Programme de rétablissement des épinoches du lac Paxton, du lac Enos et du ruisseau Vananda (Gasterosteus spp.) au Canada [Projet] 2006

Paire d'espèces d'épinoches du lac Paxton, Colombie-Britannique. En haut : épichoche benthique gravide; en bas : épinoche limnétique gravide. Photo par Todd Hatfield.

October 2006

Déclaration
Compétences responsables
Auteurs
Remerciements
Évaluation environnementale stratégique
Résidence
Préface

La LEP est la loi fédérale qui constitue l'une des pierres d'assise de l'effort national commun de protection et de conservation des espèces en péril au Canada. Elle est en vigueur depuis 2003 et vise, entre autres, àpermettre le rétablissement des espèces qui, par suite de l'activité humaine, sont devenues des espèces disparues du pays, en voie de disparition ou menacées.

Dans le contexte de la conservation des espèces en péril, le rétablissement est le processus par lequel le déclin d'une espèce en voie de disparition, menacée ou disparue du pays est arrêté ou inversé et par lequel les menaces à sa survie sont éliminées ou réduites de façon à augmenter la probabilité de survie de l'espèce à l'état sauvage. Une espèce sera considérée comme rétablie lorsque sa survie à long terme à l'état sauvage aura été assurée.

Un programme de rétablissement est un document de planification qui identifie ce qui doit être réalisé pour arrêter ou inverser le déclin d'une espèce. Il établit des buts et des objectifs et indique les principaux champs des activités à entreprendre. La planification plus élaborée se fait à l'étape du plan d'action.

L'élaboration de programmes de rétablissement représente un engagement de toutes les provinces et de tous les territoires ainsi que de trois organismes fédéraux -- Environnement Canada, l'Agence Parcs Canada et Pêches et Océans Canada -- dans le cadre de l'Accord pour la protection des espèces en péril. Les articles 37 à 46 de la LEP décrivent le contenu d'un programme de rétablissement publié dans la présente série ainsi que le processus requis pour l'élaborer.

Selon le statut de l'espèce et le moment où elle a été évaluée, un programme de rétablissement doit être préparé dans un délai de un à deux ans après l'inscription de l'espèce à la Liste des espèces en péril de la LEP. Pour les espèces qui ont été inscrites à la LEP lorsque celle-ci a été adoptée, le délai est de trois à quatre ans.

Dans la plupart des cas, un ou plusieurs plans d'action seront élaborés pour définir et guider la mise en oeuvre du programme de rétablissement. Cependant, les recommandations contenues dans le programme de rétablissement suffisent pour permettre la participation des collectivités, des utilisateurs des terres et des conservationnistes à la mise en oeuvre du rétablissement. Le manque de certitude scientifique ne doit pas être prétexte à retarder la prise de mesures efficientes visant à prévenir la disparition ou le déclin d'une espèce.

Cette série présente les programmes de rétablissement élaborés ou adoptés par le gouvernement fédéral dans le cadre de la LEP. De nouveaux documents s'ajouteront régulièrement à mesure que de nouvelles espèces seront inscrites à la Liste des espèces en péril et que les programmes de rétablissement existants seront mis à jour.

Pour en savoir plus sur la Loi sur les espèces en péril et les initiatives de rétablissement, veuillez consulter le Registre public de la LEP et le site Web du Secrétariat du rétablissement (http://www.especesenperil.gc.ca/recovery/).

Équipe nationale de rétablissement des paires d'espèces d'épinoches. 2006. Programme de rétablissement des épinoches du lac Paxton, du lac Enos et du ruisseau Vananda (Gasterosteus spp.) au Canada [Projet]. Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril. Pêches et Océans Canada, Ottawa, vi + 37 pp.

Des exemplaires supplémentaires peuvent être téléchargés à partir du site Web du Registre public de la LEP.

Illustration de la couverture: Paire d'espèces d'épinoches du lac Paxton, Colombie-Britannique. En haut : épichoche benthique gravide; en bas : épinoche limnétique gravide. Photo par Todd Hatfield.

Also available in English under the title:

« Recovery Strategy for Paxton Lake, Enos Lake, and Vananda Creek Stickleback Species Pairs(Gasterosteus spp.) in Canada »

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Pêches et des Océans, 2006. Tous droits réservés.

ISBN : À venir

Numéro de catalogue : À venir

Le contenu (à l'exception des illustrations) peut être utilisé sans permission, mais en prenant soin d'indiquer la source.

Le présent programme de rétablissement des paires d'espèces d'épinoches a été élaboré en collaboration avec les autorités décrites dans la préface. Pêches et Océans Canada a examiné le présent document et l'accepte comme son programme de rétablissement pour les paires d'espèces d'épinoches, comme le prévoit la Loi sur les espèces en péril.

La réussite du rétablissement de ces espèces dépendra de l'engagement et de la collaboration d'un grand nombre de parties qui participent à la mise en œuvre des orientations formulées dans le présent programme. Cette réussite ne pourra reposer sur Pêches et Océans Canada ou sur une autre autorité seulement. Dans l'esprit de l'Accord national pour la protection des espèces en péril, le ministre des Pêches et des Océans invite tous les Canadiens à se joindre à Pêches et Océans Canada pour appuyer le présent programme et le mettre en œuvre au profit des paires d'espèces d'épinoches et de l'ensemble de la société canadienne. Pêches et Océans Canada s'appliquera à soutenir autant que possible l'exécution de ce programme, selon les ressources disponibles et compte tenu de sa responsabilité générale à l'égard de la conservation des espèces en péril. Le ministre rendra compte des progrès réalisés d'ici cinq ans.

Un ou plusieurs plans d'action détaillant les mesures de rétablissement qu'il faudra prendre pour appuyer la conservation de ces espèces viendront s'ajouter au présent programme. Le Ministre mettra en œuvre des moyens pour s'assurer, dans la mesure du possible, que les Canadiens intéressés à ces mesures ou touchés par celles-ci soient consultés.

L'autorité responsable des paires d'espèces d'épinoches en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) est Pêches et Océans Canada. La province de la Colombie-Britannique a également collaboré à l'élaboration du présent programme de rétablissement.

Le MPO et la province de la Colombie-Britannique ont collaboré à l'élaboration du présent programme de rétablissement. Une équipe de rétablissement a été constituée et chargée de fournir au gouvernement des recommandations scientifiquement fondées sur le rétablissement des paires d'espèces d'épinoches. Voici la liste des membres de l'équipe de rétablissement des paires d'espèces d'espèces d'épinoches :

Pêches et Océans Canada et la province de la C.-B. tiennent à remercier les spécialistes techniques qui ont consacré temps et efforts à l'élaboration du présent programme en assistant aux réunions et en examinant le document. L'élaboration du présent programme a été partiellement financée par le Habitat Conservation Trust Fund de la Colombie-Britannique.

Conformément à la Directive du Cabinet sur l'évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une évaluation environnementale stratégique (EES) doit figurer dans tous les documents de planification du rétablissement produits en vertu de la LEP. L'objet de l'EES est d'intégrer les considérations environnementales à l'élaboration des projets de politiques, de plans et de programmes publics afin de soutenir la prise de décisions éclairées sur le plan environnemental.

La planification du rétablissement profitera aux espèces en péril et à la biodiversité en général. Il est toutefois reconnu que des programmes peuvent produire, sans que cela ne soit voulu, des effets environnementaux négatifs qui dépassent les avantages prévus. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient directement compte de tous les effets environnementaux, notamment des impacts possibles sur les espèces ou les habitats non ciblés. Les résultats de l'EES sont directement inclus au présent programme et ils sont également résumés ci-après.

Le présent programme de rétablissment aura des avantages certains pour l'environnement en favorisant le rétablissement des paires d'espèces d'épinoches. On a envisagé la possibilité que le programme produise des effets négatifs non prévus sur d'autres espèces. Toutefois, l'EES a permis de conclure qu'il est clair que le présent programme sera bénéfique pour l'environnement et n'entraînera pas d'effets négatifs importants. Veuillez consulter en particulier les sections suivantes du présent document : Description des espèces – Biologie générale, Rôle écologique; Approche recommandée/portée du rétablissement; Impacts potentiels de la gestion sur d'autres espèces.

La LEP définit la résidence comme suit :

Les descriptions de la résidence ou les raisons pour lesquelles le concept de résidence ne s'applique pas à une espèce donnée sont publiées dans le Registre public de la LEP.

Les paires d'espèces d'épinoches sont des poissons d'eau douce et relèvent de la compétence du gouvernement fédéral. Conformément à la Loi sur les espèces en péril (LEP, article 37), le ministre compétent doit préparer des programmes de rétablissement pour les espèces qui ont été désignées comme étant disparues du pays, menacées ou en voie de disparition. Les paires d'espèces d'épinoches du lac Paxton et du ruisseau Vananda ont été désignées en tant qu'espèces en voie de disparition en vertu de la LEP en juin 2003, tandis que la paire d'espèces d'épinoches du lac Enos a été désignée à ce titre en janvier 2005. Pêches et Océans Canada – région du Pacifique, a collaboré à l'élaboration du présent programme de rétablissement. Celui-ci satisfait aux exigences de la LEP quant au contenu et au processus (articles 39 à 41). Il a été préparé soit en collaboration, soit en consultation avec :

L'expression « paires d'espèces d'épinoches » désigne collectivement de petits poissons d'eau douce qui descendent de l'épinoche à trois épines marine (Gasterosteus aculeatus). L'évolution récente et unique de ces poissons revêt un intérêt et une valeur scientifiques considérables. On sait que des paires d'espèces d'épinoches ont été présentes dans quatre réseaux hydrographiques du bassin de Georgia, en Colombie-Britannique : deux de ces réseaux se trouvant sur l'île Texada, un sur l'île Lasqueti et un autre sur l'île de Vancouver. Au cours de la dernière décennie, la paire d'espèces de l'île Lasqueti a été désignée comme étant disparue, tandis que la paire d'espèces du lac Enos a été amenée à céder la place à une population hybride. À l'heure actuelle, l'aire de répartition globale des paires d'espèces d'épinoches se limite donc à quatre petits lacs situés dans deux réseaux hydrographiques au nord de l'île Texada.

Les paires d'espèces d'épinoches sont chacune constituées d'une forme benthique et d'une forme limnétique. Les paires d'espèces d'épinoches fraient dans les zone littorales au printemps, adoptent les zones littorales et pélagiques comme aire de croissance au printemps et en été et, enfin, passent l'hiver en eaux profondes en automne et en hiver. Les lacs où se sont développées des paires d'espèces d'épinoches se caractérisent par leurs habitats littoraux et pélagiques abondants et productifs et par une communauté de poissons constituée uniquement d'épinoches et de truites fardées. Parmi les conditions environnementales nécessaires au maintien de l'abondance et de l'isolement entre les reproducteurs des espèces limnétiques et benthiques, mentionnons la qualité de l'eau, la transmission de la lumière, les sels nutritifs, l'habitat littoral et les macrophytes.

Les plus grandes menaces connues qui pèsent sur les paires d'espèces d'épinoches sont l'introduction d'espèces exotiques et les impacts découlant de la gestion de l'eau et de l'utilisation des terres. Dans l'immédiat, il faudrait que les efforts de rétablissement se concentrent sur le contrôle et la limitation des risques associés à ces menaces.

La définition de l'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches est une étape importante à franchir pour, d'une part, satisfaire aux objectifs du rétablissement et, d'autre part, faciliter l'imposition de limites acceptables aux activités qui ont une incidence sur ces espèces. L'habitat essentiel est un ensemble de caractéristiques environnementales dont l'altération ou la perte entraîne une réduction de l'abondance d'une population à un niveau qui n'est plus viable ou une suppression suffisante des barrières entre les reproducteurs pour amener une paire d'espèces à céder la place à une population hybride. Certaines caractéristiques proposées de l'habitat essentiel sont décrites dans le présent document, mais on n'a pas encore brossé un tableau complet de l'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches. Le présent programme de rétablissement contient une série de travaux de recherches à réaliser pour faciliter la détermination de l'habitat essentiel de ces espèces.

Le but du présent programme de rétablissement est de maintenir la persistance à long terme de toutes les paires d'espèces d'épinoches restantes. Les objectifs du rétablissement incluent le maintien des paires d'espèces d'épinoches dans le réseau hydrographique du lac Paxton et dans celui du ruisseau Vananda, le rétablissement de la paire d'espèces du lac Enos et, enfin, la réintroduction d'une paire d'espèces dans le lac Hadley. Les stratégies par lesquelles on compte atteindre ce but et ces objectifs entrent dans les trois grandes catégories complémentaires suivantes : intendance, protection, et recherche. Le présent programme de rétablissement décrit en détail ces stratégies ainsi que les plans d'action, les mesures de rendement et les priorités relatives qui s'y rattachent.

Le rétablissement des paires d'espèces d'épinoches est considéré comme étant techniquement et biologiquement réalisable, quoique ces espèces demeureront vraisemblablement plus ou moins à risque en raison de leur répartition naturellement restreinte. On mènera une consultation pour cerner tous les conflits susceptibles de surgir entre les activités d'aménagement du territoire et le rétablissement des paires d'espèces d'épinoches, puis on tentera de résoudre ces conflits au moyen de plans d'action. Le rétablissement des paires d'espèces d'épinoches exigera la mise en œuvre d'activités permanentes d'intendance et d'éducation, la prise de décisions éclairées et la réalisation de recherches ciblées. Les lacunes à combler sur le plan des connaissances portent sur la biologie des paires d'espèces, les menaces, les techniques de rétablissement et l'efficacité de l'intendance.

Le rapport de situation et le sommaire de l’évaluation des paires d’espèces d’épinoches sont accessibles sur le site Web du secrétariat du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC).

Nom commun – Epinoches à trois épines (paire comprenant une forme limnétique et une forme benthique).

Nom scientifique – Gasterosteus spp. (aucune désignation taxonomique officielle n’existe pour les paires d’espèces, bien que des preuves solides indiquent que la forme limnétique et la forme benthique sont de véritables espèces biologiques indépendamment dérivées de l’épinoche marine [Gasterosteus aculeatus]).

Sommaire de l’évaluation du COSEPAC :
Paire d’espèces du lac Enos : novembre 2002
Paire d’espèces du lac Hadley : mai 2000
Paire d’espèces du lac Paxton : mai 2000
Paire d’espèces du ruisseau Vananda (lacs Balkwill, Priest et Emily) : mai 2000

Désignation du COSEPAC :
Paire d’espèces du lac Enos : en voie de disparition
Paire d’espèces du lac Hadley : disparue
Paire d’espèces du lac Paxton : en voie de disparition
Paire d’espèces du ruisseau Vananda : en voie de disparition

Situation en vertu de la LEP :
Paire d’espèces du lac Enos : en voie de disparition, janvier 2005
Paire d’espèces du lac Hadley : disparue
Paire d’espèces du lac Paxton : en voie de disparition, juin 2003
Paire d’espèces du ruisseau Vananda : en voie de disparition, juin 2003

Justification de la désignation du COSEPAC :
Paire d’espèces du lac Enos. Espèces dont l’aire de répartition se limite à un seul petit lac sur l’île de Vancouver et qui connaissent une diminution importante de leur nombre due à la détérioration de la qualité de leur habitat et à l’introduction d’espèces exotiques. Depuis la désignation du COSEPAC, la paire d’espèces a été amenée à céder la place à une population hybride. Un programme de reproduction en captivité est en cours avec des espèces limnétiques et benthiques pures.
Paire d’espèces du lac Hadley. Espèces endémiques canadiennes dont l’aire de répartition se limitait au lac Hadley, sur l’île Lasqueti, en Colombie-Britannique, et qui sont disparues en raison d’une prédation sur les nids par des barbottes introduites.
Paire d’espèces du lac Paxton. Espèces endémiques canadiennes qui sont touchées par la perte et/ou la dégradation de leur habitat en raison de perturbations anthropiques et qui sont en voie de disparition en raison de l’introduction d’espèces exotiques.
Paire d’espèces du ruisseau Vananda. Espèces endémiques canadiennes qui sont touchées par la perte et/ou la dégradation de leur habitat en raison de perturbations anthropiques et qui sont en voie de disparition en raison de l’introduction d’espèces exotiques.

Occurrence au Canada : L’aire de répartition globale des paires d’espèces d’épinoches se limite à certains lacs côtiers du bassin de Georgia, en Colombie-Britannique. Ces espèces sont actuellement présentes dans quatre lacs (deux réseaux hydrographiques) situés au nord de l’île Texada. Historiquement, des paires d’espèces ont existé dans le lac Hadley, sur l’île Lasqueti, et dans le lac Enos, sur l’île de Vancouver. La paire d’espèces du lac Hadley est disparue en raison de l’introduction de la barbotte, tandis que la paire d’espèces du lac Enos a été amenée à céder la place à une population hybride après l’introduction de l’écrevisse signal.

Historique de la désignation du COSEPAC :
Paire d’espèces du lac Enos. La désignation initiale (qui englobe la forme benthique et la forme limnétique) était « menacée » en avril 1988. Cette désignation a été divisée en deux espèces lors d’un réexamen. Les deux espèces ont été désignées « en voie de disparition » en novembre 2002 ». Dernière évaluation basée sur une mise à jour du rapport de situation publié.
Paire d’espèces du lac Hadley. La désignation initiale était « disparue » en avril 1999. Cette désignation a été confirmée en mai 2000. Dernière évaluation basée sur le rapport de situation publié.
Paire d’espèces du lac Paxton. La désignation initiale était « menacée » en avril 1998. Cette désignation a été ré-examinée et confirmée en avril 1999. Après un nouvel examen, cette désignation est passée à « en voie de disparition » en mai 2000. Dernière évaluation basée sur le rapport de situation publié.
Paire d’espèces du ruisseau Vananda. La désignation initiale était « menacée » en avril 1999. Après un nouvel examen, cette désignation est passée à « en voie de disparition » en mai 2000. Dernière évaluation basée sur le rapport de situation publié.

  1. Description des espèces
  2. Description des besoins des espèces
  3. Menaces
  4. Tendances relatives aux habitats
  5. Protection de l’habitat
  6. Habitat essentiel

Les épinoches à trois épines (Gasterosteus aculeatus) sont de peitits poissons (mesurant généralement de 35 à 55 mm de longueur) qui se trouvent en abondance dans les eaux marines et les eaux douces des régions cotiêres de l'hémisphère nord. En général, le corps de G. aculeatus est aplati sur les côtés, et les individus de la plupart des populations sont couverts d'épines pelviennes et dorsales rétractables ainsi que de plaques latérales calcifiées. Les individus d'eau douce sont plus ou moins couverts d'épines mais en sont habituellement moins pourvus que les individus marins. La couleur du corps varie de l'argenté au brun-vert moucheté. Les mâles à maturité sexuelle ont des gorges rouge vif pendant la saison de l'accouplement, tandis que les mâles de quelques populations d'eau douce deviennent complètement noirs (McPhail, 1969; Reimchen, 1989).

Les épinoches marines sont phénotypiquement semblables dans l'ensemble de leur aire de répartition, tandis que les épinoches d'eau douce présentent des différences sur les plans écologique, comportemental et morphologique. Plusieurs lacs des îles situées dans le bassin de Georgia revêtent un intérêt particulier parce qu'ils contiennent chacun deux espèces distinctes isolées sur le plan de la reproduction (McPhail, 1984, 1992, 1993, 1994; Schluter et McPhail, 1992; Figure 1. Paire d'espèces d'épinoches du lac Paxton; espèce limnétique (en haut) et espèce benthique (en bas). Dessin par Laura Nagel.). Les deux espèces d'épinoches de chaque lac sont appelées « paire d'espèces ».

Dans chaque cas, une des espèces (celle désignée sous le nom « limnétique ») se nourrit principalement de plancton et possède comme caractéristiques morphologiques un corps fusiforme, une bouche étroite et de nombreuses et longues branchicténies, des caractéristiques considérées comme étant des adaptations à un mode de vie axé sur la consommation de plancton (Magnuson et Heitz, 1971; Kliewer, 1970; Sanderson et al., 1991; Schluter et McPhail, 1992, 1993). L'autre espèce (celle désignée sous le nom « benthique ») se nourrit principalement d'invertébrés benthiques dans la zone littorale et possède un corps robuste, une large bouche et des branchicténies courtes et peu nombreuses, des carcactéristiques considérées comme étant avantageuses pour l'alimentation sur le fond (Schluter et McPhail, 1992, 1993). Ce modèle de différenciation morphologique et écologique est semblable dans chacun des lacs (Schluter et McPhail, 1992) : les épinoches limnétiques se ressemblent toutes, et il en est de même pour les épinoches benthiques. Malgré que les épinoches aient une apparence semblable, leur phylogenèse basée sur la génétique moléculaire indique fortement qu'elles ont évolué séparément (Taylor et McPhail, 2000). Ainsi, on devrait considérer les espèces benthiques des différents lacs, tout comme les espèces limnétiques, comme des espèces disctinctes. Ainsi, il y aurait au moins huit espèces distinctes parmi les différentes paires – c'est-à-dire deux espèces pour chacun des quatre réseaux hydrographiques.

Les épinoches limnétiques atteignent rapidement la maturité, habituellement après une année, et vivent rarement plus de deux ans. Elles se caractérisent par un dimorphisme sexuel considérable : les mâles limnétiques reproducteurs tendent à être plus gros en moyenne que les femelles gravides. La grande taille des mâles assure une meilleure protection des nids et défense du territoire (Rowland, 1989). Les femelles limnétiques gravides affichent une fécondité typiquement faible, soit de 30 à 40 œufs environ par ponte, mais elles produisent plusieurs pontes par saison, habituellement à un rythme rapproché s'il y a une grande quantité de nourriture disponible.

Les mâles sont les seuls à s'occuper de la progéniture. Au printemps, ils s'accaparent de territoires dans la région littorale où ils construisent des nids et s'accouplent (parfois avec de nombreuses femelles). Les épinoches limnétiques préfèrent des zones de nidification non couvertes de végétation et à découvert (McPhail, 1994; Hatfield et Schluter, 1996). Elles nichent souvent à moins d'un mètre de profondeur sur des troncs submergés, dans des baies peu profondes au substrat graveleux ou rocheux, ou sur un substrat boueux ferme. Elles préfèrent un habitat de frai non uniformément réparti dans la zone littorale; les mâles se regroupent souvent en masse compacte pour nicher. Bien que leur période d'accouplement survienne au même moment de l'année, les épinoches limnétiques et les épinoches benthiques s'accouplent rarement entre elles (McPhail, 1992).

Les épinoches benthiques diffèrent des épichones limnétiques sur différents points : elles atteignent généralement la maturité plus tard, vivent plus longtemps et s'accouplent moins souvent que les épinoches limnétiques. Elles présentent peu de dimorphisme sexuel, voire aucun. Leur fécondité est généralement plus élevée que celle des épinoches limnétiques, c'est-à-dire de 150 à 250 œufs en moyenne pour une femelle gravide. Les femelles ne produisent habituellement que une ou deux pontes par saison, peu importe la quantité de nourriture disponible. Les épinoches benthiques préfèrent les zones de nidification couvertes d'une dense végétation, habituellement entre des lits de Chara (Hatfield et Schluter 1996), et leurs nids sont à peine visibles. Elles ont tendance à nicher à de plus grandes profondeurs que les épinoches limnétiques, bien qu'habituellement à moins de 2 m. Comme les épinoches limnétiques, les épinoches benthiques préfèrent un habitat de frai non uniformément réparti et se regroupent en masse compacte pour nicher dans leur aire de répartition. Les épinoches benthiques sont semblables aux épinoches limnétiques pour ce qui est de la plupart des aspects liés aux soins de la progéniture et aux stades initiaux de développement.

Figure 1. Paire d'espèces d'épinoches du  lac Paxton; espèce limnétique (en haut) et espèce benthique (en bas). Dessin par Laura Nagel.

Une fois adultes, les épinoches limnétiques et benthiques se nourrissent d'aliments assez différents. Les épinoches limnétiques se nourrissent principalement dans les eaux de surface, loin de la bordure des lacs. Là, elles chassent en bancs éparses les copépodes, les Daphnia et les larves d'insectes. Les mâles ne nourrissent souvent de benthos lorsqu'ils nichent dans la zone littorale. Au stade juvénile, les épinoches limnétiques s'alimentent aux bords des lacs parmi les roseaux et les plantes submergées où elles peuvent se cacher des prédateurs.

Les épinoches benthiques, quant à elles, s'alimentent en eaux peu profondes en bordure des lacs où elles capturent de grosses proies comme des escargots, des palourdes, des nymphes de libellule, des amphipodes et des chironomides. Ces invertébrés se trouvent dans une variété de substrats comme des végétaux, des roches ou des boues. Les épinoches benthiques se nourrissent probablement d'aliments semblables tout au long de leur vie, mais la taille de leurs proies augmente au fur et à mesure de leur croissance.

On en sait très peu sur les régimes alimentaires des deux espèces à leurs stades initiaux de développement.

Historiquement, il y a eu des paires d'espèces d'épinoches dans quatre réseaux hydrographiques du bassin de Georgia, en Colombie-Britannique : deux de ces réseaux se trouvant sur l'île Texada, un sur l'île Lasqueti et un autre sur l'île de Vancouver (Figure 2. Carte du sud-ouest de la Colombie-Britannique indiquant la répartition historique des paires d'espèces d'épinoches par des étoiles rouges (haut : île Texada, milieu : île Lasqueti, bas : île de Vancouver). Ce sont les seuls trois sites où l'on sait que des paires d'espèces d'épinoches ont existé. Au cours de la dernière décennie, la paire d'espèces de l'île Lasqueti a été désignée « disparue », et la paire d'espèces du lac Enos a été amenée à céder la place à une population hybride.). Des preuves indiquent que les paires d'espèces ont évolué de façon indépendante dans chacun des réseaux hydrographiques, ce qui témoigne de l'existence d'un complexe plurispécifique plutôt que de deux espèces dispersées dans plusieurs réseaux (Taylor et McPhail, 1999). Au cours de la dernière décennie, la paire d'espèces de l'île Lasqueti a été désignée « disparue » (Hatfield, 2001a), et la paire d'espèces du lac Enos a été amenée à céder la place à une population hybride (Kraak et al., 2001; D. Schluter et E. Taylor, données non publiées). À l'heure actuelle, l'aire de répartition totale se limite donc à deux réseaux au nord de l'île Texada – le réseau hydrographique du lac Paxton et celui du ruisseau Vananda (comprenant les lacs Balkwill, Priest et Emily).

Prises collectivement, ces pertes représentent une réduction de 50 % du bassin démographique des paires d'espèces distinctes, et une réduction de 33 % du nombre de lacs contenant une paire d'espèces. Il se peut que des paires d'espèces restent à découvir ailleurs en Colombie-Britannique, mais cela est peu probable compte tenu de l'exhaustivité des études antérieures (McPhail, 1993). Il se peut aussi que d'autres paires aient existé dans la région mais qu'elles aient disparu avant qu'on ait pu les découvir.

Avant que la paire d'espèces d'épinoches du lac Enos ne soit amenée à céder la place à une population hybride, une population d'épinoches limnétiques du lac Enos a été introduite dans un étang du parc Murdo-Frazer, à North Vancouver, par l'ensemencement d'individus sauvages en 1988 et en 1999 (en vertu d'un permis du secteur des Pêches du ministère de l'Environnement, des Terres et des Parcs de la Colombie-Britannique). Une population viable a été confirmée au printemps 2002 (D. Schluter, données non publiées).

Un programme de reproduction en captivité est en cours à la University of British Columbia (UBC). Ce programme vise le rétablissement d'espèces limnétiques et benthiques « pures » à partir de la population du parc Murdo-Frazer et de la population hybride du lac Enos. La réussite finale de ce programme est incertaine.

Figure 2. Carte du sud-ouest de la Colombie-Britannique indiquant la répartition historique des paires d'espèces d'épinoches par des étoiles rouges (haut : île Texada, milieu : île Lasqueti, bas : île de Vancouver). Ce sont les seuls trois sites où l'on sait que des paires d'espèces d'épinoches ont existé. Au cours de la dernière décennie, la paire d'espèces de l'île Lasqueti a été désignée « disparue », et la paire d'espèces du lac Enos a été amenée à céder la place à une population hybride.

McPhail (1989) propose que la taille de la population de chacune des espèces du lac Enos était de l'ordre de 100 000 avant que ces espèces ne soient amenées à céder la place à une population hybride. Depuis, Matthews et al. (2000) ont estimé la taille de la population des épinoches benthiques à 22 000 et celle de la population des épinoches limnétiques à 37 000. Ces estimations sont probablement influencées par des facteurs confusionnels résultant de problèmes d'identification des espèces causés par une hybridation substantielle entre les épinoches limnétiques et benthiques. Comme la plupart des lacs contenant une paire d'espèces ont à peu près la même taille, l'estimation de l'abondance faite par McPhail (1989) pour le lac Enos devrait être assez précise pour les autres lacs.
Étant donné qu'aucune surveillance systématique de l'abondance n'a été effectuée dans aucun de ces lacs, les tendances démographiques demeurent inconnues (Hatfield, 2001a, b; Hatfield et Ptolemy, 2001). Cependant, les paires d'espèces d'épinoches des lacs Paxton et Priest ont été intensivement étudiées par les zoologistes de l'University of British Columbia (UBC) au cours des deux dernières décennies (ex. Schluter et McPhail, 1992; McPhail, 1994; Taylor et McPhail, 1999). Pendant tout ce temps, les deux espèces sont restées abondantes et ont été faciles à capturer en grands nombres au moyen de nasses (Hatfield, 2001b; Hatfield et Ptolemy, 2001).

Les paires d'espèces d'épinoches occupent un niveau trophique intermédiaire (Reimchen, 1992). Les épinoches limnétiques utilisent la zone pélagique des lacs pour s'alimenter et peuvent avoir une incidence sur la densité du plancton dans cette zone. Les épinoches benthiques s'alimentent principalement dans la zone littorale et influent sans doute sur la densité des invertébrés littoraux dont elles se nourrissent. Au stade juvénile, les épinoches sont la proie de plusieurs espèces d'invertébrés benthiques carnivores, tandis que les épinoches plus âgées sont capturées par des truites fardées côtières (Oncorhynchus clarkii clarkii), des oiseaux piscivores (ex. hérons [Ardea herodias], des martins-pêcheurs [Megaceryle alcyon] et des huards [Gavia immer]).

L'importance des paires d'espèces d'épinoches est principalement d'ordre esthétique et scientifique. Les paires d'espèces d'épinoche sont généralement considérées comme un trésor scientifique; elles sont aussi importantes d'un point de vue scientifique que les espèces de cichlidés des grands lacs africains et que les pinsons découverts par Darwin sur les îles Galapagos. Cela est principalement dû au fait que ces espèces comptent parmi les plus jeunes qui existent sur terre. L'évolution des nouvelles espèces se fait habituellement sur des millions d'années, mais les scientifiques croient que les paires d'espèces remontent à la fin de la dernière glaciation, il n'y a que 13 000 ans (McPhail, 1994; Schluter et McPhail, 1992). La vitesse avec laquelle ces espèces distinctes ont évolué a intrigué et passionné des scientifiques de partout dans le monde. Ces espèces constituent un remarquable sujet de recherches. Elles nous aideront à comprendre les processus biologiques et physiques responsables de l'incroyable diversité des organismes que nous voyons autour de nous. Les journaux, les magazines et les revues scientifiques ont publié l'histoire de la découverte de ces espèces et fait état des résultats des études scientifiques en cours.

Un écosystème lacustre sain qui devrait favoriser la prolifération des espèces limnétiques et benthiques comporte : un habitat littoral et un habitat pélagique abondant – la production secondaire de ces principaux types d'habitat étant suffisante pour soutenir des populations de l'ordre de dizaines de milliers d'individus pour chaque espèce – et une communauté de poissons uniquement constituée d'épinoches et de truites fardées. Parmi les caractéristiques environnementales particulières nécessaires au maintien de niveaux de population viables et d'un isolement entre les reproducteurs des espèces limnétiques et benthiques, mentionnons les suivantes : paramètres généraux liés à la qualité de l'eau (oxygène, température, pH et polluants), paramètres particuliers liés à la qualité de l'eau (transmission de la lumière, sels nutritifs), habitat littoral (étendue et productivité) et macrophytes. Les niveaux des lacs et l'étendue des macrophytes devraient être maintenus à l'intérieur des limites naturelles des conditions présentent dans les lacs contenant une paire d'espèces.

Nos connaissances des besoins liés à l'habitat nous viennent principalement des observations faites aux lacs Paxton et Enos, et on suppose que ces observations valent pour les autres paires d'espèces. Les besoins liés à l'habitat changent tout au long de l'année à chacun de leurs stades de développement. En général, les paires d'espèces d'épinoches fraient dans les zones littorales au printemps, adoptent les zones littorales et pélagiques comme aire de croissance au printemps et en été et, enfin, passent l'hiver en eaux profondes en automne et en hiver. Le cycle biologique des espèces est présenté au Tableau 1. Cycle biologique des paires d'espèces d'épinoches; une description détaillée de l'utilisation de l'habitat est présentée ci-après.

Tableau 1. Cycle biologique des paires d’espèces d’épinoches
Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Juil. Août Sep. Oct. Nov. Déc.
Espèces Stade 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4
Limnétique Frai x x x x x x x x
Incu-
bation
x x x x x x x x
Stade
juvénile
x x x x x x x x x x x x x x x x x x x
Stade
adulte
x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x
Hiver-
nage
x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x
Benthique Frai x x x x x x x x
Incu-
bation
x x x x x x x x
Stade
juvénile
x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x
Stade
adulte
x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x
Hiver-
nage
x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x

Les paires d'espèces d'épinoches fraient dans la zone littorale peu profonde des lacs (McPhail, 1994). Les mâles construisent leurs nids, qu'ils gardent et défendent, jusqu'à ce que les alevins soient âgés d'une semaine environ. Les nids et leur contenu demeurent vulnérables aux prédateurs de différentes sortes (Foster, 1994). Les épinoches benthiques construisent leurs nids sous le couvert des macrophytes ou d'autres structures, tandis que les épinoches limnétiques tendent à frayer dans des habitats à découvert (McPhail, 1994; Hatfield et Schluter, 1996).

L'étendue de l'habitat de frai disponible pourrait vraisemblablement limiter l'abondance de la population de certains lacs où les zones littorales peu profondes sont rares. Bien que cela soit possible pour les espèces limnétiques ou benthiques comportant de très grands effectifs de reproducteurs, il semble que l'étendue totale de l'habitat de frai disponible en zones littorales soit suffisamment importante dans chaque lac contenant une paire d'espèces, du moins dans les conditions actuelles (Hatfield, 2001a; Hatfield et Ptolemy, 2001).

Un enjeu plus important est la possibilité que des changements de la qualité de l'habitat littoral affectent l'isolement entre les reproducteurs des deux espèces. Des habitats littoraux homogènes peuvent empêchent les épinoches limnétiques et benthiques d'exercer des préférences pour des microhabitats particuliers (Hatfield et Schluter, 1996; Boughman, 2001). Ainsi, la perte de lits de macrophytes peut amener les épinoches limnétiques et benthiques à nicher à proximité immédiate, d'où une augmentation des probabilités d'hybridation entre les deux espèces (Hatfield et Schluter, 1996). Les femelles peuvent avoir de la difficulté à faire une distinction entre les mâles des différentes espèces si elles n'arrivent pas distinguer les habitats de nidification les uns des autres. Les lacs contenant une paire d'espèces présentent naturellement une abondance de macrophytes, ce qui facilite vraisemblablement un accouplement raisonné par l'expression de différences entre les habitats choisis par les mâles.

Dès qu'ils ne sont plus sous la protection des mâles, les alevins limnétiques et benthiques trouvent où se nourrir et où se cacher des prédateurs dans la zone littorale. Les lits de macrophytes constituent à la fois une source de nourriture (invertébrés benthiques associés aux fonds des lacs et aux surfaces couvertes de macrophytes) et une source de protection contre les prédateurs. On ne sait pas jusqu'à où va la division de l'habitat entre les alevins benthiques et limnétiques dans les lits de macrophytes, mais on sait que les deux espèces utilisent ce type d'habitat général. À mesure que les individus se développent, la division de l'habitat augmente vraisemblablement jusqu'à ce que les épinoches limnétiques migrent vers le centre des lacs pour se nourrir dans les zones pélagiques (Schluter, 1995). Le moment où les jeunes épinoches limnétiques se déplacent dans la région pélagique est probablement dicté par une combinaison de facteurs liés au taux de croissance relatif et au risque de prédation dans les habitats littoraux et pélagiques (Schluter, 2003), des facteurs qui peuvent varier d'un lac à l'autre et d'une année à l'autre. Les jeunes épinoches benthiques n'utilisent que les zones littorales durant leur croissance.

La disponibilité d'un habitat de croissance approprié pour les juvéniles pourrait limiter la taille des populations d'épinoches adultes, tant benthiques que limnétiques, mais on sait pas quand cela se produirait. Les lacs contenant une paire d'espèces (sauf dans le cas récent du lac Enos) se caractérisent par leur abondance en macrophytes, mais l'étendue de lits appropriés peut avoir une incidence différente sur la survie des jeunes épinoches, selon qu'elles appartiennent à la forme benthique ou à la forme limnétique. Un changement de l'abondance relative des proies benthiques et planctoniques peut modifier le milieu sélectif des épinoches (Schluter et McPhail, 1993; Schluter, 1994, 1995, 2003; Vamosi et al., 2000). Ainsi, la perte d'un habitat de croissance approprié pour les épinoches benthiques peut augmenter la valeur adaptative relative des épinoches limnétiques ou hybrides aux dépens des espèces benthiques, ce qui peut faire augmenter la fréquence de l'hybridation et amener une paire d'espèces à céder la place à une population hybride.

Les épinoches limnétiques adultes (excepté les mâles au moment de la nidification) se nourrissent de zooplancton dans la zone pélagique des lacs, tandis que les épinoches benthiques adultes se nourrissent d'invertébrés benthiques dans la zone littorale (Schluter, 1995). Des habitats littoraux et pélagiques productifs sont nécessaires à la persistance des paires d'espèces d'épinoches.

L'abondance des épinoches benthiques et limnétiques repose sans doute sur de nombreux facteurs, mais on assume que la superficie totale et la productivité secondaire des zones littorales et pélagiques ont une incidence importante. Les changements liés à l'habitat qui influent sur la taille corporelle (ex. taux de croissance inférieur ou taille réduite à la maturité) peuvent se traduire par une moins grande discrimination entre les partenaires et une hybridation accrue entre les épinoches limnétiques et benthiques, la taille corporelle étant le principal facteur déterminant du choix des partenaires (Nagel et Schluter, 1998).

À la fin de l'été, les individus commencent à migrer vers des eaux plus profondes où ils passent l'hiver. On en connaît peu sur les besoins liés à l'habitat des épinoches limnétiques et benthiques à cette étape, sauf que les données relatives au piégeage et au seinage indiquent d'une manière constante qu'elles vivent en eaux plus profondes au début de l'automne et en hiver.

Les paires d'espèces d'épinoches semblent n'avoir supporté la présence que d'une seule autre espèce de poissons, c'est-à-dire la truite fardée côtière (Vamosi, 2003). Le maintien d'une communauté écologique simple est nécessaire au maintien des paires d'espèces, comme en témoigne l'extinction rapide de la paire d'espèces du lac Hadley après introduction de la barbotte (Ameiurus nebulosus; Hatfield, 2001b).

Une productivité élevée des deux habitats principaux (par opposition à ce qui prévaut pour la plupart des autres lacs côtiers) est nécessaire à la persistance des paires d'espèces. Qui plus est, la production secondaire devrait être relativement semblable dans les deux habitats (malgré qu'on ne connaisse pas les productivités absolues et relatives des proies nécessaires au maintien des paires d'espèces). L'abondance des épinoches est sans doute fortement corrélée avec la production secondaire disponible, et une production plus faible augmentera vraisemblablement le risque de disparition. On présume également que le risque de disparition augmentera si la productivité relative de chaque type d'habitat est modifiée au-delà de ses limites normales. Si la productivité d'un habitat diminue d'une façon importante, une hybridation accrue peut survenir chez l'une ou l'autre des espèces. Figure 3. Types de productivités benthiques et pélagiques et conséquences probables pour les paires d'espèces d'épinoches. La production secondaire disponible (représentée par l'aire de chaque cercle) doit être élevée et à peu près équivalente dans les deux principaux habitats pour éviter la disparition (scénario A). Lorsque la production diminue dans un ou plusieurs habitats, la disparition (illustrée par un X rouge) devient plus probable pour une espèce ou les deux (scénarios B à D).

Les caractéristiques environnementales particulières nécessaires au maintien de niveaux de population sûrs et d'un isolement entre les reproducteurs des espèces limnétiques et benthiques sont présentées ci-après.

Figure 3. Types de productivités benthiques et pélagiques et conséquences probables pour les paires d'espèces d'épinoches. La production secondaire disponible (représentée par l'aire de chaque cercle) doit être élevée et à peu près équivalente dans les deux principaux habitats pour éviter la disparition (scénario A). Lorsque la production diminue dans un ou plusieurs habitats, la disparition (illustrée par un X rouge) devient plus probable pour une espèce ou les deux (scénarios B à D).

Les paires d'espèces d'épinoches sont en péril lorsque la qualité de l'eau se dégrade au-delà de certains niveaux (oxygène, température, pH ou polluants). En tant que groupe, les épinoches peuvent survivre à l'intérieur de limites assez étendues de conditions liés à la qualité de l'eau. Les normes provinciales actuelles sur les paramètres de qualité de l'eau à respecter pour assurer la protection de la vie aquatique sont des paramètres de base appropriés pour les lacs contenant une paire d'espèces d'épinoches (voir http://srmwww.gov.bc.ca/risc/pubs/aquatic/interp/index.htm). Cependant, certains aspects de la qualité de l'eau des lacs contenant une paire d'espèces doivent être maintenus à l'intérieur de limites beaucoup plus étroites que celles nécessaires à la survie des individus à court terme. Voici une description de ces paramètres.

Un enjeu significatif pour les paires d'espèces d'épinoches est la question de savoir comment des changements dans la qualité de l'eau peuvent affecter les barrières assurant l'isolement entre les reproducteurs (Boughman, 2001). En particulier, on s'inquiète du fait que des hausses de la turbidité altérant la transmission des différentes longueurs d'onde lumineuses puissent modifier les mécanismes comportementaux qui sous-tendent la reconnaissance et le choix des partenaires (voir Seehausen et al., 1997). Les différences de coloration entre les épinoches benthiques et limnétiques sont des indices clés dans le choix des partenaires (Boughman, 2001). C'est pourquoi des changements liés à la concentration des matières solides en suspension, au carbone organique dissous (ex. tanins) ou à d'autres aspects de la chimie de l'eau qui affectent la transmission de la lumière peuvent perturber la reconnaissance des partenaires.

Les facteurs affectant la transmission de la lumière doivent conséquemment être maintenus à l'intérieur des limites naturelles des conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces. Des changements dans la qualité de l'eau entraînant un dépassement de ces limites peuvent altérer la discrimination entre les partenaires, augmenter la fréquence de l'hybridation et amener une paire d'espèces à céder la place à une population hybride (voir Seehausen et al., 1997).

La production du phytoplancton et des algues benthiques est à la base de la chaîne alimentaire aquatique et est déterminée par la disponibilité de sels nutritifs dans la colonne de l'eau, qui est elle-même fonction de la géologie du réseau hydrographique. Des populations uniques d'épinoches existent pour une grande variété de productivités des lacs de la Colombie-Britannique (Lavin et McPhail, 1985, 1986, 1987). En revanche, des paires d'espèces d'épinoches n'existent que dans des lacs dont les productivités sont relativement élevées, ces lacs étant typiquement situés dans des réseaux hydrographiques comportant des lits de roches calcaires (McPhail 1994; données non publiées de Schluter). On pense que l'évolution des paires d'espèces d'épinoches repose essentiellement sur des niveaux de production d'invertébrés benthiques et pélagiques qui ont favorisé une adaptation exclusive à une ressource alimentaire pélagique (zooplankton) ou littorale (invertébrés benthiques). Voir la Figure 3. Types de productivités benthiques et pélagiques et conséquences probables pour les paires d'espèces d'épinoches. La production secondaire disponible (représentée par l'aire de chaque cercle) doit être élevée et à peu près équivalente dans les deux principaux habitats pour éviter la disparition (scénario A). Lorsque la production diminue dans un ou plusieurs habitats, la disparition (illustrée par un X rouge) devient plus probable pour une espèce ou les deux (scénarios B à D). Un changement dans l'équilibre nutritif altérant la productivité relative du zooplancton et du benthos pourrait par conséquent modifier le milieu adaptatif des paires d'espèces d'épinoches (Schluter 1995; Vamosi et al., 2000). Qui plus est, ce changement pourrait amener deux espèces à céder la place à une population hybride en altérant la valeur adaptative des épinoches limnétiques, des épinoches benthiques ou des hybrides.

Une augmentation de la concentration des sels nutritifs peut modifier les productivités relatives des zones benthiques et pélagiques en favorisant : soit la production d'algues insapides qui ne peuvent pas être consommées par le zooplancton, soit la prolifération du phytoplancton qui réduit l'abondance des macrophytes due à l'ombrage (Wetzel, 2001). Il faudrait éviter les pratiques d'utilisation des terres qui mènent à l'eutrophication des lacs et maintenir également les concentrations en sels nutritifs (azote, phosphore, alcalinité totale) à l'intérieur des limites naturelles des conditions présentent dans les lacs contenant une paire d'espèces d'épinoches.

La persistance des épinoches benthiques dépend d'une production de la zone littorale suffisante pour soutenir une grande population d'individus benthiques. L'étendue physique de la zone littorale dépend de la forme du bassin lacustre et de la quantité d'eau que renferme ce bassin. Le profil bathymétrique d'un lac est géomorphologiquement fixe et n'est pas aisément altérable par l'homme. La quantité d'eau que renferme un bassin est fonction non seulement du climat, mais aussi de l'activité humaine (constructton de barrages et extraction de l'eau), ce qui influe sur l'étendue de l'habitat disponible et, par conséquent, sur la taille des populations d'épinoches.

La productivité des zones littorales est déterminée par des facteurs physiques et biologiques, y compris la profondeur de la zone euphotique, la présence de macrophytes, les types de sol, les concentrations en sels nutritifs, la surperficie qui peut être colonisée par le benthos et les interactions entre les espèces. La production littorale est confinée à des zones peu profondes en bordure des lacs, où la pénétration de la lumière est suffisante pour soutenir une production importante de macrophytes et d'algues. Le niveau de compensation (profondeur à laquelle l'énergie lumineuse est suffisante pour que le gain d'énergie obtenu par la photosynthèse demeure égal à la perte d'énergie due à la respiration [zone euphotique]) est habituellement défini comme étant la profondeur à laquelle l'irradiance correspond à 1 % de l'irradiance mesurée en surface (Wetzel, 2001). Dans la pratique, la profondeur de la zone littorale est la profondeur maximale à laquelle on trouve une végétation aquatique enracinée, ce qui excède rarement 10 m dans la plupart des lacs, la majorité de la production photosynthétique se produisant à une profondeur inférieure à 3 m.

Le maintien de la zone littorale est très important pour la persistance des paires d'espèces d'épinoches. Aussi faut-ils éviter tout changement du niveau d'eau dépassant les limites naturelles des conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces. L'étendue relative de l'habitat littoral peut avoir une incidence sur l'isolement entre les reproducteurs pendant la nidification, la croissance et la survie des jeunes épinoches des deux espèces, l'abondance des adultes et leur taille individuelle ainsi que la valeur adaptative des hybrides. Une variation de l'étendue de l'habitat littoral qui dépasse les limites naturelles des conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces augmentera de manière importante la probabilité que ces espèces soient amenées à céder la place à une population hybride. Les preuves génétiques indiquent que l'hybridation historique a été considérablement plus élevée pour les espèces du lac Paxton que pour les autres paires d'espèces (E. Taylor, données non publiées). Or, ce lac a subi les plus grands rabattements de son niveau par le biais de prélèvements d'eau, et il existe un lien présumé entre les deux phénomènes.

Comme il est indiqué ci-devant, les lits de macrophytes sont les principaux lieux de nidification pour les épinoches benthiques, les principaux habitats de croissance pour les jeunes épinoches des deux espèces et une zone d'alimentation pour les épinoches benthiques adultes. Les macrophytes sont une caractéristique clé qui favorise la reconnaissance des partenaires, étant donné que le choix différentiel du lieu de nidification selon le couvert de macrophytes maintient un certain degré d'isolement spatial entre les géniteurs limnétiques et benthiques (McPhail,1994; Hatfield et Schluter, 1996). Les macrophytes contribuent également de manière significative à la production de macroinvertébrés benthiques dont se nourrissent les espèces benthiques d'épinoches. Ceci explique pourquoi les macrophytes permettent de limiter l'hybridation et jouent un rôle significatif dans le maintien d'un équilibre entre la production d'organismes benthiques et d'invertébrés, un équilibre essentiel au maintien des deux espèces.

On peut décrire la variété de menaces qui pèsent sur les paires d'espèces en s'appuyant sur l'expérience acquise dans d'autres réseaux hydrographiques, puis déterminer l'ordre de priorité de ces menaces d'après un jugement professionnel. Le tableau ci-après contient un résumé de ces menaces, mais une description détaillée de celles-ci a été faite par Hatfield (2003). Les efforts de rétablissement immédiats devraient se concentrer sur les enjeux énoncés ci-après. L'établissement d'un ordre de priorité ne diminue en rien l'importance des autres menaces ou ne veut pas dire que celles-ci ne sont pas dignes d'attention. À l'heure actuelle, on ne peut pas mener une évaluation quantitative des risques associés aux menaces qui pèsent sur les paires d'espèces d'épinoches en raison du manque d'information disponible quant aux effets des différentes menaces sur les indices vitaux des populations (ex. hybridation, croissance, survie, succès reproducteur). Un sommaire de la situation de chaque population et des menaces qui pèsent sur elles est présenté au Tableau 2. Sommaire de la désignation des paires d'espèces d'épinoches et des menaces qui pèsent sur elles dans leur lac d'origine.

Tableau 2. Sommaire de la désignation des paires d'espèces d'épinoches et des menaces qui pèsent sur elles dans leur lac d'origine.
Lac Hadley Lac Enos Lac Paxton Ruisseau Vananda
Désignation du COSEPAC disparue en voie de disparition en voie de disparition en voie de disparition
Désignation actuelle de la population disparue population hybride apparemment stable apparemment stable
Truite fardée présumément absente absente rare présente
Espèces introduites barbotte écrevisse signal aucune aucune
Utilisation de l'eau
  • régulation de la décharge,
  • utilisation de l'eau inconnue à l'heure actuelle (utilisation mineure présumée)
  • régulation de la décharge,
  • utilisation de l'eau inconnue à l'heure actuelle
  • régulation de la décharge,
  • aucune utilisation de l'eau à l'heure actuelle,
  • quantités autorisées selon les permis en vigueur relativement importantes par rapport au volume du lac et à ses apports
  • régulation des décharges
  • utilisation modérée de l'eau à l'heure actuelle,
  • quantités autorisées selon les permis en vigueur relativement importantes par rapport au volume des lacs et à ses apports
Exploitation forestière exploitation mineure présumée
  • exploitation mineure à l'heure actuelle,
  • terres adjacentes privées
  • exploitation mineure récente,
  • terres adjacentes privées
  • certaine exploitation récente,
  • terres adjacentes publiques et privées
Autres utilisations des terres
  • certaine construction résidentielle en milieu rural,
  • route adjacente à la décharge
constrution résidentielle posssible
  • carrière de pierre calcaire adjacente,
  • exploitation minière historique dans le secteur
  • certaine construction résidentielle en milieu rural,
  • routes et pipeline adjacents,
  • exploitation minière historique dans le secteur

Les paires d'espèces semblent dépendre essentiellement du maintien de plusieurs facteurs écologiques, y compris le maintien d'une communauté de poissons constituée uniquement, à l'état naturel, d'épinoches et de truites fardées (Vamosi, 2003).

La paire d'espèces du lac Hadley est rapidement disparue après l'introduction de la barbotte (Ameiurus nebulosus), qui capturait ou gênait probablement les épinoches au stade de la nidification, ce qui a provoqué l'échec complet du recrutement (Hatfield, 2001a). La barbotte a été introduite dans le Hadley au début des années 1990 et, dès 1995, l'épinoche avait disparu de ce lac (Hatfield, 2001a). Ceci illustre la vulnérabilité de l'épinoche et la vitesse à laquelle une paire d'espèces peut être affectée par une espèce introduite. La paire d'espèces du lac Enos, quant à elle, a été amenée à céder la place à une population hybride (Kraak et al., 2001; D. Schluter et E. Taylor, données non publiées), et l'apparition récente de l'écrevisse signal (Pacifastacus leniusculus) aurait contribué à ce phénomène. Les mécanismes par lesquels les écrevisses affectent l'épinoche peuvent être directs (ex. prédation ou déplacement hors de l'habitat de nidification) ou indirects (ex. compétition pour des ressources alimentaires, turbidité accrue, changement dans la répartition des macrophytes). Il faut souligner cependant que les effets ultimes (ex. déclins de population importants) de l'introduction de l'écrevisse sur les populations d'épinoches ont été observés ailleurs (Foster et al., 2003).

La menace que pose l'introduction d'espèces vient aussi d'un certain nombre d'autres espèces présentes dans des lacs voisins et qui se dispersent dans toute la région. Ces espèces, qui comprennent l'achigan à petite bouche et l'achigan à grande bouche (Micropterus salmoides et M. dolomieu), le crapet-soleil (Lepomis gibbosus) et la perchaude (Perca flavescens), sont généralement dispersées par des pêcheurs à la ligne et d'autres personnes. Les menaces possibles comprennent aussi la dispersion d'amphibiens comme le ouaouaron (Rana catesbeiana) et d'espèces végétales aquatiques envahissantes comme la myriophylle en épi (Myriophyllum spicatum) et la salicaire (Lythrum salicaria). Bien que les paires d'espèces d'épinoches aient co-évolué avec la truite fardée (McPhail, 1994), nul ne sait dans quelle mesure les paires d'espèces seraient affectées par l'introduction d'autres salmonidés indigènes, dont la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss), ou de poissons indigènes autres que des salmonidés, comme le chabot (Cottus sp.). Ces espèces envahisssantes possibles pourraient affecter les paires d'espèces d'épinoches par le truchement d'un certain nombre de mécanismes, dont la prédation des adultes, des jeunes ou des nids; la compétition pour les ressources alimentaires pélagiques ou littorales; l'introduction de maladies; un changement dans la qualité de l'eau pouvant affecter les décisions d'accouplement ou les ressources alimentaires.

On s'inquiète des répercussions possibles des activités d'aménagement sur la qualité de l'eau et les quantités d'eau, deux caractéristiques qui peuvent modifier l'écologie d'un lac au détriment d'une paire d'espèces. Les permis d'utilisation des eaux dictent les paramètres de déviation et de stockage de l'eau et ont par conséquent une incidence directe sur les niveaux d'un lac. Les quantités autorisées selon les permis en vigueur sont relativement importantes par rapport au volume de certains lacs et à leur zone de captage. Par exemple, les permis d'utilisation des eaux en vigueur pour le lac Paxton autorisent des déviations annuelles deux fois supérieures au volume du lac, dont les apports sont pourtant peu importants en raison d'une petite zone de captage et de précipitations limitées. Il y a eu dans le passé des rabattements importants du niveau d'eau attribuables à des travaux miniers (Larson, 1976).

Selon le moment où ils surviennnent et leur durée, les rabattements des niveaux d'eau peuvent causer une perte de l'étendue de la zone littorale effective disponible pour l'alimentation et la nidification. Des rabattements importants peuvent réduire le volume et la profondeur d'un lac au point d'entraîner la disparition complète de l'habitat pélagique et de ne laisser intact que l'habitat littoral. L'augmentation des niveaux d'eau causée par la construction de barrages à la décharge des lacs peut également modifier l'étendue de l'habitat littoral, selon la morphologie du réseau hydrographique. De grandes fluctuations ont des effets sur la productivité littorale et le volume pélagique et ont sans doute un effet direct sur les épinoches en limitant de façon importante leurs habitats de frai et d'alimentation.

Il y a eu de nombreuses activités d'aménagement des terres dans les réseaux hydrographies où se trouvent les paires d'espèces : sylviculture, exploitation minière, contruction de routes, construction de pipelines et construction domiciliare (Larson, 1976; McPhail, 1994). Les principales préoccupations liées à ces activités comprennent les effets cumulatifs sur la qualité de l'eau qui peuvent conduire à l'eutrophication, à la sédimentation et à la destruction/l'altération de l'habitat. Le plus grand de ces risques semble être l'introduction de sédiments en suspension (c.-à-d. turbidité accrue), mais il est actuellement difficile de mesurer ce risque.

Des effets supplémentaires peuvent résulter d'autres activités, y compris la pêche, les loisirs, les maladies, le changement climatique et la pollution. Ces menaces préoccupent l'équipe de rétablissement, mais on pense qu'elles représentent un moins grand rique pour les paires d'espèces que les autres menaces énuméres ci-devant. On peut gérer efficacement bon nombre de ces menaces par l'élaboration et la mise en œuvre de pratiques en matière bonne intendance.

Les tendances relatives à l'habitat, tant au chapitre de la qualité et que de la quantité, varient entre les réseaux hydrographiques contenant une paire d'espèces. Elles ne peuvent être évaluées que qualitativement, aucun des lacs n'ayant fait l'objet d'une surveillance systématique.

Les permis d'utilisation des eaux actuels permettent un prélèvement de volumes importants dans les lacs Paxton et Emily ainsi que de volumes modérés dans le lac Priest. On ne peut pas déterminer directement les tendances historiques de l'utilisation de l'eau, car l'utilisation de l'eau n'a pas été mesurée dans tous réseaux hydrographiques de l'île Texada. Selon Larson (1976), des prélèvements effectués dans le lac Paxton ont entraîné d'importants rabattements du niveau d'eau dans le passé. Néanmoins, l'utilisation industrielle de l'eau a diminué au cours des 30 dernières années, les activités minières étant passées de l'extraction souterraine de minerais à l'exploitation de carrières de calcaire à ciel ouvert. Si une réduction de l'utilisation de l'eau a probablement eu un effet positif sur la stabilité et la productivité des habitats littoraux et pélagiques, il reste que les activités terrestres pourraient éventuellement avoir des répercussions négatives sur les habitats lacustres. C'est dans le réseau hydrographique du lac Paxton que l'exploitation minière et forestière a été la plus importante. Les répercussions de l'utilisation des terres sont difficiles à quantifier pour la plupart.

Les permis d'utilisation des eaux actuels pour le lac Hadley permettent d'importants stockages et prélèvement d'eau par rapport au volume et aux apports d'eau du lac. Les activités d'aménagement du territoire mises en œuvre dans le réseau hydrographique comprennent la construction de routes, la construction résidentielle et, peut-être, une exploitation forestière mineure. Ces activités pourraient éventuellement avoir un effet négatif sur les habitats lacustres, mais on suppose qu'elles ont des conséquences relativement mineures à l'heure actuelle. La barbotte introduite pourrait avoir eu des répercussions sur l'habitat littoral, mais on ne connaît ni la portée ni l'ampleur de celles-ci.

Les permis d'utilisation des eaux récemment délivrés pour le lac Enos permettent d'importants stockages et prélèvements d'eau, et un nouveau barrage a été construit à la décharge du lac. On n'a quantifié ni l'utilisation actuelle et historique de l'eau, ni ses effets sur la stabilité et la productivité des habitats littoraux et pélagiques. Il s'est probablement produit des changements dans l'habitat littoral et dans l'équilibre nutritif après la hausse du niveau du lac (Stockner et al., 2000). Les activités terrestres sont actuellement minimales, mais elles s'accroîtront probablement avec l'expansion du projet Fairwinds (construction d'un grand ensemble résidentiel incluant un terrain de golf sur des terres privées autour du lac Enos). Les répercussions négatives ou positives de l'ensemble résidentiel sur les habitats lacustres sont difficiles à prévoir tant que les plans n'auront pas été évalués en détail. L'abondance des macrophytes littoraux semble avoir diminué considérablement; il est possible que les écrevisses, qui ont été introduites, aient modifié l'habitat littoral.

À l'heure actuelle, aucune des terres entourant les lacs contenant une paire d'espèces n'est officiellement protégée, et ce, malgré l'inscription de la paire d'espèces du ruisseau Vananda à titre d'espèce sauvage désignée (Identified Wildlife Species) sur la liste de la Forest and Range Practices Act (Wood et al., 2003) et l'élaboration en cours de prescriptions relatives à une aire d'habitat de la faune (Wildlife Habitat Area) . Cette aire d'habitat de la faune et ses prescriptions connexes devraient permettre de protéger les paires d'espèces contre les effets négatifs possibles de l'exploitation forestière. Comme cette aire d'habitat de la faune et ses prescriptions connexes n'ont pas encore été peaufinées, leur efficace demeure incertaine. Les terres entourant les lacs de l'île Texada devraient être considérées comme étant de la plus haute priorité pour les programmes d'intendance et de conservation des habitats.

Dans la LEP, l'habitat essentiel est défini comme « l'habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d'une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d'action élaboré à l'égard de l'espèce. » Les paires d'espèces d'épinoches utilisent à la fois les zones pélagiques et les zones littorales des lacs où elles sont présentes, et ce, tant pour se reproduire que pour s'alimenter (McPhail, 1993, 1994). Cependant, on n'a pas encore défini l'habitat essentiel pour aucune des paires d'espèces d'épinoches. La définition de l'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches est une étape importante à franchir pour, d'une part, satisfaire aux objectifs du rétablissement et, d'autre part, faciliter l'imposition de limites acceptables aux activités qui ont une incidence sur ces espèces.

Les populations uniques (c'est-à-dire celles qui sont présentes dans un lac sous une seule forme possible) peuvent survivre à l'intérieur de limites étendues de conditions relatives à l'habitat et sont assez résilientes aux changements qui y surviennent (Wooton 1976; Bell et Foster, 1994). Les paires d'espèces d'épinoches, en revanche, ont une aire de répartition très restreinte, ont des besoins beaucoup plus précis quant à leur habitat et sont beaucoup plus sensibles aux changements qui y surviennent (p. ex. Bentzen et McPhail 1984; Schluter et McPhail, 1992). Toutes les populations d'épinoches lacustres ont des besoins liés aux habitats qui couvrent la majeure partie des lacs – habitat de frai (généralement la zone benthique littorale à proximité du rivage), habitat de croissance pour les juvéniles (généralement la zone littorale), habitat de croissance pour les adultes (généralement les zones littorales et pélagiques) (Wooton, 1976; Bell et Foster, 1994). L'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches devrait inclure non seulement ces aspects de l'habitat (c'est-à-dire un habitat de frai et de croissance), mais aussi d'autres aspects particuliers grâce auxquels les espèces peuvent coexister sans être amenées à céder la place à une population hybride. Autrement dit, on doit se préoccuper tout autant de la perte des habitats de frai et de croissance que de changements minimes de la turbidité (incidence possible sur la transmission de la lumière et conséquemment sur l'identification des partenaires) ou dans la chimie de l'eau (incidence possible sur la productivité benthique ou littorale), car de tels changements peuvent causer une hybridation et amener une paire d'espèces à céder la place à une population unique. Des aspects écologiques particuliers de ce type, qui ne sont habituellement pas inclus dans la définition de l'habitat habitat essentiel, peuvent être pris en considération pour les paires d'espèces d'épinoches. La nature exacte de ces facteurs reste à déterminer; aussi faudra-t-il pousser les recherches pour qu'on puisse parvenir à définir l'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches. Étant donné que la délimitation de l'habitat essentiel nécessitera beaucoup d'efforts et de temps, on devra se concentrer d'abord sur les composants de l'habitat qui peuvent contrecarrer l'hybridation et qui sont les plus susceptibles d'être affectés par l'activité humaine.

Voici les deux composantes clés de l'habitat essentiel pour les paires d'espèces d'épinoches.

  1. Les caractéristiques qui déterminent l'abondance des épinoches limnétiques et benthiques.
  2. Les caractéristiques qui assurent une reconnaissance adéquate des partenaires.

L'habitat essentiel doit donc être un ensemble de caractéristiques environnementales dont l'altération ou la perte entraîne une réduction de l'abondance d'une population à un niveau qui n'est plus viable ou une suppression suffisante des barrières entre les reproducteurs pour amener une paire d'espèces à céder la place à une population hybride.

Les besoins généraux des paires d'espèces, qui sont décrits en détails à la Section 2, nous aideront à définir l'habitat essentiel des paires d'espèces mais des recherches additionnelles seront nécessaires, en général, pour obtenir une description plus exacte de l'habitat essentiel et sa délimitation précise sur le terrain. Les différentes caractéristiques qui pourraient être incluses à l'habitat essentiel sont présentées ci-après. Elles sont accompagnées de descriptions qui seront mises à jour lorsque l'information nécessaire sera disponible.

L'importance de la zone littorale pour la persistance des paires d'espèces d'épinoches laisse supposer qu'une partie très importante de la zone littorale pourrait être désignée en tant qu'habitat d'une productivité potentielle élevée. En général, il faut éviter tout changement du niveau d'eau dépassant les limites naturelles des conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces d'épinoches. L'étendue relative de l'habitat littoral peut avoir une incidence sur l'isolement entre les reproducteurs pendant la nidification; la croissance et la survie des jeunes épinoches des deux espèces; l'abondance des adultes et leur taille individuelle; la valeur adaptative des hybrides. Une variation de l'étendue de l'habitat littoral qui dépasse les limites naturelles présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces augmentera la probabilité que ces espèces ne soient amenées à céder la place à une population hybride. Les preuves génétiques indiquent que l'hybridation historique a été considérablement plus élevée pour les espèces du lac Paxton que pour les autres paires d'espèces (E. Taylor, données non publiées). Or, ce lac a subi les plus grands rabattements de son niveau par le biais de prélèvements d'eau.

Les lits de macrophytes méritent d'être désignés en tant qu'habitat d'une productivité potentielle élevée, étant donné leur rôle clé en tant qu'habitat de croissance et de frai ainsi que dans le processus médiateur qui maintient l'isolement entre les reproducteurs des espèces limnétiques et benthiques. On ne connaît actuellement pas les limites naturelles de conditions propices à la répartition et à l'abondance des lits de macrophytes au fil du temps. On ne sait pas non plus précisément jusqu'où peut aller la perte de macrophytes avant que les taux d'hybridation atteignent un niveau auquel les espèces sont amenées à céder la place à une population hybride. Nous recommandons donc que l'abondance et la répartition des macrophytes soient maintenues à l'intérieur des limites naturelles des conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces d'épinoches.

La zone pélagique, qui est la principale aire de croissance des épinoches limnétiques, doit être d'une superficie et d'une qualité suffisantes pour soutenir une forte population d'épinoches limnétiques. Les caractéristiques de l'habitat pélagique associées à une productivité potentielle élevée comprennent l'équilibre nutritif, la qualité de l'eau et la zone littorale (qui est liée au volume pélagique).

On sait peu de choses sur l'habitat d'hivernage, sauf le fait que les paires d'espèces semblent passer l'hiver dans des portions plus profondes des lacs. D'autres travaux sont nécessaires pour qu'on puisse inclure une description de l'habitat d'hivernage dans une définition de l'habitat essentiel.

Les paires d'espèces d'épinoches n'ont évolué et survécu qu'en présence d'une seule autre espèce de poissons, soit la truite fardée côtière (Vamosi, 2003). Cette communauté écologique simple pourrait être considérée comme un composant de l'habitat essentiel.

L'eau est essentielle aux espèces aquatiques, et celles-ci sont en péril lorsque la qualité de l'eau se dégrade au-delà de seuils précis pour l'oxygène, la température, le pH ou les polluants. Les normes provinciales actuelles sur les paramètres de qualité de l'eau à respecter pour assurer la protection de la vie aquatique sont des paramètres de base appropriés pour les lacs contenant une paire d'espèces d'épinoches (voir http://srmwww.gov.bc.ca/risc/pubs/aquatic/interp/index.htm). Cependant, certains aspects de la qualité de l'eau des lacs contenant une paire d'espèces doivent être maintenus à l'intérieur de limites beaucoup plus étroites que celles nécessaires à la survie des individus à court terme. (voir la transmission de la lumière et l'équilibre nutritif).

Les aspects de la chimie de l'eau qui ont une incidence sur la transmission de la lumière pourraient faire partie de la définition de l'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches parce que les changements à cet égard peuvent perturber la reconnaissance des partenaires et, par conséquent, l'isolement entre les reproducteurs (Boughman, 2001). À l'heure actuelle, les liens entre les divers facteurs de qualité de l'eau et les préférences d'accouplement n'ont pas été établis avec suffisamment de précision pour qu'on puisse les inclure dans une définition détaillée de l'habitat essentiel. Cependant, en raison de l'importance de cet aspect, nous suggérons, dans l'intérim, que les facteurs ayant une incidence sur la transmission de la lumière soient maintenus à l'intérieur des limites naturelles des conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces.

On pense que l'évolution et la survie des paires d'espèces d'épinoches ont été possibles grâce au maintien de certains niveaux de production d'invertébrés benthiques et pélagiques, ce qui a permis une adaptation exclusive à une ressource alimentaire, soit pélagique (zooplancton), soit littorale (invertébrés benthiques). Ainsi, un changement dans l'équilibre nutritif altérant la productivité relative du zooplancton et du benthos pourrait modifier le milieu adaptatif des paires d'espèces d'épinoches (Schluter, 1995; Vamosi et al., 2000), ce qui les amènerait à s'hybrider excessivement et à céder la place à une population unique. Étant donné que le lien précis entre l'équilibre nutritif et la survie des paires d'espèces d'épinoches n'est pas connu à l'heure actuelle, on suggère que la définition de l'habitat essentiel des paires d'espèces comprenne des concentrations en sels nutritifs qui se situent à l'intérieur des limites naturelles des conditions présentes dans ces lacs.

Voici quelles sont les recherches requises pour préciser les limites des conditions naturellement présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces et les aspects de l'habitat qui doivent être maintenus pour assurer la persistance à long terme des paires d'espèces.

  1. Relever et combler les lacunes dans les connaissances (cycle biologique et utilisation de l'habitat) qui empêchent une définition objective de l'habitat essentiel. (2006-2008)
  2. Déterminer les niveaux de population minimaux acceptables pour les épinoches limnétiques et benthiques qui assureront la persistance des espèces. (2006-2008)
  3. Élaborer des lignes directrices sur la qualité de l'eau pour les lacs contenant une paire d'espèces. (2006-2007)
  4. Cartographier l'étendue actuelle de l'habitat littoral et l'étendue des macrophytes. (2006-2008)
  5. Déterminer les effets des écrevisses sur le recrutement et sur l'habitat essentiel des épinoches. (2006-2008)
  6. Définir les niveaux acceptables de fluctuations/de rabattement du niveau de l'eau qui assureront la persistance des paires d'espèces, en se basant sur l'étendue de l'habitat littoral à différents niveaux d'eau, des données historiques et la comparaison entre les conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces et ceux contenant une seule espèce. (2006-2008)
  7. Déterminer les limites acceptables des conditions propices à la production d'invertébrés pour les habitats benthiques et pélagiques qui assureront la persistance des paires d'espèces, en établissant une comparaison entre les lacs contenant une paire d'espèces et ceux contenant une seule espèce. (2006-2008)

Le but du présent programme de rétablissement est de maintenir la persistance à long terme de toutes les paires d'espèces d'épinoches historiques. Il est probable que ces espèces demeureront toujours plus ou moins en péril en raison de leur aire de répartition extrêmement limitée.

Court terme (sur les cinq prochaines années)

  1. Maintenir des populations autosuffisantes de paires d'espèces d'épinoches dans le réseau hydrographique du lac Paxton et dans celui du ruisseau Vananda.
  2. Établir des populations en captivité de la paire d'espèces d'épinoches du lac Enos.

Long terme (sur les vingt prochaines années)

  1. Maintenir des populations autosuffisantes de paires d'espèces d'épinoches dans le réseau hydrographique du lac Paxton et dans celui du ruisseau Vananda.
  2. Établir une population viable de la paire d'espèces d'épinoches du lac Enos, de préférence dans le lac Enos, ou voir à son rétablissement.
  3. Réintroduire une paire d'espèces d'épinoches dans le lac Hadley à partir d'une population historique.

Les stratégies relevées par l'équipe de rétablissement pour permettre d'atteindre les buts et les objectifs du rétablissement entrent dans les trois grandes catégories complémentaires suivantes : intendance, protection et recherche. Les voici.

  1. Favoriser la sensibilisation aux paires d'espèces d'épinoches (y compris leur importance unique dans les études évolutionnistes et reconnue internationalement), à leur état de conservation et aux menaces pour leur persistance par l'éducation et la participation directes des intervenants dans la mise en œuvre du rétablissement.
  2. Maintenir et, dans la mesure du possible, augmenter l'intégrité écologique des lacs contenant une paire d'espèces, particulièrement les caractéristiques de l'habitat qui permettent la persistance des paires d'espèces.
  3. Accroître la compréhension scientifique des paires d'espèces d'épinoches, des menaces pour leur persistance et des mécanismes associés à des menaces précises.

L'approche générale recommandée pour la mise en œuvre de ces stratégies comprend :

Une description des approches et des mesures recommandées se trouve au Tableau 3. Stratégies classées par ordre de priorité et mesures recommandées pour le rétablissement des paires d'espèces d'épinoches.

Tableau 3. Stratégies classées par ordre de priorité et mesures recommandées pour le rétablissement des paires d'espèces d'épinoches.
Priorité1 Stratégie Mesures Mesure de rendement 2
Nécessaire Établir et soutenir des groupes de mise en œuvre des mesures de rétablissement (GMOMR) pour l'île Texada et le lac Enos.
  • Inviter les intervenants et les parties intéressées à participer à un ou à plusieurs GMOMR. (En raison de la séparation géographique des lacs contenant une paire d'espèces, il est probable qu'il soit nécessaire d'établir plus d'un groupe d'intendance.)
  • Encourager les administrations municipales (p. ex. les districts régionaux) à devenir membres des GMOMR ou à y nommer des représentants, et ce, pour faciliter la communication et la mise en œuvre du plan d'action du rétablissement (PAR).
  • Déterminer qui sera à la tête du GMOMR (président, animateur, etc.); élaborer le mandat du groupe; obtenir le financement nécessaire pour appuyer les activités du groupe.
  • Élaborer et mettre en œuvre un PAR s'inspirant du programme de rétablissement.
A-t-on établi un GMOMR pour chaque paire d'espèces d'épinoches?
Les GMOMR sont-ils adéquatement soutenus sur les plans financier et scientifique?
Les GMOMR ont-ils élaboré un PAR?
Les GMOMR permettent-ils d'atteindre les buts énoncés dans le programme de rétablissement?
Nécessaire Établir et soutenir un groupe d'action sur la recherche (GAR) chargé d'entreprendre des activités de recherche particulières et de fournir des conseils techniques détaillés. Inviter les chercheurs pertinents à participer au GAR; établir le mandat du groupe; obtenir le financement nécessaire. A-t-on établi un GAR?
Le groupe est-il soutenu par un financement et une expertise technique adéquats?
Le groupe répond-il aux besoins en matière de recherche énoncés dans le programme de rétablissement?
Nécessaire Élaborer et mettre en œuvre un programme de surveillance continue à long terme.

Les GMOMR et le GAR doivent élaborer un programme de surveillance qui permet d'évaluer comment réagit la population aux activités de gestion ou aux menaces. La surveillance peut porter sur :

  • les tendances relatives à l'abondance de chaque espèce;
  • les tendances relatives aux habitats (quantité et qualité);
  • les tendances relatives aux taux d'hybridation dans les lacs contenant une paire d'espèces;
  • la répartition des espèces exotiques et l'expansion de leur l'aire de répartition;
  • la qualité de l'eau;
  • l'utilisation des terres;
  • l'utilisation de l'eau.

Les GMOMR doivent obtenir un financement à long terme pour assurer de la mise en œuvre d'un programme de surveillance efficace. Les priorités de la surveillance doivent rester à l'intérieur des limites budgétaires.

A-t-on mis en œuvre des programmes de surveillance?
Depuis combien de temps un programme de surveillance est-il en place?
Est-il efficace?
A-t-on obtenu un financement à long terme?
Primaire Effectuer des études visant à définir avec une plus grande précision l'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches. Mener les recherches nécessaires pour définir l'habitat essentiel et le délimiter dans la nature. Voir la section 6.3 pour la liste des activités de recherche nécessaires. A-t-on défini l'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches?
Primaire Soutenir l'élaboration et la mise en œuvre d'un plan de gestion des espèces exotiques ayant un lien direct avec les groupes d'intendance.

Les GMOMR doivent collaborer avec des organismes gouvernementaux à :

  • l'élaboration et à la mise en œuvre d'un plan exhaustif de gestion des espèces exotiques;
  • l'élaboration d'un plan d'action d'urgence à mettre en œuvre advenant l'introduction d'une espèce exotique dans un lac contenant une paire d'espèces.
A-t-on élaboré et mis en œuvre un plan de gestion efficace des espèces exotiques?
A-t-on élaboré et approuvé un plan d'action d'urgence?
A-t-on les ressources nécessaires pour l'exécuter?
Primaire Établir des objectifs en matière de qualité de l'eau pour tous les lacs contenant une paire d'espèces.
  • Utiliser les normes provinciales actuelles sur les paramètres de qualité de l'eau à respecter pour assurer la protection de la vie aquatique en tant que paramètres de base pour les lacs contenant une paire d'espèces d'épinoches (voir http://srmwww.gov.bc.ca/risc/pubs/
    aquatic/interp/index.htm).
  • Établir au besoin des objectifs de qualité de l'eau propres aux paires d'espèces, surtout en ce qui concerne la transmission de la lumière et l'équilibre nutritif.
  • Communiquer les objectifs aux autorités et aux intervenants appropriés.
A-t-on établi des objectifs de qualité de l'eau et les a-t-on communiqués aux organismes de réglementation et aux intervenants appropriés?
Primaire Élaborer un plan exhaustif de gestion de l'eau pour chaque réseau hydrographique.

Les GMOMR doivent tenter de réduire les risques pour les paires d'espèces de concert avec la Division de l'intendance de l'eau (ministère de l'Environnement) et les titulaires de permis d'utilisation des eaux. Voici ce qu'ils doivent faire pour y arriver :

  • examiner les permis actuels;
  • examiner les utilisations de l'eau actuelles;
  • protéger les quantités d'eau restantes aux fins de conservation;
  • utiliser un processus de planification faisant appel aux divers intervenants pour établir des objectifs de gestion de l'eau à court terme et à long terme (p. ex. critères pour des niveaux acceptables de rabattement du niveau d'eau des lacs).
A-t-on achevé et mis en œuvre un plan de gestion?
Primaire Établir un programme de reproduction en captivité pour la paire d'espèces du lac Enos.
  • Capturer des géniteurs reliques non hybrides du lac Enos et établir des populations en captivité des deux espèces à l'UBC.
  • Inviter le GAR à examiner les protocoles de reproduction (p. ex. pour prévenir la perte de variance génétique et limiter l'adaptation aux milieux artificiels) et à obtenir le financement nécessaire au soutien de la recherche et au maintien des populations.
A-t-on établi des populations en captivité pour la paire d'espèces du lac Enos?
La population en captivité se développe-t-elle bien?
A-t-on établi des buts génétiques pour le programme de reproduction et les a-t-on atteints?
Primaire

Élaborer et mettre en œuvre un plan d'information et d'éducation comprenant les éléments suivants.

  • Matériel didactique destiné au public portant sur la menace que posent les espèces exotiques.
  • Matériel de présentation à l'intention des écoles publiques.
  • Panneaux didactiques installés à des endroits appropriés.

Les GMOMR doivent travailler de concert avec des organismes gouvernementaux et des éducateurs à l'élaboration :

  • de matériel didactique (p. ex une brochure éducative) pour expliquer les impacts écologiques potentiels de l'introduction d'organismes dans de nouveaux milieux;
  • de matériel didactique à employer dans les écoles publiques, particulièrement celles situées près des lacs contenant une paire d'espèces. Par exemple, on pourrait préparer un module « Wild BC » et le distribuer à grande échelle;
  • de panneaux didactiques à installer à des endroits précis (p. ex. rivière Powell – gares maritimes de l'île Texada, aux abords de certains lacs, etc.). Obtenir le financement pour la construction et l'entretien des panneaux.
A-t-on produit du matériel didactique? La perception du public et sa sensibilisation ont-elles été modifiées?
Combien de classes ont reçu des présentations didactiques? La perception du public et sa sensibilisation ont-elles été modifiées?
Combien de panneaux didactiques ont été érigés? La perception du public et sa sensibilisation ont-elles été modifiées?
Secondaire Déterminer les impacts potentiels de la pêche sportive dans les lacs contenant une paire d'espèces et élaborer des mesures d'atténuation, au besoin.

Travailler de concert avec des organismes provinciaux et la Freshwater Fisheries Society à l'élaboration de lignes directrices ou de projets de règlement qui ne prévoit :

  • aucune amélioration de la pêche sportive par l'ensemencement;
  • aucune pêche sur des lacs où les espèces prisées par les pêcheurs sportifs ne sont pas indigènes;
  • aucun appât où la pêche sportive est autorisée.

Consulter les intervenants sur les raisons de l'approche employée; envisager des mesures additionnelles qui limitent les impacts ou soutiennent les pêches actuelles.

A-t-on mis en œuvre des modifications réglementaires minimales?
Secondaire Étudier les conséquences que pourrait avoir sur la qualité de l'eau l'utilisation d'explosifs pour des activités minières dans les réseaux hydrographiques contenant une paire d'espèces. Examiner et résumer les activités minières courantes et planifiées et réévaluer cette menace. Si cela est nécessaire, les GMOMR doivent examiner la littérature appropriée et analyser la qualité de l'eau. Les GMOMR doivent travailler avec le GAR sur des questions techniques, au besoin. Communiquer les résultats à considérer au cours du prochain examen du programme de rétablissement. Obtenir le financement nécessaire au soutien de l'examen, de l'échantillonnage et de l'analyse. A-t-on effectué un examen de la littérature et communiqué les conclusions de cet examen à l'équipe de rétablissement?
A-t-on prélevé des échantillons d'eau du ruissellement provenant des sites miniers?
A-t-on analysé les échantillons et communiqué efficacement les résultats?
Secondaire Déterminer les impacts que pourrait avoir l'utilisation d'embarcations à moteur à essence sur la qualité de l'eau des lacs contenant une paire d'espèces; élaborer des mesures d'atténuation, au besoin; décourager les impacts attribuables à l'aménagement des rives des lacs et à la pratiques de loisirs. Les GMOMR doivent travailler de concert avec les administrations municipales et les intervenants à l'établissement de règles selon lesquelles seules des embarcations sans moteur ou à moteur électrique sont autorisées sur les lacs contenant une paire d'espèces. Nota : La Garde côtière canadienne est l'organisme de réglementation. Les embarcations à moteur à essence sont-elles autorisées sur les lacs contenant une paire d'espèces?
Secondaire Élaborer conjointement des stratégies d'aménagement du territoire pour les terres publiques et privées.

Élaborer des critères pour évaluer les effets de l'aménagement du territoire sur les épinoches (y compris de l'exploitation forestière); élaborer des lignes directrices pour une bonne intendance; établir des aires d'habitat de la faune, au besoin; désigner les réseaux hydrographiques contenant une paire d'espèces à titre de zones de développement spéciales (Special Development Areas).

  • Pour les terres publiques, établir une ou plusieurs aires d'habitat de la faune pour limiter les impacts cumulatifs à long terme sur l'habitat.
  • Pour les terres privées, travailler avec les propriétaires fonciers en vue d'encourager une bonne intendance.
A-t-on élaboré des critères d'exploitation forestière et d'aménagement du territoire? A-t-on établi des aires d'habitat de la faune?
L'exploitation forestière et l'aménagement du territoire répondent-ils aux critères?
Secondaire Élaborer des protocoles judicieux pour les études scientifiques (p. ex. limiter l'utilisation d'hybrides dans les expériences in situ, limiter le nombre de poissons prélevés chaque année, etc.). Le GAR doit travailler de concert avec des organismes gouvernementaux à l'établissement de limites inhérentes aux recherches expérimentales menées dans les lacs contenant une paire d'espèces. Nota : Des permis de la LEP peuvent être nécessaires pour effectuer légalement des prélèvements et mener des recherches sur des espèces sauvages inscrites. A-t-on établi et communiqué des protocoles d'études scientifiques?
Ont-ils été mis en œuvre?
Nécessaire Déterminer la faisabilité de la réintroduction de paires d'espèces dans les lacs Enos et Hadley.

Effectuer une étude de faisabilité visant à évaluer les aspects sociaux et techniques de la réintroduction de paires d'espèces dans les lacs Hadley et Enos. On peut déterminer la faisabilité en procédant comme suit.

  • Déterminer si les écrevisses introduites sont responsables de l'hybridation des paires d'espèces d'épinoches dans le lac Enos.
  • Étudier les méthodes disponibles pour faire disparaître du pays les espèces exotiques dans les lacs Enos et Hadley.
  • Étudier le besoin écologique inhérent à la réintroduction de paires d'espèces.
  • Évaluer les avantages sociaux et économiques ainsi que les coûts de différents scénarios de réintroduction de paires d'espèces.
A-t-on pris une décision justifiable quant à l'introduction une paire d'espèces dans le lac Enos et/ou le lac Hadley?
A-t-on déterminé sans équivoque le rôle de l'écrevisse dans l'hybridation?
La disparition du pays des espèces exotiques est-elle faisable et souhaitable?
A-t-on déterminé sans équivoque les facteurs permettant la réintroduction des paires d'espèces?

1 Les stratégies sont classées d'après un jugement professionnel en trois groupes de priorité (de la plus faible à la plus élevée) : nécessaire, primaire, secondaire.

2 Les mesures de rendement permettent de suivre les progrès accomplis vers l'atteinte des objectifs énoncés. Elles sont présentées sous forme de questions; les réponses fournies peuvent être définies dans le temps pour suivre les progrès.

Les paires d'espèces d'épinoches ont actuellement peu de valeur économique, voire aucune. Il est improbable que cette situation change. Cependant, il existe d'autres intérêts publics, privés et commerciaux à l'égard des réseaux hydrographiques où des paires d'espèces sont présentes. Parmi ces intérêts figurent l'exploitation minière, la sylviculture, les prélèvements d'eau à des fins industrielles et résidentielles, la construction de routes, l'installation de pipelines, la construction résidentielle et la pratique de loisirs (à un faible niveau à l'heure actuelle) tels que la pêche, la navigation de plaisance et la natation. Dans le cadre d'une consultation, on cernera tous les conflits possibles entre les activités d'aménagement et l'atténuation des menaces qui pèsent sur les paires d'espèces d'épinoches, puis on tentera de résoudre ces conflits au moyen de plans d'action du rétablissement. Le rétablissement des paires d'espèces exigera la mise en place d'activités permanentes d'intendance et d'éducation, la prise de décisions éclairées et la réalisation de recherches ciblées et à long terme. Il importe de comprendre que bon nombre des menaces qui pèsent sur les paires d'espèces peuvent être réduites, mais qu'elles ne peuvent être totalement éliminées.

Le modèle actuel de gestion des paires d'espèces d'épinoches repose sur l'établissement de groupes d'intendance communautaires qui seront responsables de la mise en œuvre de mesures de rétablissement dans un ou plusieurs réseaux hydrographiques. Ce modèle est basé sur des hypothèses, c'est-à-dire la présence à long terme d'un groupe de bénévoles désireux de travailler; d'un financement suffisant à l'appui des activités de gestion nécessaires; d'une expertise technique disponible pour appuyer les participants des groupes d'intendance. On ne sait pas si ces hypothèses sont fondées.

Il existe divers intervenants et organismes de réglementation dans chaque réseau hydrographique contenant une paire d'espèces : propriétaires fonciers privés, entreprises forestières, gestionnaires de la faune aquatique et terrestre, municipalités, districts régionaux, districts de gestion communautaire des ressources en eau, promoteurs en construction résidentielle, adeptes de loisirs, etc. Les divers intervenants ont sans doute des intérêts concurrents. Ils doivent tous avoir l'occasion de participer à la prise de décisions concernant des activités de gestion qui peuvent les toucher. Cela ne signifie pas que les décisions doivent reposer simplement sur un vote majoritaire ou qu'elles doivent opposer une ressource à une autre, particulièrement lorsque certaines ressources sont plus faciles que d'autres à évaluer en termes économiques simples. Il sera important de s'assurer qu'un ensemble de valeurs ne domine pas la prise de décisions. Il existe diverses techniques de prise de décisions acceptables en la présence d'objectifs environnementaux, sociaux et économiques potentiellement conflictuels. Une méthode appropriée est requise pour que tous les intérêts soit pris en considération.

Trois secteurs nécessitent des recherches ciblées et immédiates pour qu'on puisse relever des enjeux particuliers : la définition de l'habitat essentiel; la précision des menaces que posent l'utilisation des terres et l'utilisation de l'eau; l'évaluation des difficultés techniques liées aux réintroductions de paires d'espèces. Une description de ces secteurs de recherche se trouve aux sections 6.3 et 13.

Dans le cadre du processus de la LEP, le ministre compétent doit prendre une décision sur la faisabilité du rétablissement des espèces en péril. Pour uniformiser le processus décisionnel, l'ébauche de la politique actuelle (gouvernement du Canada, 2005) pose quatre questions auxquelles il faut répondre pour chaque programme de rétablissement. Voici les questions posées et leur réponse.

La faisabilité de la réintroduction des paires dans leur habitat d'origine dépend de deux facteurs techniques principaux : l'enlèvement des espèces exotiques et l'introduction (ou la réintroduction) d'espèces dans un lac sans épinoche. Les deux facteurs comportent des enjeux techniques importants. Pour relever ces enjeux, il faudra pousser les recherche, ce qu'on a commencé à faire (voir section 13).

À la lumière de ce qui précède, on peut dire que le rétablissement des paires d'espèces d'épinoches est techniquement et biologiquement faisable.

Le programme de rétablissement des paires d'espèces d'épinoches recommande l'utilisation d'une approche monospécifique modifiée (plutôt qu'une approche écosystémique), étant donné que l'écologie des paires d'espèces est commune à tous les réseaux hydrographiques et que des menaces semblables pèsent sur chaque paire d'espèces. L'introduction d'espèces exotiques et les effets de la gestion de l'eau et de l'aménagement du territoire sont vus comme étant les principales menaces pour les populations sauvages historiques.

À première vue, il semble y avoir peu d'occasions propices à la combinaison des efforts de rétablissement des paires d'espèces d'épinoches aux plans, aux mesures ou aux politiques de gestion actuels, et la plus profitable d'entre elles serait de participer à l'élaboration et à l'exécution d'un plan régional de gestion des espèces exotiques.

Nous connaissons bien l'évolution des paires d'espèces. Il est donc étonnant de constater que leur écologie de base est à ce point méconnue, particulièrement pour ce qui est des stades initiaux du développement. Si les paires d'espèces sont réintroduites dans les lacs Hadley et Enos (ou introduites dans d'autres lacs) dans le cadre du processus de rétablissement, on aura d'autant plus besoin de meilleures connaissances sur l'écologie de base des espèces et de leur lac d'origine.

Voici une série de rubriques mettant en évidence les lacunes dans les connaissances ayant une incidence sur la gestion des paires d'espèces. D'autres recherches seront nécessaires si l'on bien définir l'habitat essentiel (voir la section 6.3).

Les mesures de gestion mises en œuvre en vue d'atténuer les menaces pour les paires d'espèces ne devraient pas avoir un effet négatif sur d'autres espèces indigènes, étant donné que les espèces qui sont réputées coexister avec les paires d'espèces ont une grande aire répartition.

Diverses mesures de rétablissement ont déjà été exécutées ou sont en en cours.

  1. L'évaluation du COSEPAC et l'inscription de chacune des paries d'espèces sont terminées.
  2. Un premier atelier avec les intervenants a eu lieu à Nanaimo, en mars 2002, et a permis d'amorcer un processus officiel de rétablissement des espèces.
  3. Une équipe nationale de rétablissement des paires d'espèces d'épinoches a été formée en 2003 et a élaboré un programme de rétablissement.
  4. Les paires d'espèces sont inscrites sur la liste de la LEP, et un processus de consultation publique est en cours dans le cadre du processus de la LEP.
  5. Un GAR a été établi en 2003; il est principalement composé de chercheurs de l'UBC.
  6. Un large éventail de recherches scientifiques ont déjà été menées ou sont en cours :
    1. surveillance de la situation des paires d'espèces (surveillance officieuse dans le passé qui est récemment devenue un peu plus officielle);
    2. techniques d'élevage en laboratoire maintenant bien établies;
    3. translocation dans des étangs expérimentaux (les premières expériences effectuées dans des étangs expérimentaux ont révélé certaines difficultés inhérentes à la translocation);
    4. recherche en génétique (travaux sur les microsatellites en cours);
    5. recherche écologique et évolutionniste (expériences sur l'efficacité de l'alimentation, comportement, choix de partenaires, morphométrie);
    6. documents et publications scientifiques (longue liste de publications de recherches directes principalement réalisées par des chercheurs de l'UBC).
  7. Avant que la paire d'espèces d'épinoches du lac Enos ne soit amenée à céder la place à une population hybride, une population d'épinoches limnétiques du lac Enos a été introduite dans un étang du parc Murdo-Frazer, à North Vancouver, par l'ensemencement d'individus sauvages en 1988 et en 1999 (en vertu d'un permis du secteur des Pêches du ministère de l'Environnement, des Terres et des Parcs de la Colombie-Britannique). Une population viable a été confirmée au printemps 2002 (D. Schluter, données non publiées).
  8. En 2003, un programme a été lancé pour établir un stock de géniteurs en vue du futur rétablissement des espèces du lac Enos. Dans le cadre de ce programme, on a capturé des épinoches benthiques présumées « pures » et on les a accouplées en laboratoire. Des essais génétiques et morphologiques sont en cours pour confirmer l'identité des individus utilisés comme géniteurs.
  9. La sensibilisation et l'éducation du public (p. ex. publication d'une brochure sur les paires d'espèces d'épinoches dans la série intitulée « Wildlife in British Columbia at Risk » [espèces sauvages en péril en Colombie-Britannique]; « Evolution in Action » [évolution en action], un programme du Knowledge Network [réseau de connaissances])

Un plan d'action sur le rétablissement des paires d'espèces d'épinoches décrivant les programmes particuliers, incluant leurs coûts et leurs calendriers d'exécution sur cinq ans, sera achevé dans les deux ans suivant l'approbation du programme de rétablissement.

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Les paires d'espèces d'épinoches sont inscrites à l'Annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP). En outre, en tant qu'espèces aquatiques, elles relèvent de la compétence du gouvernement fédéral et sont régies par Pêches et Océans Canada (MPO) – 200 - 401 Burrard Street, Vancouver, C.-B.

Pour élaborer la première ébauche du présent programme de rétablissement ainsi que des programmes de rétablissement d'autres espèces de poissons d'eau douce inscrites de la Colombie-Britannique, le MPO, en collaboration avec le gouvernement de la C.-B., a réuni un groupe de spécialistes des divers paliers de gouvernement, du milieu universitaire, de services-conseil et d'organisations non gouvernementales pour former l'Équipe de rétablissement des espèces de poissons d'eau douce non pêchées de la région du Pacifique. Cette équipe, co-présidée par un représentant du MPO et un représentant du gouvernement de la C.-B., est responsable de la rédaction des programmes de rétablissement pour les espèces de poissons d'eau douce de la région du Pacifique qui sont inscrites en vertu de la LEP, dont les paires d'espèces d'épinoches. Le processus de planification du rétablissement des paires d'espèces d'épinoches a été lancé en mars 2002 dans le cadre d'un atelier réunissant divers intervenants à Nanaimo. Par la suite, des intervenants locaux ont mis sur pied des groupes de mise en œuvre du rétablissement des paires d'espèces de l'île Texada et du lac Enos.

La consultation sur l'ébauche du programme de rétablissement a eu lieu par le biais d'une série de séances de discussion réunissant divers intervenants et d'échanges d'informations avec les Premières nations dans les communautés de la C.-B. dans le cadre du programme de consultation d'automne de la Région du Pacifique du MPO. Un lien Web pour la consultation a été envoyé à 198 Premières nations, Conseils tribaux et Commissions des pêches autochtones ainsi qu'à d'autres intervenants; des avis annonçant les séances de discussion communautaires ont aussi été publiés dans 74 journaux. Des exposés scientifiques et des séances de discussion sur la proposition de programme de rétablissement les paires d'espèces d'épinoches ont eu lieu à Sechelt, en septembre 2005 (4 personnes y ont participé), et à Nanaimo, en novembre 2005 (aucun participant). Les commentaires de la séance de discussion ont été enregistrés et archivés.

Une consultation supplémentaire sur l'ébauche du programme de rétablissement a été effectuée par le truchement d'un guide de discussion et d'un formulaire de rétroaction publiés sur Internet (d'octobre à décembre 2005). Un promoteur de centre de villégiature local a répondu. Le gouvernement de la C.-B. a quant à lui participé au processus par l'entremise de membres de l'équipe de rétablissement. Un examen par un pair externe a été mené par le Dr Joe Nelson de l'University of Alberta. Tous les commentaires reçus ont été pris en considération pendant le processus de finalisation du Programme de rétablissement.

Joseph Nelson, University of Alberta

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