Sébastolobe à longues épines (Sebastolobus altivelis) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Taille et tendances des populations

Sources d’information

Les premiers renseignements sur la pêche du sébastolobe à longues épines en Colombie-Britannique ont été recueillis dans le cadre du programme des observateurs. Les données sur les captures au chalut sont stockées dans la base de données PacHarvTrawl du MPO. Avant 1996, les pêcheurs ne ciblaient pas cette espèce des grands fonds, et les organismes de vérification à quai consignaient les spécimens débarqués sous le terme générique sébastolobe. La pêche dirigée du sébastolobe à longues épines a débuté au large de la COIV dans une zone appelée Beginner’s Ledge (qui pourrait se traduire par bordure rocheuse des débutants), ainsi baptisée à cause de sa facilité d’accès pour tous les chalutiers existants. La demande du marché japonais a exercé une pression à la hausse sur les prix, et les mesures de gestion mises en place ont favorisé le développement de cette pêche vers le nord (figure 7). Le tableau 3 présente l’historique des captures au chalut par zone de pêche, et le tableau 4, l’historique des captures annuelles (au chalut et à la palangre) et des quotas de pêche de cette espèce.

Figure 7.  Évolution spatiotemporelle de la pêche du sébastolobe à longues épines depuis ses débuts à Beginner’s Ledge (bande horizontale située UTM nord 5400-5450), au large de la COIV en 1996. Le total des prises et les PUE moyennes sont indiqués pour chaque intervalle de quatre mois. Source : Schnute et al. (2004)

Figure 7.  Évolution spatiotemporelle de la pêche du sébastolobe à longues épines depuis ses débuts à Beginner’s Ledge (bande horizontale située UTM nord 5400-5450), au large de la COIV en 1996. Le total des prises et les PUE moyennes sont indiqués pour chaque intervalle de quatre mois. Source : Schnute et al. (2004)

 

Tableau 3.  Total des captures (conservées et rejetées à l’eau) annuelles de sébastolobe à longues épines (en tonnes) par chalutage dans les zones de la CPMP en Colombie-Britannique (3CD ≈ COIV, 4B ≈ détroit de Georgia, 5AB ≈ détroit de la Reine-Charlotte, 5CD ≈ détroit d’Hécate, 5E ≈ côte ouest des îles de la Reine-Charlotte, INC = Inconnu, CE = côte entière). Le volume des captures est arrondi à la tonne près, et les entrées indiquées par des traits (---) désignent les captures nulles. Les données proviennent de la base de données PacHarvTrawl. Les années de pêche s’étendent d’avril à mars, à moins d’indication contraire.
Année 3C 3D 4B 5A 5B 5C 5D 5E INC CE
INC
---
---
---
---
---
---
---
---
28
28
19961
466
396
---
0
2
0
0
1
---
867
19972
185
107
---
0
0
---
---
1
---
293
1997
361
203
---
7
2
0
0
1
---
575
1998
431
392
---
6
1
0
1
8
---
839
1999
141
751
---
0
1
---
0
19
---
912
2000
163
513
---
54
31
0
0
144
---
905
2001
185
271
---
28
22
0
0
144
---
650
2002
219
249
---
48
27
1
---
116
---
660
2003
132
165
---
53
22
0
2
73
---
448
2004
137
98
---
6
6
0
1
55
---
304
2005
38
31
---
0
1
0
---
13
---
83
Total
2 458
3 176
0
203
115
2
5
576
28
6 564

1 Févr.-déc.;
2 Janv-mars

Tableau 4.  Total des captures (conservées et rejetées à l’eau) annuelles de sébastolobe à longues épines (en tonnes) par chalutage et par pêche à la ligne et à l’hameçon (LH) en Colombie-Britannique. Les quotas historiques sont tirés de divers plans de gestion. Les valeurs sont arrondies à la tonne près, et les entrées indiquées par des traits (---) désignent des captures ou des quotas nuls. Les données proviennent des bases de données PacHarvTrawl et PacHarvHL. Les années de pêche s’étendent d’avril à mars, à moins d’indication contraire.
Année de
pêche
Chalut Captures
LH
(t)
Flétan
Total Chalut Quotas
LH
(t)
Flétan
Total
19961
867
---
0
867
---
654 C
---
654
19972
293
---
---
293
225
---
---
225
19973
575
---
---
575
860
900
---
1 760
1998
839
---
---
839
861
39
---
900
1999
912
---
---
912
855
45
---
900
2000
905
0
---
905
404 V + 425 L
29 C
30 C
889
2001
650
2
---
650
405 V + 425 L
27 C
28 C
885
2002
660
0
0
660
405 V + 230 X
27 C
28 C
690
2003
448
---
---
448
405 V + 230 X
26 C
28 C
690
2004
304
---
---
304
405 V + 230 X
26 C
28 C
690
2005
83
N/D
N/D
83
405 V + 230 X
27 C
28 C
690
Total
6 536
2
0
6 536
7 000
1 800
170
8 973

1 Févr.-déc.;
2 Janv.-mars pour la pêche au chalut;
3 Janv. 1997-mars 1998 pour la pêche à la LH
V Côte ouest de l’île de Vancouver
L Quota de pêche exploratoire au nord de l’île Lookout (nord du 230° vrai)
X Quota de pêche expérimentale au nord de 50°30'N
C Quotas combinés pour la pêche du sébastolobe à longues épines et celle du sébastolobe à courtes épines

Même si la pêche dirigée du sébastolobe était en principe nouvelle en 1996, les normes de la Politique pour les nouvelles pêches du MPO[1]étaient encore floues à l’époque. Cette politique repose sur plusieurs principes directeurs, dont le suivant : « L’information sur l’abondance, la distribution et la productivité des espèces cibles [doit être] perçue comme l’exigence scientifique clé pour le développement de stratégies de gestion fondées sur la précaution. »La répartition de l’espèce est relativement bien connue, compte tenu de la nature du programme des observateurs (couverture à 100 p. 100). De plus, le MPO exige le prélèvement d’échantillons biologiques synoptiques, y compris d’otolithes pour la détermination de l’âge. Même si les otolithes sont d’une utilité limitée en l’absence d’un protocole réalisable pour la détermination de l’âge, ils constitueront une excellente base d’information une fois cet obstacle surmonté. Toute l’information biologique sur l’espèce est stockée dans la base de données GFBio du MPO. À l’heure actuelle, la pêche du sébastolobe à longues épines n’est pas rentable en raison de facteurs qui seront énumérés plus loin. Par conséquent, la pression exercée sur la population a diminué.

Abondance

L’abondance absolue de l’espèce demeure inconnue. Les estimations de l’abondance relative sont présentées dans les sections à venir ainsi que dans Schnute et al. (2004). De 1996 à 2005, la flottille commerciale a extrait environ 6 564 tonnes de sébastolobe à longues épines des eaux côtières de la Colombie-Britannique. Cette biomasse équivaut à 57,6 millions de poissons, en supposant un taux de conversion de 0,114 kg par poisson.

Fluctuations et tendances

Chalutage commercial assujetti au programme des observateurs

Haigh et al. (2005) ont analysé les données sur les captures et les activités de pêche de la base de données PacHarvTrawl du MPO en se servant d’un modèle de régression linéaire général reposant sur l’hypothèse d’une distribution lognormale. Cette analyse est fondée sur les données du 1er avril 1996. Les principaux chalutiers étaient tous assujettis à la surveillance d’observateurs indépendants. L’analyse exclut les traits de chalut effectués à moins de 500 m de profondeur pour éviter tout risque de confusion avec le sébastolobe à courtes épines (Sebastolobus alascanus). Le sébastolobe à longues épines est pêché dans 3 zones distinctes – la côte ouest de l’île de Vancouver ou COIV (zones 3C et 3D de la CPMP), le banc extérieur du détroit de la Reine-Charlotte, c’est-à-dire la zone Tidemarks (zones 5A et 5B de la CPMP) et la côte ouest des îles de la Reine-Charlotte, c’est-à-dire la baie Rennell (zone 5E de la CPMP).

L’analyse du modèle de régression linéaire général pour chaque zone de pêche a révélé une tendance à la baisse des PUE (prises par unité d’effort) relatives dès la première année de la pêche (figure 8). La régression linéaire des points d’indice (tableau 5) transformés par les logarithmes naturels produit une tendance annuelle de r = eb-1, où b = la pente ajustée (Schnute et al., 2004). Le changement relatif accumulé surobservations correspond à RN = eb(N-1) - 1. La comparaison des tendances ne révèle que peu de différences entre la COIV (r = -0.0761, R9= -0.469, 1996-2004) et la zone Tidemarks (r = -0.0900, R5=-0.314, 2000-2004), malgré le faible volume de données recueillies pour la zone Tidemarks. Le déclin estimé des PUE dans la baie Rennell (r = -0.201, R5=-0.593, 2000-2004, 2000-2004) dépasse de beaucoup celui des deux autres zones de pêche. En appliquant un indice pancôtier formé des indices régionaux pondérés par zone benthique entre 500 et 1 600 m de profondeur (Haigh et al., 2005), on obtient un déclin annuel r =-0.0825  et un déclin accumulé R9= -0.498 .

1

Figure 8.  Comparaison des indices des PUE pour les trois zones de pêche soumises à une analyse. Chaque série a été normalisée par rapport à la moyenne géométrique pour la période de 2000-2001 à 2004-2005. Les barres d’erreur correspondent à des limites de confiance de 95 p. 100. Source : Haigh et al.(2005)

Figure 8.  Comparaison des indices des PUE pour les trois zones de pêche soumises à une analyse. Chaque série a été normalisée par rapport à la moyenne géométrique pour la période de 2000-2001 à 2004-2005. Les barres d’erreur correspondent à des limites de confiance de 95 p. 100. Source : Haigh et al.(2005)
Tableau 5. Indices annuels tirés de l’analyse du modèle de régression linéaire général appliqué aux PUE de la pêche commerciale dans trois zones de pêche (Haigh et al., 2005) et normalisés selon la moyenne des valeurs de 2000-2004. L’indice pancôtier réunit les indices régionaux pondérés par zone benthique entre les courbes bathymétriques de 500 et de 1 600 m (COIV = 8 506 km², zone Tidemarks = 2 908 km², baie Rennell = 3 162 km²; Haigh et al., 2005). Les paramètres calculés résument les tendances des indices : b = pente de régression linéaire décrivant ln / = a + by, où I = valeur de l’indice, y = année; r = taux annuel de croissance relative =  eb-1; R = changement relatif accumulé sur N-1 périodes =  eb(N-1)- 1, où N = nombres d’indices I.
Année COIV Zone Tidemarks Baie Rennell Côte entière
1996
1,73103
---
---
1,73103
1997
1,42119
---
---
1,42119
1998
1,31118
---
---
1,31118
1999
1,19443
---
---
1,19443
2000
1,18994
1,22008
1,35363
1,23146
2001
0,99237
1,04646
1,29210
1,06818
2002
1,01706
0,94322
1,00389
0,99947
2003
0,95420
1,01830
0,78692
0,93070
2004
0,84643
0,77194
0,56347
0,77019
Paramètres des tendances
 
 
 
b
-0,07917
-0,09428
-0,22488
-0,08607
r
-0,07612
-0,08997
-0,20138
-0,08247
R
-0,46920
-0,31417
-0,59323
-0,49768

Relevé des sébastolobes à longues épines sur la COIV

En collaboration avec la Canadian Groundfish Research and Conservation Society (CGRCS), le MPO a réalisé, de 2001 à 2003, un relevé annuel ciblant le sébastolobe à longues épines sur la COIV (Starr et al., 2002; idem, 2004; Krishka et al., 2005). Les couches d’eau visées variaient de 500 à 1 600 m de profondeur, et l’étendue aréale se trouvait de 48°05'N à 50°30'N. Schnute et al. (2004) ont évalué les données de ce relevé et les ont comparées aux indices produits pour la pêche commerciale. Leurs conclusions indiquent que, pendant la période du relevé (de 2001 à 2003), l’indice d’abondance n’a présenté aucune tendance importante.

Sommaire des tendances

Les indices relatifs obtenus à partir du relevé de 2001 à 2003 semblent conséquents par rapport aux indices relatifs des PUE tirés de la pêche commerciale, et ils semblent également concorder avec les données sur les PUE de la côte ouest de l’île de Vancouver qui sont tirées de la plus récente évaluation du Comité d’examen des évaluations scientifiques du Pacifique (Schnute et al., 2004) (figure 9). Cette dernière analyse est fondée sur les mêmes données que celle dont les résultats sont présentés à la figure 8, mais elle fait appel à des méthodes analytiques différentes.

Figure 9.  Comparaison des indices des PUE de la dernière évaluation du CEESP pour le sébastolobe à longues épines sur la COIV (Schnute et al., 2004), des indices des relevés (voir figure 8) et des nouveaux indices calculés en 2005 pour les zones de pêche 3C et 3D de la CPMP (voir figure 8). Tous les indices ont été établis de manière à ce que la moyenne géométrique de 2001-2002 à 2003-2004 équivaille à 1. Source : Haighet al.(2005)

Figure 9.  Comparaison des indices des PUE de la dernière évaluation du CEESP pour le sébastolobe à longues épines sur la COIV (Schnute et al., 2004), des indices des relevés (voir figure 8) et des nouveaux indices calculés en 2005 pour les zones de pêche 3C et 3D de la CPMP (voir figure 8). Tous les indices ont été établis de manière à ce que la moyenne géométrique de 2001-2002 à 2003-2004 équivaille à 1. Source : Haighet al.(2005)

Haigh et al. (2005) n’ont découvert aucune tendance globale dans la proportion des traits de chalut commerciaux qui ont donné lieu à des captures nulles dans les trois séries chronologiques énumérées ci-dessus (côte ouest de l’île de Vancouver, de 1996 à 2004; zone Tidemarks, de 2000 à 2004; baie Rennell, de 2000 à 2004).

Dans les trois séries chronologiques, les indices relatifs des PUE qui sont tirés des données sur les captures et les activités de pêche commerciale (figure 8) affichent un taux de déclin de 8 p. 100 par année pour la COIV, de 9 p. 100 par année pour la zone Tidemarks et de 20 p. 100 par année pour la baie Rennell. Exprimés sous forme de déclin total, ces taux sont de 47 p. 100 sur 8 ans (de 1996 à 2004) sur la COIV, de 31 p. 100 sur 4 ans (de 2000 à 2004) dans la zone Tidemarks et de 59 p. 100 sur 4 ans (de 2000 à 2004) dans la baie Rennell. Les autres espèces assujetties à une pêche dirigée à des profondeurs supérieures à 800 m sont rares, de sorte que l’indice des PUE est considéré comme acceptable pour le suivi de l’abondance. Cependant, les PUE peuvent subir l’influence de facteurs liés à la pêche et de changements d’effectif. Voici certains de ces facteurs, lesquels sont cités par Schnute et al. (2004) :

  • Les pêcheurs ont enregistré une récente hausse du volume de prises accessoires de morue charbonnière, surtout dans le nord. En l’absence d’un quota suffisant pour la pêche de cette espèce, les patrons d’embarcation doivent chercher des possibilités de pêche où les traits de chalut produisent un moins grand nombre de captures de morue charbonnière et, par conséquent, de sébastolobes (il existe une corrélation positive entre l’abondance de la morue charbonnière et celle du sébastolobe). Ce comportement réduit les valeurs de l’indice.
  • Dans les premières années de la pêche, les observateurs n’ont pas toujours prélevé des échantillons pour déterminer la proportion de sébastolobes à longues épines et de sébastolobes à courtes épines. Ils s’en tenaient plutôt à l’information obtenue de l’usine. Les récents échantillons visent à cerner la composition spécifique complète de chaque trait de chalut. Cette nouvelle façon de procéder pourrait avoir contribué à un biais au fil des ans. Si les observateurs classaient les sébastolobes à courtes épines avec les sébastolobes à longues épines au cours des premières années de la pêche, l’amélioration des capacités d’identification aura eu pour effet de réduire les valeurs de l’indice.
  • Le coût du carburant a augmenté substantiellement. Le sébastolobe à longues épines figure parmi les poissons de fond dont la pêche exige une forte consommation de carburant, les traits de chalut pouvant durer de 4 à 12 heures. La hausse du prix du carburant et la réduction des marges bénéficiaires tendent à décourager la pêche dirigée ou la pêche exploratoire de cette ressource. Ce comportement accroît le nombre de traits de chalut où le sébastolobe à longues épines n’est pas l’espèce dominante et, par conséquent, réduit les valeurs de l’indice.
  • Le prix du sébastolobe a connu une forte baisse dans les dernières années, en partie à cause de l’appréciation du dollar canadien par rapport aux devises américaine et japonaise. Une marge de profit réduite tend à décourager la pêche dirigée. Ici encore, le nombre réduit de traits de chalut où le sébastolobe à longues épines est prédominant contribue à réduire les valeurs de l’indice.

Les indices d’abondance des relevés annuels de 2001 à 2003 pour la population de sébastolobes à longues épines de la COIV ne révèlent aucune tendance (pente = +0,1 p. 100). Même s’ils couvrent une période beaucoup plus courte, ces relevés fournissent un indicateur plus fiable de l’abondance que les données concernant les PUE, qui dépendent de la pêche commerciale.

La prédiction relative à un changement démographique « trigénérationnel » à partir des données issues de trois séries chronologiques courtes demeure très incertaine. Cependant, compte tenu de la baisse marquée des indices des relevés sur une courte période ainsi que des caractéristiques du cycle vital de l’espèce, il est permis de croire que l’effectif a connu une baisse importante qu’il pourrait être difficile de gérer ou de contrer.

Effet d’une immigration de source externe

Les populations voisines de l’État de Washington et de l’Alaska pourraient agir comme population source, compte tenu de la nature planctonique des larves. Cependant, ce scénario n’est étayé par aucune donnée directe. Le long de la partie continentale des États-Unis, les estimations du stock reproducteur et de la biomasse totale se chiffraient respectivement à 75 049 tonnes et à 162 642 tonnes pour 2005 (Fay, 2006). Le ratio de la biomasse du stock reproducteur et de la biomasse d’équilibre non exploitée a été estimé à 0,71, ce qui donne à penser que la population fait l’objet d’une exploitation légère. L’État de Washington et la Californie ont adopté un régime de gestion de la pêche qui prévoit le rajustement du TAC (total autorisé des captures) de manière à prévenir la surpêche.

[1] Politique sur les nouvelles pêches

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