta dans 74 sections (chaque section = un mille²) de terres, dont 68 comportent de l'habitat intact (ASRD, 2004). De nouveaux relevés ont été menés récemment pour les populations d'iguanes à petites cornes de l'Alberta (James, 2002; 2003). Les relevés sur le terrain réalisés en 2001 et en 2002 ont permis la capture de 130 individus. Au total, 59 sections ont été explorées, dont 48 où l'espèce avait déjà été enregistrée. Des iguanes ont été trouvés dans 19 sections, et 3 d'entre elles comptent de nouveaux enregistrements. Le taux de validation de la présence de l'espèce aux endroits où elle avait été enregistrée précédemment, par section, est d'environ 33 p. 100 (16/48). L'ensemble des terres où l'occurrence d'iguanes à petites cornes a été confirmée en Alberta se trouve à l'intérieur de 68 sections. Cela comprend toutes les sections ayant des enregistrements historiques qui ont été parcourues, ainsi que celles qui ne l'ont pas été, mais exclut les emplacements où l'habitat est actuellement non convenable à l'espèce ou détruit.

James (2002; 2003; ASRD, 2004) a tenté d'évaluer les paramètres de la population de manière très approximative. Ses conclusions sont résumées ci-après. Les relevés de 2002 en Alberta ont donné peu de résultats en raison des mauvaises conditions de recherche durant toute la période des relevés (James, 2003). Par conséquent, seules les données de 2001 ont été utilisées pour les calculs suivants.

En Alberta, le relevé des iguanes à petites cornes de 2001 a exigé au total 330 heures de recherche (James, 2002). Après soustraction de 10 minutes par capture pour tenir compte du temps passé à consigner chaque capture, le temps total de recherche a été de 291 heures et 34 minutes. Ce temps total ajusté a été divisé par le nombre total de captures (125) pour un temps moyen de recherche par iguane capturé de 2 heures et 20 minutes.

La superficie totale inventoriée a été estimée en postulant que chaque chercheur couvrait une bande d’environ 2 m de largeur à une vitesse de marche estimée à 2,1 km/h. À partir de ces chiffres (largeur de la bande parcourue, vitesse de marche et temps total de recherche), la superficie totale inventoriée par personne par heure de recherche a été estimée à environ 4 200 m²/h (soit 2 100 m/h * 2 m de largeur). Cette superficie a ensuite été transformée en taux par minute (70 m²/min.), puis multipliée par le nombre total de minutes de recherche par chercheur. En multipliant le temps total de recherche ajusté (291 h et 34min.) par la superficie inventoriée par minute (70 ), on obtient une estimation de la superficie totale couverte, soit 1 224 545 m² (ou 122,45 ha). En divisant cette superficie (122,45 ha) par le nombre total de captures (125), on arrive à 9 796 m², soit près de un hectare (10 000 m²) de superficie couverte par iguane capturé, chiffre qui est interprété comme une approximation, et peut-être une évaluation minimale de la densité. Étant donné que les iguanes à petites cornes n'ont pas été observés dans tous les sites, on a également procédé à un calcul utilisant seulement les sites où des captures ont été effectuées. Dans ce cas, la densité approximative des iguanes est de 2 individus par hectare inventorié. Les sources possibles d'erreurs dans ces calculs sont les individus ayant échappé à l'observation, les erreurs de consignation du temps de recherche et la variance dans la vitesse de marche des chercheurs. Durant les relevés de 2001, le nombre de chercheurs a varié d'un jour à l'autre et d'un endroit à l'autre entre 1 et 9 personnes. Il suffit de dire que la densité, l’abondance et la présence pourraient avoir toutes été sous-évaluées, à moins que la présence ou la densité ait été présumée plus élevée que les données indiquées relatives aux captures. On tient compte de ces incertitudes dans la section sur l’abondance.

Toute l'information actuellement disponible sur la population de la Saskatchewan provient des travaux de Powell et al. (1998). En Saskatchewan, il a fallu 200 heures-personnes pour capturer 8 iguanes dans un bloc du parc national des Prairies en 1995. Il est possible que les variations interannuelles et intersaisonnières soient élevées; l'année précédente, un seul chercheur a fait 4 captures en environ 50 heures de recherches (Powell et al., 1998). À titre comparatif, le nombre d'heures de recherche par capture était de 12,5 heures dans le bloc ouest du parc et de 25 heures dans le bloc est au cours des relevés de 1995 et 1996 dans le parc national des Prairies (Powell et al., 1998). Ce temps par capture est beaucoup plus élevé que celui des relevés de 2001 en Alberta, ce qui donne à penser que les populations de la Saskatchewan seraient moins denses que celles de l'Alberta (Powell et al., 1998).

Abondance

Partout dans leur aire de répartition, la majorité des espèces d'iguanes à cornes ont une faible abondance et sont réputées comme étant peu communes même où elles sont présentes (Pianka et Parker, 1975). Lors d'études menées sur de petites espèces d'iguanes, Turner (1977) a calculé une moyenne géométrique de la densité de 51 individus par hectare. Tanner et Krough (1973) ont calculé au Nevada des densités de cinq P. platyrhinos par hectare. En Alberta, les densités sont considérées comme généralement faibles (Powell et Russell, 1991a). Il serait raisonnable d'estimer entre 2 et 4 le nombre d'individus par hectare pour les populations de l'Alberta (James, 2003; ASRD, 2004).

Une estimation très préliminaire de la population totale de l'Alberta a déjà été tentée (James, 2003; ASRD, 2004). On explique dans le présent paragraphe et les 2 qui le suivent sur quelles bases ce calcul a été fait. D'abord, en Alberta, les aires restantes d'habitat potentiellement convenable semblent être confinées dans 68 sections de terres (176,12 km²). Les sections potentiellement occupées ne comptant pas que de l'habitat convenable, on peut présumer que l'habitat potentiel disponible occupe environ la moitié de la superficie des 68 sections, soit 88,06 km², ou moins encore.

La population albertaine minimale a ensuite été estimée par une extrapolation de cette logique. Puisque des captures n'ont été réalisées que dans environ le tiers des sections explorées, la présence de la population ne peut être pour l'instant vérifiée que dans 29,35 km², soit le tiers de l'aire connue. À une densité de 2 iguanes par hectare ou par 200 km², la population minimale est estimée à 5 871 individus.

Pour estimer la population maximale, on a présumé que certains des iguanes présents étaient passés inaperçus. En présumant que seulement la moitié des iguanes ont été capturés, on peut présumer une densité de 4 iguanes par hectare. De plus, si l'on présume que les iguanes occupent la totalité de l'habitat convenable restant (88,06 km²), on obtient une population de 35 224 individus en Alberta.

Si l'on tient compte de la longueur minimale du museau au cloaque de 46 mm des individus matures avancée par Powell et Russell (1985a), l'interprétation des données de 2001 peut produire des résultats très différents de celle de James (2002). En tenant compte de ce paramètre, la structure de la population sur la base des captures de 2001 serait la suivante : mâles adultes n = 9, mâles juvéniles n = 27, femelles adultes n = 48, femelles juvéniles n = 1, jeunes de l'année n = 40. Selon cette interprétation, les adultes représentaient 45,6 p. 100 de toutes les captures. En appliquant ce pourcentage aux populations maximale et minimale, on estime alors que la population d'individus matures de l'Alberta se situe entre 2 677 et 16 379.

Les mâles adultes ne représentaient que 15,8 p. 100 des captures de 2001 et les femelles adultes 84,2 p. 100. En supposant que ces proportions sont représentatives de la population générale, il est possible d'estimer la taille réelle de la population. Si la taille réelle de la population est définie comme étant

Ne = 4(NmNf) ⁄ Nm + Nf

Nm et Nf correspondent au nombre de femelles et de mâles capables de se reproduire (Smith et Smith, 1998), tel que calculé ci-dessus, alors la population réelle de l'Alberta compterait entre 1 421 et 8 716 individus matures. Dans le tableau 1 figurent les tailles des populations par emplacement en Alberta. Tous ces calculs doivent être considérés comme extrêmement provisoires compte tenu du nombre d'hypothèses non vérifiées qu'ils contiennent.

Tableau 1. Sous-populations de l'Alberta, densités perçues et estimations du nombre d'individus matures. Données de ASRD (2004).
Emplacement approximatif de la sous-population Nombre approximatif de sections (1 mille par 1 mille) Densité perçue selon les relevés de 2001-2002 Nombre estimé d'individus matures
(selon le nombre de sections)Note de tableaua
Sites de la rivière Saskatchewan Sud
13
Faible
507 – 3 071
Sites de la coulée Chin
7
Faible
273 – 1 653
Sites des collines de Manyberries
21
Élevée
819 – 4 959
Sites de la rivière Milk et de ses affluents
27
Faible à extrêmement faible
1 052 – 6 377

Fluctuations et tendances

Le climat est sans doute le principal déterminant de l'aire de répartition du grand iguane à petites cornes en Alberta (Powell et Russell, 1991a; 1991b; 1996). Les fluctuations annuelles du climat peuvent avoir des effets prononcés sur les populations, plus particulièrement lorsque des événements extrêmes se produisent pendant des périodes sensibles, comme l'accouplement ou la parturition (Powell et Russell, 1991b). Ces événements extrêmes, s'ils surviennent à un moment critique, peuvent même éliminer tout recrutement au cours de certaines saisons. La sécheresse prolongée des années 1980 pourrait être la cause de la diminution des populations d'arthropodes et avoir conduit à la réduction apparente de la population d'iguanes observée par Powell et Russell (1992a).

Les premières estimations des tendances et des fluctuations ont été calculées à partir des observations personnelles de G. L. Powell et des observations isolées de résidents (Powell et Russell, 1993a). De manière générale, la tendance en Alberta est actuellement stable ou à la baisse. En 2001 et 2002, l'intervalle entre les captures était de deux heures et vingt minutes, soit un intervalle similaire à ceux enregistrés par G. L. Powell au début des années 1990 (entre deux et trois heures, comm. pers.), ce qui laisse penser que les populations sont assez stables. Toutefois, il y a peut-être eu un certain déclin global des populations si l'on se fie au succès réduit de la confirmation de la persistance des sous-populations en 2001 et en 2002. Bien que certains des échecs à trouver des iguanes sur des sites occupés puissent seulement refléter des difficultés à les détecter, certaines populations de la coulée Forty-Mile ont sûrement  disparu en raison de la disparition de leur habitat. L’impossibilité de trouver des populations historiques le long de la rivière Milk reste un mystère étant donné que l’habitat sur ces sites est toujours approprié.

Il n'y a aucune donnée fiable sur les tendances et les fluctuations au sein de la population de la Saskatchewan, mais certains avancent que l'abondance y est moindre qu'en Alberta (Powell et al., 1998). On peut s'attendre à ce que les populations soient plus stables dans les habitats les moins perturbés et en déclin dans les habitats plus touchés par les perturbations anthropiques.

Effet d'une immigration de source externe

Si l’une des populations d'iguanes à petites cornes de l'Alberta disparaissait, on estime que les possibilités de repeuplement naturel de l'habitat seraient extrêmement faibles, voire inexistantes. Même si les liens entre les emplacements principaux étaient parfaitement intacts, il serait improbable que les populations des aires occupées soient suffisamment abondantes pour servir de sources de repeuplement. De plus, la distance estimée entre les populations empêcherait probablement la dispersion naturelle. De fait, entre 15 et 20 km séparent les 2 populations les plus proches, soit celle des collines de Manyberries et celle de la rivière Milk (ASRD, 2004). La distance entre la population des collines de Manyberries et celle de la coulée Chin est d’environ 48 à 50 km, alors que celle entre la population de la coulée Chin et celle du segment le plus proche de la rivière Saskatchewan Sud est de 35 à 38 km environ. Les différents emplacements d'une même population sont probablement eux aussi assez dispersés. Par exemple, les sites le long de la rivière Saskatchewan Sud sont répartis sur plus de 90 km. En plus d'être assez éloignés les uns des autres, les principaux bassins hydrologiques auxquels sont associées les populations ne sont pas directement reliés entre eux, ce qui réduit davantage les possibilités d'interaction entre les populations au sein de corridors d'habitat existants.

Dans le cas des populations de l'Alberta, les possibilités de populations contiguës au sud de la frontière sont très faibles compte tenu de l'intensité des activités agricoles le long de la frontière entre l'Alberta et le Montana. Cependant, au sud de la Saskatchewan, le paysage semble en grande partie intact et beaucoup moins cultivé. L'enregistrement le plus proche au Montana (Cooper et al., 2001) a été fait à environ 52 km directement au sud des enregistrements du bloc est du parc national des Prairies.

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