Noctuelle de l’abronie (Copablepharon fuscum) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 10

Facteurs limitatifs et menaces

Les éléments suivants doivent être pris en compte pour la compréhension des facteurs limitatifs et des menaces qui pèsent sur les populations de noctuelle de l’abronie au Canada:


Perte d’habitat

La principale menace pour la noctuelle de l’abronie est la réduction de la quantité et de la qualité des ressources en plantes hôtes causée par la perte ou la dégradation des milieux sablonneux dénudés. Comme il a été mentionné précédemment, ce phénomène résulte principalement de la stabilisation de ces milieux par la végétation. Les perturbations directes liées au développement et à l’exploitation des milieux à des fins récréatives sont considérées comme des menaces secondaires, mais leurs impacts peuvent être importants localement. La survie à long terme des populations de noctuelle de l’abronie ne sera possible que si les perturbations chroniques naturelles qui assurent la pérennité des populations de l’abronie à feuilles larges dans les milieux sablonneux dénudés ou favorisent la colonisation des nouvelles zones de dépôt de sable par les semis continuent de s’exercer.


Spécificité à l’égard de la plante hôte

La spécificité à l’égard des plantes hôtes constitue vraisemblablement un bon indicateur du risque de disparition chez les papillons nocturnes (Nieminen, 1996). En effet, Nieminen (1996) mentionne que la disparition des populations de papillons nocturnes dépend davantage des caractéristiques des plantes hôtes que de celles des papillons eux-mêmes. À son avis, le risque de disparition est plus élevé chez les espèces de papillons nocturnes monophages que chez les espèces polyphages.


Collecte

La collecte de spécimens semble avoir eu un effet négligeable sur la taille de la population totale de la noctuelle de l’abronie. La collecte de spécimens à des fins de recherche devrait toujours être justifiée et effectuée avec parcimonie. La collecte à des fins récréatives ne devrait pas être permise.


Structure de la population

Les populations de la noctuelle de l’abronie sont isolées géographiquement les unes des autres. Selon un modèle théorique connu en écologie sous le nom d’« effet de sauvetage », le risque de disparition d’une population est inversement proportionnel au nombre de ses sous-populations (Hanski, 1982). D’après ce modèle, l’immigration réduirait le risque de disparition stochastique ou déterministe chez les populations multiples et permettrait aux espèces possédant un bon pouvoir de dispersion de recoloniser des régions d’où elles sont disparues. Comme il a été mentionné précédemment, on ignore si la dispersion entre les sites joue un rôle important dans le maintien des populations de noctuelle de l’abronie. La probabilité qu’une recolonisation se produise naturellement à partir de populations américaines connues en cas de disparition des populations canadiennes paraît cependant très faible.


Btk

Le Btk est un produit antiparasitaire commercial employé contre la race nord-américaine de la spongieuse (Lymantria dispar). Ce produit contient des spores d’une bactérie entomopathogène présente naturellement dans l’environnement (Bacillus thuringiensis var. kurstaki) et est utilisé par voie aérienne contre les populations larvaires de diverses espèces de papillons diurnes et nocturnes. Malheureusement, les espèces non ciblées sont également touchées. Des applications locales ont été effectuées dans les régions de Victoria et de Vancouver. Bien qu’il n’ait jamais été utilisé à ce jour à proximité des sites abritant des populations de noctuelle de l’abronie, ce produit représente une menace potentielle grave pour l’espèce.


Changements climatiques

Les effets potentiels des changements climatiques sur la noctuelle de l’abronie sont complexes. Du seul fait qu’ils risquent de provoquer une élévation du niveau de la mer, les changements climatiques représentent une menace directe pour les habitats dunaires côtiers. En revanche, l’intensification des perturbations frappant les milieux côtiers et du transport des sédiments causée par l’augmentation de la fréquence des tempêtes pourrait favoriser la formation de milieux sablonneux dénudés et, de ce fait, avoir un impact positif.


Préoccupation dans la conservation d’espèces similaires

Il est intéressant de noter que le Copablepharon hopfingeri Francl., espèce étroitement apparentée au C. fuscum, est le seul autre papillon nocturne tenu pour disparu de l’ouest du Canada (Lafontaine et Troubridge, 1998). Cette espèce se rencontrait autrefois à un petit site sablonneux à Brilliant, près de Castelgar (C.-B.). La disparition de cette espèce laisse penser que d’autres Copablepharon pourraient également être sensibles à la dégradation de leur habitat.

Le Copablepharon longipenne Grote habite les systèmes dunaires instables du nord des Grandes Plaines. L’agriculture extensive et les activités de lutte contre les feux de prairie ont considérablement réduit la superficie de cet habitat au cours des cent dernières années (J. Troubridge, comm. pers., 2002). Le papillon est encore commun dans la région des collines Great Sand, dans le sud-ouest de la Saskatchewan, où le pâturage par les bovins a retardé la stabilisation des dunes par la végétation (J. Troubridge, comm. pers., 2002). Toutes les espèces connues de Copablepharon sont associées aux dunes. Trois espèces, soit le Copablepharon grande (Strecker), le C. longipenne et le C. viridisparum (Dod), se rencontrent (ou se rencontraient) en Alberta et en Saskatchewan.

Au Canada, plusieurs autres Noctuidés (Apamea maxima [Dyar], Oligia tusa [Grote], Trichoclea edwardsii Smith, Lasionycta wyatti [Barnes et Benjamin], Lasionycta arietis [Grote], Agrotis gravis Grote et Euxoa wilsoni [Grote]) sont confinés aux plages côtières de la Colombie-Britannique (Troubridge et Crabo, 1996). La répartition mondiale de ces espèces est cependant considérablement plus étendue que celle du C. fuscum. En effet, les A. maxima, O. tusa, L. wyatti, L. arietis, E. wilsoni et A. gravis se rencontrent communément sur les plages depuis le centre de la Californie jusqu’à la Colombie-Britannique, et leurs populations ne semblent pas avoir souffert de la stabilisation des dunes du littoral océanique. Le T. edwardsii se rencontre parmi les dunes côtières et intérieures du sud de la Californie, mais il est absent des côtes océaniques du nord de la Californie, de l’Oregon, de l’État de Washington et de la Colombie-Britannique; on le trouve avec le C. fuscum sur des plages sablonneuses du détroit de Géorgie et de la région du Puget Sound.

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