Esturgeon vert (Acipenser medirostris) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 3

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COSEPAC
Résumé

Esturgeon vert
Acipenser medirostris

Information sur l’espèce

L’esturgeon vert (A. medirostris) se distingue facilement des autres familles de poissons par une combinaison de caractéristiques : quatre barbillons devant une bouche subterminale, cinq rangées de plaques osseuses, queue hétérocerque, museau effilé, unique nageoire dorsale charnue située près du pédoncule caudal et endosquelette en grande partie cartilagineux. L’esturgeon vert est généralement de couleur vert olive foncé, avec un ventre blanc. On le confond souvent avec l’esturgeon blanc (A. transmontanus) en raison du chevauchement de leurs aires de répartition et de leur ressemblance. L’esturgeon vert fraie en eau douce, mais passe la plus grande partie de sa vie en milieu marin. Sa longueur et son poids maximaux sont respectivement de 2,3 m et 159 kg.

Les études génétiques visant à établir la parenté entre les formes nord-américaine et asiatique de l’esturgeon vert sont contradictoires. Malgré l’abondance des preuves indiquant qu’elles devraient être considérées comme deux espèces distinctes, des recherches approfondies s’imposent avant qu’on puisse trancher la question. Le National Marine Fisheries Service (NMFS) a identifié deux populations distinctes d’esturgeons verts, l’une septentrionale et l’autre méridionale, la frontière latitudinale passant au niveau de la rivière Eel, en Californie. La population septentrionale est probablement la population source des individus présents au Canada, mais comme l’esturgeon vert entreprend de grandes migrations vers le nord et que les caractéristiques génétiques des populations du Canada sont inconnues, cette affirmation ne peut être confirmée à l’heure actuelle.


Répartition

L’esturgeon vert est présent le long de la côte du Pacifique de l’Amérique du Nord, de la frontière Mexique–États-Unis jusqu’au sud de l’Alaska. Aucune population reproductrice n’est connue au Canada. L’esturgeon vert est surtout présent dans les eaux marines, quoique de rares captures en eau douce aient été signalées dans le cours inférieur du Fraser et dans les rivières Nass, Stikine, Skeena et Taku. On ne connaît de populations reproductrices que dans trois rivières aux États-Unis : les rivières Rogue et Klamath en Oregon, et le bassin hydrographique du Sacramento en Californie. On capture fréquemment des esturgeons verts le long de la côte et on estime qu’ils occupent en petit nombre la plupart des estuaires.


Habitat

Selon les stades de son cycle vital, l’esturgeon vert a des besoins en habitat qui varient : ruisseaux, rivières et fleuves, estuaires d’eau douce et eaux marines. Ses besoins en la matière sont mal connus, mais seraient semblables à ceux de l’esturgeon blanc. La fraye aurait généralement lieu dans des fosses profondes au lit jonché de grosses pierres, mais peut aussi se faire sur fond de sable fin ou sur le lit rocheux du chenal principal d’un cours d’eau à fort courant. La grande taille des œufs et le taux de croissance élevé de l’esturgeon vert par rapport à l’esturgeon blanc donne à penser que les embryons ont besoin de plus d’oxygène pour se développer normalement. Par conséquent, l’esturgeon vert aurait besoin d’eaux plus froides et plus propres que l’esturgeon blanc pour la fraye. En mer, les individus occupent l’habitat benthique où ils se nourrissent d’une variété d’invertébrés et de poissons.


Biologie

L’esturgeon vert est un poisson anadrome de croissance lente qui atteint la maturité tardivement. Les juvéniles passent de un à quatre ans en eau douce, puis s’adaptent graduellement à l’eau salée en vieillissant. Après avoir quitté l’eau douce, les esturgeons verts migrent vers les milieux estuariens et marins où ils se nourrissent d’invertébrés et de poissons benthiques. Les adultes reviennent à leurs frayères natales et peuvent passer jusqu’à six mois en eau douce et remonter les cours d’eau sur 300 km. La taille et le poids maximaux signalés pour un individu sont de 230 cm et de 159 kg. Les mâles atteignent la maturité à 15 ans, soit un peu avant les femelles qui l’atteignent entre 17 et 25 ans (Adams et al., 2002). La durée d’une génération est de 27 à 32 ans, mais la précision et l’exactitude des techniques de détermination de l’âge sont encore jugées insatisfaisantes. L’esturgeon vert pond les plus gros œufs de la famille des esturgeons; sa fécondité relative est donc moins élevée que celle des autres espèces d’esturgeons anadromes. L’espèce pond entre 51 000 et 224 000 œufs, moins collants que les œufs d’esturgeon blanc et dotés d’une membrane chorionique beaucoup plus mince que ces derniers, ce qui laisse entendre qu’elle a besoin d’une eau de meilleure qualité que l’esturgeon blanc pour assurer son succès reproductif.


Taille et tendances des populations

Il existe peu d’information qui permettrait d’estimer la taille et les tendances des populations au Canada et aux États-Unis. Au Canada, les statistiques sur les prises ne distinguaient pas l’esturgeon vert de l’esturgeon blanc avant la mise en œuvre du programme des observateurs des pêches du ministère des Pêches et des Océans (MPO) en 1996. Lorsqu’on les compare aux données recueillies par ce programme, les quelques renseignements anecdotiques disponibles avant cette date évoquent la possibilité d’un déclin substantiel du nombre d’esturgeons verts. Cependant, les données du MPO ne couvrant qu’une très courte période et la précision et l’exactitude des données anecdotiques étant incertaines, on ne peut confirmer la véracité de cette conclusion.


Facteurs limitatifs et menaces

Par leur morphologie, leur cycle vital et leurs besoins en habitat, les esturgeons sont particulièrement vulnérables aux impacts des activités humaines. Les prises d’esturgeons verts en eaux douces sont rares au Canada; la plupart des observations ont lieu dans les estuaires et en mer. Par conséquent, les effets anthropiques néfastes sur l’espèce se résument principalement aux impacts sur les proies de l’esturgeon et aux impacts des pêches. Comme on n’a jamais observé la fraye de l’esturgeon vert au Canada, on estime que l’espèce utilise peu les eaux douces canadiennes et que, par conséquent, les impacts en eau douce seraient circonscrits aux habitats de fraye et de croissance des États-Unis.


Importance de l’espèce

L’esturgeon vert est l’une des plus grandes espèces de poisson d’eau douce. Sa longévité est remarquable; il peut vivre jusqu’à 70 ans, atteindre une longueur de 2,3 m et un poids de 159 kg. Contemporain des dinosaures, l’esturgeon vert est l’une des espèces les plus anciennes du monde; on le retrouve, pratiquement identique, dans des fossiles datant de plus de 200 millions d’années. Son goût réputé mauvais et sa rareté ont limité son utilisation au Canada. La majorité des prises sont des prises accessoires, et le poisson est souvent jeté. Il existe néanmoins une pêche autochtone aux États-Unis, sur la rivière Klamath en Oregon.


Protection actuelle ou autres désignations de statut

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a accordé le statut d’espèce « rare » à l’esturgeon vert en 1987, qui est passé alors à celui d’espèce « préoccupante » à la suite d’une redéfinition des désignations. En Colombie-Britannique, l’esturgeon vert a été inscrit à la liste rouge, indiquant que l’espèce est menacée de disparition au pays (extirpation), en péril (endangerment) ou menacée (threatened). Au Canada, il est illégal de conserver un esturgeon vert pêché dans les eaux marines ou douces.

Aux États-Unis, l’esturgeon vert a été désigné « Federal Species of Concern ». Dans les États de l’Oregon, de Washington et de l’Alaska, l’espèce ne bénéficie d’aucune protection particulière. En Californie, elle a le statut d’espèce préoccupante, mais ne bénéficie d’aucune protection en vertu de la California Endangered Species Act. Ces États ont toutefois une réglementation sur la pêche concernant notamment les limites de la taille des prises et de leur nombre.

L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a évalué l’esturgeon vert en 1996 et lui a accordé le statut d’espèce « vulnérable » (A1ac). Le Sturgeon Specialist Group estime que l’espèce fait face à un risque élevé de disparition à l’état sauvage à moyen terme en se fondant sur des observations directes et sur le déclin de la zone d’occupation qui s’est soldé par une diminution d’au moins 20 p. 100 de la taille des populations sur les trois dernières générations. La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) a inscrit l’esturgeon vert à l’annexe II en juin 1997, et l’espèce y demeure à ce jour.

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