Renard gris (Urocyon cinereogenteus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Biologie

Généralités

Le U. cinereoargenteus est le plus omnivore de tous les Canidés de l’Amérique du Nord. La matière végétale, comme les fruits, représente un élément important de son régime à longueur d’année. On a observé des cas de reproduction au Canada. La saison de reproduction varie dans l’aire de répartition, mais on pense que le renard gris du Canada se reproduit de la mi-février à la mi-mars comme les populations du Nord-Est des États-Unis. La plupart des femelles du renard gris atteignent la maturité sexuelle et se reproduisent dans leur première année. Elles ont une portée de 3 à 4 jeunes par année tout au long de leur vie. En général, le renard gris est actif la nuit ou au crépuscule. Le groupe social de base comprend un mâle et une femelle adultes ainsi que leur progéniture, et ce groupe défend un domaine vital dont les autres groupes sont nettement exclus. Chez les adultes, le rapport des sexes est habituellement de 1:1, et le renard gris est généralement considéré comme monogame. On n’a pas clairement déterminé si le renard gris est territorial, mais il utilise apparemment l’urine et les fèces pour communiquer.

En milieu sauvage, le taux de mortalité chez le renard gris est généralement élevé et les jeunes représentent un gros pourcentage de la population. Aux États-Unis, les causes les plus importantes de mortalité chez le renard gris sont le piégeage et la chasse pratiqués par les humains, mais moins de 20 fourrures sont prélevées chaque année au Canada. Faute de renseignements sur les effectifs du renard gris au Canada, on ne connaît pas l’importance de cette pression exercée par la récolte. On considère que la prédation n’est pas une cause de mortalité importante chez le renard gris. La maladie de Carré et la rage, deux maladies présentes dans le milieu naturel et fatales pour le renard gris, peuvent avoir une grande incidence sur les populations, mais probablement seulement dans le cas de fortes densités de renards gris. La rigueur du climat canadien peut limiter l’expansion du renard gris vers le nord (en raison de l’énergie exigée par les déplacements dans la neige épaisse), mais il est impossible d’éliminer d’autres facteurs, comme la compétition avec d’autres carnivores de taille moyenne.

Reproduction

On possède peu d’information sur la reproduction du renard gris au Canada. On sait toutefois que la saison de reproduction varie à l’intérieur de l’aire de répartition géographique, les populations septentrionales se reproduisant plus tard en saison que les populations du Sud (Trapp et Hallberg, 1975; Fritzell, 1987). Par conséquent, les populations de renards gris du Canada devraient se reproduire à la même période, ou plus tard, que les populations des États de New York et du Wisconsin, dont le pic d’activité reproductrice se situe de la mi-février à la mi-mars (Layne et McKeon, 1956; Jackson, 1961). La plupart des renards gris femelles atteignent la maturité sexuelle à l’âge d’environ 10 mois (Fritzell, 1987), se reproduisent dans leur première année (Wood, 1958; Root et Payne, 1985) et ont par la suite une portée par année (Fritzell, 1987). Le nombre de jeunes par portée (fondé sur le dénombrement des cicatrices laissées par le placenta ou des embryons) se situe entre 4,4 dans l’État de New York (Layne et McKeon, 1956) et 3,5 au Wisconsin (Root et Payne, 1985). Fritzell (1987) a calculé une moyenne de 3,8 jeunes par portée en s’appuyant sur toutes les données publiées à ce sujet. La durée de la période de gestation du renard gris n’est pas clairement déterminée, et on l’établit en général soit à 53 jours, comme chez le renard roux (Sheldon, 1949; Wood, 1958), soit à 63 jours, comme chez le chien domestique (Grinnell et al., 1937, cité dans Trapp et Hallberg, 1975). Cependant, d’après une étude menée sur des renards gris qui se sont reproduits en captivité, la période de gestation durerait environ 59 jours (Altiere et al., données inédites, cité dans Fritzell, 1987). La mise bas a lieu dans la tanière et les jeunes sont sevrés à l’âge d’environ 4 mois, mais ils demeurent avec la famille jusqu’à l’âge de 8 mois environ (Nicholson et al., 1985).

Il existe deux mentions signalant la reproduction du renard gris au Canada. La première provient d’un communiqué de presse du bureau du forestier de district du département des terres et des forêts (maintenant ministère des Richesses naturelles), à Kemptville, Ontario, daté du 28 janvier 1952, où l’on affirmait qu’il était intéressant de savoir que le renard gris était un visiteur assez commun dans ce district, et que, compte tenu de l’existence de mentions concernant l’élevage de portées, on pouvait considérer que cet animal était un résidant dans la région. On précisait qu’un ou deux renards gris étaient tués chaque année dans les parties sud des comtés de Leeds, de Grenville, de Stormont, de Dundas et de Glengarry (Peterson et al., 1953, page 126). La deuxième mention signale la découverte d’un renardeau de six semaines dans l’île Pelée, dans l’Ouest du lac Érié, la semaine du 1er juin 1998 (London Free Press, 1998). Norm Beattie, naturaliste expérimenté et chasseur qui vit à l’île Pelée, a observé des sites abritant des tanières de renard gris et estime qu’il pourrait y avoir de 12 à 15 couples reproducteurs dans l’île (N. Beattie, comm. pers.). Ces mentions viennent d’une des deux régions où le renard gris est présent au Canada (SO; figure 3a). Aucune mention ne signale la reproduction du renard gris dans la région WLS (figure 3a), et le Manitoba Conservation Data Centre considère que la présence du renard gris au Manitoba est fortuite et qu’il s’agit d’individus immigrants provenant des États-Unis (MBCDC, 2000).

Survie

On possède peu d’estimations du taux de mortalité chez le renard gris en milieu sauvage, mais il est généralement signalé comme étant élevé (Trapp et Hallberg, 1975). Le taux de mortalité prénatale chez les embryons (due à la résorption de l’embryon chez la femelle) a été estimée à 32 p. 100 chez le renard gris en Illinois (Layne, 1958). Par ailleurs, Wood (1958) a constaté que, chez le renard gris, la probabilité de mortalité des renardeaux est de 50 p. 100 le premier été, de 90 p. 100 le premier hiver et de 50 p. 100 par année par la suite. Ces taux de mortalité élevés sont appuyés par des données provenant de diverses études, qui montrent que les juvéniles (moins de 1 an) représentent une grande proportion des populations de renards gris, par exemple, 61,5 p. 100 dans l’État de New York (Tullar et Berchielli, 1982) et 66 p. 100 au Wisconsin (Root et Payne, 1985). Ces études montrent aussi qu’il y a en général très peu de renards dans les classes d’âges supérieures, par exemple, 4,8 p. 100 de renards de plus de 3 ans dans l’État de New York (Tullar et Berchielli, 1982) et 3 p. 100 de renards de plus de 4,5 ans dans le Wisconsin (Root et Payne, 1985).

La plus importante cause de mortalité chez le renard gris aux États-Unis est la récolte effectuée par les humains au moyen du piégeage et de la chasse (Tullar et Berchielli, 1982; Fritzell, 1987). Le renard gris est capturé dans tous les États des Grands Lacs et du Nord-Est des États-Unis (tableau 1). La saison de capture varie, allant du 16 septembre au 15 mars au Minnesota, et du 10 novembre au 31 janvier en Ohio; en outre, il n’y a pas de limite de capture s’appliquant au renard gris dans les États américains situés le long des Grands Lacs et de la frontière sud-est du Canada pour lesquels on a trouvé l’information à ce sujet (tableau 1). Les taux de récolte varient assez considérablement dans les États américains du Nord-Est qui ont fourni des données (tableau 1). Toutefois, les données brutes sur les captures sont souvent biaisées parce qu’elles dépendent de facteurs comme le nombre de trappeurs et de chasseurs ainsi que le prix des fourrures; elles ne peuvent donc être considérées que comme un indicateur grossier des tendances dans les populations.

Bien que le renard gris ait été déclaré animal à fourrure en Ontario en 1979 par une modification à la Loi sur la chasse et la pêche (C. Heydon, comm. pers.), moins de 20 fourrures sont écoulées dans le commerce chaque année en Ontario (Obbard et al., 1987; tableau 1). De 1977 à 1989, des biologistes du ministère des Richesses naturelles de l’Ontario ont tenté de vérifier chaque mention signalant la capture d’un renard gris au piège en Ontario, mais cette vérification ne se fait plus (C. Heydon, comm. pers.). Environ six ou sept fourrures de renard gris sont récoltées chaque année dans la région du parc provincial Whiteshell, dans le Sud-Est du Manitoba (I. McKay, comm. pers.). Au Québec, le renard gris figure sur la liste des animaux à fourrure, de sorte que les gestionnaires peuvent édicter rapidement des règlements au besoin. Cependant, il est actuellement illégal de prendre un renard gris et, bien que la réglementation du Québec stipule qu’une prise accidentelle doit être signalée à un agent de conservation de la faune (Société de la faune et des parcs du Québec, 2000), il n’y a aucune mesure incitative visant à encourager le signalement des captures accidentelles (R. Lafond, comm. pers.). Étant donné le rôle important que jouent souvent les trappeurs et les chasseurs dans d’autres régions en apportant de l’information sur l’abondance et la répartition d’une espèce, l’absence de mentions récentes de renard gris au Québec doit être interprétée avec prudence.

 

Tableau 1. Taux de capture, dates de la saison de chasse et limites de capture pour l’Ontario ainsi que pour les États des Grands Lacs et du Nord-Est des États-Unis.
Saison Ontario MinnesotaNote de bas de page a Wisconsin Michigan Ohio New York Vermont New Hampshire Maine
1979 - 1980 1                
1980 - 1981 4                
1981 - 1982 2                
1982 - 1983 4                
1983 - 1984 11                
1984 - 1985 2                
1985 - 1986 6                
1986 - 1987 7                
1987 - 1988 3                
1988 - 1989 3 7 000       13 980      
1989 - 1990 2 5 000       7 529   58  
1990 - 1991 7 6 000       4 407   63 73
1991 - 1992 0 5 000       13 816   76 74
1992 - 1993 0 5 000       4 328   86 58
1993 - 1994 0 3 000       4 438   76 46
1994  1995 0 2 000       5 008   97 50
1995 - 1996 1 4 000       9 246   75 104
1996 - 1997 1 Non disp.       15 823   129 25
1997 - 1998 7Note de bas de page b 4 000 13 556 4 255   11 276   104 92
1998 - 1999 17Note de bas de page b 2 000 12 427     19 944   120 75
1999 - 2000   3 000       32 429   89 82
Saison de chasse 25 oct. au 28/29 févr. 16 sept. au 15 mars 14/28 oct. au 15 févr. 15 oct. au 1er mars 10 nov. au 31 janv. 25 oct. au 15 févr.Note de bas de page c 27 oct. au 10 févr. 1er oct. au 31 mars 16 oct. au 28 févr.
Saison de piégeage 25 oct. au 28/29 févr. 16 sept. au 15 mars 14/28 oct. au 15 févr. 15 oct. au 1er mars 10 nov. au 31 janv. 25 oct. au 10 déc.Note de bas de page c 27 oct. au 31 déc. ? 15 oct. au 31 déc.
Limite de capture ? Pas de limite Pas de limite ? Pas de limite Pas de limite ? Pas de limite Pas de limite

Pour l’Ontario ainsi que pour les États des Grands Lacs et du Nord-Est des États-Unis, les données proviennent des sources suivantes : Ontario (ministère des Richesses naturelles de l’Ontario [MRNO], données inédites), Minnesota (B. Berg, comm. pers.; MNDNR, 2001), Wisconsin (WIDNR, 2000), Michigan (T. Reis, comm. pers.; MIDNR, 2001), Ohio (OHDNR, 2001), New York (Gotie, 2001; NYSDEC, 2001a,b), Vermont (VTDFW, 2001), New Hampshire (E. Orff, comm. pers.; NHFGD, 2000a,b), Maine (W. Jakubas, comm. pers.; MEDIFW, 2001).


Le renard gris est chassé au Canada, et les autorités donnaient une prime pour la capture du renard gris dans l’île Pelée jusqu’à il y a 15 ans, époque où cette prime a été éliminée parce qu’elle n’était pas conforme à la Loi sur la chasse et la pêche de l’Ontario (N. Beattie, comm. pers.). Dans l’île Pelée, les chasseurs tuent actuellement six à dix renards gris chaque hiver, mais rien n’indique que cette pratique a une incidence négative sur la population (N. Beattie, comm. pers.).

Des renards gris tués sur les routes ont été signalés aux États-Unis (Tullar et Berchielli, 1982) et au Canada (Centre d’information sur le patrimoine naturel de l’Ontario, CIPN-ONHIC, données inédites; D. Coulson, comm. pers.; P. Pratt, comm. pers.), mais on ne connaît pas l’importance de cette mortalité pour les populations de renard. D’après les résultats d’une étude, le renard gris était moins susceptible que le renard roux d’être tué par un chasseur ou frappé par une voiture, et les auteurs pensent que cette situation est due au fait que le renard gris se camoufle mieux et que son domaine vital est plus petit que celui du renard roux (Tullar et Berchielli, 1982).

On a observé plusieurs prédateurs de renards gris, notamment : l’aigle royal, Aquila chrysaetos (Mollhagen et al., 1972), le chien domestique, Canis familiaris (Tullar et Berchielli, 1982), le lynx roux, Lynx rufus (Progulske, 1955), et peut-être le coyote, Canis latrans (Grinnell et al., 1937, cité dans Fritzell, 1987), mais l’effet de la prédation sur les populations de renards gris n’est pas jugé important (Fritzell, 1987).

Le renard gris est résistant au sarcopte de la gale (Sarcoptes scabiei) et au ver du cœur (Dirofilaria immitis), des parasites qui entraînent la mort ou des troubles très débilitants chez la plupart des autres Canidés sauvages (Stone et al., 1972; Simmons et al., 1980). Les seules maladies signalées à une fréquence importante chez le U. cinereoargenteus sont la maladie de Carré et la rage (Gier,1948; Davidson et al., 1992 et les documents qui y sont cités). La maladie de Carré et la rage amènent presque toujours une issue fatale chez le renard gris (Fritzell, 1987; Yuan Chung Zee, 1999) et elles peuvent donc limiter les populations de renards lorsque celles-ci sont très denses. Une étude menée entre 1972 et 1989 sur 157 renards gris morts ou malades a permis de découvrir que la maladie de Carré était une cause de mortalité plus importante à elle seule que toutes les autres causes réunies (Davidson et al., 1992).

Physiologie

La limite nord de l’aire de répartition du renard gris pourrait être déterminée par sa capacité de tolérer des basses températures. On pense que le U. cinereoargenteus est une espèce du Sud, adaptée à la chaleur (Waters, 1964). D’après ce dernier, les fluctuations historiques de l’aire de répartition du renard gris pourraient s’expliquer par les fluctuations de la température, et certaines indications prouvent que l’expansion actuelle de l’aire de répartition du renard gris vers le nord est associée à un réchauffement du climat (voir la section « Répartition » ci-dessus). Pour le moment, on ne sait pas quelle est l’incidence du climat sur les populations de renards gris. Root et Payne (1985) pensent que la moyenne peu élevée (3,5) du nombre de jeunes par portée dans le Wisconsin est due au large éventail de conditions négatives sur le plan environnemental et nutritionnel qui prévalent à la limite nord de l’aire de répartition du renard gris. De plus, l’expansion vers le nord de l’aire de répartition du renard gris pourrait être limitée par le coût énergétique lié à leurs déplacements dans la neige épaisse (M. Crête, comm. pers.).

Déplacements et dispersion

Le renard gris est plus actif la nuit (Follmann, 1973, cité dans Fritzell, 1987; Yearsley et Samuel,1980; Haroldson et Fritzell, 1984; Fritzell, 1987; Harrison, 1997). Pendant ses activités nocturnes, le renard gris mâle adulte qui a été suivi par radiotélémétrie en Ontario effectuait souvent des circuits dans les boisés de son domaine vital (Bachmann et Lintack, 1982).

Les estimations publiées concernant la dimension du domaine vital du renard gris varient de 30 ha (Fuller, 1978) à plus de 1 000 ha (Haroldson et Fritzell, 1984). Cependant, on sait que les estimations du domaine vital augmentent en fonction de la durée de la période pendant laquelle l’animal est suivi (Haroldson et Fritzell, 1984), ce qui indique qu’il faut interpréter avec prudence les résultats de ces études (Fritzell, 1987). On a constaté une augmentation de la taille du domaine vital pendant la période de reproduction (Follmann, 1973, cité dans Fuller, 1978; Bachmann et Lintack, 1982).

La distance de dispersion varie de façon importante entre les populations d’U. cinereoargenteus (Fritzell, 1987). Nicholson et al. (1985) ont découvert que sur 10 jeunes munis d’un collier émetteur en Alabama, seuls les mâles (N = 3) se sont éloignés de leur lieu de naissance. Par contre, 63 p. 100 des jeunes femelles de l’État de New York ont quitté leur lieu de naissance bien que les jeunes mâles se soient dispersés sur des distances plus grandes (Tullar et Berchielli, 1982). Tullar et Berchielli (1982) ont également constaté que les jeunes se déplaçaient sur de plus grandes distances que les adultes. Sheldon (1953) a récupéré trois ans plus tard, à 84 km de son lieu de naissance, une femelle qu’il avait marquée au stade juvénile.

Des renards gris migrent vers le Canada à partir des populations des États-Unis depuis les premières décennies du XXe siècle (Downing 1946), et le phénomène va probablement se poursuivre. Étant donné que la présence du renard gris au Canada après une absence de 350 ans est entièrement attribuable à l’immigration en provenance du sud de la frontière (Downing 1946), il semble probable que, si la population canadienne disparaissait de nouveau, les renards du sud finiraient par repeupler de nouveau l’aire de répartition au Canada.

Nutrition et interactions interspécifiques

Le U. cinereoargenteus est le plus omnivore des Canidés de l’Amérique du Nord, et son régime varie selon les saisons et les régions géographiques (Fritzell, 1987). Un grand nombre d’études ont catalogué le contenu stomacal de renards gris (voir les ouvrages cités dans Fritzell, 1987 pour consulter les listes détaillées des organismes répertoriés dans le régime alimentaire du renard gris). Le lapin à queue blanche (Silvilagus floridanus) et des petits rongeurs (par exemple Microtus spp. et Peromyscus spp.) représentent les principales proies du renard gris (voir par exemple Hatfield, 1939). Anderson (1946) et Palmer (1956) pensent tous deux que l’extension vers le nord de l’aire de répartition du renard gris pourrait être liée à l’expansion vers le nord des lapins (Sylvilagus spp.). Cependant, compte tenu du régime alimentaire très varié du renard gris, il est improbable que la dimension de l’aire de répartition de ce carnivore soit dépendante d’une seule espèce de proie. Les mammifères constituent les proies les plus importantes dans le régime du renard gris en hiver, peut-être parce que d’autres sources de nourriture comme les insectes et les plantes sont moins disponibles. Des végétaux, comme le plaqueminier de Virginie (Diospyros virginiana), le maïs (Zea mays), la pomme (Malus pumila) et le raisin sauvage (Vitis spp.), peuvent représenter jusqu’à 48 p. 100 du poids sec du contenu stomacal du renard (voir par exemple, Hockman et Chapman, 1983). En général, la matière végétale est plus importante dans le régime du renard gris en automne qu’en hiver, mais elle représente encore une composante importante du régime dans cette dernière saison. La principale conclusion que l’on peut tirer de ces études, c’est que le renard gris est plus omnivore que tous les autres Canidés (Fritzell, 1987) et que c’est un opportuniste qui choisit ses aliments et ses proies en fonction de leur disponibilité (Carey, 1982).

Plusieurs études ont comparé le régime du renard gris et celui d’autres Canidés, probablement dans le but de vérifier la possibilité d’une compétition pour les ressources alimentaires. Le régime du renard gris présente beaucoup de similitude avec ceux d’autres espèces, comme le coyote et le renard roux, mais il est plus diversifié et plus omnivore que les régimes de ces éventuels compétiteurs (Hockman et Chapman, 1983; Cypher, 1993). Le renard gris digère plus efficacement les fruits et, chez lui, l’ouverture maximale de la gueule est plus étroite et les dents carnassières sont plus petites que chez le renard roux. Ces caractéristiques font peut-être du renard gris un herbivore plus efficace, mais un carnivore moins efficace, que le renard roux (Jaslow, 1987). Outre son régime alimentaire, il est possible que le renard gris évite la compétition pour la nourriture avec d’autres Canidés en modifiant sa façon d’utiliser l’habitat (Cypher, 1993; voir la section Habitat ci-dessus et le paragraphe suivant).

Certaines indications donnent à penser que le coyote a peut-être une incidence négative sur les populations sympatriques de renards gris. Les effectifs du renard gris et d’autres carnivores de même taille ont augmenté quand les coyotes ont été éliminés dans certaines parcelles expérimentales dans l’Ouest du Texas (Henke et Bryant, 1999). Dans le Sud-Est du Minnesota, le nombre de renards gris a diminué quand les effectifs du coyote ont augmenté, et, parallèlement, le renard gris a étendu son aire de répartition dans le Nord-Ouest du Minnesota jusqu’à la frontière du Manitoba (B. Berg, comm. pers.). Les mentions de renards gris, de renards roux et de coyotes signalées par les archers pendant les dix dernières années en Ohio semblent indiquer une relation inverse entre les renards et les coyotes (figure 4a), mais on n’observe pas de relation claire entre les renards et les coyotes au New Hampshire lorsqu’on qu’on utilise une mesure normalisée de l’effort de piégeage (captures par 100 nuits de piégeage) (figure 4b). De plus, on n’a pas clairement déterminé par quel mécanisme les coyotes pourraient influer sur les populations de renard gris (par exemple, compétition pour la nourriture ou d’autres ressources).


Figure 4. Relations entre l’abondance des coyotes, des renards gris et des renards roux pour : a) l’Ohio (données fournies par C. Dwyer) et b) le New Hampshire (données du NHFGD, 2000b).

Figure 4. Relations entre l’abondance des coyotes, des renards gris et des renards roux pour : a) l’Ohio et b) le New Hampshire.

Correspondance des symboles et des lignes : renard gris (carrés et ligne pointillée); renard roux (triangles et ligne pleine); coyote (cercles et ligne mixte tirets-points).

Comportement et adaptabilité

Le U. cinereoargenteus est généralement actif la nuit ou au crépuscule dans son aire de répartition (Fritzell, 1987). Le groupe social de base comprend un mâle et une femelle adultes ainsi que leur progéniture, et ce groupe défend un domaine vital dont les autres groupes de ce genre sont nettement exclus (Lord, 1961; Haroldson et Fritzell, 1984). Le rapport des sexes est généralement de 1:1 chez les adultes (Wood, 1958), et l’on suppose en général que le renard gris est monogame, bien qu’aucune preuve définitive n’appuie cette hypothèse (Fritzell 1987). À plusieurs reprises, deux femelles avec leur portée ont été observées dans la même tanière, ce qui donne à penser qu’il y a peut-être des cas de polygamie (Sheldon, 1949; Gerhardt et McAnnis Gerhardt, 1995). Les jeunes renards gris quittent la tanière à l’âge d’environ 2,5 à 3 mois et ils accompagnent leur mère jusqu’à l’âge de 4 mois, quand ils commencent à chercher eux-mêmes leur nourriture; ils deviennent complètement indépendants à environ 7 mois (Nicholson et al., 1985). On n’a pas clairement déterminé si les renards gris sont territoriaux, mais ils semblent utiliser l’urine et les fèces pour communiquer (Trapp et Hallberg, 1975). Le renard gris peut grimper aux arbres (Terres, 1939) et les utilise peut-être comme lieu de repos pendant la journée ou comme moyen d’échapper aux prédateurs (Yeager, 1938).

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