Esturgeon jaune (Acipenser fulvescens) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 2

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COSEPAC
Résumé

Esturgeon jaune
Acipenser fulvescens

Information sur l’espèce


Description

La famille des esturgeons (Acipenséridés) compte 24 espèces, dont cinq vivent dans les eaux canadiennes. Des ces 5, 4 sont anadromes (c’est-à-dire qu’elles passent une partie de leur cycle vital en eau douce et l’autre partie en milieu marin) tandis qu’une seule, l’esturgeon jaune, ne vit qu’en eau douce. L’esturgeon jaune est l’un des plus grands poissons d’eau douce du Canada. Il se caractérise par un museau allongé, une bouche ventrale dotée de quatre barbillons pendants et un corps recouvert de plaques osseuses dures et de petits denticules plutôt que d’écailles. L’esturgeon jaune peut vivre plus de 100 ans et atteindre une longueur de 3 m et un poids de 180 kg.

 

Unités désignables

Huit unités désignables (UD) ont été définies d’après les zones écologiques d’eau douce utilisées par le COSEPAC et les publications sur la génétique de l’espèce.
Ouest de la baie d’Hudson (UD1)
Rivière Saskatchewan (UD2)
Rivière Nelson (UD3)
Rivière Rouge - rivière Assiniboine - lac Winnipeg (UD4)
Rivière Winnipeg - rivière English (UD5)
Lac des Bois - rivière à la Pluie (UD6)
Sud de la baie d’Hudson et baie James (UD7)
Grands Lacs - haut Saint-Laurent (UD8)

 

Habitat


Besoins en matière d’habitat

Les esturgeons jaunes sont, en grande partie, des espèces dulcicoles; on en observe à de rares occasions dans les eaux saumâtres de grands cours d’eau qui se jettent dans la mer. Ils se trouvent généralement les parties peu profondes des lacs ou des grands cours d’eau, ne se déplaçant vers les plus petits cours d’eau que pour le frai. De nature démersale (vivant au fond de l’eau), ils se nourrissent sur des substrats de boue, de sable ou de gravier. On trouve généralement les esturgeons jaunes à des profondeurs variant de 5 à 10 m, mais on les observe régulièrement à plus de 10 m de profondeur dans la rivière Winnipeg. Ils sont présents dans des eaux dont la vélocité ne dépasse pas 70 cm/s. Les frayères sont généralement en eau vive, sur un substrat d’argile durcie, de sable, de gravier, de blocaille, de galets ou de blocs rocheux, à une profondeur variant de 0,6 à 5 m. Des juvéniles de l’année ont été observés reposant sur des flèches de sable.


Tendances en matière d’habitat

La dégradation et la fragmentation de l’habitat dues à l’édification de barrages, y compris la formation de bassins de retenue, se sont traduites par la disparition de frayères et d’habitats de croissance dans plusieurs parties de l’aire de répartition de l’esturgeon jaune. La pollution industrielle, les eaux d’écoulements agricoles et l’envasement ont également détérioré ou détruit des frayères de l’espèce dans toutes les parties de son aire de répartition canadienne.

 

Biologie


Généralités

L’esturgeon jaune est un poisson de forte taille et d’une grande longévité qui atteint la maturité à un âge avancé. En règle générale, les femelles ont une taille supérieure à celle des mâles. On remarque toutefois une baisse de la taille et de l’âge des individus des deux sexes partout où l’espèce est récoltée.


Reproduction

La maturité sexuelle est atteinte à des âges variables, généralement de 18 à 20 ans chez les mâles et de 20 à 28 ans chez les femelles. En moyenne, les mâles se reproduisent tous les 2 ans et les femelles tous les 4 à 6 ans, au printemps, lorsque la température de l’eau atteint 10 à 18 ˚C. La fécondité dépend de la taille de la femelle; celle-ci peut pondre de 50 000 à plus de 1 000 000 d’œufs. Les œufs éclosent 7 à 10 jours plus tard et les larves ont une flottaison négative jusqu’à la formation de la vessie natatoire, soit environ 60 jours après l’éclosion. La dérive des larves a lieu la nuit et commence environ 2 semaines après les premières activités de frai.


Survie

Le taux de mortalité des larves et des juvéniles est élevé; peu d’individus survivent jusqu’à l’âge adulte. Le taux de mortalité des adultes est faible dans les régions qui ne comportent pas de répercussions anthropiques. Des études en laboratoire semblent indiquer que les modifications de l’environnement, en altérant l’habitat, entraîneraient un changement dans la nature et l’abondance de la nourriture et, par conséquent, auraient une incidence négative sur la survie des esturgeons jaunes.


Physiologie

L’esturgeon jaune s’adapte à des températures de l’eau variant de 3 à 24 °C et peut se trouver, au moins temporairement, dans des habitats pauvres en oxygène. Des esturgeons jaunes ont été observés dans des estuaires du Canada, et des individus s’aventurent occasionnellement dans les eaux saumâtres de la baie d’Hudson et du golfe du Saint-Laurent.


Déplacements et dispersion

Les déplacements saisonniers de l’esturgeon jaune sont mal connus, mais il est probable qu’il se dirige, en été, vers des eaux plus profondes pour fuir la chaleur et qu’il retourne ensuite vers les hauts-fonds avec le refroidissement hivernal. Les déplacements semblent restreints, sauf en période de frai où des individus peuvent migrer sur des distances de plus de 100 km. On croit que l’esturgeon jaune tend à demeurer fidèle à ses frayères; en effet, de nombreux individus reproducteurs reviennent aux mêmes frayères année après année, même même si des individus peuvent parfois frayer d’un lac à l’autre.


Alimentation et relations interspécifiques

L’esturgeon jaune s’alimente d’une faune benthique très variée, selon les saisons et l’abondance spatiale de même que la nature du benthos. Peu de prédateurs naturels menacent les adultes. Par exemple, la fréquence de cicatrices de lamproies est faible dans les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent. Les larves et les juvéniles quant à eux sont chassés par d’autres espèces de poissons. On a observé quelques parasites. Toutefois, aucun d’entre eux ne semble un facteur limitatif pour les populations d’esturgeons jaunes.


Comportement et adaptabilité

L’esturgeon jaune ne s’adapte pas facilement au changement, que celui-ci soit dû à l’exploitation ou à la modification de son habitat.

 

Taille et tendances des populations

Au cours de la période correspondant aux trois dernières générations d’esturgeons jaunes (la durée d’une génération étant de 35 à 54 ans), les populations ont subi un déclin majeur et, dans certains cas, ont complètement disparu dans le sud de l’aire de répartition de l’espèce, principalement à cause de la surexploitation commerciale. Plus récemment, certaines populations méridionales ont présenté des signes de rétablissement, mais, à l’exception possible du lac des Bois et du fleuve Saint-Laurent, elles sont encore loin d’être revenues à leur abondance historique. D’autres populations méridionales tombent dans la catégorie des populations reliques ou ont disparu. Il existe peu de données historiques et récentes sur la taille des populations septentrionales dans la région de la baie d’Hudson et de la baie James. Le peu de données disponibles indique que les populations septentrionales non exploitées seraient relativement stables, mais que les populations exploitées présenteraient des tendances au déclin semblables à celles que l’on relève ailleurs dans l’aire de répartition.

 

Facteurs limitatifs et menaces

Les facteurs limitatifs touchant l’esturgeon jaune sont probablement liés au climat et à l’hydrologie ainsi qu’à la température et à la composition chimique de l’eau. Parmi les menaces, on compte la surexploitation (y compris la pêche illégale), les barrages, les contaminants, la dégradation de l’habitat et les espèces introduites.

 

Importance de l’espèce

L’esturgeon jaune est l’un des plus grands poissons d’eau douce du Canada. Comme tous ses congénères, l’esturgeon jaune est un fossile vivant qui a conservé le squelette cartilagineux et la nageoire caudale de requin de ses ancêtres du Dévonien. En Amérique du Nord, l’esturgeon jaune était considéré comme une espèce nuisible par les premiers colons, mais la commercialisation de la viande d’esturgeon fumée, séchée et fraîche s’est développée rapidement après 1860 pour culminer en 1900. En plus de sa valeur alimentaire, y compris le caviar, l’espèce était une source d’huile, de cuir et de colle de poisson (Harkness et Dymond, 1961). L’esturgeon jaune a toujours revêtu une importance particulière pour les peuples autochtones. Les Aînés rapportent que l’esturgeon représentait une importante source alimentaire et que l’animal était consommé en entier : on en tirait cinq types de viande et d’autres produits importants comme des contenants faits de peau, de la colle extraite de la vessie natatoire, des agents liants pour la peinture, des grattoirs faits avec les plaques osseuses et des pointes de flèches faites avec les os de la queue. L’importance alimentaire, matérielle et spirituelle de l’esturgeon pour les peuples autochtones des forêts de l’est se compare à celle du bison pour les tribus des plaines de l’ouest. L’esturgeon jaune a une grande longévité, et on croit qu’il a une forte tendance à revenir à ses anciennes frayères. D’autres besoins en matière d’habitat font en sorte que l’espèce est un indicateur de l’état de santé des milieux aquatiques.

 

Protection actuelle ou autres désignationsde statut

L’esturgeon jaune et son habitat sont gérés au Canada conformément au règlement d’application de la Loi sur les pêches. Dans l’ensemble de son aire de répartition canadienne, la pêche commerciale, récréative et autochtone de l’esturgeon jaune a fait l’objet d’une réglementation spéciale. À l’heure actuelle, les 24 espèces d’esturgeons du monde, y compris l’esturgeon jaune, sont considérées comme étant en péril et figurent à l’annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).

 

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