Grand héron (sous-espèce fannini) (fannini subspecies) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 10

Facteurs limitatifs et menaces

Les principaux facteurs qui limitent actuellement la pérennité des populations de hérons sont les échecs de nidification et la baisse de la productivité des nids dus à la prédation par les aigles, aux perturbations par l’humain et à la destruction de l’habitat par le développement (Norman et al., 1989; Butler et al., 1995; Gebauer et Moul, 2001; Vennesland et Butler, 2004).

La perturbation par les humains

Moore (1990) a démontré que pour chaque augmentation de 1 000 personnes dans la population de la vallée du bas Fraser, 89 hectares de terres rurales sont transformés en zones urbaines. Dans l’île de Vancouver, la croissance de la population humaine n’est que légèrement inférieure à celle de la région de Vancouver. On prévoit que la population humaine aux environs du détroit de Georgie augmentera de plus de 50 p. 100 entre 1990 et 2020 (soit de 2,5 millions à 4 millions d’habitants environ; Georgia Basin Ecosystem Initiative, 2002). Dans les conditions actuelles, on doit s’attendre à une augmentation des perturbations humaines dans les colonies de hérons et à une diminution de la quantité et de la qualité de l’habitat (Gebauer et Moul, 2001).

Les activités humaines dérangent les Grands Hérons nicheurs (Werschkul et al., 1976; Simpson et Kelsall, 1978; Vos et al., 1985), et ont été associées à une diminution de la productivité des nids (Forbes et al., 1985b; Gebauer et Moul, 2001; Vennesland et Butler, 2004; Vennesland, 2000; synthèse dans Parnell et al., 1988). Carlson et McLean (1996) ont constaté que la distance entre les colonies de hérons et les activités humaines, ainsi que la largeur ou l’efficacité de la zone tampon entourant les colonies, sont positivement corrélées à la productivité des nids (les zones tampons peuvent être de la végétation, des plans d’eau ou des clôtures). Watts et Bradshaw (1994) ont calculé que l’emplacement des sites de nidification des hérons est significativement à l’écart des développements humains par rapport à une distribution aléatoire, et Parker (1980) a observé que la taille des colonies augmente en fonction de la distance par rapport aux routes.

Plusieurs études ont associé l’abandon de colonies aux activités humaines, y compris les développements résidentiels et industriels, la construction de routes, la coupe de bois, la circulation de véhicules et les intrusions humaines à répétition (Bjorklund, 1975; Mark, 1976; Werschkul et al., 1976; Simpson et Kelsall, 1978; Kelsall et Simpson, 1979; Forbes et al., 1985b; Leonard, 1985; Vennesland et Butler, 2004; Eissinger, 2007; voir également les synthèses de Parnell et al., 1988; Hockin et al., 1992; Rodgers et Smith, 1995; Nisbet, 2000; Vennesland, 2000).

Vennesland (2000) a constaté que l’humain est probablement impliqué dans 4 des 14 abandons de colonies entre 1998 et 1999, mais les répercussions de l’humain ne peuvent être dissociées de celles des aigles. Cette association entre ces facteurs pourrait s’expliquer par le fait que la fragmentation des forêts par l’humain facilite l’accès aux sites pour des prédateurs comme les aigles (Vennesland et Butler, 2004). Forbes et al. (1985b) ont conclu que 17 abandons de colonies sur 27 étaient attribuables aux activités humaines à proximité des colonies, activités comprenant notamment la coupe d’arbres, les inondations, la circulation de véhicules et les activités de recherche scientifique. Simpson (1984) fait état de travaux de construction ayant provoqué le départ de hérons adultes de leur nid qui s’est soldé par la prédation d’un grand nombre d’oisillons par des aigles. Simpson et Kelsall (1978) ont constaté que la construction de résidences à proximité d’une colonie à Sechelt, en 1978, s’est soldée par l’abandon d’environ 73 p. 100 des nids.

Certaines colonies de Grands Hérons de la Colombie-Britannique se sont habituées aux activités humaines de routine. Des hérons nichant à Stanley Park à Vancouver et au Beacon Hill Park à Victoria semblent habitués au fréquent passage de piétons et de véhicules directement sous leur nid (Butler, 1997; Vennesland, 2000). Cependant, les colonies en milieu rural pourraient réagir à des perturbations plus distantes. Dans une colonie sensible sur l’île de Vancouver (lac Quamichan, Duncan), les hérons adultes ont abandonné leur nid lorsqu’un chercheur s’est approché à moins de 200 m avant la ponte des œufs, à 100 m après la ponte des œufs et à 10 m après l’éclosion des oisillons (Butler, 1991). Bien qu’aucune réaction notable ne soit observée chez des hérons dans certains sites urbains, la productivité dans ces sites est négativement corrélée au niveau d’activité humaine (Vennesland, 2000; Vennesland et Butler, 2004).

Prédation par le Pygargue à tête blanche

Le Pygargue à tête blanche est le principal prédateur du Grand Héron du Pacifique (Butler, 1997; Gebauer et Moul, 2001; Vennesland et Butler, 2004) et représente un facteur limitatif important pour les populations de hérons. La prédation et les perturbations qui y sont associées se traduisent par un taux d’abandon des nids et des colonies significativement plus élevé (Butler et al., 1995; Vennesland et Butler, 2004).

Les impacts de la prédation par les pygargues ont été généralement décrits dans le contexte de populations d’aigles en rétablissement, après que de nombreuses populations aient été décimées par des polluants humains comme le dichlorodiphényltrichloréthane (DDT) (Bednarz et al., 1990; Kjellen et Roos, 2000; Butler et Vennesland, 2000; Elliott et Harris, 2001). Ce rétablissement est en cours depuis plusieurs décennies. Le nombre de pygargues nicheurs a augmenté de 30 p. 100 dans les îles Gulf (Vermeer et al., 1989) et de 34 p. 100 à Puget Sound (McAllister et al., 1986) entre le milieu des années 1970 et le milieu des années 1980. Les populations de pygargues sur la côte sud sont en hausse depuis le milieu des années 1980 (Elliott et Harris, 2001) et le taux d’attaques de nids de Grands Hérons du Pacifique a plus que doublé durant cette période (Vennesland et Butler, 2004). La productivité des nids de pygargues de 1992 à 1995 était plus élevée dans le détroit de Georgie que sur la côte ouest de l’île de Vancouver ou dans le détroit de Johnstone, et un surplus « considérable » de pygargues juvéniles a été produit (Elliott et al., 1998). On explique mal cette augmentation de la production, mais elle est probablement attribuable à une augmentation des populations de proies (p. ex. populations de goélands nourries par les déchets humains), une diminution des niveaux de contaminants dans les proies (Vermeer et al., 1989; Elliott et al., 1998) et peut-être une diminution des persécutions (Vennesland, 2000). Il est également possible que la diminution des populations de poissons ait forcé les pygargues à chercher d’autres sources de nourriture (Vennesland, 2000). On ignore quelle est l’importance des populations de pygargues par rapport aux niveaux historiques, ni la taille relative des populations de pygargues et de hérons avant l’arrivée des Européens. Compte tenu de l’ampleur de leur augmentation démographique au cours des dernières décennies, il est peu probable que leurs effectifs actuels soient inférieurs aux effectifs historiques.

Il est également possible que le Pygargue à tête blanche nuise à l’utilisation de l’habitat par les Grands Hérons du Pacifique (Butler et Vennesland, 2000; Vennesland et Butler, 2004). Par exemple, dans l’île de Vancouver en 2005, des pygargues ont fait leur apparition dans une colonie, qui a été rapidement abandonnée par les hérons, peu après qu’un propriétaire foncier eut coupé des arbres et ainsi exposé la colonie (Vennesland, 2006). Les attaques de hérons dans leur nid par des pygargues ont augmenté au cours des dernières années (Vennesland et Butler, 2004), et cette augmentation de la prédation incite de nombreux hérons à partir à la recherche de nouveaux habitats de nidification. Chose intéressante, certains hérons nichent à proximité de nids de pygargues, là où ce choix leur permet d’amenuiser les perturbations venant d’autres prédateurs (Koonz, 1980; Butler, 1995; Vennesland, 2000).

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