Grand iguane à petites cornes (Phrynosoma hernandesi) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Facteurs limitatifs et menaces

Les facteurs limitatifs naturels au grand iguane à petites cornes au Canada sont probablement à la fois physiologiques, comportementaux et climatiques (Powell et Russell, 1998). Les faibles taux de survie à la fin de l'automne et à l'issue de l'hiver, la biologie reproductive et peut-être les exigences en matière d'habitat contribuent sans doute tous à limiter l'aire de répartition de l'espèce au Canada (Powell et Russell, 1996; 1998). L'importance relative des facteurs limitatifs n'est pas la même pour les populations de l'Alberta et de la Saskatchewan.

En Saskatchewan, la faible abondance semble être le facteur limitatif le plus important, les populations de la province étant confinées au parc national des Prairies, un secteur peu perturbé par les actions anthropiques (Powell et Russell, 1996; 1998). Selon Powell et al. (1998), le climat et la géographie limiteraient l'aire de répartition des iguanes à petites cornes en Saskatchewan. En effet, dans cette province, l'aire de répartition des iguanes à petites cornes correspond étroitement à celle du crotale des prairies (Crotalus viridus viridus), alors qu'en Alberta, où l'habitat convenable est moins limité par les hautes terres, l'aire de répartition du crotale des prairies s'étend beaucoup plus au nord et à l'ouest que celle des iguanes à petites cornes.

Dans le cas des populations de l'Alberta, l'intensification des activités anthropiques représente une menace additionnelle pour l'espèce. Selon Powell et Russell (1991b), les populations de l'Alberta sont « probablement extrêmement sensibles » aux perturbations anthropiques (p. 2 764). Les populations de l'Alberta ne sont pas touchées également par ces perturbations. Par exemple, les sites le long de la rivière Milk et de ses affluents comportent des habitats presque entièrement intacts et devraient pouvoir offrir un sanctuaire pratiquement intouché aux populations de l'Alberta, même si, tel qu’il a été mentionné plus haut, les récents relevés n’ont pas permis de trouver des iguanes sur bon nombre de ces sites (voir la figure 3). Le plus important type de sous-population (environ un tiers de tous les iguanes de l’Alberta) qui se trouve dans la zone écologiquement vulnérable de Manyberries, laquelle subit de fortes pressions en raison de l’exploitation pétrolière et gazière, et possiblement, en raison d’une nouvelle exploitation à ciel ouvert de mines d'humate et d’ammonite, demeure une importante préoccupation. Ces perturbations pourraient sévèrement menacer les populations d’iguanes (ASRD, 2004 ; Kissner, 2005). L'examen qui suit, portant sur les menaces anthropiques, s'appliquera par conséquent davantage aux 3 populations les plus septentrionales des 4 populations principales de l'Alberta. On y désignera également les populations les plus touchées par chaque menace.

Développement industriel et routes

Les routes se multiplient dans le sud-est de l'Alberta, principalement en raison des activités d'exploration et de développement du secteur pétrochimique. Les routes sont devenues des corridors de dispersion pour les populations de fourmis moissonneuses (DeMers, 1993). Paradoxalement, il est donc possible que les routes améliorent l'accès aux sources de nourriture tout en augmentant la mortalité. Les mouvements saisonniers des tapayas du Texas mâles associés à la période de reproduction du printemps (Henke et Montemayor, 1998) font que ceux-ci sont 5 fois plus présents sur les routes que les femelles et donc beaucoup plus vulnérables aux véhicules (Sherbrooke, 2002). Selon Henke et Montemayor (1998), il est possible que les iguanes à cornes mâles profitent de la visibilité accrue qu'offrent les routes pour localiser les femelles. Sherbrooke (2002) a également estimé que les iguanes tués sur les routes peu fréquentées de l'Arizona et du Nouveau-Mexique représentaient entre 25 et 50 p. 100 des individus vivants capturés le long de ces mêmes routes. Toujours selon cet auteur, les véhicules pourraient contribuer à la disparition de l'espèce dans les secteurs qui accueillent des réseaux routiers plus denses.

L'incidence de la densité des routes sur les populations d'iguanes à petites cornes au Canada n'est pas bien documentée. Powell et Russell (1993a; 1998) ont observé que les iguanes à petites cornes empruntaient des voies carrossables dans les secteurs herbeux. Sur ces voies, les iguanes risquent davantage d'être écrasés par les véhicules (Powell et Russell, 1998). G. L. Powell (comm. pers.) a également observé des iguanes à petites cornes écrasés sur les routes menant à des développements pétroliers.

La sous-population albertaine la plus visiblement touchée par le développement du réseau routier industriel est celle des collines de Manyberries (fig. 7; Powell et Russell, 1998; ASRD, 2004; Kissner, 2005), quoique les sous-populations de la rivière Saskatchewan Sud soient également touchées par cette menace, mais à un degré moindre. Dans le secteur des collines de Manyberries, 564 nouveaux puits ont été creusés depuis 1980 (Kissner, 2005). Une récente évaluation des effets cumulatifs estimait qu'environ 15 p. 100 de l'habitat disponible pour l'iguane pouvaient être affectés par des éléments de développement, comme des puits, des routes, des sentiers et des pipelines. La mesure « d'habitat disponible » ne correspond pas à la zone d'occupation, mais plutôt à toutes les parties du secteur qui contiennent de l'habitat potentiel, sans toutefois que des enregistrements d'iguanes à petites cornes n'y aient été nécessairement faits (Kissner, 2005). Par conséquent, les effets du développement dans les aires que l'on sait occupées par l'iguane pourraient être plus importants encore si l'on ne tenait pas compte de toutes les autres aires potentielles, mais apparemment inoccupées.

Figure 7. Emplacements des iguanes à petites cornes et des éléments de développement (puits, pipelines et routes) dans la zone écologiquement vulnérable des collines de Manyberries. Toute la population de grands iguanes à petites cornes des collines de Manyberries se trouve dans cette zone. BSOD fait référence à la Biological Species Observation Database du gouvernement de l'Alberta.

Figure 7. Emplacements des iguanes à petites cornes et des éléments de développement (puits, pipelines et routes) dans la zone écologiquement vulnérable des collines de Manyberries. Toute la population de grands iguanes à petites cornes des collines de Manyberries se trouve dans cette zone. BSOD fait référence à la Biological Species Observation Database du gouvernement de l'Alberta.

Développement agricole, cultures et irrigation

Dans le sud-est de l'Alberta, l'agriculture est la principale utilisation anthropique des terres. Généralement, les pentes abruptes occupées par les iguanes à petites cornes sont impropres à l'agriculture. Les sous-populations de l'Alberta les plus touchées par l'irrigation sont celles se trouvant dans le secteur entourant la coulée Forty-Mile, au sud-est de Grassy Lake, et le long de la rivière Saskatchewan Sud. On compte au moins trois barrages le long de la coulée Forty-Mile. L'intensité des activités agricoles autour de la coulée Forty-Mile et le niveau d'eau dans la coulée même ont probablement contribué à la disparition de la sous-population enregistrée à cet endroit. La présence de l'iguane à petites cornes n'a été que récemment documentée le long de la coulée Chin, près de Foremost (James, 2002) et à proximité de la confluence des coulées Chin et Forty-Mile (Powell et Russell, 1991a). En 1923, un spécimen de Grassy Lake a été observé dans un affluent de la coulée, près de la pointe supérieure du réservoir central. L'habitat dans ce secteur est aujourd'hui considéré comme extrêmement limité. Un enregistrement a également été fait en 1981 près du dernier barrage le long de la coulée Forty-Mile (FWMIS, 2006). Powell et Russell (1992a) n'ont pas réussi à confirmer la présence de cette sous-population. De récents relevés n'ont pas non plus permis de confirmer la présence de l'espèce à cet endroit (James, 2002).

Développement urbain

Les populations de Medicine Hat et de Redcliff sont les seules populations du Canada à être menacées par l'urbanisation (Powell et Russell, 1992a; James, 2002; ASRD, 2004). Dans ces secteurs, la survie des populations est menacée par le morcellement et la disparition des habitats restants, par les captures et par les mortalités attribuables à des animaux domestiques (Powell et Russell, 1992a; James, 2002; ASRD, 2004). Ces facteurs, conjugués au risque plus élevé d'être écrasé généralement associé aux grandes densités de véhicules, pourraient menacer la viabilité à long terme de ces populations.

Activités récréatives

On estime que la conduite de véhicules tout-terrains, de motocyclettes ou de camions à l'extérieur des routes pourrait avoir des conséquences graves sur les populations canadiennes d'iguanes à petites cornes, en perturbant l'habitat et en causant directement la mort d'individus (James, 1997; ASRD, 2004). On sait que la conduite de véhicules tout-terrains dans les habitats de dunes a une incidence négative sur les iguanes à cornes en Californie (Beauchamp et al., 1998). D'importantes perturbations localisées, causées par des motos hors routes et des véhicules tout-terrains, ont été observées dans les habitats occupés par les iguanes à petites cornes (J. James, obs. pers.).

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