Petite nyctale de la sous-espèce brooksi (Aegolius acadicus brooksi) COSEWIC update and status report : chapitre 5

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Habitat de reproduction

Lors d’un relevé systématique de l’utilisation de l’habitat par la Petite Nyctale de Haida Gwaii pendant la saison de reproduction (Gill et Cannings, 1997), les chouettes ont été le plus souvent observées à proximité des zones riveraines et dans des habitats contenant une plus grande superficie de forêt ancienne et mature. Les auteurs de l’étude ont observé que l’altitude, la distance par rapport à l’eau salée et la distance par rapport à un changement du type d’habitat ne modifiaient pas la probabilité de détecter une chouette. De plus, l’état des mâles pendant la saison de reproduction semble nettement plus mauvais lorsque les territoires contiennent moins de forêt anciennes et mature. Lorsque le pourcentage de forêt ancienne et mature dans les 500 m du cœur d’un territoire est inférieur à 60 p. 100 ou 70 p. 100, on observe une diminution des cris chez les occupants, mesure indirecte de leur état (Holschuh, 2004b; Holschuh et Otter, à l’examen). Tous les lieux occupés par l’espèce se trouvaient à moins de 300 m d’altitude, les recherches ayant été menées à des altitudes supérieures également. Les lieux occupés ont surtout été observés dans les variantes de la zone biogéoclimatique côtière à pruche de l’Ouest CWHwh1 (variante hypermaritime humide sous-montagnarde) et CWHvh2 (variante hypermaritime très humide centrale). Bien que des lieux occupés aient été observés à des altitudes plus élevées dans la variante CWHwh2 (variante hypermaritime humide montagnarde), aucun ne l’a été dans la zone biogéoclimatique à pruche subalpine ou la zone biogéoclimatique de la toundra alpine à Haida Gwaii. Malgré le fait que la logistique limite grandement la réalisation de relevés au moyen d’enregistrements sonores à des altitudes élevées, les cris des chouettes à ces altitudes auraient tout de même pu être entendus lors des nombreux relevés menés à de plus faibles altitudes.

Lors d’études de caractérisation de l’habitat menées en 2002 et en 2003 dans 25 sites occupés, Holschuh (2004) a observé que la majorité d’entre eux se trouvaient dans une structure forestière complexe, nommément des forêts anciennes et matures où les chicots étaient assez abondants. La hauteur moyenne des arbres vétérans était de 37,4 m (± 8,74 m é.-t.). La hauteur du couvert forestier principal était de 28,2 ± 7,24 m et celle du sous-étage, de 17,5 ± 5,53 m. Le couvert forestier principal présentait généralement la plus grande densité (couverture de 25 p. 100 à 50 p. 100), alors que les autres couches arborées présentaient généralement une couverture de moins de 25 p. 100. Dans les lieux occupés, les espèces d’arbres les plus communes étaient la pruche occidentale (Tsuga heterophylla), l’épinette de Sitka (Picea sitchensis), le thuya géant (Thuja plicata) et, dans une moindre mesure, la pruche subalpine (Tsuga mertensiana), le cyprès jaune (Chamaecyparis nootkatensis) et le pin tordu (Pinus contorta).

De manière générale, l’habitat de reproduction de la Petite Nyctale à Haida Gwaii se trouve dans les forêts matures et anciennes structurellement complexes (Gill et Cannings, 1997; Holschuh, 2004). L’étage supérieur du couvert forestier y est généralement composé de vieux arbres qui ont survécu aux perturbations et d’une couche plus jeune en régénération composée d’arbres tolérants à l’ombre qui en sont à différents stades d’établissement (Meidinger, 1999). Ce sont ces anciennes forêts structurellement complexes qui comptent le plus grand nombre de cavités de nidification appropriées, lesquelles semblent être un facteur limitatif à l’échelle du paysage (Doyle, données inédites).

Les exigences en matière d’habitat d’alimentation sont probablement similaires à celles de la sous-espèce nominative, laquelle cherche sa nourriture dans les ouvertures ou en bordure de la forêt (Cannings, 1993). Par exemple, un mâle non accouplé à qui on a posé un radioémetteur à la fin d’avril a été trouvé en bordure d’une forêt, à plus de un kilomètre du cœur de son territoire; on présume qu’il cherchait de la nourriture dans les corridors riverains et routiers (Holschuh et Otter, données inédites). Les forêts matures et anciennes comportent également des intérieurs plus ouverts, idéaux pour l’alimentation, les forêts jeunes, plus denses, n’étant généralement pas fréquentées par les nyctales en quête de nourriture (Cannings, 1993).

L’habitat disponible à Haida Gwaii a été calculé à partir de données tirées du rapport sur l’utilisation des terres à Haida Gwaii (LUP, 2003). En présumant qu’il y a très peu de Petites Nyctales, voire aucune, dans la zone à pruche subalpine et la zone de la toundra alpine, les superficies des zones connues pour renfermer de la forêt ancienne dans la zone à pruche de l’Ouest ont été additionnées. Selon ce calcul, il y aurait à l’heure actuelle 2 927 km² d’habitat disponible dans les paysages où il y a actuellement exploitation forestière, et 2 561 km² dans les paysages sans exploitation forestière pour le moment.

Habitat autre que l’habitat de reproduction

L’utilisation de l’habitat par la Petite Nyctale en dehors de la saison de reproduction n’a pas été systématiquement documentée à Haida Gwaii. Néanmoins, les données sur l’alimentation des nyctales recueillies principalement pendant l’automne (sur des oiseaux tués par des véhicules) montrent une importante consommation d’invertébrés marins (Hobson et Sealy, 1991; Sealy, 1999), ce qui laisse croire que les oiseaux se déplaceraient vers le littoral pendant l’automne et l’hiver (S. Sealy, comm. pers.).

Tendances en matière d’habitat

L’exploitation forestière est en grande partie responsable du déclin des étendues continues de forêt ancienne qui conviennent à l’espèce à Haida Gwaii. Bon nombre des bassins hydrographiques les plus productifs de l’intérieur de l’île Graham et du nord de l’île Moresby ont connu une exploitation forestière intensive, et la forêt en régénération ne présente pas actuellement les caractéristiques propres à un habitat de grande qualité (chicots, corridors ouverts pour l’alimentation, etc.). Bien que les activités forestières soient moins intensives dans l’est de l’île Graham, une grande partie du secteur est composée de terres marécageuses, lesquelles ne constituent pas un habitat convenable pendant la saison de reproduction (voir la figure 4). À l’heure actuelle, environ 5 500 km² des 10 000 km² de Haida Gwaii peuvent contenir de l’habitat convenable, ce qui représente une diminution de près de 13 p. 100 par rapport aux 6 300 km² de 1993. Ces données sont tirées d’un inventaire forestier réalisé par le British Columbia Forest Service (1993) et du rapport sur l’utilisation des terres à Haida Gwaii (LUP, 2003). Les projections actuelles prévoient une exploitation forestière d’environ 2 000 hectares par année, visant principalement les peuplements anciens. La figure 5 montre les taux annuels d’exploitation forestière au cours du dernier siècle.

Figure 4. Carte des îles de la Reine-Charlotte sur laquelle sont indiquées les forêts nouvellement exploitées (jaune), les forêts anciennes (vert foncé) et les zones marécageuses (brun).

Figure 4.    Carte des îles de la Reine-Charlotte sur laquelle sont indiquées les forêts nouvellement exploitées (jaune), les forêts anciennes (vert foncé) et les zones marécageuses (brun).

Figure 5. Exploitation forestière sur les îles de la Reine-Charlotte, 1901-2001 (données du Gowgaia Institute).

Figure 5. Exploitation forestière sur les îles de la Reine-Charlotte, 1901-2001 (données du Gowgaia Institute).

Protection et propriété

À Haida Gwaii, environ 3 250 km² sont actuellement des concessions de ferme forestière (TFL 39, TFL 25, TFL 47) et 4 250 km² sont classés zone provinciale d’approvisionnement forestier. Les 2 250 km² restants sont des aires protégées (parcs ou réserves). La plus grande aire protégée est celle de la réserve de parc national Gwaii Haanas. Elle occupe la moitié sud de l’île Moresby et les îles adjacentes, et couvre au total 1 470 km². L’exploitation des ressources est interdite dans la portion nord-est de l’île Graham en raison de la présence des parcs provinciaux Naikoon et de Pure Lake (690 km²).Il est important de souligner que, bien que cette région présente des zones d’habitat de qualité, ces deux parcs provinciaux sont composés en grande partie de milieux marécageux et n’offrent donc pas beaucoup des caractéristiques associées à un habitat de reproduction convenable pour la Petite Nyctale. Enfin, on compte 93 km² de réserves écologiques dispersées à Haida Gwaii (LUP, 2003).

Environ 75 p. 100 du paysage de Haida Gwaii est disponible pour l’exploitation forestière et environ 25 p. 100 du territoire a déjà été exploité. Les secteurs les plus intensivement exploités sont également les bassins hydrographiques les plus productifs de Haida Gwaii, susceptibles de contenir certains des meilleurs habitats de reproduction. Les Petites Nyctales semblent présentes en beaucoup moins grande densité dans les paysages morcelés par l’exploitation forestière (Holschuh, 2004a; voir la sous-section Abondance) que dans les secteurs intacts. Bien que la population de Gwaii Haanas semble être plus dense que les populations d’autres secteurs où des relevés ont déjà été menés, la superficie de Gwaii Haanas pourrait ne pas suffire à soutenir cette sous-espèce endémique.

Douze aires d’habitat faunique (AHF) ont été proposées pour la Petite Nyctale sur les îles de la Reine-Charlotte (D. Fraser, comm. pers.). Ces aires couvrent 901 hectares et correspondent à 12 territoires de nidification repérés lors de relevés. Si ces AHF sont approuvées, l’exploitation forestière et la construction de routes y seront interdites. De plus, les AHF proposées pour l’Autour des palombes et le Guillemot marbré pourraient également protéger un nombre pour l’instant inconnu de territoires de la Petite Nyctale.

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