Lotier à feuilles pennées (Lotus pinnatus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 9

Taille et tendances des populations

Généralités

Neuf sites du Lotus pinnatus ont été signalés en Colombie-Britannique (tableau 1), tous situés aux environs de Nanaimo, dans l’île de Vancouver, ou dans l’île Gabriola voisine. Parmi ces neuf sites, sept ont pu être vérifiés dans le cadre de la présente étude. Dans les deux autres localités, le terrain a été fortement perturbé, et les populations ont probablement disparu. En 2003, entre 1 500 et 2 000 individus occupant une superficie totale de 650 m2 ont été recensés au Canada.

En l’absence de surveillance à long terme, on connaît mal les caractéristiques démographiques et les tendances des populations de Lotus pinnatus, mais il semble que le nombre d’individus a augmenté dans un des sites, cel de l’île Gabriola.

Pour le moment, il est difficile d’obtenir une estimation fiable des tendances des populations, parce que le Lotus pinnatus pousse en touffes étalées dont les individus sont difficiles à séparer et parce que les divers chercheurs ont employé des méthodes de dénombrement différentes. Jusqu’à ce que ces méthodes soient normalisées, il faudra considérer les effectifs obtenus comme des estimations très approximatives. Chaque genet (individu génétique) produit en moyenne 3 à 5 pousses.

L’inventaire effectué pour les besoins du présent rapport a consisté à dénombrer individuellement toutes les tiges présentes, en parcourant à pied une série de transects établis dans chaque site. Dans le cas des plaines Harewood, il s’est avéré très difficile de compter les tiges individuellement, car elles étaient très nombreuses et dispersées sur une vaste superficie. Par conséquent, dans ce site, une méthode plus simple de dénombrement a été utilisée : des groupes de 10 tiges, ou dans certains cas 50, ont été réunis, ce qui a permis d’obtenir une image visuelle de la superficie occupée par de tels groupes de tiges. Le site a ensuite été parcouru à pied, le long d’une série de transects, et les tiges ont été comptées par groupes.

La disparition des populations de Departure Bay, à Nanaimo, a réduit de 15 p.100 la zone d’occurrence de l’espèce, qui est passée de 118 km2, en 1939 (on présume que toutes les populations actuelles existaient déjà à cette époque), à 100 km2 en 2003. Par ailleurs, les populations canadiennes sont situées à une distance d’environ 240 km de la population la plus proche à avoir été signalée au Washington, et la situation actuelle de cette population est inconnue. Par conséquent, si jamais les populations canadiennes venaient à disparaître, il est très improbable qu’une population saine puisse à nouveau s’établir au Canada.

Tableau 1 : Emplacement et taille des populations de Lotus pinnatus de Colombie-Britannique.
Population Date d’observation Herborisateur ou observateur Nombre d’individus / superficie occupée Situation apparente

No 1

Plaines Harewood, secteur nord3

2003-06-07 M. Donovan 1 500 / 500 m2 Encore présente

No 2

Plaines Harewood, secteur sud 1

2003-07-12 M. Donovan 25 / 4 m2 Encore présente

No 3

Plaines Harewood, secteur sud 2

2003-07-12 M. Donovan 10 / 2 m2 Encore présente

No 4

Monts Woodley

2003-06-01 M. Donovan 120-140 / 90 m2 Encore présente

No 5

Île Gabriola, près du chemin Peterson, le long du chemin Perry

2003-05-25 Donovan/Penny 65-70 / 10,5 m2 Encore présente

No 6

Nanaimo, à l’ouest de Cinnabar Valley

2003-06-15 M. Donovan 40 / 25 m2 Encore présente

No 7

Nanaimo, au sud d’Extension

2003-06-23 M. Donovan 30-45 / 17 m2 Encore présente, mais en déclin

No 8

Nanaimo, intersection des chemins Waddington et Departure Bay

1939-06-02 J.W. Eastham s.o. Disparue

No 9

Nanaimo, intersection du chemin Departure Bay et de la route Island

1965-06-20 K. Beamish s.o. Disparue


Plaines Harewood, au sud de Nanaimo

La population de Lotus pinnatus des plaines Harewood est répartie entre trois secteurs distincts. Comme ces secteurs sont isolés par des distances appréciables et que les terrains les séparant sont peu propices à la dispersion des graines et du pollen, on peut considérer qu’il s’agit de trois populations distinctes. La plus grande de ces populations, comprenant la majorité des individus et répartie en quelque 22 sous-populations, se trouve à l’extrémité nord de la localité, tandis que les deux autres, petites, se trouvent dans des prés dégagés situés plus au sud. En 2003, environ 1 500 individus ont été dénombrés dans l’ensemble de la localité. Cette estimation comprend trois groupes isolés qui n’avaient pas été signalés auparavant. Si chaque individu ou touffe compte en moyenne 4 tiges, toute différence par rapport au nombre d’individus relevé en 1998 est probablement inférieure à l’erreur liée au fait que des méthodes différentes de dénombrement ont été utilisées.

Dans cette localité, le substrat géologique appartient au membre Millstream de la formation Extension (Bickford et Kenyon, 1988). Il est constitué de couches épaisses de conglomérat caillouteux séparées par des couches intercalaires de grès granuleux à éléments grossiers (Bickford, 1993).

Dans les plaines Harewood, le Lotus pinnatus pousse en groupes denses, à des endroits où l’eau suinte au printemps, souvent en bordure de fourrés humides de Rosa nutkana, Physocarpus capitatus, Holodiscus discolor et Salix spp. Les deux sous-populations situées le plus au nord, en contre-haut de la route, occupent des clairières éparses à l’intérieur d’un peuplement de douglas (Pseudotsuga menziesii) et d’arbousier (Arbutus menziesii). Des individus poussaient également sur les côtés d’ornières laissées par les pneus, où l’humidité persistait longtemps. Les espèces les plus souvent associées étaient le Mimulus guttatus, le Triteleia hyacinthina, le Plectritis congestus, le Plagiobothrys scouleri, le Veronica beccabunga ssp. americana et le Montia parvifolia. La plupart des sous-populations semblaient vigoureuses, mais deux avaient décliné, à des endroits où le sol avait été érodé par les véhicules tout-terrain et où les prés voisins étaient dominés par l’Anthoxanthum odoratum. Par ailleurs, les sous-populations présentent des différences morphologiques évidentes, notamment quant au nombre de fleurs par inflorescence. Il semble donc y avoir variation génétique et pollinisation croisée.

Trois autres espèces végétales signalées dans cette localité sont rares en Colombie-Britannique (Douglas et al., 2002) : l’Epilobium densiflorum et le Carex feta figurent sur la Liste rouge de cette province, maintenue par le Centre de données sur la conservation de la Colombie-Britannique, tandis que l’Allium amplectens figure sur la Liste bleue.

Réserve écologique des monts Woodley

Le Lotus pinnatus a été observé à moins de 20 m de la limite ouest de la réserve écologique des monts Woodley, où il poussait en eau peu profonde le long d’un petit ruisseau faisant communiquer deux terrains humides. En 2003, entre 120 et 140 individus ont été observés à cet endroit. Ils étaient répartis en deux sous-populations occupant respectivement 5 m2 et 30 m2. Le sol était humide et mince, avec de nombreux affleurements de grès. Les espèces indigènes associées au L. pinnatus étaient le Rosa nutkana, le Spiraea douglasii, l’Holodiscus discolor, le Plectritis congesta, le Mimulus guttatus, le Montia parvifolia et le Philonotis fontana. L’Anthoxanthum odoratum et le Cytisus scoparius étaient également présents. Deux plantes figurant sur la Liste rouge, le Sericocarpus rigidus et le Carex feta, ainsi que deux autres figurant sur la Liste bleue, l’Allium amplectens et l’Isoëtes nuttallii, ont également été signalées dans la réserve. De plus, une communauté végétale de type Alnus rubra/Carex obnupta [Populus balsamifera ssp. trichocarpa], qui figure aussi sur la Liste rouge, a été identifiée dans le terrain humide (fen ou marécage) que draine le ruisseau où pousse le L. pinnatus. Comme les individus de L. pinnatus n’ont pas été dénombrés dans la réserve en 1992, il est impossible de comparer l’effectif de 2003 à celui qui existait en 1992. Cependant, la superficie occupée par la population ne semble pas avoir changé durant cette période.

Île Gabriola

À l’île Gabriola, le Lotus pinnatus poussait sur les deux côtés d’un fossé inondé en bordure d’un fourré humide, le long du chemin Perry. Les espèces associées étaient le Crataegus douglasii, l’Holodiscus discolor, le Spiraea douglasii, l’Oenanthe sarmentosa, le Rosa nutkana et le Vicia sativa. L’Anthoxanthum odoratum, le Plantago lanceolata, le Galium aparine et le Ranunculus flammula étaient également présents dans le site. Le sol est un brunisol dystrique orthique mince appartenant à l’association Saturna (ST), recouvrant un substratum de grès (affleurant souvent partout dans l’île). La population de L. pinnatus semble avoir augmenté, puisqu’elle occupait une superficie de 10,5 m2 et comptait 65 à 70 individus en 2003, alors qu’un seul individu avait été observé en 1996. L’espèce a donc réussi à se propager aux milieux propices existant le long du fossé, mais rien n’indique que cette population soit protégée contre l’aménagement futur de ce terrain privé.

Nanaimo, à l’ouest de Cinnabar Valley

Ce site est situé sur un terrain privé, au sud de Nanaimo, à l’ouest du chemin White Rapids. En 2003, la population comptait une quarantaine d’individus en fleurs occupant une superficie de 25 m2, à un endroit où l’eau suinte au printemps, à l’intérieur d’un pré de graminées, en bordure d’un peuplement de Pseudotsuga menziesii. Les espèces associées étaient le Rosa nutkana, l’Holodiscus discolor, le Montia parvifolia, le Plectritis congestus, le Mimulus guttatus et le Camassia quamas. L’Anthoxanthum odoratum et l’Holcus lanatus se sont également établis dans le site. L’effectif de la population de L. pinnatus ne semble avoir connu aucun changement depuis 1998. Comme il s’agit d’un terrain privé servant souvent à des jeux de guerre avec balles de peinture, il se peut que les relevés effectués en 2003 soient incomplets et que des groupes supplémentaires de L. pinnatus existent dans les clairières des forêts voisines.

Nanaimo, au sud d’Extension

Ce site est situé sur un terrain privé, au sud de Nanaimo. En 2003, on y a observé dix individus occupant en tout 5 m2, à un endroit qui est humide au printemps, en bordure d’un fourré de Physocarpus capitatus. Les espèces associées sont le Mimulus guttatus, l’Allium cernuum, le Montia parvifolia et l’Anthoxanthum odoratum. Une deuxième population, comptant 20 à 35 individus, a été trouvée à un endroit où l’eau suinte au printemps, dans un pré dégagé, en bordure d’un fourré de pommier du Pacifique (Malus fusca). Les espèces associées étaient le Mimulus guttatus, l’Allium cernuum et l’Anthoxanthum odoratum. Quatre autres plantes rares ont été signalées dans cette localité : l’Epilobium densiflorum et le Carex feta figurent sur la Liste rouge, tandis que le Cyperus squarrosus et le Botrychium simplex figurent sur la Liste bleue. En 2003, on n’a pu retrouver que la moitié des individus signalés en 1995, malgré une exploration approfondie des milieux les plus propices. Il se peut que ce déclin apparent soit dû à l’usage récréatif de véhicules tout-terrain pendant la saison humide.


Populations disparues

Intersection des chemins Waddington et Departure Bay, à Nanaimo

Le Lotus pinnatus a été récolté à cet endroit en 1939 par J.W. Eastham. Depuis 1951, les chemins du secteur ont été élargis et repavés pour satisfaire aux besoins d’un développement accéléré, et presque toute la végétation naturelle a été éliminée. Comme le milieu a été fortement modifié et que bien des années ont passé depuis que le L. pinnatus a été observé pour la dernière fois, il est très improbable que le L. pinnatus soit encore présent dans cette localité.

Intersection du chemin Departure Bay et de la route Island, à Nanaimo

Le Lotus pinnatus a été récolté à cet endroit en 1965 par K. Beamish. Actuellement, le secteur est principalement occupé par des centres commerciaux et des routes, et il ne reste pratiquement rien de la végétation du fossé longeant le chemin Departure Bay, où les plantes indigènes ont été remplacées par des espèces introduites ou horticoles. Il est donc très improbable que le L. pinnatus soit encore présent dans cette localité.


Population dont la situation est inconnue

Il existe une mention d’herbier, datant de 1918, selon laquelle le Lotus pinnatus a été observé « in the foothills at Mount Benson ». Comme le mont Benson est visible depuis les plaines Harewood, il est possible que cette mention historique corresponde en fait à un des sites signalés dans les plaines Harewood. Selon les observations anecdotiques d’un naturaliste local qui parcourt régulièrement le mont Benson, le Lotus pinnatus n’a jamais été observé à une altitude plus élevée dans cette localité (Thurkill, comm. pers., 2003).




Notes de bas de page

3 La récolte faite par W.R. Carter au mont Benson le 1er juin 1918 est incluse dans cette population, car on peut considérer que les plaines Harewood sont situées au pied du mont Benson.

 

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