Noctuelle de l’abronie (Copablepharon fuscum) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 9

Taille et tendances des populations

Il n’existe aucune estimation quantitative de la taille et des tendances des populations de noctuelle de l’abronie. La description relativement récente de l’espèce et les difficultés que soulève l’évaluation de la taille, des fluctuations et des tendances des populations d’insectes nocturnes rares expliquent le manque d’informations précises sur l’état des populations de cette noctuelle. Les nombres de captures au piège lumineux fournissent une estimation biaisée de la taille relative des populations et ne peuvent être utilisés pour caractériser la densité de population dans et entre les sites d’échantillonnage. En général, les densités de population varient considérablement selon l’espèce de papillon nocturne considérée, et il est difficile d’extrapoler la taille totale d’une population à partir des données publiées : on a déjà calculé une densité moyenne de 0,1 adulte/m2 dans des parcelles d’habitat (Hanski et al., 1994), mais les densités peuvent varier entre 0,0001 et 10,0 adultes/m2 (Nieminen, 1996). Des densités de population variant entre 0,2 et 6,0 individus/m2 ont été calculées pour deux sites au terme d’une recherche manuelle de chenilles de noctuelle de l’abronie du dernier stade enfouies dans le sable dans des colonies denses d’abronie à feuilles larges (J. Troubridge, comm. pers., 2002). À partir de ces estimations de la densité, on a calculé que la population adulte totale de la noctuelle s’élèverait à 350 à 10 500 individus au Canada.

Les changements dans la répartition et l’abondance de l’abronie à feuilles larges pourraient fournir de précieuses indications sur les tendances des populations de noctuelle de l’abronie. Il faut pour cela postuler que la taille des populations de noctuelle dépend de la quantité (m2) et de la qualité (densité de feuilles et de fleurs) de l’abronie. Cette hypothèse est étayée par des données sur des populations d’autres espèces de papillons nocturnes recueillies dans d’autres régions (Forare et Solbreck, 1997; Nieminen, 1996).

Un examen des données d’herbier et une estimation sur le terrain ont révélé que le nombre d’occurrences de l’abronie à feuilles larges au Canada est stable. Une population, découverte en 1979 sur les dunes Cheewhat, au sud du lac Nitinat, sur la côte ouest de l’île de Vancouver (Turner et al., 1983), n’a pas été observée en 2001. La plante a également disparu de plusieurs autres sites dans la région de Victoria, mais ces populations étaient cependant considérées comme de petites colonies transitoires non propices à la noctuelle.

Par contre, la taille et l’état de nombreuses populations canadiennes d’abronie à feuilles larges semblent avoir été grandement affectés au cours des 50 dernières années par la stabilisation des milieux côtiers sablonneux par la végétation, phénomène dont il a été fait état précédemment. Exposée à la compétition d’autres plantes vasculaires ou de bryophytes, l’abronie à feuilles larges semble perdre de sa vigueur et produire moins de fleurs. La stabilisation par la végétation est une conséquence des changements induits par la succession végétale naturelle dans les milieux côtiers sablonneux, mais des facteurs anthropiques ont probablement accru le taux de succession végétale.

En bref, la perte et la dégradation d’habitats semblent avoir entraîné un déclin des populations d’abronie à feuilles larges et de noctuelle de l’abronie au Canada. À cause de la stabilisation des dunes dénudées par la végétation, du développement et de l’utilisation des milieux côtiers à des fins récréatives, il y a vraisemblablement accélération du processus.

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