Programme de rétablissement multi-espèces visant les espèces en péril dans l'écosystème de Chênaies de Garry : chapitre 1

1. Introduction


1.1 Contexte

Le présent programme de rétablissement multi-espèces a été élaboré en vue du rétablissement de plantes en péril poussant dans les mares printanières et les autres milieux humides saisonniers du sud de l'île de Vancouver et des îles Gulf voisines. Le programme vise particulièrement toutes les stations canadiennes de six espèces (tableau 1) : le lotier à feuilles pennées (Lotus pinnatus), la population du Pacifique du psilocarphe élevé (Psilocarphus elatior), le jonc de Kellogg (Juncus kelloggii), la renoncule à feuilles d'alisme (Ranunculus alismifolius var. alismifolius), l'orthocarpe à épi feuillu (Orthocarpus bracteosus) et la minuartie naine (Minuartia pusilla). Ces six espèces se caractérisent toutes par une répartition restreinte ou des populations de petite taille et sont menacées de diverses façons par la destruction de leur habitat, la modification du régime hydrologique ou la concurrence d'espèces envahissantes (COSEPAC, 2004). À moins que des mesures de rétablissement ne soient entreprises, ces espèces risquent de disparaître du Canada. Le présent programme a été préparé en conformité à la Loi sur les espèces en péril fédérale et vise à orienter la préparation d'un plan d'action de rétablissement.

Toutes les espèces visées par le présent programme poussent dans des mares printanières, des prés humides ou des suintements éphémères situés à l'intérieur de chênaies de Garry ou d'écosystèmes associés. Le programme énonce les buts visés pour chacune des espèces et formule des recommandations générales pour le rétablissement et la gestion de l'écosystème que constituent les mares printanières. Il est une des composantes du programme de rétablissement plus global intitulé Recovery Strategy for Garry Oak and Associated Ecosystems and their Associated Species at Risk in Canada: 2001-2006 (GOERT, 2002). Le présent programme de rétablissement reprend notamment certains éléments du volet « Strategic Approach D: Protection and recovery of species at risk » de ce programme.

L'approche multi-espèces adoptée pour le présent programme de rétablissement consiste à traiter simultanément plusieurs espèces vivant dans un même type de milieu, à l'intérieur du cadre plus large de gestion écosystémique privilégié par l'Équipe de rétablissement des écosystèmes du chêne de Garry (GOERT, 2002). Les mesures de rétablissement qui profitent directement aux six espèces visées et à leur habitat méritent une attention immédiate. À plus long terme, l'objectif est d'établir un cadre de rétablissement pour toutes les plantes en péril des mares printanières. Par conséquent, les recommandations s'appliquant à l'ensemble des espèces visées sont de nature suffisamment générale pour que d'autres espèces puissent être ajoutées aux versions futures du présent programme de rétablissement, lorsque les ressources le permettront ou dans le cas où le COSEPAC modifierait la désignation de certaines de ces espèces. Le présent document comprend trois parties. L'Introduction présente l'information de base s'appliquant à l'ensemble des espèces visées, y compris les éléments communs de leurs habitats et la justification du choix d'une approche multi-espèces. La deuxième partie, Rétablissement multi-espèces, décrit les principaux facteurs qui menacent les diverses espèces et leur habitat et propose des buts de rétablissement pour chaque espèce ainsi que des approches stratégiques permettant de les atteindre. La troisième partie, Information sur les espèces, présente pour chaque espèce son statut et sa désignation, suivis d'une description de la plante, de ses répartitions mondiale et canadienne, de ses préférences écologiques et des tendances de ses populations, dans la mesure où ces données sont connues.


1.2 Approche en matière d'intendance

Pour mettre en œuvre une protection efficace des espèces en péril, il sera très important d'entreprendre des activités d'intendance à l'égard de terrains présentant divers régimes fonciers et notamment de terrains privés et de réserves des Premières Nations. Ces activités supposent une coopération volontaire des propriétaires des terrains visés en vue de protéger les espèces en péril et les écosystèmes nécessaires à leur survie. En effet, dans le préambule de la Loi sur les espèces en péril (LEP) fédérale, il est admis « que les activités d'intendance visant la conservation des espèces sauvages et de leur habitat devraient bénéficier de l'appui voulu pour éviter que celles-ci deviennent des espèces en péril » et « que tous les Canadiens ont un rôle à jouer dans la conservation des espèces sauvages, notamment en ce qui a trait à la prévention de leur disparition du pays ou de la planète ». De même, dans l'Accord sur les espèces en péril conclu entre le Canada et la Colombie-Britannique, il est reconnu que « l'intendance par les propriétaires de terres et de plans d'eau, ainsi que par leurs utilisateurs, est essentielle afin d'éviter que des espèces ne deviennent en péril et de protéger et rétablir les espèces qui sont en péril » et que « les mesures coopératives et volontaires sont les premières approches pour assurer la protection et le rétablissement des espèces en péril ».


1.3 Approche en matière d'intendance des terrains privés

Comme de nombreuses espèces en péril, dont certaines des espèces visées par le présent programme, se rencontrent uniquement ou principalement sur des terrains privés, les activités d'intendance seront essentielles à leur conservation et à leur rétablissement. Il est reconnu que la protection efficace de nombreuses espèces en péril de Colombie-Britannique exigera que les propriétaires des terrains visés prennent des mesures volontaires pour aider à conserver certains secteurs des écosystèmes naturels abritant ces espèces. Cette approche inclura de nombreux types d'activités, dont : le respect de lignes directrices ou bonnes pratiques de gestion visant à soutenir les espèces en péril; la protection volontaire de secteurs importants d'habitat se trouvant sur des terrains privés; la conclusion d'accords de conservation visant les titres de propriété; le don d'une partie ou de la totalité des terrains aux fins de la protection de certains écosystèmes ou de certaines espèces en péril; la vente des terrains aux fins de conservation. Plusieurs organisations gouvernementales et non gouvernementales sont parvenues à bien conserver certaines terres dans la province. Ce type d'activité peut être appuyé par le B.C. Trust for Public Lands.

 

Tableau 1. Espèces visées par le présent programme de rétablissement Note de bas de page a, avec statut attribué par le COSEPAC et classement à l'échelle mondiale et à l'échelle provinciale
Espèce Statut attribué par le COSEPAC Date de désignation Classement à l'échelle mondiale et à l'échelle provincialeNote de bas de page b Proportion de l'aire de répartition se trouvant au Canada
Lotus pinnatus (lotier à feuilles pennées) Espèce en voie de disparition Mai 2004 G4G5 S1 - Liste rouge < 1 %
Psilocarphus elatior (psilocarphe élevé) - population du Pacifique Espèce en voie de disparition Mai 2001 G4 S1 - Liste rouge < 1 %
Juncus kelloggii (jonc de Kellogg) Espèce en voie de disparition Mai 2003 G3? S1 - Liste rouge < 1 %
Ranunculus alismifolius var. alismifolius (renoncule à feuilles d'alisme) Espèce en voie de disparition Mai 2000 G5T5 S1 - Liste rouge < 1 %
Orthocarpus bracteosus (orthocarpe à épi feuillu) Espèce en voie de disparition Mai 2004 G3? S1 - Liste rouge < 1 %
Minuartia pusilla (minuartie naine) Espèce en voie de disparition Mai 2004 G5 S1 - Liste rouge < 1 %


1.4 Mares printanières

Les mares printanières sont des cuvettes isolées, inondées de façon saisonnière, qui se forment au-dessus d'une couche imperméable, qu'il s'agisse d'un horizon induré (hardpan), d'un horizon argileux compact (claypan) ou du substratum rocheux (Holland et Jain, 1977; Zedler, 1987). Elles se forment sous climat méditerranéen ou sub-méditerranéen permettant leur inondation en hiver et au début du printemps et leur assèchement total ou partiel en été. Bien que ces milieux soient avant tout caractéristiques de la « province floristique » de Californie (Keeley et Zedler, 1998; U.S. Fish and Wildlife Service, 2003), ils se rencontrent également en Orégon, au Washington et dans le sud de la Colombie-Britannique, où ils sont essentiellement confinés au sud-est de l'île de Vancouver, aux îles Gulf voisines et au sud de la zone intérieure sèche de la province.

Les mares printanières sont des milieux humides très particuliers, dont l'écologie a pour élément central leur caractère saisonnier. En effet, ces nappes d'eau sont présentes pendant une partie de l'année, puis disparaissent jusqu'à l'année suivante. Le milieu demeure mouillé suffisamment longtemps pour que la végétation ait une structure et une composition différentes de celle des milieux adjacents situés en terrain plus élevé, mais il demeure sec assez longtemps pour que les espèces typiques des milieux humides plus permanents ne puissent pas s'y établir (Keeley et Zedler, 1998).

Dans l'île de Vancouver, comme en Californie, les mares printanières commencent à se remplir d'eau de pluie durant l'automne et l'hiver. Leur régime hydrologique annuel comporte quatre périodes : (1) la période de mouillage, durant laquelle le sol devient saturé d'eau; (2) la période d'inondation, durant laquelle une nappe phréatique suspendue se forme – l'eau libre peut être présente en permanence ou en alternance avec des épisodes de saturation du sol en l'absence d'eau libre; (3) la période d'exondation, durant laquelle le sol demeure saturé mais l'eau libre disparaît peu à peu à cause de l'évaporation et de l'égouttement vers les sols voisins; (4) la période d'assèchement, durant laquelle la mare et les sols sous-jacents sont entièrement secs (Keeley et Zedler, 1998). Bon nombre des mares printanières de l'île de Vancouver sont entièrement alimentées par la pluie tombant directement sur elles, mais quelques-unes sont en partie alimentées par un micro-bassin hydrologique.

Normalement, les mares printanières se rencontrent dans des paysages plats ou légèrement inclinés à micro-topographie complexe comportant des dépressions peu profondes et non drainées qui retiennent l'eau. Les mares peuvent avoir diverses formes et diverses superficies, allant du mètre carré à l'hectare ou même davantage. Dans l'île de Vancouver, les terrains qui renferment le plus souvent des complexes de mares printanières sont les prés des terrains bas et les terrasses côtières (Ward et al., 1998). Les mares de l'île de Vancouver tendent à se répartir en deux types : celles qui se forment dans des dépressions rocheuses et celles qui se forment en sol argileux. Les mares à fond rocheux se rencontrent surtout sur les terrasses côtières, tandis que les mares à fond argileux se rencontrent plutôt dans les prés des terrains bas, où elles sont parfois alimentées ou reliées par des baissières qui permettent aussi un certain drainage. Ces baissières demeurent mouillées pendant une bonne partie de la saison humide, mais elles ne sont normalement pas inondées assez longtemps pour abriter une végétation très caractéristique des mares printanières ou des milieux humides permanents. Cependant, puisque les baissières sont reliées aux mares voisines, elles sont considérées comme des éléments importants des complexes de mares printanières. Un excellent exemple d'un tel complexe peut être observé au parc Uplands, dans le district d'Oak Bay de l'île de Vancouver.

Deux autres types de milieux humides saisonniers mentionnés comme habitat de certaines espèces visées par le présent programme de rétablissement sont les « suintements printaniers » et les « zones riveraines saisonnièrement inondées ». Les suintements printaniers sont des filets d'eau peu profonds qui apparaissent dans les lieux où les eaux souterraines émergent en terrain incliné, généralement dans la partie inférieure d'un versant. Contrairement aux mares printanières, les suintements printaniers ne sont généralement pas associés à une inondation prolongée. Cependant, ils tendent également à s'assécher vers la fin du printemps ou au début de l'été et abritent donc des plantes ayant des exigences physiologiques semblables. Par conséquent, la plupart des plantes indigènes des suintements printaniers sont des spécialistes qui ne se rencontrent généralement pas dans des milieux plus secs.

Les « zones riveraines saisonnièrement inondées » sont des terrains bas voisins de cours d'eau, de lacs ou de marais. Elles sont inondées durant la crue hivernale ou printanière et s'assèchent durant l'été. Ce type de milieu se rencontre par exemple au marais Somenos, près du centre urbain de Duncan.

Les mares printanières, les baissières inondées au printemps, les suintements printaniers et les zones riveraines saisonnièrement inondées apportent une contribution importante à la biodiversité du sud-est de l'île de Vancouver et des îles Gulf, où ils sont un des éléments de la grande mosaïque formée par les chênaies de Garry (peuplements dominés par le Quercus garryana) et par les divers écosystèmes (prés maritimes, terrasses côtières, prairies, affleurements rocheux et forêts de transition) associés à ces chênaies (Fuchs, 2001). La chênaie de Garry abrite une plus grande diversité de plantes vasculaires que tout autre écosystème terrestre de la côte de Colombie-Britannique (Ward et al., 1998; Fuchs, 2001). Bon nombre de ces espèces sont des taxons « périphériques », qui atteignent la limite nord de leur répartition dans le sud de la Colombie-Britannique (Douglas et al., 2002). Au cours des 150 dernières années, les effets combinés de l'expansion agricole, de l'urbanisation et de la suppression des incendies ont éliminé ou gravement modifié la presque totalité de la savane à chêne de Garry qui existait à l'origine dans le sud de l'île de Vancouver et dans les îles Gulf voisines. On estime que moins de 5 % de ce milieu existe encore à l'état non perturbé, ce qui en fait une des communautés naturelles les plus menacées du Canada (Fuchs, 2001; Lea, 2002). En ce moment, plus de 90 plantes de la chênaie de Garry et des écosystèmes connexes de Colombie-Britannique figurent sur la liste des espèces en péril, et plus de 20 d'entre elles sont considérées comme en péril à l'échelle du Canada par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC). Or, environ 30 % de ces espèces se rencontrent principalement ou exclusivement dans les mares printanières ou les suintements printaniers (Douglas et al., 2002; Fuchs, 2001).

La communauté végétale des mares printanières du sud de l'île de Vancouver est principalement dominée par des espèces annuelles, sans doute parce que ces plantes sont les plus aptes à tolérer le cycle annuel d'humidité extrême et de sécheresse extrême qui caractérise ces milieux. On y observe parfois une couverture dense de tapis d'algues, particulièrement dans les mares fréquentées par la sauvagine. La couverture de litière est généralement réduite à sa plus simple expression, sauf dans les zones riveraines et les mares présentant une abondance de plantes exotiques productrices de chaume, comme l'ivraie vivace (Lolium perenneNote de bas de page 2) et l'agrostide stolonifère (Agrostis stoloniferaNote de bas de page 2). Cependant, la composition de ces communautés varie grandement d'une mare à l'autre, très probablement selon la superficie et la profondeur de la mare, la nature du substrat (roche ou argile), la longueur de la période d'inondation et le degré d'empiétement des plantes envahissantes exotiques ou indigènes, et il est probable que les événements stochastiques de dispersion à longue distance aient également un rôle déterminant sur la composition des communautés. Les espèces indicatrices typiques des mares printanières de l'île de Vancouver et des îles Gulf sont la plagiobotryde de Scouler (Plagiobothrys scouleri), la montie des sources (Montia fontana), les callitriches (Callitriche spp.), l'isoète de Nuttall (Isoëtes nuttallii), la limnanthe de Macoun (Limnanthes macounii), le gnaphale palustre (Gnaphalium palustre) et la ratoncule naine (Myosurus minimus).

En Californie, les mares printanières étaient autrefois des milieux répandus le long de la côte et dans la vallée Centrale (Keeley et Zelder, 1998), mais la plupart ont été éliminées par l'urbanisation et l'expansion agricole. On estime qu'il ne reste plus que 3 à 10 % des mares printanières de Californie, et de nombreuses espèces endémiques de ces milieux jouissent maintenant d'une protection juridique (Witham et al., 1998). En Colombie-Britannique, au cours du siècle dernier, les changements hydrologiques résultant du comblement ou du drainage des milieux humides et de la construction domiciliaire ont probablement provoqué un déclin similaire du nombre et de la superficie disponible des mares printanières. Cependant, nous disposons de peu d'information sur les pertes survenues dans le passé quant au nombre et à l'aire de répartition des mares printanières de la région (H. Roemer, comm. pers., 2004).

Dans l'île de Vancouver, la plupart des mares printanières et suintements printaniers encore existants se trouvent sur des terrasses côtières isolées bordant le sud-est de l'île et sur de petites îles encore vierges voisines de cette côte. Sur ces terrasses, les sols se forment lentement et tendent à se concentrer dans des milieux isolés de très petite superficie. Cette répartition, combinée à la minceur caractéristique de la couche organique, rend ces milieux très sensibles à tout type d'utilisation ou d'aménagement du terrain (McPhee et al., 2000). Le facteur qui a eu le plus d'impact sur les terrasses côtières au cours du dernier siècle a sans doute été l'aménagement de propriétés de front de mer très recherchées à des fins touristiques, commerciales, récréatives ou résidentielles.

Dans la région, les trois autres « foyers de diversité » des plantes des mares printanières sont le terrain du ministère de la Défense nationale situé à Rocky Point, dans le district de Metchosin, le parc Uplands, dans le district d'Oak Bay, et la Réserve écologique de l'île Trial, près de Victoria (CDC HERB Database, 2004). Cependant, des mares printanières, des baissières inondées au printemps et des suintements printaniers se rencontrent ici et là un peu partout dans les îles Gulf et le long de la côte de l'île de Vancouver, aussi loin au nord que Campbell River et l'île Mitlenatch. Les plaines Harewood, près de Nanaimo, sont un secteur riche en mares et suintements printaniers qui abrite un certain nombre d'espèces végétales figurant sur la « Liste rouge » ou la « Liste bleue » de la province (Ceska, 2003). Une de ces espèces, le Lotus pinnatus, est visée par le présent programme de rétablissement.

De manière générale, les buts et objectifs du présent programme de rétablissement s'appliquent en principe à l'ensemble des mares printanières, baissières inondées au printemps et suintements printaniers existant encore dans le sud-est de l'île de Vancouver et dans les îles Gulf. Cependant, le programme vise principalement les milieux essentiels à la survie et au rétablissement des six espèces visées, y compris les terrains plus élevés nécessaires au maintien de ces milieux (voir section 2.6 du présent document). L'aire de répartition combinée des six espèces s'étend depuis le grand Victoria jusqu'à Nanaimo et comprend en outre certaines localités des îles Gabriola et Ballenas (tableau 2 et figures 1 à 4). Le Lotus pinnatus ne se rencontre qu'à l'intérieur et aux alentours de Nanaimo, outre la population se trouvant à l'île Gabriola. Le Psilocarphus elatior a été signalé à Oak Bay, à Saanich et au lac Somenos, près de Duncan. Le Ranunculus alismifolius ne se rencontre qu'au parc Uplands et à l'île Ballenas, tandis que le Juncus kelloggii n'est signalé qu'au parc Uplands. Le Minuartia pusilla n'a été observé qu'à Rocky Point, tandis que l'Orthocarpus bracteosus a été observé uniquement à l'île Trial (tableau 2 et figures 1 à 6).

La limite nord de la répartition de ces espèces est constituée par leurs populations se trouvant dans l’île de Vancouver ou les îles Gulf. Or, Lesica et Allendorf (1995) ont observé que les populations périphériques isolées sont souvent génétiquement et morphologiquement distinctes des populations centrales de la même espèce. Par conséquent, la conservation de tels écotypes peut être essentielle pour que ces espèces demeurent capables de s’adapter aux conditions changeantes de l’environnement et donc de survivre à long terme (Lesica et Allendorf, 1995).


1.5 Justification de l'approche multi espèces

L'Équipe de rétablissement des écosystèmes du chêne de Garry (ERECG, ou en anglais GOERT, pour Garry Oak Ecosystems Recovery Team) a été formée en vue de l'élaboration d'un programme de rétablissement écosystémique pour la chênaie de Garry et les écosystèmes associés, l'objectif global étant d'assurer la survie des espèces, milieux et fonctions écologiques soutenant ce biome d'importance mondiale (GOERT, 2002). L'importance de planifier la conservation des espèces en intégrant des approches visant une seule espèce à des approches plus larges a été reconnue dans le cadre d'autres projets d'envergure nationale (Rodger, 1998; Hermanutz et al., 2001; South Okanagan-Similkameen Conservation Program, 2001; Sydenham River Recovery Team, 2003) et de projets menés parallèlement aux États-Unis (voir entre autres U.S. Fish and Wildlife Service, 1998b). D'ailleurs, la Loi sur les espèces en péril récemment entrée en vigueur reconnaît que la protection de l'habitat des espèces et la planification écosystémique sont des méthodes qui aident à rétablir les espèces en péril ou à éviter que des espèces préoccupantes ne deviennent des espèces en péril.

 

Tableau 2. Données sur les stations canadiennes du Lotus pinnatus, du Psilocarphus elatior (population du Pacifique), du Juncus kelloggii, du Ranunculus alismifolius, de l'Orthocarpus bracteosus et du Minuartia pusilla
Espèce Population ou station Effectif estimatif Année du relevé Source Tenure ou juridiction
Lotus pinnatus Plaines Harewood 1 600 (22 sous-populations) 2003 Donovan, 2004 Terrain privé
Lotus pinnatus Monts Woodley 120-140 2003 Donovan, 2004 BC Parks (réserve écologique)
Lotus pinnatus Île Gabriola 65-70 2003 Donovan, 2004 Terrain privé
Lotus pinnatus Nanaimo, chemin White Rapids (plusieurs colonies) 40 2003 Donovan, 2004 Terrain privé
Lotus pinnatus Nanaimo, chemin Extension (plusieurs colonies) 10 2003 Donovan, 2004 Terrain privé
Lotus pinnatus Nanaimo, chemin Extension (plusieurs colonies) 20 - 35, peut être aujourd'hui disparus 2003 Donovan, 2004; A. Ceska, comm. pers., 2004 Terrain privé
Lotus pinnatus Nanaimo, chemin Waddington Population probablement disparue 1939 Donovan, 2004 Tenure inconnue
Lotus pinnatus Nanaimo, chemin Departure Bay Population probablement disparue 1965 Donovan, 2004 Tenure inconnue
Psilocarphus elatior (pop. du Pacifique) Mont Christmas 400 + 2004 M. Miller, obs. pers. District de Saanich (refuge naturel)
Psilocarphus elatior (pop. du Pacifique) Parc Uplands 10 000 + (17 sous-populations) 2003 Fairbarns et Penny, 2003 District d'Oak Bay (parc municipal)
Psilocarphus elatior (pop. du Pacifique) Marais Somenos 2 000 000 + (avant les dommages récents dus au dragage) 2004 Roemer, 2004 District de North Cowichan et The Nature Trust of BCNote de bas de page a.1
Psilocarphus elatior (pop. du Pacifique) Victoria, Cloverdale Population probablement disparue 1887 Douglas et al., 2001a Tenure inconnue
Psilocarphus elatior (pop. du Pacifique) Victoria, Cedar Hill Population probablement disparue 1887 Douglas et al. 2001a Tenure inconnue
Psilocarphus elatior (pop. du Pacifique) Ucluelet Population probablement disparue 1909 Douglas et al. 2001a Tenure inconnue
Psilocarphus elatior (pop. du Pacifique) Sidney, Roberts Bay Population probablement disparue 1913 Douglas et al. 2001a Tenure inconnue
Psilocarphus elatior (pop. du Pacifique) Sidney, Swartz Bay Population probablement disparue 1931 Douglas et al. 2001a Tenure inconnue
Psilocarphus elatior (pop. du Pacifique) Parc Francis-King Situation inconnue 1962 Douglas et al. 2001a Parc du District régional de la capitale (Capital Regional District)
Psilocarphus elatior (pop. du Pacifique) Université de Victoria Population disparue 1976 A. Ceska, comm. pers. Université de Victoria
Juncus kelloggii Parc Uplands 1 000 – 1 500 2003 A. Ceska, comm. pers. District d'Oak Bay (parc municipal)
Ranunculus alismifolius Cadboro Bay / Oak Bay Populations disparues (Elles étaient peut-être nombreuses.) 1918 Herbier du Royal BC Museum Tenure inconnue
Ranunculus alismifolius Parc Uplands 103 2005 M. Miller, obs. pers. District d'Oak Bay (parc municipal)
Ranunculus alismifolius Parc Uplands 36 2005 M. Miller, obs. pers. District d'Oak Bay (parc municipal)
Ranunculus alismifolius Île Ballenas 11 2005 M. Miller, obs. pers. Ministère de la Défense nationale
Ranunculus alismifolius Île Ballenas 80 2005 M. Miller, obs. pers. Ministère de la Défense nationale
Orthocarpus bracteosus Île Trial 447 2002 M. Fairbarns, comm. pers. BC Parks (réserve écologique)
Orthocarpus bracteosus Île Trial 366 2003 M. Fairbarns, comm. pers. BC Parks (réserve écologique)
Orthocarpus bracteosus Île Trial 47 2004 M. Fairbarns, comm. pers. BC Parks (réserve écologique)
Orthocarpus bracteosus Île Trial 210 - 230 2005 M. Fairbarns, comm. pers. BC Parks (réserve écologique)
Minuartia pusilla Rocky Point 80 - 120 2005 M. Fairbarns, comm. pers. Ministère de la Défense nationale


Dans le cadre du Programme de rétablissement des espèces canadiennes en péril (RESCAPÉ), la présence de plusieurs espèces en péril à l'intérieur d'un territoire limité est un critère important pour justifier une planification à l'échelle de l'écosystème. Bien que les six espèces visées par le présent programme diffèrent quant à leur cycle vital, leur démographie et leur microhabitat optimal (les exigences écologiques de chacune sont décrites dans la section Information sur les espèces), elles ont en commun une dépendance à l'égard d'un climat de type méditerranéen et d'un cycle annuel d'inondation hivernale et printanière et d'assèchement estival. Par conséquent, les facteurs qui menacent la survie de ces espèces et la persistance de leur habitat tendent à être semblables.

À l'heure actuelle, il reste sans doute moins de cent complexes de mares printanières en bon état dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique (H. Roemer, comm. pers., 2004), et une proportion importante de ces complexes abritent des plantes rares. De plus, plusieurs des localités visées par le présent programme, comme le parc Uplands, renferment l'habitat d'espèces désignées par le COSEPAC mais non directement visées par le présent programme, comme le Limnanthes macounii. Par ailleurs, des rapports de situation du COSEPAC ont été rédigés ou sont en préparation sur plusieurs autres espèces, dont le Centaurium muhlenbergii et le Callitriche marginata. L'adoption d'une approche multi-espèces pour la planification du rétablissement facilitera donc l'ajout d'autres espèces ayant des exigences écologiques semblables, dans les versions futures du présent programme, et favorisera l'élaboration d'objectifs à long terme qui pourraient profiter à toutes les plantes indigènes des mares printanières.

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