Castilléjie dorée (Castilleja levisecta) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Au Canada, on trouve la castilléjie dorée uniquement dans les prés maritimes associés aux chênes de Garry, qui sont des écosystèmes dominés par les herbacées, situés à faible altitude (< 30 m) et largement confinés à la bande côtière (à moins de 3 km du littoral) dans le sud-est de l’île de Vancouver et un certain nombre d’îles des détroits de Georgia, de Haro et de Juan de Fuca. Les températures estivales sont fortement modérées par la proximité de l’océan. Les brouillards côtiers donnent lieu à de fortes rosées à la fin de l’été et au début de l’automne, ce qui stimule la germination et lève la dormance des pousses chez nombre de plantes vivaces alors que les zones de l’intérieur demeurent sèches et brunes. Les brouillards côtiers et la proximité de l’océan tendent aussi à modérer les gels hivernaux (particulièrement la nuit) ainsi qu’à retarder l’accumulation de chaleur, ce qui peut ralentir la croissance des végétaux. Les prés maritimes peuvent être largement dépourvus de végétation ligneuse en raison de divers facteurs, dont de forts déficits hydriques estivaux (particulièrement aux endroits exposés au vent ou présentant des sols minces à texture grossière), les embruns salés et les brûlages effectués pendant longtemps par les Premières Nations. Les prés maritimes peuvent être exposés à un seul de ces facteurs ou à plusieurs. Ainsi, certains prés peuvent accueillir des peuplements forestiers, alors que d’autres demeurent dégagés malgré l’élimination des feux (Parcs Canada, 2006).

Tendances en matière d’habitat

Perte en matière d’habitat

La superficie de l’habitat potentiel dans le sud-est de l’île de Vancouver et les îles adjacentes a considérablement diminué au cours du siècle dernier, pendant lequel les prés maritimes ont été exploités à des fins résidentielles et récréatives. Il n’y a aucune estimation fiable du taux de perte de prés maritimes, et il est difficile, voire impossible, de déterminer l’étendue initiale de ce type d’écosystème. La proportion de prés maritimes qui a disparu dépasse probablement le taux de perte des chênes de Garry à Victoria, car les prés maritimes étaient plus concentrés le long des côtes recherchées pour la construction de propriétés. L’étendue des chênes de Garry à Victoria a diminué de 95 p. 100, passant de 10 510 ha, en 1800, à 512 ha, en 1997 (Lea, 2002). Cette perte est presque entièrement attribuable à la conversion des terres agricoles et au développement résidentiel et récréatif qui a suivi.

Selon les résultats des relevés menés aux fins du présent rapport de situation, environ 24 ha seulement de prés maritimes se trouvent dans l’aire de répartition canadienne actuelle de la castilléjie dorée. Si l’on rejette la mention de la présence de l’espèce à Wellington (laquelle est apparemment fondée sur une mauvaise identification), il y a seulement 27 ha de prés maritimes au sein de toute l’aire de répartition canadienne historique de la castilléjie dorée.

L’aire de répartition de la castilléjie dorée au Canada se trouve au cœur de l’une des régions nord-américaines qui se développent très rapidement. On observe un accroissement de la population de la grande région métropolitaine de Victoria, qui est passée de quelque 180 000 habitants, en 1966, à 338 738, en 2005. Selon les projections, la population atteindra les 407 600 d’ici 2026 (CRD, 2006). Les propriétés les plus dispendieuses et les plus recherchées sont celles situées au bord de la mer, où la castilléjie est commune. Par conséquent, une forte pression d’aménagement continuera d’être exercée sur les prés maritimes propices à la castilléjie dorée.

Envahissement de l’habitat par les espèces exotiques

La castilléjie dorée est maintenant limitée aux prés dégagés situés à quelques mètres au-dessus du niveau de la mer, dans des îles et îlets du large. Environ 90 p. 100 de la zone d’occupation actuelle a subi de longues périodes de broutage par le bétail; il en est de même pour l’habitat apparemment propice mais inoccupé au sein de la zone d’occurrence. Des graminées et d’autres plantes herbacées se sont introduites dans une grande partie de la zone broutée et la dominent maintenant. Même des zones renfermant un habitat propice n’ayant pas été brouté ont souvent été envahies par des plantes exotiques (obs. pers.).

Plusieurs espèces ligneuses et semi-ligneuses envahissantes occupent les prés maritimes de l’aire de répartition historique de la castilléjie dorée. Les espèces suivantes sont déjà présentes au sein des populations de castilléjies dorées et sont courantes dans d’autres prés maritimes semblables.

Le genêt à balais (Cytisus scoparius) est présent dans tous les sites et, à certains endroits, ses populations ont grandi au point où il ne reste presque plus de végétation indigène sous leur couvert. Dans les sites où cette espèce n’a pas encore formé de couvert fermé, les distributions des classes de taille indiquent que le couvert prend rapidement de l’expansion. Les tentatives d’élimination du genêt à balais ont eu peu de succès. La plupart des efforts de suppression consistaient à déraciner les plantes, ce qui perturbe les sols et favorise la multiplication des plantes envahissantes rapidement dispersées. Les efforts de lutte contre l’espèce par la coupe des tiges ont échoué, car les moignons coupés réussissent à produire des rejetons de manière prolifique. Dans presque tous les cas, les efforts de lutte ont été suivis d’un important recrutement à partir du vaste réservoir de semences longévives du sol (obs. pers.). Les recrues peuvent commencer à se reproduire dès l’âge de 3 ans (Bossard, s.d.).

L’ajonc d’Europe (Ulex europaeus) menace de plus en plus les prés maritimes. Il se propage plus lentement que le genêt à balais, car ses graines ne se dispersent pas aussi loin. L’espèce s’est néanmoins établie dans la plupart des prés maritimes se trouvant dans la zone d’occupation de la castilléjie dorée, et certaines des populations plus âgées forment aujourd’hui un couvert continu (obs. pers.). Dans les endroits où il est établi, l’ajonc d’Europe forme rapidement un couvert dense et produit une épaisse couche de litière acide qui empêche la croissance de toute autre espèce (voir William, 1983). L’ajonc d’Europe est encore plus difficile à freiner que le genêt à balais, car il crée rapidement des réseaux ramifiés de rhizomes et de racines difficiles à éliminer.

Le lierre commun (Hedera helix) est la troisième espèce envahissante en importance dans les prés maritimes. Il est moins répandu que le genêt à balais, mais son aire de répartition semble s’étendre de plus en plus, et l’espèce sera bientôt présente dans la plupart des sites. Une fois établi, le lierre se propage rapidement, couvrant la strate herbacée. Comme il produit facilement des racines à partir de petits fragments de rhizomes, le lierre est encore plus difficile à éliminer que le genêt à balais et l’ajonc d’Europe (obs. pers.).

Parmi les autres envahisseurs importants et répandus des prés maritimes figurent la lauréole (Daphne laureola) et la ronce discolore (Rubus armeniacus). Ces dernières semblent poser une sérieuse menace pour les écosystèmes des prés maritimes. La lauréole se multiplie rapidement dans toute la région. En outre, quelques prés sont infestés du houx commun (Ilex aquifolium) et de Cotoneaster sp. (obs. pers.).

Changements en matière d’habitat liés aux feux

Le brûlage pratiqué par les Premières Nations en vue d’améliorer les cultures bulbeuses de camassies permettait autrefois de maintenir les prés maritimes. La suppression des feux favorise maintenant la propagation de denses parcelles d’arbustes et d’arbres indigènes, où la castilléjie dorée ne peut survivre. Paradoxalement, une tentative visant à améliorer les cultures de camassies par la restauration du brûlage a favorisé la dispersion rapide de graminées et d’autres plantes herbacées exotiques plutôt que le rétablissement du couvert de plantes indigènes (obs. pers.).

Protection et propriété

Une des populations existantes se trouve entièrement dans une réserve écologique gérée par BC Parks. L’autre population chevauche une autre réserve écologique, un site de la Garde côtière canadienne et une concession de communications sur des terres publiques provinciales. Les plantes dans les réserves écologiques sont protégées par la Parks Act de la Colombie-Britannique, et celles dans le site de la Garde côtière canadienne, par la Loi sur les espèces en péril (LEP). Récemment, BC Parks et la Garde côtière canadienne ont pris des mesures pour lutter contre les espèces ligneuses envahissantes. De leur côté, les prés maritimes dans la concession de communications qui sont occupés par la castilléjie dorée ne bénéficient d’aucune protection officielle. La qualité de l’habitat dans la concession se détériore à mesure que s’étend le couvert des ajoncs d’Europe et des genêts à balais. Les activités opérationnelles dans la concession (entretien des sentiers, stockage des approvisionnements et des déchets, etc.) affectent directement la qualité de l’habitat (obs. pers.).

La plupart des prés maritimes qui subsistent dans la zone d’occurrence se trouvent dans des parcs municipaux, lesquels ne sont pas assujettis à des politiques officielles visant à protéger les espèces en péril. Néanmoins, la plupart des municipalités ont pris des mesures pour cartographier les espèces en péril, et certaines d’entre elles ont mis sur pied des programmes de contrôle des arbustes envahissants pour tenter de protéger les prés maritimes (obs. pers.).

Occurrence sur des terres fédérales

Une population existante (île Trial) s’étend sur des terres fédérales.

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