Crapaud de l’ouest (Bufo boreas) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Habitat

Habitat aquatique

Le crapaud de l’Ouest se reproduit dans une variété d’habitats aquatiques naturels et artificiels, avec ou sans canopée d’arbres ou d’arbustes, des débris ligneux grossiers ou des plantes émergentes. Ils se reproduisent dans des mares, le long des ruisseaux ou dans les zones riveraines peu profondes des lacs (Olson,1992; Reimchen, 1992; Corkran et Thoms, 1996), ainsi que dans les fossés et dans les ornières de chemins (Gyug, 1996; E. Wind et L. Dupuis, obs. pers.). Les œufs peuvent être pondus dans une profondeur d’eau variant de 5 cm à 2 m, mais dans les faits rarement à plus d’un mètre (Corn, 1998). Les crapauds adultes peuvent pondre au même endroit dans un site donné d’une année à l’autre sans considération de la profondeur d’eau (Olson, 1992). Livo (1999) a observé que les sites de reproduction au Colorado avaient significativement moins de prédateurs comme les carabidés ou les salamandres que les sites sans crapaud, la sélection d’un site se basant sur un équilibre entre la température de l’eau et la présence de prédateurs. D’ailleurs, les larves de crapauds se rassemblent dans les secteurs riverains chauds et peu profonds des lacs le jour afin d’accélérer la croissance (Poll et al., 1984) et se mettent à couvert dans la végétation émergente (Olson, 1992). Elles se dispersent vers des eaux plus profondes pour la nuit (Livo, 1999).

L’ensemencement en poissons des lacs pourrait être l’une des menaces la plus importante pour le crapaud de l’Ouest, des déclins de populations dans des secteurs encore intacts pouvant survenir sans être remarqués car ils sont situés à l’écart des zones habitées. L’ensemencement de poissons a été mené à grande échelle à travers l’Amérique du Nord. Bien que des espèces d’amphibiens ayant un goût désagréable en raison des toxines contenues dans leur peau, comme les crapauds, ne soient pas directement menacées par la prédation par les poissons (Kats et al., 1988), elles peuvent être menacées par les maladies associées à ces poissons dont les bactéries Aeromonas (Carey, 1993) et les fungi Saprolegnia (Blaustein et al., 1994a; Kiesecker et Blaustein, 1997). Davis (2000) a émis l’hypothèse que la disparition des crapauds de l’Ouest à Jordan Meadows sur l’île de Vancouver aurait suivi l’apparition de maladies associées aux poissons introduits par ensemencement.

Les déclins potentiels des crapauds dans les plaines continentales et au sud de l’île de Vancouver sont également le résultat de la perte et de la dégradation de l’habitat. Près de 75 p. 100 des terres humides des grandes régions de Vancouver et de Victoria ont été convertis à l’agriculture et à l’exploitation (Nowlan et Jeffries, 1996). En assumant que le 25 p. 100 restant de ces milieux soient encore propices aux crapauds, les populations sont dorénavant isolées et extrêmement vulnérables à des évènements stochastiques. Gibbs (2000) a mis en évidence que l’accroissement de l’urbanisation est associé à une réduction des terres humides et une augmentation de leur isolement au-delà des capacités de dispersion de la plupart des amphibiens. Il a calculé que des terres humides d’au moins 0,4 ha doivent être protégés pour maintenir une structure de métapopulation pour la plupart des espèces de ces habitats (Gibbs, 2000). En Colombie-Britannique, les lois actuelles n’accordent aucune protection aux terres humides de moins de 0,25 à 1 ha selon leur situation dans la province.

Les crapauds de l’Ouest sont également exposés à divers contaminants tant en milieu urbain que rural. Au Québec, Ouellet (données inédites) a observé une plus grande proportion de malformations chez les amphibiens des étangs situés en milieu agricole et contaminés par des pesticides que dans les étangs en zone non traitée. Les pesticides peuvent accroître les taux de mortalité et de malformations et réduire les taux de croissance des larves d’amphibiens (Bridges, 2000). Ces problèmes de santé pourraient se retrouver chez le crapaud de l’Ouest. Cette espèce a déjà été observée dans les bassins créés par les exploitations minières, attirée par la chaleur de l’eau (Brinkman, 1998; R. Brodie, comm. pers.). Les têtards présentent une baisse de la croissance en présence même de faibles taux de cadmium (Brinkman, 1998). À haute altitude, une baisse de croissance peut affecter le recrutement et la survie à l’hiver (Jones, 2000).

La dégradation des habitats riverains peut aussi avoir une incidence négative sur le crapaud de l’Ouest. Comme de nombreuses espèces d’amphibiens, les nouveaux métamorphes de crapauds de l’Ouest se rassemblent le long des rives avant de se disperser à terre (Jameson, 1956; Richter, 1997; E. Wind, obs. pers.). Les rives sablonneuses des lacs sont souvent utilisées pour les activités récréatives et par le bétail. Les vaches peuvent avoir une incidence majeure sur l’intégrité structurelle de l’habitat riverain et sur la survie des jeunes amphibiens faisant face au piétinement et au broutage (Friend et Cellier, 1990). Davis (2000) a observé un plus haut taux de malformations chez les crapauds de l’Ouest dans les zones riveraines comparés à ceux en altitude. Il a conclu que les prédateurs, les humains et les moules d’eau douce ont pu blesser les jeunes crapauds affectant ainsi leur capacité de déplacement et de dispersion (Davis, 2000).

Gyug (1996) a suivi des larves d’amphibiens dans des terres humides en forêt et dans des coupes à blanc entre 1993 et 1995. Il n’a trouvé aucune corrélation entre la proportion de sites de reproduction utilisés par les crapauds, la distance jusqu’à la forêt la plus proche ou le temps de la coupe. Il a suggéré que l’incidence majeure de la coupe forestière sur les amphibiens se reproduisant dans l’eau était la création de petites mares de moins de 0,02 ha de surface et de plus de 20 cm de profondeur qui pourraient agir comme des trappes écologiques pour les populations. Formés par les activités industrielles, les fossés et les ornières de roues attirent les amphibiens car l’eau s’y réchauffe plus vite au printemps, même si dans des conditions normales de température et de pluviosité ces sites artificiels s’assèchent avant la métamorphose. De plus, ils ne présentent généralement aucun couvert thermique ni d’abris comme des débris ligneux ou de la végétation émergente pour se cacher des prédateurs. Dans l’absence de tels milieux artificiels, les amphibiens se reproduiraient dans des milieux naturels favorisant le succès de reproduction. Cette attirance pour les mares des zones de coupe pourrait avoir des implications à long terme sur la persistence des populations (Gyug, 1996; Waldick et al., 1999). En contre-partie, les ornières ont été utilisées activement comme moyen de conservation des amphibiens dans certains lieux, comme au Kentucky, où elles semblent fonctionner lorsque leur surface et leur profondeur sont suffisantes (Adam et Lacki, 1993).

Habitat terrestre

En dehors de la saison de reproduction, les crapauds adultes se déplacent vers leur aire d’été qui comprend le plus souvent des terres humides qui ne sont pas nécessairement utilisés pour la reproduction (Jones, 1999a). Des crapauds suivis par radio-télémétrie ont utilisé les habitats terrestres jusqu’à 90 p. 100 du temps (Bartelt et Peterson, 1994). Les adultes se dispersent dans les aires forestières, les zones arbustives humides, les pentes d’avalanche et les prairies subalpines (Poll et al., 1984). Les crapauds de l’Ouest semblent préférer un couvert arbustif dense où ils sont à l’abri de la déshydratation et des prédateurs (Bartelt et Peterson, 1994; Davis, 2000). Les crapauds se retrouvent souvent dans les zones de coupe et pourraient préférer ces habitats à la canopée forestière fermée des secteurs côtiers (Raphael, 1988; Dupuis, 1998; Davis, 2000; Matsuda, données inédites) et intérieurs (Ward et Chapman, 1995; Gyug, 1996). Au Colorado, des crapauds suivis par radio-télémétrie utilisaient les zones de suintement des sources et les fossés le long des routes proportionnellement à leur disponibilité et sélectionnaient les lacs et les prairies rocheuses (Jones, 1999a).

Les crapauds utilisent leur « zone pelvique abdominale », une zone spécialisée de l’épiderme qui leur permet d’absorber l’humidité du sol (Green et Campbell, 1984). Ils se mettent à l’abri le jour en s’enfouissant dans le sol meuble ou en se cachant dans les terriers d’autres animaux (Erhardt, 1996; Davis, 2000). Ils utilisent aussi d’autres micro-habitats comme des dépressions humides (Green et Campbell, 1984), la végétation basse dense et les entrelacements des racines d’arbre (Davis, 2000).

À l’intérieur de son domaine vital, le crapaud de l’Ouest utilise une grande variété d’habitats terrestres. Il ne semble pas dépendant des forêts matures ou anciennes et il se retrouve fréquemment dans des secteurs ouverts. Les effets à long terme de Ia coupe forestière sur la dynamique de population de cette espèce ne sont pas encore clairs. Leur utilisation des arbustaies denses pour une protection thermique et contre la prédation pourraient les éloigner des secteurs de jeune forêt dense qui se caractérisent par une strate arbustive peu développée (Franklin, 1988). Les populations de la côte sud pourrait être en déclin face à la combinaison de l’urbanisation et d’une baisse des premiers stades de succession (Davis, 2000; Huggard, comm. pers.).

Dans le Sud-Ouest de la Colombie-Britannique, le crapaud de l’Ouest est probablement isolé des populations continentales en raison de sa situation géographique et de l’urbanisation. L’Est de l’île de Vancouver et les basses-terres continentales sont les régions les plus peuplées de cette province. Un aménagement résidentiel et industriel rapide, de même qu’une expansion des corridors de transport, accroît l’isolement des terres humides dans ces régions. De plus, les populations de l’île de Vancouver sont physiquement isolées des populations continentales, et les populations des basses-terres continentales ont un potentiel de migration réduit à cause du fleuve Fraser qui coupe en deux l’aire de répartition. La fragmentation des métapopulations suite à l’exploitation pourrait conduire à une perte de la diversité génétique et à une augmentation de la vulnérabilité aux maladies dans les populations restantes.

Besoins en protection des habitats

La désignation du crapaud de l’Ouest dans les États du Colorado, du Nouveau-Mexique et du Wyoming offre un certain niveau de protection de l’espèce mais pas de son habitat. De même au Canada, le crapaud de l’Ouest ne bénéficie d’aucune mesure de protection particulière de son habitat. Le crapaud de l’Ouest a besoin de terres humides et terrestres ainsi que des corridors de déplacement entre ces deux types d’habitat. Des terres humides peu profondes qui retiennent l’eau pour trois mois du début du printemps jusqu’au milieu de l’été (Stebbins, 1951) constituent des sites importants pour la reproduction et devraient être protégés. Des zones tampon autour des milieux de reproduction sont proposées pour la conservation des amphibiens (Semlitsch, 1998), mais leur efficacité pour le maintien du crapaud de l’Ouest n’a pas encore été évaluée. Ces zones tampon pourraient ne pas suffir compte tenu des besoins en habitat terrestre des post-métamorphes, ce qui inclut un couvert végétal adéquat pour réduire l’exposition aux conditions climatiques extrêmes et la possibilité pour les individus de se déplacer entre différentes terres humides afin de maintenir une population viable. Des corridors entre les terres humides seraient certainement bénéfiques, mais le degré de protection qu’ils pourraient offrir et les détails sur leurs caractéristiques optimales sont à établir. Les aires d’hibernation sont aussi à protéger mais rien n’est connu sur les besoins de l’espèce au Canada en ce qui les concerne. En se basant sur les populations de montagne du Colorado, les aires d’hibernation importantes sont des secteurs terrestres situés près de suintements et de résurgences, de rives de ruisseaux et qui offrent des terriers (Jones et Goettl, 1998).

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