Couleuvre obscure de l’est (Elaphe spiloides) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 10

Facteurs limitatifs et menaces

Facteurs limitatifs

En raison de certaines caractéristiques de son cycle vital, la couleuvre obscure est particulièrement vulnérable aux perturbations. Des accroissements, même légers, de la mortalité attribuables à la reproduction bisannuelle à l’atteinte tardive de la maturité (vers 7 ans) et à la lente croissance de l’espèce peuvent avoir des incidences importantes à l’échelle des populations (Brooks et al., 1991; Congdon et al., 1993). En outre, l’habitat de la couleuvre obscure consiste en une mosaïque de milieux forestiers et ouverts, et de grandes étendues de cet habitat sont nécessaires pour supporter des populations viables. Les individus peuvent s’éloigner au moins 4 km de leur gîte d’hibernation. En Ontario, la population des Grands Lacs et du Saint-Laurent et la population carolinienne sont exposées à des menaces semblables, mais à différents degrés d’imminence et d’importance, et sont traitées séparément ci-après.


Menaces à la population des Grands Lacs et du Saint-Laurent

Cette population occupe une zone d’occurrence relativement petite (environ 4 000 km2), mais aucune donnée quantitative ne permet de définir la distribution des populations à l’intérieur de cette zone. La répartition de l’habitat convenable à l’espèce dans l’axe de Frontenac (figure 3; voir la section Habitat – Besoins en matière d’habitat) permet de croire que, malgré la présence de grandes étendues contiguës d’habitat convenable, la superficie totale de celui-ci est largement inférieure à 4 000 km2. En outre, l’habitat est de plus en plus fragmenté. Les activités récréatives s’intensifient autour du canal Rideau (Prior et Weatherhead, 1996) et s’accompagnent d’un développement croissant dans la région (S. Thompson, comm. pers., 2006). Pour maintenir des populations viables, on doit entretenir des étendues contiguës d’habitat convenable afin de conserver la connectivité entre les populations existantes. L’expansion du réseau routier, surtout des routes asphaltées telles que l’autoroute 401, et la perte de la continuité entre les parcelles d’habitat, ont fait en sorte que la population des Grands Lacs et du Saint-Laurent est de plus en plus fragmentée ou même gravement fragmentée dans les populations étudiées qui sont éloignées du centre de l’aire de répartition de l’axe de Frontenac (voir figure 3). Comme les couleuvres obscures nichent dans des gîtes d’hibernation communautaires, les développements peuvent être particulièrement néfastes pour les populations lorsque les gîtes d’hibernation existants sont détruits.

La mortalité sur les routes est une autre grave menace pour toutes les populations de couleuvres obscures. Plusieurs études ont déjà démontré les incidences négatives des routes sur les populations de reptiles, que ce soit par la mortalité directe (Rodda, 1990; Ashley et Robinson, 1996) ou par la fragmentation des populations (Shine et al., 2004; Andrews et Gibbons, 2005). Les couleuvres obscures ont de grands domaines vitaux et une grande étendue pour les déplacements ce qui permet aux sous-populations locales d’échanger des individus et des gênes, mais rend aussi cette espèce vulnérable à la multiplication des réseaux routiers qui, de son côté, augmentent la fragmentation des populations et des habitats. Bien que l’on ne dispose d’aucune donnée quantitative sur la mortalité routière, on trouve en moyenne, dans l’axe de Frontenac, six couleuvres obscures mortes (dans un intervalle de 1 à9) chaque année sur un segment de route de 10 km à l’intérieur de la zone d’étude de la QUBS (Row et al., 2007). De même, 16 couleuvres obscures mortes ont été trouvées en 10 ans sur un segment de route de 18 km dans le parc provincial de la Pointe Murphys, et 8 individus morts sur un segment de 7 km en 2 ans dans le parc provincial Clara Lake (S. Thompson, comm. pers., 2007). Ces taux sont probablement représentatifs du nombre élevé de mortalités des populations de couleuvres obscures compte tenu de leurs cycles biologiques. En fait, une récente analyse de la viabilité de la population effectuée en ce qui concerne la population à l’étude, dans la zone d’étude protégée de la QUBS au sein de l’habitat optimal dans l’axe de Frontenac, indiquait que les taux de mortalité des adultes estimés à 9 adultes par année sur les routes locales (en gravier) accroissent la probabilité de disparition du pays de 7,3 p. 100 à 99 p. 100 dans 500 ans. La mortalité sur les routes de seulement 3 femelles chaque année élèverait la possibilité de disparition à plus de 90 p. 100 par 500 ans (Row et al., 2007). Dans plusieurs secteurs de l’axe de Frontenac, la densité routière et les limites de vitesse sont beaucoup plus élevées et la qualité de l’habitat est beaucoup plus faible que dans ces aires protégées, ce qui fait en sorte que les populations de couleuvres obscures s’y trouvant devraient être à plus grand risque de disparition en raison de la mortalité sur les routes.

Population carolinienne

Bien que les habitudes d’utilisation de l’habitat des couleuvres obscures de la région carolinienne n’aient été quantifiées dans aucune étude, certaines études portant sur une variété de types d’habitats et de régions ont démontré que les individus s’éloignent rarement de l’habitat forestier et qu’ils privilégient manifestement un habitat composé d’une mosaïque de milieux forestiers et ouverts (Fitch, 1963; Durner et Gates, 1993; Blouin-Demers et Weatherhead, 2001a). L’ensemble du paysage de la région carolinienne est dominé par l’agriculture intensive et un vaste réseau routier; tous les vestiges d’habitat convenable sont limités et gravement fragmentés. Ce manque d’habitat convenable se reflète par les petites populations extrêmement fragmentées qui persistent dans la région. On ignore si les vestiges d’habitat actuels suffisent à assurer la pérennité à long terme de ces populations.

Une analyse de viabilité de la population des Grands Lacs et du Saint-Laurent laisse penser que, pour être viable, une population doit compter au moins 141 individus matures (réseau d’environ 8 gîtes d’hibernation) (Tews, 2005). Dans l’axe de Frontenac, cela se traduit par une superficie ininterrompue d’habitat convenable d’au moins 540 ha. Dans la région carolinienne, la densité est probablement beaucoup plus faible et la mortalité plus élevée (à cause d’une densité routière plus élevée) et, par conséquent, il faudrait une zone boisée d’habitat convenable ininterrompu supérieure à 540 ha pour répondre aux besoins d’une population viable. La pérennité des populations caroliniennes restantes est probablement compromise par leur petite taille, l’isolement ainsi que par la faible superficie de leur habitat.

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