Chaboisseau à quatre cornes (Myoxocephalus quadricornis) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 3

Information sur l’espèce

Nom et classification

Le chaboisseau à quatre cornes (Myoxocephalus quadricornis) (Linnaeus, 1758), est un cottidé principalement marin à répartition circumpolaire (McAllister, 1980). L’espèce, étroitement apparentée au limnicole M. thompsoni (Girard, 1852) – le chabot de profondeur –  a été décrite pour la première fois à partir de spécimens de la mer Baltique. Le chaboisseau à quatre cornes d’eau douce a fait l’objet de plusieurs études taxinomiques et zoogéographiques, particulièrement en rapport avec le chaboisseau à quatre cornes marin et le chabot de profondeur, vivant en eau douce (Berg, 1949; Walters, 1955; McAllister, 1961; Johnson, 1964; McAllister et Aniskowicz, 1976). Girard (1852) a décrit sous le nom Triglopsis thompsoni le chabot de profondeur du lac Ontario, et McAllister (1961), en réexaminant l’historique du problème, a considéré le chaboisseau à quatre cornes comme une espèce distincte et la forme ancestrale.

Malgré les constatations de McAllister (1961), d’autres auteurs ont pensé, en se fondant sur la découverte dans trois lacs de l’île Victoria, au Nunavut, de populations distinctes possédant certaines caractéristiques morphologiques intermédiaires, que le chaboisseau à quatre cornes et le chabot de profondeur ne constituaient pas des espèces distinctes (Johnson, 1964; McPhail et Lindsey, 1970). Pour cette raison, McPhail et Lindsey (1970), à la suite de Nikolsky (1961) et de Hubbs et Lagler (1964), ont considéré eux aussi que le chabot de profondeur ne différaient du chaboisseau à quatre cornes que sous le rang de l’espèce. En se fondant sur cette relation, ils ont nommé la forme marine M. quadricornis quadricornis(Linnaeus) et la forme d’eau douce M. quadricornis thompsoni (Girard).

McAllister et ses collaborateurs (McAllister, 1961; McAllister et Aniskowicz, 1976; McAllister et al., 1978) ont examiné des spécimens des deux formes ainsi que les reliques datant de la période post-glaciaire récemment découvertes dans les eaux douces de l'Arctique, qui avaient été décrites (McAllister, 1961; Hubbs et Lagler, 1964; Johnson, 1964; McPhail et Lindsey, 1970; Dadswell, 1972). En se fondant sur leurs caractéristiques morphologiques, leur répartition et leur écologie, ils en sont venus à la conclusion que les deux formes constituaient des espèces distinctes. Les reliques de la période post-glaciaire de l'Arctique, qui font l’objet du présent rapport, correspondent à la définition du M. quadricornis et devraient être désignées sous le nom de chaboisseaux à quatre cornes. Selon Nelson (comm. pers., 2002), la forme marine et la forme d’eau douce du M quadricornis seront classées, dans la nouvelle édition de Common and scientific names of fishes of the United States, Canada, and Mexico, qui devrait être publiée plus tard cette année, comme espèce distincte du M. thompsoni.

Depuis sa description par Linnaeus en 1758, le chaboisseau à quatre cornes a changé de nom et de classification à de multiples reprises. En se fondant sur ses caractéristiques morphologiques, on l’a inclus dans les genres Cottus, Oncocottus, Myoxocephalus et Triglopsis (McPhail et Lindsey, 1970; Scott et Scott, 1988; Muus et al., 1999; Kallner et Bernander, 2001). Il semble que M. quadricornis soit le nom le plus largement usité par les chercheurs, quoique Triglopsis ait été utilisé en Europe après que le cottidé ait été associé à ce genre par Fedorov (1986). Certains chercheurs appellent T. polaris le chaboisseau à quatre cornes (Khlebovich, 1997). Malgré ces discussions quant au genre de l’espèce, sa classification dans les rangs supérieurs est restée presque inchangée :

  • famille des Cottidés
  • sous-ordre des Cottoidei
  • ordre des Scorpéniformes
  • classe des Actinoptérygiens
  • infra-classe des Téléostéens
  • sous-classe des Néoptérygiens
  • super-classe des Ostéichthyens
  • sous-embranchement des Vertébrés
  • embranchement des Cordés
  • règne animal

En raison de sa répartition circumpolaire, le chaboisseau à quatre cornes est présent dans nombre de pays en Amérique du Nord et en Europe. Le tableau 1 donne la liste des noms communs utilisés dans ces pays. En anglais, le chaboisseau à quatre cornes est communément appelé fourhorn sculpin.

En inuktitut, le niveau de précision dans la correspondance entre les noms communs et les niveaux taxinomiques (famille, espèce, etc.) dépend de l’intérêt alimentaire ou autre d’un animal. Les ombles, par exemple, font partie de l’alimentation normale et les Inuits non seulement nomment individuellement chaque espèce, mais aussi, dans le cas de l’omble chevalier, donnent des noms différents à la forme marine (iqalukpik), à la petite forme confinée aux eaux intérieures (nutilliq) et au poisson rouge vif en période de fraye (ivitaaruq). Ce n’est toutefois pas le cas des cottidés. Plusieurs espèces de cette famille, qui n’étaient utilisées pour l’alimentation qu’en période de famine, sont, dans la plupart des localités, regroupées sous une appellation unique – kanayok(McAllister et al., 1987).

Tableau 1. Noms communs du Myoxocephalus quadricornis selon les pays (Linnaeus, 1758)

Nom commun

Pays

Chaboisseau à quatre cornes
Canada
Fourhorn sculpin
Canada, États-Unis
Four-horned sculpin
Estonie, Fédération de Russie
Four-horned bullhead
Europe
Four-horned sea sculpin
Canada, Europe
Härkäsimppu
Finlande
Hornsimpa
Suède
Hornulk
Danemark
Hornulke
Norvège
Kur rogacz
Pologne
Rogatka
Ancienne URSS
Vierhörniger Seeskorpion
Allemagne
Alyaskinskaya rogatka
Russie

Description

La forme d’eau douce du chaboisseau à quatre cornes est un cottidé benthique d’assez petite taille, atteignant rarement une longueur de plus de 100 mm (Bengtsson et Bengtsson, 1983; Muus et Dahlstrøm, 1999) (figure 1). Les individus du lac Garrow atteignent de plus grandes tailles, pouvant aller de 170 à 194 mm, avec une gamme observée allant de 20 à 194 mm (BC Research, 1978; Fallis et al., 1987). Fallis et al. (1987), pour un échantillon de 51 individus, ont rapporté une longueur totale moyenne de 155 mm et un poids moyen de 26,6 g (de 10 à 45 g). La forme marine de l’espèce se distingue des autres cottidés par la présence, sur la tête, de quatre longues protubérances (épines frontales et pariétales) en forme de massue, qui donnent son nom au poisson (Scott et Scott, 1988; Coad et al., 1995). Par contre, ces protubérances sont d’habitude réduites ou absentes chez la forme d’eau douce. Leger (comm. pers., 2003), dans sa description des chaboisseaux à quatre cornes du lac Garrow, a observé que leurs cornes sont plus molles et beaucoup plus délicates que celles de la forme marine. Le chaboisseau à quatre cornes possède aussi quatre épines préoperculaires bien développées ainsi que des épines nasales et cléithrales. L’épine préoperculaire supérieure, pointe droite simple, lui est propre (Coad et al., 1995).

Le corps, allongé, est muni d’un pédoncule caudal effilé. La tête est aplatie et large. Les yeux, rapprochés, sont situés sur le dessus de la tête. La bouche est terminale et la mâchoire inférieure est légèrement saillante. Le vomer, dans la voûte du palais, porte des dents, mais les dents palatines sont clairement absentes. Contrairement aux poissons qui lui sont étroitement apparentés, le chaboisseau à quatre cornes n’a pas de plis sur la partie inférieure des flancs. Il possède deux nageoires dorsales, la première plus petite et épineuse; la nageoire caudale est carrée ou tronquée; la nageoire anale possède des rayons mous et une longue base; les nageoires pelviennes, placées très en avant, entre les nageoires pectorales, sont petites et ont une épine et 3 ou 4 rayons mous; les nageoires pectorales sont grandes et en éventail et sont dotées de rayons mous (voir McAllister, 1961; Scott et Scott, 1988; Coad et al.,1995). 

Figure 1. Chaboisseau à quatre cornes (Myoxocephalus quadricornis) (dessin reproduit avec la permission de Donald McPhail, de la University of British Columbia).

Figure 1.   Chaboisseau à quatre cornes (Myoxocephalus quadricornis) (dessin reproduit avec la permission de Donald McPhail, de la University of British Columbia).

Ces poissons n’ont pas de vraies écailles et peuvent avoir des tubercules (parfois décrits comme de grandes écailles en forme de disques), parfois réduits à des piquants, placés au-dessus et en dessous de la ligne latérale en forme de chaîne, qui s’étend rarement vers l’arrière plus loin que l’insertion de la deuxième nageoire dorsale (McAllister, 1961). La deuxième nageoire dorsale est généralement plus grande et les nageoires pelviennes sont beaucoup plus grandes chez les mâles adultes que chez les femelles. Les mâles, contrairement aux femelles, peuvent avoir des tubercules sur la deuxième nageoire dorsale et sur les nageoires pectorales (McAllister, 1961; McPhail et Lindsey, 1970).

La coloration générale varie de gris foncé à brun; elle passe progressivement de foncée, sur le dos, à claire, sur le ventre. Le dos et les flancs peuvent être mouchetés ou tachetés, avec généralement entre quatre et sept marques diffuses en forme de selle. Les nageoires pectorales peuvent porter jusqu’à trois bandes foncées et diffuses, tandis que les nageoires pelviennes peuvent être mouchetées et les nageoires dorsales et anales tachetées. Généralement, la nageoire caudale porte des marbrures brun foncé. Les mâles développent une coloration rosée sous la tête, sur la partie inférieure des nageoires pectorales et sur les nageoires anales et pelviennes (McAllister, 1961; Scott et Scott, 1988).

McAllister et Aniskowicz (1976) ont rapporté que des chaboisseaux à quatre cornes marins, d’eau saumâtre et dulcicoles présentaient des comptes moyens de 38 à 42 vertèbres, les individus dulcicoles étant plus petits et possédant moins de vertèbres. Fallis et al. (1987) ont pour leur part rapporté que des individus du lac Garrow comptaient entre 41 et 43 vertèbres, la moyenne étant de 42,2.

Le chaboisseau à quatre cornes est décrit dans les grands ouvrages sur l’ichtyofaune canadienne : Atlantic Fishes of Canada, de Scott et Scott (1988, 504-505); Encyclopedia of Canadian Fishes, de Coad et al. (1995, 295-296); The Freshwater Fishes of Alaska, de Morrow (1980, 207-209); Atlas of North American Freshwater Fishes, de Lee et al. (1980, 826) et Fishes of the North-Eastern Atlantic and the Mediterranean, de Whitehead et al. (1986, 1259-1260). La forme d’eau douce décrite dans Poissons d’eau douce du Canada de Scott et Crossman (1974, 900–904) et Freshwater Fishes of Northwestern Canada and Alaska de McPhail et Lindsey (1970, 318-323) est le chabot de profondeur, M. thompsoni.

Il existe environ 300 espèces de cottidés, la plupart marines, mais aussi parfois dulcicoles. Quelques-unes des formes marines remontent les fleuves et les rivières et peuvent parfois parcourir de longues distances vers l’amont. Seules trois espèces d’eau douce, le chaboisseau de profondeur, le chabot visqueux (Cottus cognatus) et le chabot à tête plate (C. ricei), ont une répartition qui chevauche celle du chaboisseau à quatre cornes (Lee et al., 1980; Morrow, 1980; Page et Burr, 1991). Les caractéristiques particulières du chaboisseau à quatre cornes d’eau douce mentionnées plus haut, ainsi que son habitat restreint, devraient permettre de l’identifier facilement lorsqu’il est capturé dans les lacs de l’Arctique. Cependant, à cause de leur forte ressemblance, il peut être difficile de faire la différence entre le chaboisseau à quatre cornes et le chabot de profondeur. Le chabot de profondeur habite au fond de lacs profonds et froids, jusqu’à 366 m. D’habitude, ce cottidé, protégé au Canada comme espèce menacée, ne possède pas les quatre cornes sur la tête ni les tubercules sous la ligne latérale du chaboisseau à quatre cornes (Morrow, 1980; Page et Burr, 1991). Quand il a des épines sur la tête, celles-ci n’ont pas la forme de massue caractéristique de celles du chaboisseau à quatre cornes. Les individus observés dans le lac Ontario, d’où l’espèce est aujourd’hui disparue, avaient une longueur maximale de 230 mm. Aujourd’hui, le chabot de profondeur a une longueur totale allant de 102 à 127 mm (Delisle et Van Vliet, 1968).

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