Sardine du Pacifique (Sardinops sagax) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Taille et tendances des populations

Connaissances écologiques traditionnelles

Des chercheurs et des historiens (Drucker, 1951; Sapir et Swadesh, 1939), de même que Jewitt, dans son compte rendu historique (Stewart, 1987), ont fait état de l'importance des sardines (Sardinops sagax) pour les communautés Nuu-chah-nulth aussi bien avant qu'après l'arrivée des Européens sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Des données archéologiques recueillies dans divers sites des territoires Nuu-chah-nulth ont montré de façon irréfutable qu'on exploitait déjà les sardines avant la pêche commerciale moderne. Les recherches révèlent en effet que les sardines était fort appréciées lorsque les remontes automnales de saumons étaient peu abondantes. Pendant ces périodes, les Nuu-chah-nulth pêchaient sardines et harengs pour compléter leur régime alimentaire. Détail intéressant, selon Williamson (1930), les Indiens connaissaient ces poissons, qu'ils appelaient « seetons », mais n'en appréciaient guère le goût. Le mot nuu-chah-nulth pour désigner la sardine est « Tsee’pin ».

Situation récente des stocks

L'histoire de la pêche de la sardine du Pacifique a été documentée en détail par Murphy (1966), Culley (1971) et Radovich (1982). La pêche a commencé en Californie en 1916-1917, avec des prises d'environ 25 000 tonnes. Les poissons étaient surtout mis en conserve pour être vendus sur les marchés d’Europe, où la production nationale avait ralenti à cause de la guerre (figure 3). Par la suite, la pêche minotière (huile et farine) a considérablement augmenté, pour atteindre un sommet de 718 000 tonnes en 1936-1937. La pêche est demeurée stable à environ 500 000 tonnes jusqu'en 1945-1946, puis a chuté abruptement à 20 000 à 40 000 tonnes par année; les prises sont restées à ce niveau jusqu'en 1967, année où l’on a adopté la loi limitant la pression sur les stocks épuisés (Radovich, 1982). En Californie, un moratoire sur les débarquement a été imposé jusqu'à ce que la population reproductrice remonte à 20 000 tonnes américaines (1 tonne américaine = 2 000 livres). Ce moratoire a été levé en 1986 lorsque la biomasse a dépassé ce niveau.

Figure 3. Historique des prises de sardines du Pacifique de 1916 à aujourd’hui

Figure 3. Historique des prises de sardines du Pacifique de 1916 à aujourd’hui

La principale pêche minotière a débuté en 1925, ce qui coïncide avec la croissance exponentielle des débarquements. En Colombie-Britannique, cette pêche avait commencé en 1917-1918 avec des débarquements de 70 tonnes; ce volume a rapidement grimpé à 44 000 tonnes en 1926-1927, niveau qui a été dépassé ou soutenu jusqu’en 1947-1948, année où la population s’est effondrée et où on n’a débarqué que 444 tonnes de poissons pêchés dans les eaux canadiennes (Radovich, 1982).

L’effondrement des stocks de sardines de Californie semble avoir été causé à la fois par la surpêche et par des conditions environnementales défavorables à la survie de l’espèce (Radovich, 1982; Murphy, 1966, 1978; MacCall, 1979). Avec le déclin des stocks, l’aire de répartition de la population a rétréci, et de moins en moins de poissons ont migré vers les eaux du nord-ouest de l’Amérique du Nord (Radovich, 1982). C’est à peu près à la même époque que l’effectif des populations d’anchois du Pacifique s’est mis à augmenter, et on ignore au juste si la compétition interspécifique avec l’anchois a joué un rôle dans le déclin des stocks de sardines du Pacifique, ou l’a même accéléré (Murphy, 1966, 1978; Radovich, 1982).

Figure 4. Biomasse récente du stock de sardines du Pacifique (x1 000 mt) d’âge 1 et plus, estimée à l’aide d’un modèle d’évaluation des stocks par structure d’âge (voir Conser et al., 2001). L’évaluation porte sur l’ensemble de la population de l’Amérique du Nord, dont la majorité (~90 p. 100) réside dans les eaux des États-Unis.

Figure 4. Biomasse récente du stock de sardines du Pacifique (x1 000 mt) d’âge 1 et plus, estimée à l’aide d’un modèle d’évaluation des stocks par structure d’âge (voir Conser et al., 2001). L’évaluation porte sur l’ensemble de la population de l’Amérique du Nord, dont la majorité (~90 p. 100) réside dans les eaux des États-Unis.

Murphy (1967) a estimé qu’il faudrait 24 ans au stock pour retrouver sa productivité maximale en présence d’une pêche modérée. Entre le milieu et la fin des années 1980, la population de sardines a montré des signes de rétablissement rapide. En 1986, on a estimé que la biomasse au large de la Californie dépassait 20 000 tonnes américaines, et on a accordé un quota spécifique limité de 1 000 tonnes américaines à la flottille californienne. Avec l’augmentation des effectifs de sardines, la pêche a continué à se développer aux États-Unis (figure 4). On estime aujourd’hui que la population totale dépasse le million de tonnes métriques, niveau qui s’approche de celui des années 1930. Cette récente augmentation spectaculaire de l’abondance est essentiellement fonction du fort recrutement (figure 5), qui semble lui-même relié aux températures de surface élevées observées ces dernières années (Conser et al., 2001).

Figure 5. Recrutement récent chez la sardine du Pacifique (milliards de poisson d’âge 0) estimé à l’aide d’un modèle d’évaluation des stocks par structure d’âge (voir Conser et al., 2001). L’évaluation porte sur l’ensemble de la population de l’Amérique du Nord, dont la majorité (~90 p. 100) réside dans les eaux des États-Unis.

Figure 5. Recrutement récent chez la sardine du Pacifique (milliards de poisson d’âge 0) estimé à l’aide d’un modèle d’évaluation des stocks par structure d’âge (voir Conser et al., 2001). L’évaluation porte sur l’ensemble de la population de l’Amérique du Nord, dont la majorité (~90 p. 100) réside dans les eaux des États-Unis.

L’augmentation de la population de sardines en Californie s’est traduite par un élargissement de l’aire de répartition. Les sardines ont réapparu dans les eaux de la Colombie-Britannique en 1992 (Hargreaves et al., 1994), où elles sont devenues de plus en plus abondantes au cours des années 1990 et pourraient approcher du niveau historique de 10 p. 100 de la biomasse sur l’ensemble du littoral (McFarlane et Beamish, 2001; Ware, 1999, 2001; Schweigert et McFarlane, 2001). 

Taux d’accroissement

Le taux d’accroissement de la population de sardines de la figure 4 a été calculé à l’aide de la formule fournie par le COSEPAC. Cette formule donne une augmentation de l’abondance de 322 p. 100 au cours des 10 dernières années, soit un taux annuel de 14 p. 100. En d’autres mots, la population a plus que triplé au cours de la dernière décennie.

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