Érioderme boréal (Erioderma pedicellatum) population de l'Altantique programme de rétablissement : chapitre 1

Contexte

1.1   Évaluation de l’espèce par le COSEPAC

Date de l’évaluation : Mai 2002

Nom commun (population) : Érioderme boréal (population de l’Atlantique)

Nom scientifique : Erioderma pedicellatum

Statut selon le COSEPAC : En voie de disparition

Justification de la désignation : Une population limitée à des régions ayant un climat océanique frais et humide très sensible aux polluants atmosphériques, tels que les précipitations acides. Elle a connu, au cours des deux dernières décennies, un grave déclin de plus de 90 p. 100 pour ce qui est des occurrences et des individus, causé en particulier par la pollution de l’air et d’autres sources de perte et/ou de détérioration d’habitat. La disparition du pays des quelques individus restants dans trois sites est imminente.

Présence au Canada :Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse

Historique du statut selon le COSEPAC :Espèce désignée « en voie de disparition » en mai 2002. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.

 

Date de l’évaluation : Mai 2002 Nom commun (population) : Érioderme boréal (population de l’Atlantique) Nom scientifique : Erioderma pedicellatum Statut selon le COSEPAC : En voie de disparition Justification de la désignation : Une population limitée à des régions ayant un climat océanique frais et humide très sensible aux polluants atmosphériques, tels que les précipitations acides. Elle a connu, au cours des deux dernières décennies, un grave déclin de plus de 90 p. 100 pour ce qui est des occurrences et des individus, causé en particulier par la pollution de l’air et d’autres sources de perte et/ou de détérioration d’habitat. La disparition du pays des quelques individus restants dans trois sites est imminente. Présence au Canada : Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse Historique du statut selon le COSEPAC : Espèce désignée « en voie de disparition » en mai 2002. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.

1.2   Description

1.2.1.    Description de l’espèce

Les lichens sont des organismes symbiotiques singuliers, formés par l’association d’une algue microscopique ou d’une cyanobactérie et d’un champignon filamenteux. L’érioderme boréal (Erioderma pedicellatum)est un cyanolichen foliacé. Le thalle, ou corps du lichen, présente des bords retroussés, ce qui permet d’apercevoir saface inférieure blanchâtre. La couleur du dessus dépend du degré d’hydratation du thalle : à l’état humide, il est gris bleuâtre, tandis qu’à l’état sec il est gris foncé à brun grisâtre. Le diamètre du thalle est habituellement de 2 à 5 cm mais peut atteindre 12 cm. Chaque génération dure environ 30 ans. L’érioderme boréal est sensible à la pollution atmosphérique. Il se rencontre sous des climats maritimes humides et frais. Selon de nouvelles données, le genre Erioderma serait un des plus anciens genres de lichens foliacés, et son apparition pourrait remonter à bien au-delà de 400 millions d’années (Maass et Yetman, 2002).

Importance de l’espèce

L’érioderme boréal a été surnommé le « panda des lichens », car il symbolise la menace immédiate et bien réelle pesant sur les forêts boréales de la planète(Maass et Yetman, 2002). Il constitue un précieux indicateur environnemental, grâce à sa capacité d’indiquer les fluctuations de la qualité de l’air local. L’érioderme boréal présente avec l’hépatiqueFrullania tamarisci spp. asagrayana une relation étroite que les chercheurs commencent tout juste à comprendre (voir la section 1.2.2). 

Statut à l’échelle mondiale 

·       Liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN) : espèce gravement menacée d’extinction (Scheidegger, 2003)

·       Cote de conservation mondiale de NatureServe : G1G2Q (gravement en péril/en péril; Q = taxinomie douteuse)[1]

·       Cote mondiale arrondie[2]: G1 (gravement en péril)

Statut à l’échelle provinciale

·       Nouveau-Brunswick : aucun

·       Terre-Neuve-et-Labrador :vulnerable (population boréale)

·       Nouvelle-Écosse : endangered

 

Populations et répartition

On distingue deux populations canadiennes d’érioderme boréal : la population boréale (Terre-Neuve-et-Labrador) et la population de l’Atlantique (Nouvelle-Écosse et Nouveau-Brunswick). Selon le Rapport de situation du COSEPAC de 2002, ces populations sontconsidérées comme distinctes « puisqu’elles se trouvent dans des régions écologiques différentes et sont exposées à des degrés de risque différents [...] » (Maass et Yetman, 2002, p. vii). Actuellement, la population de l’Atlantique ne se trouve qu’en Nouvelle-Écosse, puisqu’on croit que l’espèce est disparue du Nouveau-Brunswick.

Population boréale de l’érioderme boréal

Le COSEPAC a désigné « espèce préoccupante » la population boréale de l’érioderme boréal, même s’il s’agit de la plus importante et plus saine population de l’espèce à l’échelle de la planète. Cette population ne se rencontre qu’à Terre-Neuve, principalement dans les écorégions de la forêt d’Avalon et des Landes maritimes, dans la moitié sud de l’île. Le Department of Environment and Conservation de Terre-Neuve–et–Labrador prépare actuellement (2006) un plan de gestion préliminaire pour la population boréale de l’érioderme boréal. Bien que cette population ne soit pas autant menacée que celle de l’Atlantique, le présent programme constituera un outil précieux pour la planification du rétablissement des deux populations.

Le présent document ainsi que les stratégies de rétablissement qu’il décrit ne visent que la population de l’Atlantique. Pour de plus amples renseignements sur la population boréale, consulter le Rapport de situation du COSEPAC sur l’érioderme boréal (Maass et Yetman, 2002) ou visiter le site www.registrelep.gc.ca.

Aire de répartition mondiale historique de l’érioderme boréal

La première récolte consignée d’érioderme boréal a été faite en 1902, à l’île Campobello, au Nouveau-Brunswick, et la deuxième a été faite en 1938, en Norvège (Clayden, 1997). Il est probable que l’érioderme boréal soit disparu de la Suède et de la Norvège (Goward et al., 1998). Au cours des années 1980, le chercheur Wolfgang Maass en a découvert de nombreux sites en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador (population boréale).

Aire de répartition historique de la population de l’Atlantique de l’érioderme boréal

De 1980 à 1995, Maass et Yetman (2002) ont signalé en Nouvelle-Écosse 46 sites d’érioderme boréal abritant un total de 169 thalles (figure 1). Les relevés réalisés de 1995 à 2002 n’ont permis d’observer que 13 thalles, répartis entre 3 des 46 sites répertoriés, ce qui indiquerait un déclin de la population (Maass et Yetman, 2002). En mars 2006, seulement un des 46 sites répertoriés renfermait encore des thalles viables.

Même si la première récolte d’érioderme boréal a été effectuée au Nouveau-Brunswick, l’espèce n’y a pas été vue depuis (Clayden, 1997). En outre, la possibilité de découvrir de nouveaux sites d’érioderme boréal dans la province est considérée comme faible, étant donné l’apparente absence d’espèces indicatrices ou associées de cyanolichens sur les conifères de la côte de la baie de Fundy (ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick, 2006). L’équipe de rétablissement de l’érioderme boréal est prête à entreprendre les mesures de rétablissement en cas de nouvelle observation de l’érioderme boréal ou de ses espèces indicatrices dans la province.

Répartition actuelle de la population de l’Atlantique de l’érioderme boréal

Tous les sites actuels connus de la population de l’Atlantique se trouvent en Nouvelle-Écosse. En mars 2006, il restait un seul des 46 sites répertoriés par Maass et Yetman (2002), mais huit nouveaux sites (inconnus au moment de la rédaction du Rapport de situation du COSEPAC de 2002) ont été découverts au moyen de cartes de l’habitat convenable et de relevés systématiques (figure 2; Cameron et Neily, 2006).

Figure 1. Répartition de l’érioderme boréal, population de l’Atlantique, avant 1995 (d’après Maass et Yetman, 2002).

Figure 1. Répartition de l’érioderme boréal, population de l’Atlantique, avant 1995

Figure 2. Répartition de l’érioderme boréal, population de l’Atlantique, en mars 2006 (Department of Environment and Labour de la Nouvelle-Écosse, données inédites).

Figure 2. Répartition de l’érioderme boréal, population de l’Atlantique, en mars 2006

1.2.2.    Description des besoins biologiques de l’espèce

Besoins biologiques, rôle écologique et facteurs limitatifs

Cycle biologique

Le cycle biologique de l’érioderme boréal n’est toujours pas entièrement compris. En 1996, Christoph Scheidegger a avancé que ce cycle serait lié au cycle écologique de l’habitat du sapin baumier (Abies balsamea) (Clayden, 1997; Maass et Yetman, 2002). Ses hypothèses étaient les suivantes : il y a une seule génération d’érioderme boréal par cycle de succession du sapin baumier;le taux de croissance du lichen s’accélère durant le stade de déclin et de décomposition (un stade qui dure environ de 15 à 25 ans) en raison des conditions d’éclairement favorables créées par les trouées du couvert forestier laissées par les arbres morts et en décomposition; le lichen libère alors des spores, qui atteignent les peuplements adjacents plus jeunes et déclenchent ainsi un nouveau cycle d’érioderme boréal à quelques centaines de mètres de la population d’origine.

Reproduction et symbiose 

Les lichens sont formés par l’association d’un champignon et d’une algue ou cyanobactérie. Le partenaire photosynthétique produit les éléments nutritifs nécessaires à l’organisme symbiotique (Brodo et al., 2001). L’érioderme boréal est un cyanolichen, ce qui signifie que son partenaire photosynthétique (photobionte) est une cyanobactérie. Dans le cas de l’érioderme boréal, cette cyanobactérie est du genreScytonema. Les lichens portent le nom du champignon (mycobionte) qui fait partie de l’association; ainsi, le nomErioderma pedicellatum désigne à la fois le champignon partenaire et le lichen. La reproduction du lichen est sexuée et elle est initiée par le hasard d’un contact entre une spore du champignon et un filament de Scytonema (Maass et Yetman, 2002).

Les Scytonema peuvent croître et se reproduire en autonomie, mais rien n’indique qu’il en soit ainsi pour l’Erioderma pedicellatum (R. Cameron, comm. pers., 2006). Si l’Erioderma pedicellatum peut vivre hors d’une relation symbiotique, cela signifie qu’en principe le lichen pourrait réapparaître spontanément après une période d’absence, à la condition qu’il y ait des spores d’Erioderma pedicellatum (R. Cameron, comm. pers., 2006). Or, l’Erioderma pedicellatum ne produit des spores qu’en association avec un Scytonema(R. Cameron, comm. pers., 2006).  La symbiose entre le photobionte et le mycobionte est une association complexe. Compte tenu de la dépense d’énergie requise pour l’union des deux partenaires, on peut penser que la croissance de l’organisme est plus lente au début de sa vie que lorsqu’il a atteint 2 à 3 mm de diamètre (thalle visible). Les résultats préliminaires d’une étude sur la croissance linéaire des thalles indiquent qu’une fois établi, le thalle peut prendre de 7 à 13 ans pour atteindre la maturité; il faut cependant souligner que ces résultats ont été obtenus à partir de seulement 11 thalles (Cameron et Neily, 2006). Les recherches futures permettront sans doute de mieux comprendre la croissance des lichens.

La relation de l’érioderme boréal avec une hépatique,Frullania tamarisci spp. asagrayana est particulièrement intéressante. Selon certains, la cooccurrence de l’érioderme boréal et de cette hépatique, dont les saccules aquifères renferment des cyanobactéries du genreScytonema, donne à penser que ces saccules constituent un milieu très humide favorable à la lichénisation del’érioderme boréal (Scheidegger, 1996; Maass et Yetman, 2002).

Facteurs limitatifs

Sur le plan biologique, les facteurs suivants limitent l’érioderme boréal : sa répartition mondiale limitée et la petite taille de sa population; sa relation avec le Frullania tamarisci spp. asagrayana; son besoin, comme substrat, d’une écorce ayant un taux d’acidité particulier; la nature de son cycle biologique (l’érioderme boréal ne produit pas de propagules renfermant à la fois champignon et cyanobactérie et doit donc se reconstituer à chaque génération à partir de composantes séparées); son apparente hypersensibilité à l’acidification de ses substrats ou aux effets néfastes directs des oxydes d’azote, du dioxyde de soufre et des autres polluants atmosphériques. Il faut déterminer si la qualité ou la quantité de l’habitat forestier disponible limite ou non le potentiel de rétablissement de l’érioderme boréal.  

Besoins en matière d’habitat

Les besoins de l’érioderme boréal en matière d’habitat sont assez particuliers. Les thalles se trouvent la plupart du temps sur le côté exposé au nord du tronc de sapins baumiers ayant atteint ou dépassé la maturité (Maass et Yetman, 2002; Richardson et Cameron, 2004). Il est possible que l’habitat soit plus convenable pour le lichen si les arbres se trouvent dans une pente exposée au nord ou au nord-est. La forte humidité relative de ces habitats favorise peut-être également la croissance d’espèces compagnes de lichens fruticuleux de type « barbe de vieillard », comme les Usnea spp., l’Alectoria sarmentosa et les Bryoria spp.(S.R. Clayden, comm. pers., 2006).Une autre caractéristique des sites connus est la présence de conditions fraîches et humides relativement constantes tout au long de l’année, comme on en trouve à proximité de milieux humides riches en sphaignes (Sphagnum spp.); ces milieux pourraient contribuer à maintenir une humidité élevée pendant les périodes de sécheresse (Maass et Yetman, 2002). En Nouvelle-Écosse, l’érioderme boréal a parfois été observé sur des épinettes blanches (Picea glauca) et des érables rouges (Acer rubrum) Í l’intérieur de peuplements mixtes (Maass et Yetman, 2002).

Des observations limitées donnent à penser que l’érioderme boréal se trouve le plus souvent à moins de 25 km du littoral, à une altitude d’au plus 500 m au-dessus du niveau de la mer. Selon les chercheurs, l’habitat forestier de l’espèce se trouve sous couvert forestier à la fois bas et clairsemé en raison de la dynamique naturelle de la forêt. De nombreux facteurs affectant le caractère convenable de l’habitat pour l’érioderme boréal ne sont pas bien connus, notamment la température et l’humidité qui doivent être maintenus dans l’habitat et la sensibilité du lichen aux polluants atmosphériques comme le dioxyde de soufre et les oxydes d’azote. Il est certain cependant que la qualité de l’air et la présence d’une source d’eau non contaminée sont des aspects importants de l’habitat de l’espèce. Il y a donc une zone critique autour de l’habitat de l’érioderme boréal qui est essentielle à la survie du lichen, mais dont la dimension demeure indéterminée. Parmi les caractéristiques structurelles et fonctionnelles de l’habitat forestier qui sont considérées comme importantes pour le lichen, mentionnons la capacité de rétention d’humidité, l’intégrité de la forêt (fermeture du couvert, degré de fragmentation et continuité entre les fragments, âge, composition, etc.), la protection contre les phénomènes climatiques qui risquent de créer des chablis et la capacité d’intercepter une partie de la pollution atmosphérique.

Espèces indicatrices 

Les cyanolichens Coccocarpia palmicola et Lobaria scrobiculata sont généralement présents dans les sites d’érioderme boréal et peuvent servir d’espèces indicatrices (Cameron et Richardson, 2006).

1.3   Menaces

L’érioderme boréal est une espèce très peu visible et difficile à identifier. De plus, comme il ne possède pas un grand pouvoir de fascination, il est encore peu connu, de même que son habitat. Bien que les activités d’éducation et de recherche puissent dans une certaine mesure permettre d’atténuer les menaces qui pèsent sur l’érioderme boréal et sur son habitat, ceux-ci demeurent vulnérables aux menaces physiques décrites ci-dessous.

1.3.1.    Précipitations acides et pollution atmosphérique

Les précipitations acides contribuent à la disparition de l’érioderme boréal de deux façons. Premièrement, elles provoquent des dommages immédiats aux thalles lorsque ceux-ci absorbent des polluants atmosphériques(l’enzyme fixatrice d’azote des cyanolichens est intolérante à la présence de dioxyde de soufre), ceci pourrait être la cause des dommages au mécanisme des crampons observés par W. Maass. Deuxièmement, ces précipitations auraient pour effet d’acidifier davantage les substrats déjà naturellement acides, réduisant ainsi le pouvoir tampon du lichen (Maass et Yetman, 2002).

Dans les années 1980, les populations de lichens ont fait l’objet d’un déclin (Maass et Yetman, 2002) en dépit du fait que, durant cette période, les émissions de dioxyde de soufre ont diminué au Canada et aux États-Unis à la suite des mesures prises par les gouvernements des deux pays pour réduire les pluies acides (Environnement Canada, 2004a). On peut donc penser que l’érioderme boréal ou les espèces de lichens associées sont également sensibles à d’autres polluants atmosphériques, dont les oxydes d’azote (T. Inkpen, comm. pers., 2006).

La quantité de dépôts acides qu’un sol peut tolérer est connue sous l’appellation de charge critique du sol. Cette charge s’exprime en équivalents acides par hectare par an (éq/ha/an). Comme le montre la carte de la figure 3, la plupart des régions de la Nouvelle-Écosse sont extrêmement sensibles aux précipitations acides. La configuration des grands courants atmosphériques est telle que les polluants provenant de Boston et de New York ainsi que des centrales au charbon du Midwest américain sont transportés le long de la côte nord-est de l’Atlantique. Ces polluants s’ajoutent à ceux des sources locales de pollution acidifiant ainsi les précipitations (Beattieet al., 2002; Richardson et Cameron, 2004). Le brouillard acide se forme lorsqu’une masse d’air chaud et humide porteuse de polluants se déplace vers le nord le long de la côte atlantique et vient en contact avec une masse d’air froid se trouvant au-dessus du golfe du Maine et de la baie de Fundy (Coxet al., 1989). Il est important de localiser avec précision les sources locales de pollution atmosphérique.

Figure 3. Dépassement des charges critiques pour les sols forestiers dans l’Est du Canada (scénario : pas de récolte).

Figure 3. Dépassement des charges critiques pour les sols forestiers dans l’Est du Canada

Les populations d’érioderme boréal de la Nouvelle-Écose se trouvent dans des secteurs côtiers qui subissent de longues périodes de brouillard acide, ce qui augmente la gravité de la menace des précipitations acides pour le lichen. La disparition de l’érioderme boréal du Nouveau-Brunswick a été attribuée aux impacts des précipitions acides (ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick, 2006).

Des mesures visant à réduire les précipitations acides ont déjà été prises dans le cadre de l’Accord Canada–États-Unis sur la qualité de l’air et de la Stratégie pancanadienne sur les émissions acidifiantes après l’an 2000 (les deux documents se trouvent sous www.ec.gc.ca). Une meilleure compréhension des répercussions de la pollution atmosphérique et des précipitations acides pour l’érioderme boréal représente une priorité pour son rétablissement. Plusieurs mesures visant à atténuer cette menace sont décrites en détail dans la section 2 (Rétablissement) : identification des sources de pollution atmosphérique et détermination de la sensibilité du lichen à des polluants spécifiques; identification des sources locales et transfrontalières afin d’établir leur importance relative comme menace; élaboration de mesures visant à atténuer la perturbation humaine dans l’habitat de l’érioderme boréal et à proximité de celui-ci; suivi des menaces (c’est-à-dire des dépôts acides); diffusion d’information sur l’érioderme boréal aux organisateurs de programmes de lutte contre la pollution (la situation du lichen pourrait constituer un appui à leurs programmes).

1.3.2.    Aménagement forestier

Après les précipitations acides, l’exploitation forestière est la plus importante menace pour la population de l’Atlantique de l’érioderme boréal. Les pratiques forestières peuvent entraîner la fragmentation des peuplements, modifier leur structure d’âge et réduire leur biodiversité. En Nouvelle-Écosse, on privilégie un aménagement équienne visant à obtenir des peuplements dominés par les épinettes (Conseil canadien des ministres des forêts, 2005). Or, des colonies entières d’érioderme boréal risquent d’être détruites par la coupe à blanc à grande échelle, en particulier si leur présence n’a pas été signalée.

Les conséquences de la fragmentation des forêts sur les lichens épiphytes ont fait l’objet de nombreux travaux (Esseen et Renhorn, 1998; Rheault et al., 2003; Pykala, 2004; Richardson et Cameron, 2004). Lorsque des lichens se retrouvent subitement à la lisière d’une forêt ou dans une forêt fragmentée, leur capacité de dispersion et de recolonisation des secteurs déboisés est réduite (Rheaultet al., 2003).L’exploitation forestière à grande échelle réduit aussi énormément la capacité des peuplements à compenser les périodes de faible humidité (Maass et Yetman, 2002). Selon certains chercheurs, de tels facteurs auraient causé la disparition de l’érioderme boréal du Vãrmland, en Suède, où l’abattage d’arbres a été effectué tout près de parcs où des thalles d’érioderme boréal étaient présents (Maass et Yetman, 2002).

En 2005, du côté ouest du plus ancien site connu d’érioderme boréal en Nouvelle-Écosse, un thalle isolé a été détruit lorsque les arbres ont été abattus par le vent (Cameron et Neily, 2006). Il ne s’agit pas d’un phénomène rare, mais le parterre de coupe à blanc adjacent (cette coupe aurait eu lieu en 2000 ou en 2001) a probablement accru la vulnérabilité du site à l’effet du vent et de la sécheresse.

En Nouvelle-Écosse, les secteurs déboisés sont généralement replantés avec des espèces comme l’épinette noire (Picea mariana), l’épinette blanche (Picea glauca), l’épinette rouge (Picea rubens) et l’épinette de Norvège (Picea abies), dont l’écorce, plus acide que celle du sapin baumier, ne convient pas à l’érioderme boréal (Conseil canadien des ministres des forêts, 2005). En outre, les plantations équiennes ne sont pas favorables à l’établissement de nouvelles colonies de Scytonema, de Frullaniaou de jeunes thalles d’érioderme boréal, à cause d’un éclairement insuffisant (Maass et Yetman, 2002).

La communication et l’échange d’information avec l’industrie forestière de la Nouvelle-Écosse sont la pierre angulaire du rétablissement de l’espèce. Diverses mesures visant à atténuer la menace liée à l’aménagement forestier sont proposées dans la section 2 (Rétablissement) : recherche documentaire et examen des pratiques forestières les moins nuisibles à l’érioderme boréal; communication avec les intéressés en vue de définir des pratiques forestières et de formuler des recommandations pour les secteurs entourant les sites actuels du lichen et son habitat potentiel; élaboration d’un accord d’intendance volontaire pouvant être conclu avec les propriétaires fonciers; formation de bénévoles et de forestiers sur l’identification de l’érioderme boréal et de son habitat potentiel.

1.3.3.    Lutte contre les organismes nuisibles et épandage aérien de pesticides nuisibles

Dans le Rapport de situation du COSEPAC sur l’érioderme boréal, Maass et Yetman (2002) mentionnent qu’une colonie de la population boréale a été menacée en 1998 par le trichlorfon, insecticide approuvé contre la tenthrède à tête jaune de l’épinette(Pikonema alaskensis). Comme le thalle de l’érioderme boréal ne possède aucune propriété hydrofuge, la préparation chimique liquide peut atteindre et endommager les membranes cellulaires du lichen (Maass et Yetman, 2002). Le projet d’utiliser le trichlorfon a été abandonné en faveur d’un agent beaucoup moins nuisible, (l’azadirachtine [neem], extraite de l’Azadirachta indica), mais Maass et Yetman (2002) ont néanmoins souligné que le trichlorfon aurait très probablement décimé les colonies d’érioderme boréal du secteur.

Il n’existe aucune mention d’usage de ces pesticides en Nouvelle-Écosse (W. Fanning, Department of Natural Resources de la Nouvelle-Écosse, comm. pers., 2006), mais le trichlorfon a été utilisé au Nouveau-Brunswick dans les années 1970 (Mitchell et Roberts, 1984). Le trichlorfon a été utilisé pour la dernière fois au Nouveau-Brunswick en 1996, dans une expérience menée à petite échelle (N. E. Carter, ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick, comm. pers., 2006). Les autorités des deux provinces scrutent minutieusement toutes les décisions concernant les épandages aériens de pesticides.

Il est souvent difficile de prédire si l’épandage aérien est plus nuisible à l’érioderme boréal que ne l’est l’organisme nuisible visé par l’épandage, et chaque situation est un cas particulier (Maass et Yetman, 2002). Une connaissance des ravageurs pouvant être présents à proximité des sites d’érioderme boréal et une participation aux consultations ayant trait à la lutte contre ces ravageurs garantiront que l’érioderme boréal est pris en compte au moment de décider si une telle lutte doit être entreprise, quel secteur doit être traité et quel produit doit être employé. La présence de l’érioderme boréal doit être signalée aux organismes de protection de l’environnement afin que ceux-ci puissent en assurer la protection contre les effets possibles de la lutte contre les organismes nuisibles.

1.3.4.    Climat : Sécheresse, ouragans, incendies de forêt, réchauffement planétaire

Selon des observations de terrain, l’érioderme boréal ne peut pas supporter le dessèchement provoqué par certains phénomènes météorologiques extrêmes comme les sécheresses et les ouragans (Maass et Yetman, 2002). Une violente tempête survenue dans le comté de Guysborough, en Nouvelle-Écosse, a créé un chablis et détruit ainsi une des populations d’érioderme boréal découverte dans les années 1980 (Maass et Yetman, 2002). 

Les incendies de forêt risquent de détruire l’érioderme boréal directement et ils peuvent aussi avoir des effets indirects, car le dioxyde de soufre que renferme la fumée dégagée par ces incendies peut détruire les lichens fixateurs d’azote (y compris tous les cyanolichens) qui sont situés sous le vent par rapport au feu (Maass et Yetman, 2002).

Les effets du réchauffement climatique sur les lichens ne sont pas faciles à mesurer, mais on peut penser que ce réchauffement réduira leur aire de répartition(Maass et Yetman, 2002). Les lichensqui ont pour phorophyte principal une espèce d’arbre ou qui nécessitent un habitat frais et humide, comme l’érioderme boréal, sont probablement très sensibles aux changements climatiques (Maass et Yetman, 2002).

L’érioderme boréal risque de souffrir des changements climatiques qui s’amorcent. La meilleure protection contre cette menace consiste à maintenir un secteur protégé autour des sites de l’espèce et à effectuer le suivi des effets des changements climatiques afin de pouvoir prendre des décisions de gestion éclairées. Pour atténuer les effets des changements climatiques sur l’érioderme boréal, il faut réduire les perturbations humaines dans l’habitat de l’espèce et à proximité.

1.3.5.    Effets des herbivores sur la croissance des semis de sapin baumier

Le Rapport de situation du COSEPAC sur l’érioderme boréal (Maass et Yetman, 2002) décrit les effets du broutage par l’orignalsur le sapin baumier, mais toutes les observations avaient été faites à Terre-Neuve-et-Labrador. Le broutage du sapin baumier par l’orignal n’a jamais été observé à proximité des sites connus de la population de l’Atlantique. L’orignal est présent dans tout le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, mais la population d’orignal de la partie continentale de la Nouvelle-Écosse est considérée comme en péril (endangered) à l’échelle provinciale. Il est essentiel que toute mesure visant à protéger l’érioderme boréal tienne compte des conséquences possibles du rétablissement de cette population d’orignal. Pour l’heure, il conviendrait de d’effectuer le suivi des sites de lichens quant Í la présence de signes de broutage.

1.3.6.    Microfaune herbivore

Selon le Rapport de situation du COSEPAC sur l’érioderme boréal, le broutage par les acariens et les escargots a également été observé, mais le document donne à penser qu’il s’agit d’une menace très peu importante pour lespopulations de l’espèce(Maass et Yetman, 2002). Lors d’une visite du site de Lower Meaghers Grant en 2004, on a remarqué qu’un thalle d’érioderme boréal était fortement brouté par des gastropodes (Cameron et Neily, 2006). Un spécimen de l’animal a été prélevé et par la suite identifié : il s’agissait de l’Arion subfuscus, espèce introduite d’origine européenne (Cameron et Neily, 2006). Il n’est pas possible devant les données disponibles de déterminer si ce cas particulier révèle une menace réelle pour la population d’érioderme boréal. Il faudra examiner tout nouveau cas de broutage par la microfaune afin de déterminer si des études ou des mesures supplémentaires sont nécessaires.

1.3.7.    Aménagement des terrains

L’aménagement des terrains à des fins industrielles, résidentielles, forestières ou agricoles crée des perturbations, modifie le paysage et facilite l’accès du public à des secteurs éloignés (Maass et Yetman, 2002). La gravité de cette menace pour l’érioderme boréal varie en fonction de la découverte de nouveaux sites et de la modification de l’accessibilité aux divers sites. L’habitat de l’érioderme boréal est protégé en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) du Canada et de l’Endangered Species Act de la Nouvelle-Écosse (NSESA). Les mesures pouvant protéger l’espèce face à l’aménagement des terrains sont la désignation de l’habitat essentiel, l’éducation et les accords d’intendance volontaires.

1.4   Lacunes dans les connaissances

Les connaissances relatives à l’érioderme boréal sont insuffisantes dans les domaines suivants : cycle biologique du lichen; taux de croissance; caractéristiques biologiques; diversité génétique; dynamique des populations; taille minimale d’une population viable; sensibilité à différents polluants atmosphériques; sensibilité aux dépôts acides; sensibilité à différentes pratiques forestières. Il reste également à caractériser l’habitat essentiel de l’espèce et à évaluer l’importance de l’habitat potentiel inoccupé. On ne connaît pas précisément les caractéristiques ni la qualité de l’habitat dont l’espèce a besoin. On ne sait pas non plus dans quelle mesure les menaces pesant sur l’habitat de l’érioderme boréal limitent le potentiel de rétablissement de l’espèce.

[1]Pour plus d’information, consulter www.natureserve.org.

[2]Cote obtenue par l’application d’un algorithme donnant des résultats plus faciles à interpréter, sans qualificatifs ni intervalles de valeurs (p. ex. G1G2 devient G1).

Détails de la page

Date de modification :