Mouette rosée (Rhodostethia rosea) : programme de rétablissement : chapitre 2


2. Rétablissement

2.1 Justification du caractère réalisable du rétablissement

On considère que le maintien de la population reproductrice et de la répartition de la Mouette rosée au Canada est réalisable, en se fondant sur quatre critères (Environnement Canada, 2005). Premièrement, on ne connaît actuellement aucun facteur ayant une incidence négative sur la productivité de l'espèce au Canada. Deuxièmement, il existe suffisamment d'habitat convenable pour subvenir aux besoins de l'espèce. Troisièmement, il est possible d'éviter ou d'atténuer les principales menaces pesant sur l'espèce ou son habitat par la mise en place de mesures de rétablissement. Quatrièmement, les techniques permettant de rétablir efficacement l'espèce semblent être réalisables.

2.2 But du rétablissement

La Mouette rosée, qui a toujours été une espèce rare au Canada, ne semble pas en déclin. En raison de sa population réduite, il est peu probable que cette espèce soit désignée à une catégorie de moindre risque que celle d'espèce menacée. Malgré la population réduite de la Mouette rosée, le maintien de l'espèce à son niveau actuel de répartition et de population devrait être réalisable.

Le but du rétablissement de la Mouette rosée est d'assurer sa survie à long terme en maintenant la population à son niveau actuel1 et en maintenant les sites de reproduction actuels ainsi que certains des sites de reproduction historiques.2

2.3 Objectifs du rétablissement de la Mouette rosée (de 2007 à 2011)

Voici les objectifs à court terme du rétablissement de la Mouette rosée au Canada :

  1. maintenir la répartition et le nombre de couples reproducteurs connus actuels au Canada sur une période moyenne de cinq ans (priorité – urgent);
  2. encourager les nouvelles recherches et les relevés susceptibles de révéler des lieux de rassemblement pour la reproduction encore inconnus dans l'Arctique canadien (priorité – urgent);
  3. protéger l'habitat de reproduction par des ententes d'intendance et de conservation et entreprendre des études en vue de désigner l'habitat essentiel (priorité – nécessaire);
  4. déterminer la portée des menaces dans les emplacements de reproduction et mettre en oeuvre des stratégies de gestion pour réduire ces menaces (priorité – utile).

2.4 Approches recommandées pour l'atteinte des objectifs du rétablissement

Le tableau 1 décrit de façon générale les activités de recherche et de gestion qu'il faudra entreprendre pour atteindre les objectifs du rétablissement ainsi que les stratégies générales à adopter pour aborder les menaces qui pèsent sur la Mouette rosée. Un plan d'action apportera plus de précisions sur les activités en question, en plus de présenter un calendrier de mise en oeuvre.

Tableau 1. Planification du rétablissement de la Mouette rosée
Priorité Numéro de l'objectif Menaces à aborder Stratégie générale pour aborder les menaces Approches recommandées pour atteindre les objectifs du rétablissement
Urgent 1, 2 Toutes Inventaire et suivi
  • Établir et mettre en place des protocoles de suivi normalisés.
  • Réaliser des relevés annuels à trois des quatre sites de reproduction actuels (le site de l'île Prince-Charles pose d'importants défis d'ordre logistique et devrait faire l'objet d'un relevé lorsque ce sera possible).
  • De façon simultanée, effectuer le suivi du succès de reproduction.
  • Déterminer d'autres secteurs devant faire l'objet de relevé.
  • Effectuer des relevés dans l'habitat convenable additionnel aux cinq ans.
  • Évaluer les menaces qui pèsent sur la Mouette rosée et son habitat dans tous les sites de reproduction connus. Déterminer les effets du dérangement sur la Mouette rosée en reproduction.
  • Établir l'ordre de priorité des lacunes dans les connaissances, et promouvoir ou effectuer des recherches pour aborder ces lacunes selon leur degré d'urgence.
  • Obtenir les connaissances des peuples autochtones sur le cycle biologique et les emplacements de reproduction de la Mouette rosée.
Nécessaire 1, 4 Dérangement par l'humain Communication et intendance
  • Élaborer des produits éducatifs sur la Mouette rosée, sur sa situation et sur les menaces qui pèsent sur elle (notamment le dérangement par l'humain) en vue de les distribuer aux ornithologues amateurs et aux touristes qui se rendent à Churchill.
  • Travailler de concert avec les organisateurs de voyages à Churchill pour trouver des moyens de permettre aux ornithologues amateurs et aux photographes d'observer les oiseaux sans déranger leur reproduction.
  • Élaborer des stratégies de gestion pour aborder la menace du dérangement par l'humain, y inclut une distance de recul par rapport aux nids.
  • Désigner d'autres publics cibles et élaborer une stratégie de communication efficace.
  • Collaborer avec d'autres gouvernements dans le monde pour aborder les menaces qui pèsent sur la Mouette rosée à l'extérieur du Canada.
  • Atténuer le dérangement causé par l'exploration et le développement autour des sites de reproduction connus et potentiels de l'espèce au Nunavut en améliorant la communication avec les promoteurs (p. ex. examen des permis).
Urgent 1, 4 Prédation Suivi et gestion des sites
  • Déterminer si la prédation porte atteinte à la survie et à la productivité de l'espèce.
  • Élaborer des plans de gestion propres au site, notamment des mesures dissuasives pour les prédateurs dans les secteurs où les prédateurs sont une menace, afin de réduire la prédation
Urgent 3, 4 Perte et destruction de l'habitat Protection de l'habitat et intendance
  • Évaluer l'habitat là où la reproduction de l'espèce est  connue et, en se fondant sur les caractéristiques de l'habitat de reproduction, identifier de nouveaux sites devant faire l'objet de relevé.
  • Désigner les secteurs d'habitat essentiel.
  • Élaborer des stratégies de gestion adaptative et des ententes d'intendance pour protéger et améliorer les emplacements de reproduction.
  • Protéger et gérer l'habitat essentiel par des ententes d'intendance – ceci peut inclure une augmentation des efforts voués à l'application de la loi dans la région de Churchill durant la saison de reproduction de la Mouette rosée.

2.5 Habitat essentiel de la Mouette rosée

La Loi sur les espèces en péril du gouvernement fédéral définit l'habitat essentiel comme « l'habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d'une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d'action élaboré à l'égard de l'espèce. »

L'habitat essentiel n'est pas désigné dans le présent programme de rétablissement. Cette espèce fait l'objet de peu d'études au Canada, et l'habitat est essentiel à sa survie et à son rétablissement n'est pas connu. Il existe très peu de mentions de reproduction de cette espèce au Canada. L'occupation des quelques sites de reproduction connus semble être intermittente et on ne sait pas si l'espèce est fidèle à son aire de reproduction. Il est impossible, avec si peu de données en main, de désigner l'habitat essentiel pour le moment. L'habitat essentiel sera désigné par les activités décrites à la section 2.5.1 (Calendrier des études visant à désigner l'habitat essentiel) et sera inclus dans un prochain plan d'action et/ou dans un programme de rétablissement révisé.

Les nids de la Mouette rosée sont protégés en vertu de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs de 1994, et en tant que « résidence » en vertu de la Loi sur les espèces en péril partout au Canada.

2.5.1 Calendrier des études visant à désigner l'habitat essentiel

Les études visant à désigner l'habitat essentiel seront concentrées dans le Haut-Arctique, près d'un des sites où les oiseaux pourraient se reproduire (Mallory et al., 2006). (Le fait d'effectuer des études près de Churchill serait susceptible d'amener les touristes dans les secteurs où se déroule la reproduction.)

Les grandes lignes des études et mesures générales envisagées pour soutenir la désignation de l'habitat essentiel sont présentées au tableau 1.

Le contenu ci-dessous décrit les études et mesures spécifiques nécessaires pour désigner l'habitat essentiel.

  • D'ici août 2008, déterminer les caractéristiques de l'habitat occupé par la Mouette rosée. Également, entreprendre des études pour déterminer les impacts du dérangement sur les mouettes lors de la reproduction (dont la Mouette rosée) dans les emplacements éloignés.
  • Effectuer de façon continue des relevés dans de l'habitat convenable afin de déceler la présence de la Mouette rosée dans le Haut-Arctique et dans la région de Churchill. Ces relevés peuvent mener à la désignation d'habitat essentiel additionnel si de nouveaux secteurs de reproduction sont découverts.
  • D'ici décembre 2008, appliquer les connaissances acquises sur les principales caractéristiques de l'habitat à tous les secteurs se trouvant dans l'aire de reproduction et cartographier l'habitat de reproduction connu et potentiel.
  • D'ici décembre 2008, utiliser l'information synthétisée sur l'abondance, la distribution et l'utilisation de l'habitat afin de désigner l'habitat essentiel dans un plan d'action et/ou un programme de rétablissement révisé.
  • Saisir les opportunités de repérer les sites d'alimentation et les sites de repos potentiels ou de transit qui pourraient être considérés comme de l'habitat essentiel.

2.6 Protection actuelle

L'espèce et ses nids sont protégés en vertu de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs de 1994, et la Mouette rosée, en tant qu'espèce, est visée par la Loi sur les espèces en péril. La Convention sur les oiseaux migrateurs de 1916 interdit la chasse ou la récolte des œufs, des nids et des oiseaux des espèces inscrites, et ce, au Canada et aux États-Unis. De plus, la Mouette rosée est inscrite comme espèce en voie de disparition en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition du Manitoba. En vertu de cette loi, il est interdit de tuer, de blesser, de posséder, de déranger ou d'importuner une espèce en voie de disparition; de détruire ou de déranger l'habitat d'une espèce en voie de disparition ou d'y nuire ou d'endommager, de détruire, ou d'enlever une ressource naturelle dont dépendent la survie et la propagation d'une espèce en voie de disparition ou d'empêcher l'accès à cette ressource. La chasse de la Mouette rosée est également interdite en Russie (Macey, 1981).

La zone spéciale de protection de Churchill (35 823,1 ha), désignée en vertu de la Loi sur la conservation de la faune, a été établie pour assurer la conservation et la protection de l'habitat de nidification de la Mouette rosée dans la région de Churchill. Cette zone spéciale inclut à la fois le site de reproduction initial et le site de reproduction actuel (G. Suggett, comm. pers.). De plus, le site de reproduction actuel de Churchill est plus difficile d'accès ce qui limite le dérangement par l'humain. Les emplacements de reproduction situés plus au nord au Nunavut ne sont pas protégés, mais comme ils sont éloignés et difficiles d'accès, ils sont moins exposés au dérangement par l'humain. De plus, les organismes d’administration des terres et de délivrance de permis connaissent les emplacements de ces sites, et la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions étudie tout projet d’utilisation des terres près de ces sites et évalue leurs impacts environnementaux afin de déterminer tout effet possible sur les colonies de reproduction en vertu de l’article 12 de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

2.7 Approche recommandée pour assurer la conservation et la protection de l'habitat

Le site du Manitoba se trouve en territoire domanial. Les gouvernements fédéral et provincial travailleront en collaboration pour déterminer une approche appropriée pour la protection de l'habitat de ce site. Les activités d'éducation et de communication avec les membres de la communauté et les ornithologues amateurs peuvent représenter un bon moyen d'assurer la conservation de ce secteur.

Au Nunavut, les sites de reproduction connus se trouvent tous en territoire domanial. Ils sont à la fois très éloignés et très difficiles d'accès durant la saison de reproduction, pour les touristes ou même pour les chasseurs inuits. Par conséquent, les ententes d'intendance et de conservation devraient mettre l'accent sur les organisations de chasseurs et de trappeurs de la communauté en vue de les inciter à signaler les observations d'oiseaux durant la période de migration ou de reproduction, et à réduire au minimum la récolte accessoire des œufs ou des oiseaux de cette espèce quand les chasseurs visent d'autres espèces (p. ex., la Sterne arctique). Ces ententes devraient prévoir la possibilité de futures mesures de protection de l'habitat3, si elles devenaient nécessaires. Une participation appropriée et des consultations concernant des ententes d’intendance et de conservation seront essentielles afin d’assurer la protection de l’habitat au Nunavut. La participation au Nunavut devrait comprendre le principal gestionnaire fédéral des terres, Affaires indiennes et du Nord,ainsi que des organisations inuit clés (Qikiqtani Inuit Association, Nunavut Tunngavik Incorporated, associations de chasseurs et de piégeurs) et des institutions gouvernementales (Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions et Commission d’aménagement du Nunavut).

 

2.8 Mesures de rendement

La mise en œuvre des approches identifiées dans le présent programme de rétablissement en vue de maintenir la distribution et l'abondance de la Mouette rosée sera considérée comme une réussite si les critères d'évaluation suivants sont remplis :

  • l'habitat essentiel a été protégé à tous les emplacements désignés grâce à des ententes d'intendance et de conservation;
  • le suivi de la Mouette rosée démontre que celle-ci continue de se reproduire aux emplacements connus;
  • l'identification des menaces qui pèsent sur la Mouette rosée et son habitat (à chacun des sites) permet d'élaborer et de mettre en oeuvre des mesures pour éliminer, diminuer ou atténuer les menaces.

2.9 Effets sur les espèces non ciblées

Le présent programme de rétablissement pourrait être bénéfique à d'autres espèces comme la Sterne arctique et la Mouette de Sabine car la Mouette rosée niche souvent en association avec ces espèces. De plus, toute activité de conservation résultant du présent programme de rétablissement et de son plan d'action futur pourrait également avantager d'autres oiseaux se reproduisant au nord qui occupent un habitat similaire. Parmi ces espèces, on retrouve le Plongeon arctique (Gavia arctica), le Grève esclavon (Podiceps auritus), le Harelde kakawi (Clangula hyemalis), l'Eider à duvet (Somateria mollissima), l'Eider à tête grise (Somateria spectabilis), le Fuligule milouinan(Aythya marila), la Barge hudsonienne (Limosa haemastica), le Petit chevalier (Tringa flavipes), le Bécasseau à échasses (Calidris himantopus), le Sizerin flammé (Carduelis flammea) et le Bruant de Smith (Calcarius pictus) (Chartier et Cooke, 1980).

Même si la mise en œuvre du présent programme de rétablissement et du futur plan d'action peut s'avérer bénéfique à bon nombre d'espèces, elle peut avoir un effet négatif sur certaines populations locales d'espèces. Par exemple, l'utilisation de moyens dissuasifs pour éloigner le Goéland argenté des abords des colonies de la Mouette rosée pourrait réduire le taux de reproduction de cette espèce localement. Toutefois, vu l'abondance de l'espèce et sa grande distribution, il est peu probable que cette mesure affecte l'ensemble de la population du Goéland argenté.

2.10 Échéancier prévu pour l'élaboration d'un ou de plusieurs plans d'action

Le plan d'action de la Mouette rosée sera achevé d'ici juin 2009. Entre-temps, on poursuivra de façon continue les étapes nécessaires au rétablissement, telles que décrites par les objectifs du rétablissement.

1 Dans les limites de l'étendue de la variabilité naturelle observée entre 1990 et 2005.

2 Comprend le site de Churchill (Manitoba) et les trois sites du Nunavut.

3 Les mesures de protection de l’habitat peuvent exister sous diverses formes au moyen des outils disponibles dans la Loi sur les espèces en péril ou par l’intermédiaire des processus d’évaluations environnementales et de planification de l’utilisation des terres. Ces mesures seront établies en collaboration avec les ministères fédéraux et territoriaux responsables, ainsi que les organisations inuit et les institutions gouvernementales.

Détails de la page

Date de modification :