Salamandre sombre des montagnes évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Mise à jour
Rapport de situation du COSEPAC
sur la
salamandre sombre des montagnes
Desmognathus ochrophaeus

population des Grands Lacs et du Saint-Laurent
population carolinienne

au Canada

2007

Information sur l'espèce

Nom et classification

La salamandre sombre des montagnes (Desmognathus ochrophaeus) appartient à la famille des Plethodontidés (salamandres dépourvues de poumons) (Ordre des Urodèles) (figure 1). Il s’agit de la seule espèce canadienne faisant partie du complexe D. ochrophaeus, qui comprend six espèces morphologiquement et écologiquement similaires : le D. apalachicolae, le D. carolinensis, le D. imitator, le D. ochrophaeus, le D. ocoee et le D. orestes (Tilley et Mahoney, 1996; Petranka, 1998; Anderson et Tilley, 2003). Ces espèces sont toutes très étroitement apparentées, et la meilleure façon de les identifier est au moyen de l’aire de répartition géographique et de la comparaison génétique. Au sein de ce complexe, le D. ochrophaeus est le membre présentant le moins de variations génétiques et morphologiques. Par ailleurs, on croit qu’il descendrait d’une forme méridionale qui aurait connu une expansion rapide de son aire de répartition septentrionale à la suite de l’époque glaciaire du Pléistocène (Petranka, 1998).


Figure 1 : Le Desmognathus ochrophaeus, a) individu provenant de la population du Niagara b) individu provenant de la population de Covey Hill

Figure 1 : Le Desmognathus ochrophaeus : a) individu provenant de la population du Niagara; b) individu provenant de la population de Covey Hill.

a) Photographie de Rob Tervo; b) Photographie de David M. Green.


Description morphologique

Le D. ochrophaeus est une petite salamandre effilée comportant 14 sillons costaux (figure 1). La longueur du museau au cloaque moyenne du D. ochrophaeus mature est de 37 mm (étendue : de 29 à 45 mm), et sa longueur totale est de 70 à 100 mm (Orr, 1989; Conant et Collins, 1998; Petranka, 1998). La longueur du museau au cloaque des mâles est de 6 à 20 p. 100 supérieure à celle des femelles; ils ont des dents prémaxillaires bien développées, des muscles masséters plus grands, des glandes hédoniques plus petites et une ligne buccale d’apparence ondulée lorsque vue de profil (Orr, 1989; Bruce, 1993).

Dans son aire de répartition mondiale (figure 2), cette espèce présente une forte variabilité morphologique (Fitzpatrick, 1973; Petranka, 1998). Les individus matures présentent habituellement une bande pâle au milieu du dos qui s’étend de la tête à la queue. Les bords de cette bande sont droits tandis que sa couleur varie de gris à brun, à brun roux, à jaune, à orange ou à rouge, selon l’âge et le sexe. Les juvéniles et les jeunes adultes présentent généralement des bandes dorsales jaunâtres ou rougeâtres. Les individus plus âgés tendent à devenir mélaniques avec l’âge, et leur bande dorsale et le motif de chevrons deviennent moins apparents. Généralement, la bande comporte, dans le milieu du dos, une rangée de points foncés en forme de chevrons. Un pigment foncé borde la bande et s’étend latéralement et ventralement jusqu’à la partie inférieure des flancs tachetés. L’abdomen devient gris pâle à noir grisâtre avec l’âge (Petranka, 1998). La larve possède des réserves vitellines saillantes dans la région de l’abdomen, des branchies bien développées ainsi qu’une nageoire bien développée sur les faces dorsale et ventrale de la queue (Organ, 1961).


Figure 2 : Répartition mondiale du Desmognathus ochrophaeus

Figure 2 : Répartition mondiale du Desmognathus ochrophaeus.

Les flèches indiquent les populations canadiennes de Covey Hill, au Québec, et du Niagara, en Ontario.

On confond parfois les individus dont la bande dorsale est très pâle avec la salamandre à deux lignes (Eurycea bislineata), mais la queue comprimée de cette espèce et son dessous jaune devraient permettre de la distinguer. On trouve parfois des individus qui, en surface, ressemblent de manière frappante à certaines formes colorées de la salamandre rayée (Plethodon cinereus), mais les pattes arrières relativement plus grandes et la ligne pâle allant des yeux jusqu’à l’angle de la mâchoire du D. ochrophaeus le distinguent, même lorsqu’il s’agit de juvéniles (Bishop, 1941; Orr, 1989).

On confond plus facilement le D. ochrophaeus avec la salamandre sombre du Nord (Desmognathus fuscus), une espèce plus trapue et moins terrestre, souvent trouvée dans des habitats similaires (Orr, 1989). Le D. ochrophaeus est une espèce montagnarde dont l’aire de répartition mondiale est englobée dans celle du D. fuscus, qui est essentiellement une forme de plus basse altitude (Houck et Francillon-Vieillot, 1988). Les deux espèces se trouvent couramment dans le même type d’habitat, et le chevauchement de leurs aires de répartition, le degré élevé de variation intraspécifique ainsi que leur propension à l’hybridation (Karlin et Guttman, 1981; Sharbel et al., 1995) ont rendu difficile l’identification sur le terrain dans les régions de sympatrie. Une analyse moléculaire est donc devenue nécessaire pour identifier l’espèce, particulièrement dans les zones qui contiennent des hybrides (Sharbel et Bonin, 1992; Tilley et Mahoney, 1996; Tilley, 1997). Néanmoins, les caractéristiques morphologiques peuvent souvent être utilisées avec un certain succès. Les deux espèces présentent une bande oculaire qui s’étend de l’œil jusqu’à l’angle des mâchoires, une caractéristique de toutes les espèces de ce genre (Orr, 1989). En revanche, la queue du D. ochrophaeus est habituellement ronde et effilée tandis que celle du D. fuscus est d’un diamètre plus grand à la base et comporte une crête prononcée le long de l’arête dorsale (Bider et Matte, 1996). Les deux espèces présentent une bande à mi-dos, mais dans le cas du D. fuscus les bords de la bande sont habituellement irréguliers plutôt que réguliers. Par ailleurs, le D. fuscus ne présente pas de points en forme de chevrons sur sa face dorsale. La larve du D. ochrophaeus présente une large bande dorsale pâle, complètement absente chez le D. fuscus (Bishop, 1941; Logier, 1952).


Description génétique

Les deux populations canadiennes de D. ochrophaeus sont contiguës à la frontière canado-américaine, mais sont géographiquement isolées des populations avoisinantes des États-Unis par la distance ou par des barrières physiques. On ne sait pas depuis combien de temps les populations des deux côtés de la frontière sont séparées.

La population de Covey Hill, au Québec, se trouve à environ 90 km au nord de la population la plus rapprochée, située dans le nord de l’État de New York. Sharbel et Bonin (1992) ont utilisé l’électrophorèse des alloenzymes pour identifier le D. ochrophaeus et ont découvert un peu d’hybridation entre le D. ochrophaeus et son proche parent, le D. fuscus, dans le sud du Québec. Les hybrides peuvent être différenciés du parent pur D. ochrophaeus ou D. fuscus par une analyse moléculaire et, quelquefois, par des caractéristiques morphologiques. La combinaison de leurs caractéristiques d’identification peut toutefois les rendre difficiles à distinguer sur le terrain (Bonin, 1993; Sharbel et al., 1995; Boutin, 2006). Une étude génétique de la population, effectuée par Boutin (2006) au moyen d’un fragment de 500 paires de bases du gène mitochondrial de l’ARNr 12 S, d’ADN nucléaire (dans la région du RAG-1) et d’enzymes de restriction, a aussi permis de détecter un peu d’hybridation. Le rétrocroisement d’hybrides, où des hybrides s’accouplent avec un type parental pur, a davantage compliqué les identifications morphologiques, et un rétrocroisement notable avec le D. ochrophaeus est manifeste en ce qui concerne la plupart des hybrides soupçonnés (Sharbel et al., 1995; Boutin, 2006). Alors que l’hybridation entre les formes pures des deux espèces reste rare, on ne sait pas quel pourcentage de D. ochrophaeus d’apparence « pure » portent des gènes deD. fuscus. On croit que la population du Québec existe en tant qu’unité consanguine relativement petite et génétiquement isolée dans laquelle un petit pourcentage d’individus se croisent à l’occasion avec le D. fuscus (Sharbel et al., 1995). Aucune comparaison génétique n’a été effectuée entre la population du Québec et les populations situées au sud de la frontière. Les niveaux de différenciation génétique sont donc inconnus.

En Ontario, les populations canadiennes de D. ochrophaeus sont isolées des populations américaines avoisinantes par la gorge du Niagara et par une courte distance géographique. On sait que les rivières font obstacle à la dispersion de la salamandre (Howard et al., 1983; Bonnett et Chippindale, 2004), et la rivière Niagara, qui passe dans la gorge avec un débit rapide, est probablement une importante barrière au flux génétique. Aucune population n’a été trouvée dans la gorge du Niagara, du côté de l’État de New York. La population connue la plus près se trouve à 22 km à l’est de la population canadienne du Niagara, en bordure de l’escarpement du Niagara de l’État de New York.

À l’automne 2005, une étude moléculaire a été entreprise pour comparer des échantillons recueillis dans la gorge du Niagara de l’Ontario avec six populations avoisinantes venant de partout dans l’ouest de l’État de New York (Markle et Green, 2006). L’étude visait à déterminer si la population du Niagara était génétiquement distincte des populations américaines voisines. On a comparé par analyse des régions variables de deux gènes mitochondriaux (cyt b et ARNr 12 S) pour une longueur totale de séquence de 954 paires de bases. Les résultats de l’analyse n’ont révélé aucune variation génétique entre les différentes populations. D’autres études fondées sur les alloenzymes ont également révélé peu de variations génétiques entre les populations de D. ochrophaeus, même si la distance entre deux populations atteignait 1 000 km (Tilley et Mahoney, 1996; Tilley, 1997).

Jusqu’à maintenant, un total de 22 individus du site de Niagara ont été identifiés au moyen d’une analyse moléculaire comme appartenant à l’espèce D. ochrophaeus, ce qui porte à croire que l’ensemble de la population se compose de D. ochrophaeus. À ce jour, aucune variation n’a été décelée au sein de la population de l’Ontario (au moyen des marqueurs mitochondriaux cyt b et ARNr 12 S) (Markle 2006, données inédites).

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