Marmotte de l’île de Vancouver (Marmota vancouverensis) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

En 1972, des chasseurs locaux ont commencé à s’intéresser aux marmottes de l’île de Vancouver, qui n’étaient connues jusqu’alors qu’à partir de quelques enregistrements de spécimens de musée. Depuis, presque toute l’île de Vancouver a été explorée afin d’y détecter la présence de colonies de marmottes. Routledge et Merilees (1980) ont sondé 97 montagnes et les ont toutes classifiées en fonction de la qualité de l’habitat pour les marmottes. La dernière « nouvelle » colonie de marmottes sauvages a été découverte en 1985. La probabilité de découvrir de nouvelles parcelles d’habitat occupées est élevée, surtout en raison des remises en liberté récentes et de l’utilisation de la radiotélémesure. Cependant, la probabilité de découvrir de nouvelles populations importantes de marmottes ou des parcelles d’habitat de grande superficie est faible.

Des dénombrements annuels systématiques des populations ont commencé en 1979 (Munro et al., 1985). Les marmottes ont été classifiées comme adultes, jeunes de plus de 1 an ou nouveau-nés (jeunes de l’année), selon leur taille et leur pelage (Bryant, 1996). L’intensité et l’étendue des relevés variaient d’une année à l’autre. C’est en 1975 que les activités de recherche ont été les plus modestes, avec une seule colonie visitée en une seule journée, et en 1997 qu’elles ont été les plus importantes, avec 242 visites à 37 colonies. Les dénombrements des populations, qui s’échelonnent sur 34 ans, ont permis de recueillir des données sur les nombres minimums d’adultes, de jeunes de plus d’un an et de nouveau-nés dans 49 colonies et 1 569 combinaisons site-année.

Bryant et Janz (1996) ont estimé l’exactitude de ces relevés en comparant les résultats bruts des dénombrements aux effectifs connus de marmottes de 5 colonies étudiées intensivement dans lesquelles la majorité des individus avaient été marqués à l’oreille (Bryant, 1996). Ils ont conclu que l’efficacité des dénombrements est très variable. Les jours où les conditions climatiques étaient excellentes, où les observateurs étaient expérimentés et où le nombre d’individus marqués était connu, les taux de détection allaient de 100 p. 100 à 0 p. 100. Les colonies moins populeuses sont plus faciles à dénombrer que les plus populeuses, et l’efficacité peut aussi varier suivant l’heure du jour, le matin étant généralement un meilleur moment que l’après-midi. Les marmottes étaient de plus en plus difficiles à détecter après août (tant en raison de la croissance de la végétation que du changement dans les habitudes). Les femelles reproductrices qui ont des petits sont enclines à se montrer assez prévisibles, tandis que les mâles et les individus de deux ans, qui effectuent de plus grands déplacements quotidiens, le sont moins. Bien qu’il faille plus de 9 visites pour dénombrer la quasi-totalité des marmottes d’une colonie, de 2 à 4 dénombrements permettent habituellement de détecter de 65 à 75 p. 100 des individus présents (figure 3).

Se fondant sur cette analyse, Bryant et Janz (1996) ont conclu que, pour les sites visités une fois, les observateurs ont probablement dénombré de 40 à 60 p. 100 des adultes effectivement présents, selon le moment de l’année. Pour la plupart des combinaisons site-année (2 visites ou plus en juin et juillet), les observateurs ont probablement vu de 66 à 78 p. 100 des adultes et de 75 à 89 p. 100 des jeunes. En raison des différences dans la couverture, la visibilité, l’expérience des observateurs et l’intensité des dénombrements, les limites de confiance de ces estimations ne sont pas fiables.

Les relevés ont évolué au fil du temps, tant par l’utilisation accrue de la télémesure qu’en raison du déclin des populations. Il est plus facile de dénombrer un petit nombre de marmottes munies d’un radioémetteur à un site donné que de les dénombrer si leur nombre dépasse 30 et qu’elles ne sont pas marquées, ou de lire les étiquettes d’oreille avec une lunette d’observation (Bryant, 1996). De fait, l’efficacité des dénombrements s’est accrue au fil du temps et les estimations démographiques faites depuis 2000 sont susceptibles de s’approcher d’un recensement réel.

Figure 3. Exactitude des dénombrements de marmottes. Les valeurs transformées des dénombrements quotidiens effectués aux colonies pour lesquelles l’abondance des adultes était connue ont été échantillonnées une nouvelle fois de manière aléatoire pour créer 100 essais de 10 dénombrements chacun (à des fins de clarté, les résultats de seulement 25 essais sont présentés). La courbe de succès cumulatif (trait gras) a été ajustée au moyen d’une régression linéaire (transformation logarithmique des valeurs de x, pente = 0,397 et constante = 0,540). En moyenne, 2 dénombrements permettaient la détection de 66 p. 100 des adultes réellement présents, mais 9 étaient nécessaires pour en détecter plus de 90 p. 100 (Bryant et Janz, 1996).

Figure 3.  Exactitude des dénombrements de marmottes. Les valeurs transformées des dénombrements quotidiens effectués aux colonies pour lesquelles l’abondance des adultes était connue ont été échantillonnées une nouvelle fois de manière aléatoire pour créer 100 essais de 10 dénombrements chacun (à des fins de clarté, les résultats de seulement 25 essais sont présentés).

Abondance

Comme l’intensité et la couverture des dénombrements varient, les dénombrements annuels bruts ne sont pas particulièrement révélateurs. Les premières mesures visant à « corriger » les résultats de ces dénombrements se fondaient sur le calcul des rapports entre les individus observés et les individus attendus ainsi que sur un facteur de correction établi en fonction de la mesure prise pour effectuer le dénombrement (Bryant, 1997). Récemment, une régression à pondération locale (Cleveland, 1979) a été utilisée pour interpoler les valeurs manquantes, au moyen de données propres aux colonies recueillies au cours d’années antérieures et celles subséquentes, au même site (Bryant, 2000). Cette méthode permet d’éviter de poser l’hypothèse que les tendances de colonies échantillonnées reflètent les tendances de colonies n’ayant pas été visitées au cours d’une année donnée. Environ 29 p. 100 des valeurs démographiques propres à un site résultantes (une « marmotte-année » équivaut à une marmotte observée vivante à un site pendant une année donnée) ont dû être interpolées. L’intensité et la couverture de l’échantillonnage ont été particulièrement bonnes de 1980 à 1986 (n = 1 285 marmottes-années, 9 p. 100 interpolées) et de 1995 à 2006 (n = 565 marmottes-années, 4 p. 100 interpolées). La couverture et l’intensité de l’échantillonnage étaient relativement faibles avant 1980 (n = 791 marmottes-années, 73 p. 100 interpolées) et de 1987 à 1994 (n = 1 231 marmottes-années, 36 p. 100 interpolées).

Un facteur de correction fondé sur l’intensité des dénombrements a été appliqué à l’ensemble des valeurs réelles et interpolées propres aux colonies en vue d’obtenir des abondances probables de marmottes (figure 4). Le facteur de correction oscillait entre 1,19 et 1,66 (moyenne = 1,40, proche de la valeur pour les marmottes alpines, soit 1,25; Cortot et al., 1996). Comme les jeunes de l’année émergent habituellement en juillet, les observateurs disposent de peu de temps pour répéter les dénombrements, et la même méthode ne peut être employée. Un multiplicateur constant (1,20) a plutôt été utilisé, établi en divisant la taille moyenne de la portée dans cinq colonies étudiées intensivement par la taille moyenne de la portée des colonies pour lesquelles les dénombrements avaient été répétés moins souvent et dans lesquelles un certain nombre de nouveau-nés était susceptible d’avoir échappé aux observateurs (Bryant, 1998).

Cette méthode ne modifie pas de façon importante les estimations précédentes sur la taille des populations ou les dynamiques récentes (Bryant et Janz, 1996). Composée d’environ 100 à 150 individus dans les années 1970, la population de marmottes de l’île de Vancouver a augmenté ses effectifs à un total de 300 à 350 individus au milieu des années 1980, en grande partie par la colonisation d’au moins 10 sites de coupe à blanc (Bryant, 1998). Certaines années, il y avait plus de marmottes dans ces habitats que dans les prés subalpins naturels. Les marmottes vivant dans les habitats naturels ont subi des déclins alors que les effectifs de celles vivant dans les coupes à blanc continuaient d’augmenter.

Figure 4.  Résultats des dénombrements annuels et nombres probables de marmottes sauvages de 1972 à 2007. Les données sur les nouveau-nés et les adultes ont été mises en commun. La ligne pleine représente l’abondance annuelle estimée à la suite d’une interpolation propre aux colonies et de l’utilisation d’un facteur de correction fondé sur le nombre de répétitions des dénombrements par combinaison site-année. Il est à noter que les estimations réelles et interpolées fusionnent après 2000 en raison d’une utilisation accrue de la télémétrie.

Figure 4.  Résultats des dénombrements annuels et nombres probables de marmottes sauvages de 1972 à 2007. Les données sur les nouveau-nés et les adultes ont été mises en commun.

Les activités de rétablissement continues ont eu une influence sur l’abondance des individus sauvages puisque 56 marmottes nées dans la nature ont été prélevées entre 1997 et 2004, en vue d’établir une population en captivité (Bryant, 2005). La plupart des individus capturés étaient des nouveau-nés (n = 31) ou des jeunes de plus de 1 an (n = 8), suivant l’hypothèse que des marmottes plus jeunes s’habitueraient plus aisément à la captivité. L’intention était aussi de perturber le moins possible les colonies sauvages en ne prélevant pas d’adultes reproducteurs. Les marmottes vivant dans les coupes à blanc furent préférentiellement ciblées (n = 30). Ainsi, les activités de gestion ont été partiellement responsables du déclin des populations entre 1997 et 2004. Les effectifs des populations sauvages ont été augmentés à la fois par la mise en liberté de marmottes nées en captivité et par la transplantation de marmottes nées dans la nature venant d’autres colonies dans le but de fournir un partenaire aux individus solitaires (tableau 2). En date de 2007, des portées avaient été signalées pour au moins quatre marmottes nées en captivité et trois marmottes transplantées.

Tableau 2. Quantité de marmottes mises en captivité, transplantées et mises en liberté chaque année. Adapté de Bryant (2007)
Année Mâle
Mises en captivitéNote de tableaua
Femelle
Mises en captivitéNote de tableaua
Total
Mises en captivitéNote de tableaua
N capturées lorsque jeunes Mâle
TransplantéesNote de tableaub
Femelle
TransplantéesNote de tableaub
Mâle
Mises en libertéNote de tableauc
Femelle
Mises en libertéNote de tableauc
Total
Mises en libertéNote de tableauc
Ncapturées une seconde fois
1996     -   3 3     6  
1997 2 4 6 2Femelles         -  
1998 6 2 8 3Mâles         -  
1999 9 10 19 6Mâles, 4Femelles         -  
2000 3 2 5 2Mâles, 2Femelles   2     2 1Femelle
2001 3 4 7 2Mâles, 3Femelles 1       1  
2002 4 2 6 2Mâles, 2Femelles         -  
2003 4   4 2Mâles 2   2 2 6 1Femelle
2004   1 1 1Femelle     5 4 9  
2005     -       11 4 15  
2006     -       20 11 31 1Mâle
Totaux 31 25 56 17Mâles, 14Femelles 6 5 38 21 70 1Mâle, 2Femelles

Fluctuations et tendances

La taille des colonies de marmottes de l’île de Vancouver fluctue d’une année à l’autre. Alors que la tendance de la population totale est généralement négative depuis le milieu des années 1980, des colonies montraient des trajectoires démographiques divergentes (figure 5). Par exemple, l’effectif de la colonie du sommet du mont Green est demeuré relativement stable jusqu'au début des années 2000, alors que les colonies plus populeuses (Heard, 1977; Milko, 1984) du lac Haley et du ruisseau Bell ont subi des déclins spectaculaires après 1994. La population du site de coupe à blanc des « west roads » du pic Butler est passée de deux individus en 1982 à plus de 30 en 1988, puis a rapidement chuté et frôlé l’extinction en 2000, lorsque le dernier survivant a été transplanté.

Diverses causes expliquent les tendances démographiques propres aux colonies. Des « poussées » de natalité se produisent parce que la plupart des colonies sont petites (Bryant et Janz, 1996) et que les femelles adultes n’ont pas de portées tous les ans (Bryant, 2005). Des fluctuations se produisent également en raison des changements dans les taux de survie et de dispersion. La colonie du lac Haley, par exemple, s’est appauvrie rapidement de 1994 à 1996. Au cours de la même période, la population de la coupe à blanc K44A du mont Green et celle de la coupe à blanc du lac Sherk ont augmenté leurs effectifs après l’arrivée de nouveaux immigrants. Dans la plupart des colonies, les déclins ne sont pas survenus au cours des mêmes années. Toutefois, les taux de survie propres aux colonies étaient spatialement corrélés, c’est-à-dire que les colonies très proches montraient souvent des tendances similaires (Bryant, 2000).

La colonisation des habitats de coupe à blanc durant les années 1980 a provoqué des changements majeurs dans les densités locales de marmottes. La plupart des cas de colonisation se sont produits dans un rayon de 1 à 2 kilomètres de colonies naturelles déjà existantes (Bryant, 1998), et la plupart des nouvelles colonies sont devenues beaucoup plus populeuses que celles des habitats naturels adjacents. Les densités des populations locales ont augmenté, atteignant plus de 20 marmottes par km² au centre de l’aire de répartition (figure 6).

Au milieu des années 1980, plus de la moitié des populations connues de marmottes vivait sur quatre montagnes voisines, la majorité des individus vivant dans les coupes à blanc du pic Butler, du lac Haley, du pic Gemini et du mont Green. Bryant (1998) a avancé que les fortes densités locales attiraient les prédateurs. Le suivi récent de couguars et de loups munis d’un radioémetteur appuie cette hypothèse, car les données semblent indiquer que certains individus retournent à maintes reprises chasser dans les mêmes prés (D. Doyle, comm. pers.).

Figure 5. Tendances des populations dans six colonies bien étudiées, 1972 à 2006. Les données représentent soit le plus élevé des comptes quotidiens de marmottes enregistrés dans une année, soit le nombre de marmottes recensées vivantes par des activités de marquage et de recapture ou par la radiotélémesure. Aucun facteur de correction n’a été appliqué. Données mises à jour tirées de Bryant et Janz (1996) et de Bryant (1998). (A. Bryant non-publié)

Figure 5.  Tendances des populations dans six colonies bien étudiées, 1972 à 2006. Les données représentent soit le plus élevé des comptes quotidiens de marmottes enregistrés dans une année, soit le nombre de marmottes recensées vivantes par des activités de marquage et de recapture ou par la radiotélémesure. Aucun facteur de correction n’a été appliqué.

Lors de l’effondrement de la population de marmottes dans les années 1990, les zones les plus densément peuplées étaient souvent les premières à enregistrer des déclins. La colonie du lac Haley (Heard, 1977; Bryant, 1996) est passée de 25 à 10 individus en 1994-1995. La colonie la plus populeuse jamais recensée (39 individus dans la coupe à blanc des « west roads » du pic Butler en 1994) a été réduite à 15 individus en 1995. Inversement, les colonies de prés naturels peu denses et situées hors du voisinage de colonies vivant dans des coupes à blanc étaient plus susceptibles de persister. Au début des années 2000, l’effectif total des marmottes de la région des lacs Nanaimo avait chuté à quelque 30 individus, la plupart vivant dans des colonies naturelles peu populeuses à la périphérie de leur aire de répartition géographique.

Au cours des 16 dernières années (de 1991 à 2007), soient 3 générations de marmottes, l’effectif présumé de la population totale est passé de quelque 195 individus à environ 85 individus (figure 4); un déclin de 56 p. 100. Cependant, parce que les marmottes relâchées sont exclues de l’évaluation, le déclin sur 3 générations est estimé à près de 80 p. 100. Au cours des 3 dernières années, les effectifs ont augmenté (figure 4). Il existe actuellement environ 150 marmottes en captivité, mais elles ne font pas partie de l’évaluation.

Figure 6. Changements dans la densité et la répartition des marmottes dans la région des lacs Nanaimo. La région illustrée est d’une superficie de 1 127 km². Sont indiquées les densités moyennes d’adultes sur deux périodes de cinq ans. Les zones ombragées correspondent, de la plus pâle à la plus foncée, à des densités faibles (de 0,1 à 5 adultes/km²), moyennes (de 5,1 à 10 adultes/km²) et élevées (de 10,1 à 20 adultes/km²). Chaque point représente un terrier de reproduction ou d’hibernation connu ayant été vérifié durant la période allant de 1972 à 2006. (A. Bryant non-publié)

Figure 6.  Changements dans la densité et la répartition des marmottes dans la région des lacs Nanaimo. La région illustrée est d’une superficie de 1 127 km². Sont indiquées les densités moyennes d’adultes sur deux périodes de cinq ans. Les zones ombragées correspondent, de la plus pâle à la plus foncée, à des densités faibles (de 0,1 à 5 adultes/km²), moyennes (de 5,1 à 10 adultes/km²) et élevées (de 10,1 à 20 adultes/km²).

Immigration de source externe

Il n’y a aucune possibilité d’immigration de source externe puisque la marmotte de l’île de Vancouver n’existe nulle par ailleurs.

Détails de la page

Date de modification :