Ours grizzli (Ursus arctos) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

6. Taille et tendances des populations

6.1 Introduction

Le dénombrement des ours grizzlis est coûteux, difficile et généralement imprécis. Les techniques d’observation directe, par exemple les relevés aériens, ne sont pas applicables à cause de la difficulté de repérer ces ours dans la plupart de leurs habitats. Il est plus facile de voir les ours dans la toundra, mais on ne peut y effectuer des relevés aériens à cause des faibles densités des effectifs dans ces régions. Les techniques les plus fiables et les plus largement utilisées sont invasives, comme les techniques de capture-marquage-réobservation avec ou sans radiotélémétrie (Miller et al., 1987, 1997).

De nouvelles techniques d’estimation des populations sont apparues récemment. On pense aux pièges photographiques, dispositifs où les ours déclenchent accidentellement un appareil photo et se trouvent à se photographier eux-mêmes (Mace et al., 1994). Tout récemment, des scientifiques ont employé l’empreinte génétique de follicules pileux arrachés à des ours attirés sur du fil barbelé appâté. Cette technique permet d’identifier et de dénombrer les individus, ainsi que d’évaluer la densité de population (Woods et al., 1999; Mowat et Strobeck, 2000). Toutes ces techniques exigent l’application rigoureuse des protocoles statistiques de façon à éviter ou à réduire le plus possible tout biais ou toute erreur associé à la probabilité inégale de capture ou de réobservation, aux hypothèses concernant l’isolement des populations, à la détermination de la précision des estimations et autres problèmes.

Dans la plupart des études réalisées au Canada, les estimations de population ont été effectuées à partir d’une combinaison de données de capture, de données télémétriques et de données d’observation. Dans la plupart de ces études, les chercheurs ont posé des colliers émetteurs pour leurs divers objectifs d’étude, de sorte que beaucoup d’estimations des populations ont été obtenues par radiopistage. Cette méthode est largement applicable et très utilisée, mais il arrive souvent qu’elle s’accompagne d’un manque de conformité aux hypothèses, et elle ne fournit ordinairement pas de mesures de la précision (Mace et al., 1994). Par ailleurs, à cause du coût élevé des opérations de dénombrement des ours et de la vastitude de l’aire occupée par l’ours grizzli au Canada, les scientifiques doivent procéder à des extrapolations des densités calculées sur de vastes territoires pour lesquels il est présumé qu’il y a uniformité dans la qualité de l’habitat et la densité de population.

Ces problèmes sont à l’origine de la précision ordinairement faible de la plupart des estimations des populations d’ours grizzlis. Par conséquent, la plupart des recensements ne permettent de détecter que les variations de population assez accentuées. Aucune instance gouvernementale canadienne n’attache une grande confiance à la précision ou à l’exactitude de ses estimations des effectifs d’ours grizzlis.

Ce préambule est essentiel à la compréhension des réserves relatives aux données présentées dans cette section. Les données ont été communiquées à l’auteur par des hauts responsables de chacun des différents organismes gouvernementaux de gestion de l’ours grizzli. Elles font état des connaissances actuelles, sur lesquelles les divers gouvernements fondent leurs décisions de gestion concernant l’ours grizzli. Les estimations de la densité et de la taille des populations d’ours sont fondées principalement sur des études sur le terrain réalisées dans des parties des diverses provinces et territoires (tableau 6), avec extrapolation pour compenser les lacunes géographiques dans les données. Comme les populations d’ours sont estimées par les provinces et territoires, les résultats sont présentés ici par province et territoire. Cependant, il faut avoir à l’esprit que ces estimations ne correspondent pas à des sous-populations distinctes.

On estime à 29 921 individus la population d’ours grizzlis au Canada, les limites inférieure et supérieure estimées s’établissant à 26 916 et 34 150 (tableau 6). L’estimation ponctuelle indique une augmentation de 4 781 individus (19 p. 100) par rapport à 1990 (Banci, 1991). Toutefois, comme on le voit au tableau 6, dans la plupart des provinces et territoires, les estimations à la hausse sont liées à des changements apportés aux méthodes d’estimation, à une meilleure précision et à de nouvelles données. Seule l’Alberta signale une hausse de la population, mais de seulement 290 ours. Dans l’ensemble, au Canada, rien n’indique que la taille de la population d’ours grizzlis ait changé depuis 1990.

Le manque de précision des estimations rend très difficile l’évaluation de la situation de l’espèce au pays. On ne fait que commencer à disposer de techniques de dénombrement fournissant des estimations fiables accompagnées d’intervalles de confiance. Ces techniques n’existaient pas il y a seulement dix ans, les estimations antérieures ne constituant guère mieux que des estimations au jugé et n’étant certainement pas directement comparables aux résultats des estimations actuelles. Il est donc impossible d’évaluer les tendances démographiques chez l’ours grizzli sur plus que les dix dernières années, mises à part les extrapolations fondées sur les changements dans la disponibilité d’habitat.

La structure par âge des populations d’ours grizzlis est fonction de leur fécondité et du régime de gestion (il peut par exemple arriver que certaines cohortes d’adultes soient sélectivement éliminées; Schwartz et al., sous presse). On estime entre 25,6 et 59,0 p. 100 la proportion d’ours en âge de procréer dans les populations (Schwartz et al., sous presse). En appliquant ces pourcentages à l’estimation ponctuelle de la population d’ours grizzlis au Canada, on obtient une population de reproducteurs comprise entre 6 891 et 15 881 ours. En les appliquant aux valeurs limites de la fourchette estimative, on obtient pour le Canada une population de reproducteurs comprise entre 5 893 et 16 682 ours.

 

Tableau 6. Estimations des populations d’ours grizzlis au Canada en 1991 et en 2001-2002. Les données proviennent de sources citées dans le texte, sauf indication contraire.
Endroit 1991Note de bas de page a 2001/2002 Commentaires
EffectifNote de bas de page b Plage
Alberta 575 841 841 - 865 Hausse estimative de 46 p. 100 depuis 1988 (hausse annuelle de 3,9 p. 100).
Colombie-Britannique 13 000 au moins 14 000 14 000+ Méthode itérative d'estimation. On ne croit pas qu'il y ait eu augmentation réelle. On estime que l'effectif est stable à l'échelle de la province.
Yukon 6 300 6300 6 000 - 7 000 On estime que l'effectif est stable à l'échelle du territoire. Estimation officielle : de 6 000 à 7 000.
Territoires du Nord-Ouest 5 050 5 100 5 100 N'implique pas une variation de l'effectif. Le Nunavut, avec sa population d'ours, a été soustrait des Territoires du Nord-Ouest en 1999; méthode d'estimation modifiée pour intégrer de nouvelles données.
Nunavut s.o.Note de bas de page c 1 000 800 - 2 000 Pas d'estimation officielle disponible. Il s'agit d'une estimation très approximative et non officielle, établie à partir d'une densité estimée à 4 ours/1 000 km2 à l'intérieur d'une superficie de 200 000 km2 dans l'Ouest et le Nord de la partie continentale du Nunavut, et d'une densité estimée à 1 ours/1 000 km2 sur une superficie de 200 000 km2 dans l'Est.
Parcs nationaux d'AlbertaNote de bas de page d 215 180 175 - 185 Méthode d'estimation révisée. Aucun changement perçu depuis 1991.
Total 25 140 Au moins 27 421 26 916+ - 29 150+ Les estimations ont changé entre 1991 et 2001-2002, en grande partie à cause de nouvelles méthodes et données. Dans l’ensemble, les effectifs semblent être demeurés stables entre 1991 et 2001-2002 au Canada.

6.2 Alberta

On a estimé qu’en 2000, la population totale d’ours grizzlis sur les terres provinciales de l’Alberta s’élevait à 841 individus (Kansas, 2002). En outre, on estime entre 175 et 185 le nombre d’ours grizzlis vivant dans les parcs nationaux des Lacs-Waterton, Banff et Jasper, ce qui porte le nombre estimé d’ours grizzlis dans l’ensemble de l’Alberta de 1 016 à 1 026 individus.

Seule l’Alberta signale une hausse de la population d’ours grizzlis au cours de la période couverte par le présent rapport de situation sur l’ours grizzli. L’augmentation estimée de la population à l’intérieur des terres provinciales de 46,3 p. 100 correspond à une augmentation annuelle moyenne de 3,9 p. 100. Les chiffres pour les parcs nationaux sont demeurés essentiellement les mêmes au cours de cette période. L’effectif estimé en 1990 pour le parc national Banff de 75 ours (Nagy et Gunson, 1990) tombe à l’intérieur de la plage actuelle, soit 60 à 80 ours (Gibeau et al., 1996; Herrero et al., 2001).

On considère que de 154 000 à 200 000 km2de terres provinciales pourraient être occupés par l’ours grizzli (Nagy et Gunson, 1990; Alberta Environmental Protection, 1997). Il y a eu réduction très importante de l’aire de répartition albertaine de l’espèce (les ours grizzlis ont déjà occupé pratiquement toute la province, soit un territoire de 661 000 km2), réduction qui s’est produite surtout au cours du 19e siècle et au début du 20e siècle. Il n’existe pas de données sur la réduction de l’aire de répartition depuis 1990, mais des pertes ont pu se produire localement. On soupçonne qu’en certains endroits, l’ours grizzli recolonise des habitats qu’il avait déjà occupés, notamment en bordure de la zone agricole le long des limites est et nord-est de l’actuelle aire de répartition (H.D. Carr, comm. pers.).

Dans la période de 1981 à 1999, on a observé une baisse du nombre de mâles, du nombre de femelles et du nombre total d’ours grizzlis récoltés en Alberta (tableau 7), fort probablement à cause de changements dans les pratiques de gestion. La réglementation de la chasse est devenue de plus en plus restrictive au cours de cette période, avec notamment la limitation de l’accès à la chasse, la fermeture de la chasse d’automne et l’interdiction de chasser faite aux non-résidents. Les mortalités de cause anthropique non cynégétiques n’ont pas varié. Au total, les mortalités de cause anthropique signalées ont diminué.

Dans le Sud de l’Alberta, la répartition de l’ours grizzli prend la forme d’une bande de territoire qui longe la ligne de partage des eaux et qui n’est que de 30 km de large par endroits. Cette bande est adjacente à des habitats de l’ours grizzli situés du côté britanno-colombien de la ligne de partage des eaux, mais, quoi qu’il en soit, elle reste étroite. Le risque d’un clivage de population le long de cette bande, combiné à une assez forte mortalité et à l’enlèvement d’ours dans le secteur sud-ouest de la province suite à la perte d’animaux d’élevage (Gunson, 1995; H.D. Carr, comm. pers.), exige une gestion prudente dans cette région.

 

Tableau 7. Mortalités de cause anthropique documentées d’ours grizzlis en Alberta de 1981 à 1999.
Année ChasseNote de bas de page a.1 Causes anthropiques autres que la chasse Grand total
Mâles Femelles Sexe inconnu Total Illégales PVPNote de bas de page b.1 Autres
1981 17 9 5 31 5 1 1 38
1982 15 14 0 29 7 6 1 43
1983 27 16 1 44 5 6 0 55
1984 26 20 0 46 1 4 1 52
1985 25 19 0 44 2 3 2 51
1986 31 14 0 45 2 0 1 48
1987 27 16 1 44 7 14 0 65
1988 7 1 0 8 1 5 1 15
1989 5 3 0 8 9 2 0 19
1990 13 8 0 21 9 1 0 31
1991 7 3 0 10 2 3 2 17
1992 19 3 0 22 3 4 1 30
1993 12 8 0 20 1 8 1 30
1994 4 3 0 7 5 3 1 16
1995 11 3 0 14 1 3 0 18
1996 13 7 1 21 3 5 0 29
1997 8 3 0 11 4 4 0 19
1998 6 8 0 14 3 6 1 24
1999 12 9 0 21 6 5 4 36
Total 285 167 8 460 76 83 17 636
Moy. globale 15,0 8,8   24,2 4,0 4,4 0,9 33,5
erreur-type 2,0 1,4   3,2 0,6 0,7 0,2 3,5
Moy. 1981-1989 20,0Note de bas de page c.1 12,4Note de bas de page c.1   33,2Note de bas de page c.1 4,3 4,6   42,9Note de bas de page c.1
erreur-type 3,1 2,2   5,2 1,0 1,4   5,5
Moy. 1990-1999 10,5Note de bas de page c.1 5,5Note de bas de page c.1   16,1Note de bas de page c.1 3,7 4,2   25,0Note de bas de page c.1
erreur-type 1,4 0,8   1,8 0,8 0,6   2,2
valeur P 0,0055 0,0038   0,0018       0,0026


Des chercheurs ont procédé à une analyse de viabilité de la population (AVP) dans l’écosystème des Rocheuses centrales en Alberta et en Colombie-Britannique (Herrero et al., 2000). Le modèle est fondé sur des hypothèses pour nombre des paramètres d’entrée, établies à partir de connaissances scientifiques et de l’expertise de nombreux spécialistes nord-américains de l’ours grizzli, mais ses prévisions demeurent très sensibles aux changements ou erreurs même mineurs dans ces hypothèses. Selon le modèle, la survie de la population d’ours grizzlis dans cette région n’est pas assurée dans les conditions actuelles. On a supposé (à partir de données empiriques régionales) que l’augmentation de la population humaine dans la région donnerait lieu à une hausse de la mortalité chez les femelles adultes ou à une réduction de la fécondité de la population. Lorsque les hausses projetées de la population humaine sont prises en compte, le modèle prévoit un déclin rapide de la population d’ours grizzlis. De plus, le modèle prévoit qu’il y a peu de chances que les objectifs de maintien ou d’augmentation de la population d’ours grizzlis soient atteints sans de vigoureuses mesures correctives réussissant à abaisser la mortalité annuelle. Par conséquent, malgré une augmentation de la population humaine dans cette région, on devra réussir à atténuer les répercussions de la présence humaine sur l’ours grizzli (Herrero et al., 2000).

6.3 Colombie-Britannique

En Colombie-Britannique, parcs nationaux compris, la population totale d’ours grizzlis aurait été d’au moins 14 000 individus en 2002. Ce chiffre correspond en gros à celui de l’estimation provinciale rapportée en 1991 (13 000 individus; Banci, 1991). Les chercheurs sont parvenus au total le plus récent en utilisant des méthodes améliorées et de nouvelles données, ainsi qu’en tenant compte de l’incertitude relative à l’exactitude et à la précision de l’estimation. On considère qu’à l’échelle de la province, la situation est généralement stable, bien qu’on suspecte des baisses démographiques dans certaines régions et des hausses dans d’autres (T. Hamilton, comm. pers.). L’ours grizzli se trouve à de faibles ou de très faibles densités de population dans une bonne partie de la bordure sud de son aire de répartition en Colombie-Britannique, notamment dans la chaîne Côtière, dans les monts Yahk et dans les Selkirk Sud (McLellan, 1998).

On estime à 750 000 km2 le territoire occupé par l’ours grizzli en Colombie-Britannique. Dans le passé, la partie continentale de la Colombie-Britannique procurait environ 917 000 km2 d’habitat à cet ours. La majeure partie de cette réduction de 18 p. 100 de l’aire de répartition s’est produite avant 1960. Cependant, les pressions qui pèsent présentement sur l’ours grizzli et son habitat à l’intérieur de cette province s’exercent surtout dans la bordure sud de l’aire de l’espèce.

Comme nous l’avons mentionné à la section 2.3.1, au moins huit isolats ont été identifiés dans la partie sud de la Colombie-Britannique (figure 11; McLellan, 1998; T. Hamilton et B. McLellan, comm. pers.). Cinq d’entre eux constituent des unités démographiques auxquelles le gouvernement provincial a attribué le statut d’unité menacée. Le tableau 8 donne un aperçu de la situation de ces isolats. Chacun s’est retrouvé isolé principalement à cause d’aménagements et d’activités humaines, qui continuent d’ailleurs dans chaque cas de menacer la survie de la population. La survie de ces unités démographiques dépendra de la reconnaissance de leur isolement ainsi que de mesures actives d’abaissement de la mortalité, de conservation de l’habitat et de rétablissement de la connectivité.

 

Tableau 8. Sommaire des unités démographiques isolées de l’ours grizzli dans le Sud de la Colombie-Britannique. Données provenant de T. Hamilton et B. McLellan (comm. pers.).
Nom de l'unité Estimation de la population Limites Menaces précises
UDOG Garibaldi- PittNote de bas de page a.2 19 Sud : Lower Mainland; ouest : Pacifique et route 99; nord : route du lac Duffy et segment parallèle de la route 99. Des échanges avec la population Stein-Nahatalatch (voir plus bas) peuvent être possibles par la rivière Lillooet et le lac Harrison, mais ils sont peu probables compte tenu des faibles densités et de l'altération importante de l'habitat découlant de l'exploitation forestière et de l'agriculture, auxquelles sont associés une forte densité routière et un trafic important. Coupe de bois importante créant un habitat moins propice (nouveaux peuplements à couvert fermé); utilisation très intense du territoire à des fins de récréation et de tourisme commercial. Peu de frayères à saumon hors des zones urbaines ou rurales et faible densité d'Ongulés.
UDOG Squamish- Lillooet 27 Est : route 99; ouest et sud : Pacifique; nord : secteur amont de la vallée de la Lillooet, intensément exploité (secteurs résidentiels, coupe de bois, agriculture). Peuplement en expansion; densité très élevée de routes à circulation libre et à fort trafic; utilisation très intense du territoire à des fins de récréation et de tourisme commercial. Coupe de bois importante créant un habitat moins propice (nouveaux peuplements à couvert fermé). La lutte contre les incendies a accentué ce problème.
UDOG Stein-Nahatalatch 60 Est : fleuve Fraser, 2 chemins de fer nationaux, route transcanadienne; sud : vallée du Fraser, très densément peuplée; nord : route du lac Duffy et segment parallèle de la route 99. Des échanges avec l'UDOG Garibaldi-Pitt (voir plus haut) peuvent être possibles par la rivière Lillooet et le lac Harrison. Routes; coupe de bois; activités récréatives; ours tués illégalement; conflits possibles à cause d'animaux d'élevage en pâturage; lutte contre les incendies.
Groupe des monts Marble et Pavilion < 20 Ces ours sont confinés à un secteur au sud de Clinton et à l'est de la Lillooet et du Fraser. Il peut exister deux groupes d'animaux, l'un au sud et l'autre au nord de la route 12, qui passe dans les Pavilion. La région renferme une importante superficie de pâturage, il y passe beaucoup de routes et elle compte plusieurs agglomérations. Il peut s'agir du dernier groupe d’ours grizzlis au Canada adapté aux conditions extrêmement sèches de la partie intérieure sud de la (Colombie-Britannique).
Groupe ruisseau Sheep-Rossland < 20 Isolé vers le sud par les É.-U. (absence d'ours), à l'ouest par la vallée de l'Okanagan, densément peuplée, et au nord par la route 3. La population d'ours au nord de la route 3 a également une très faible densité, mais il est davantage possible qu'elle soit reliée aux populations du nord et de l'est. Expansion incessante du peuplement et accès par véhicule-moteur sans cesse accru. La lutte contre les incendies a limité la présence des premiers stades de succession (production de petits fruits) et il existe un constant potentiel de conflits à cause de la présence d'animaux d'élevage.
Groupe du lac Pennask < 10 Complètement isolé par un habitat non adéquat. Forte densité de routes et utilisation intensive de la région à des fins de récréation et de tourisme commercial.  Il s'agit d'une région de chalets traversée de nombreux chemins forestiers.
UDOG des Cascades Nord < 25 Voir la section 2.3.1. Voir la section 2.3.1.
UDOG des Selkirk Sud 67 Voir la section 2.3.2. Voir la section 2.3.2.


Dans la période de 1976 à 1999, le nombre d’ours grizzlis abattus légalement et illégalement n’a pas varié de façon significative (tableau 9). Toutefois, le nombre d’ours dont on a déclaré qu’ils ont été abattus pour défendre des vies ou pour protéger la propriété a pratiquement triplé.

 

Tableau 9. Mortalités de cause anthropique documentées d’ours grizzlis en Colombie-Britannique de 1976 à 1999.
Année ChasseNote de bas de page a.3 Causes anthropiques autres que la chasse Total
Mâles Femelles Total Illégales PVPNote de bas de page b.2 AutresNote de bas de page c.2
1976 148 86 234 S.O. S.O.   234
1977 176 93 269 S.O. 4   273
1978 226 78 304 S.O. 6   310
1979 200 117 317 4 13   334
1980 249 116 365 7 19   391
1981 250 129 379 2 7   388
1982 215 112 327 7 16   350
1983 238 119 357 9 16   382
1984 240 125 365 9 16   390
1985 211 133 344 8 20   372
1986 223 120 343 8 14   365
1987 230 137 367 6 17   390
1988 190 121 311 7 17   335
1989 210 130 340 22 21   383
1990 200 111 311 10 15   336
1991 222 134 356 8 14   378
1992 240 116 356 9 28   393
1993 160 77 237 3 35   275
1994 181 99 280 4 38   322
1995 183 105 288 5 83   376
1996 224 139 363 8 32   403
1997 154 70 224 1 41   266
1998 140 70 210 4 35   249
1999 169 95 264 7 81   352
Total 4 879 2 632 7 511 148 588 0 8 247
Moy. globale 203,3 109,7 313,0 7,0 25,6   343,6
erreur-type 6,8 4,4 10,5 0,9 4,3   10,4
Moy. 1976-1989 214,7 115,4 330,1 8,1 14,3Note de bas de page d.1   349,8
erreur-type 7,7 4,8 10,9 1,5 1,5   13,0
Moy. 1990-1999 187,3 101,6 288,9 5,9 40,2Note de bas de page d.1   335,0
erreur-type 10,5 7,8 17,9 0,9 7,5   17,6

 

La bordure sud de l’aire de répartition de l’ours grizzli en Colombie-Britannique comprend au moins quatre prolongements en forme de péninsule (McLellan, 1994). Il faudra appliquer des mesures particulières pour prévenir tout rétrécissement de ces bandes d’habitat, qui pourrait entraîner leur fragmentation. Le modèle d’AVP pour l’écosystème des Rocheuses centrales décrit à la section 6.2 s’applique aussi à une partie du sud-est de la Colombie-Britannique. Il n’y a qu’une façon d’atténuer ses prévisions alarmantes : renverser les tendances actuelles de peuplement et d’activité humaine dans le territoire occupé par l’ours grizzli.

6.4 Yukon

En 2000, la population d’ours grizzlis dans l’ensemble du territoire du Yukon était estimée à 6 000 à 7 000 ours. L’estimation de 6 300 ours rapportée par Banci (1991) est du même ordre que l’estimation actuelle, la différence reflétant des changements quant à la précision des résultats et non pas une variation de population (J. Hechtel, comm. pers.). Malgré certaines variations locales, globalement, on estime que la population d’ours grizzlis du Yukon est demeurée stable depuis 1991.

Pratiquement tout le territoire du Yukon (483 000 km2) est occupé par l’ours grizzli. Aucun rétrécissement de l’aire de répartition de l’espèce n’y a été signalé.

Des années 1980 aux années 1990, les récoltes de mâles et de femelles ont légèrement diminué. Les mortalités de cause anthropique non cynégétiques sont demeurées constantes. Au total, les mortalités de cause anthropique ont diminué (tableau 10).

6.5 Territoires du Nord-Ouest

Le rétrécissement des Territoires du Nord-Ouest attribuable à la création du Nunavut le 1er avril 1999 complique les comparaisons entre les estimations démographiques ainsi que l’évaluation des tendances. Le Nunavut a une superficie importante et abrite une population d’ours grizzlis. Il sera question plus loin de cette population.

Le règlement de revendications territoriales additionnelles a en outre donné lieu à la création des régions désignées des Inuvialuit et des Gwich’in et de la région désignée du Sahtu. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest continue de gérer la faune dans ces régions, mais il le fait en concertation avec diverses agences et divers organismes voués aux revendications territoriales.

On estime à environ 5 100 ours la population totale d’ours grizzlis dans les Territoires du Nord-Ouest (Gau et Veitch, 1999; tableau 6), population qui occupe un territoire d’environ 641 000 km 2. Les ours du Nunavut n’entrant pas dans cette estimation, il pourrait y avoir eu augmentation de la population depuis 1991. Toutefois, aucune donnée ne permet de dire s’il y a eu hausse ou diminution de la population. Aucune estimation officielle de la population d’ours grizzlis n’avait été réalisée auparavant. Les gestionnaires régionaux de la faune sont d’avis qu’à toutes fins utiles, les populations sont restées stables depuis 1991 (D. Cluff, J. Nagy et A. Veitch, comm. pers.). Rien n’indique un changement dans la répartition de l’ours grizzli à l’intérieur des Territoires du Nord-Ouest au cours de la période historique (Schwartz et al., sous presse).

Tableau 10. Mortalités de cause anthropique documentées d’ours grizzlis au Yukon de 1980 à1999. Les données excluent les régions désignées des Inuvialuit et des Gwich'in.
Année ChasseNote de bas de page a.4 PVPNote de bas de page b.3 Autres Grand total
Mâles Femelles Sexe inconnu Total
1980 54 29 0 83 9 3 95
1981 58 26 1 85 6 3 94
1982 58 21 1 80 16 4 100
1983 46 28 1 75 8 2 85
1984 76 36 0 112 15 6 133
1985 59 37 1 97 17 3 117
1986 53 41 0 94 11 1 106
1987 85 41 0 126 20 1 147
1988 68 43 0 111 5 2 118
1989 57 34 0 91 14 1 106
1990 64 25 0 89 15 4 108
1991 44 33 0 77 6 4 87
1992 55 36 0 91 14 1 106
1993 44 27 0 71 13 0 84
1994 47 30 0 77 9 2 88
1995 37 26 0 63 18 0 81
1996 72 30 0 102 13 0 115
1997 58 29 0 87 22 1 110
1998 43 19 0 62 10 1 73
1999 46 20 0 66 12 2 80
Total 1124 611 4 1739 253 41 2033
Moy. globale 56,2 30,6 0.2 87,0 12,7 2,1 101,7
erreur-type 2,7 1,6   3,8 1,1 0,4 4,2
Moy. 1980-1989 61,4Note de bas de page c.3 33,6Note de bas de page c.3   95,4Note de bas de page c.3 12,1 2,6 110,1Note de bas de page c.3
erreur-type 3,7 2,3   5,2 1,6 0,5 6,0
Moy. 1990-1999 51,0Note de bas de page c.3 27,5Note de bas de page c.3   78,5Note de bas de page c.3 13,2 1,5 93,2Note de bas de page c.3
erreur-type 3,5 1,7   4,2 1,4 0,5 4,7
valeur P 0,0396 0,0387   0,0114     0,0272


Vu la création du Nunavut en 1999, les mortalités dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut sont rapportées ensemble (tableau 11). La mortalité cynégétique, la mortalité associée à la protection de la vie humaine ou de la propriété et la mortalité totale ont fluctué au cours de la période considérée.

 

Tableau 11. Mortalités de cause anthropique documentées d’ours grizzlis dans les Territoires du Nord-Ouest Note de bas de page a.5 et au Nunavut de 1989 à 1999.
Année ChasseNote de bas de page b.4 Causes anthropiques autres que la chasse Grand total
Mâles Femelles Sexe inconnu Total Illégales PVPNote de bas de page c.4 Autres
1990 5 3 0 8   8   16
1991 7 1 1 9   6   15
1992 10 1 0 11   5   16
1993 8 4 1 13   12   25
1994 14 1 1 16   13   29
1995 5 0 4 9   9   18
1996 12 3 1 16   4   20
1997 10 1 0 11   15   26
1998 5 1 2 8   15   23
1999 5 2 0 7   7   14
Total 81 17 10 108 0 94 0 202
Moy. 8,1 1,7 1,0 10,8   9,4   20,2
erreur type 1,0 0,4 0,4 1,0   1,3   1,7
Total RDINote de bas de page a.5 1990-1999 151 33 15 199   52   251
Total RDGNote de bas de page a.5 1990-1999 19 4 4 27   26   53
Grand Total 251 54 29 334 0 172 0 506
Moyenne globale 25,1 5,4 2,9 33,4 0 17,2 0 50,6

6.6 Nunavut

Avant le 1er avril 1999, la population d’ours grizzlis du Nunavut était fondue dans celle des anciens Territoires du Nord-Ouest. Pour l’instant, il n’existe pas d’estimation officielle de la population d’ours grizzlis au Nunavut. L’ours grizzli se rencontre dans deux régions, soit celles de Kitikmeot et de Kivalliq (anciennement Keewatin). La densité de population n’y a pas été estimée. Cependant, après avoir consulté les gestionnaires régionaux de la faune, l’auteur a procédé à une extrapolation à partir de données empiriques recueillies le plus près possible afin de proposer un chiffre raisonnable pour le nombre d’ours au Nunavut. Il faut bien comprendre que cette démarche vise uniquement à fournir une hypothèse de travail, la présence d’ours grizzlis au Nunavut étant avérée. Cette estimation ne repose pas sur une connaissance de la population du Nunavut et de son habitat.

La densité de population dans la région des rivières Brock et Hornaday, immédiatement à l’ouest de la frontière entre les Territoires du Nord-Ouest et la région de Kitikmeot, est estimée à six ours par 1 000 km2 (Nagy et Branigan, 1998). Dans la région du lac de Gras (partie centrale de l’Arctique), chevauchant la frontière entre les régions de North Slave et de Kitikmeot, elle est estimée à 3,5 ours par 1 000 km2 (Penner and Associates, 1998; P. McLoughlin, comm. pers.). L’auteur a pris pour hypothèse une densité de population moyenne de quatre ours par 1 000 km2 et a appliqué cette valeur à un territoire arbitrairement défini de 200 000 km2, dans le coin nord-ouest de la partie continentale du Nunavut. Cette valeur de densité paraît raisonnable pour une grande partie de la région de Kitikmeot (B. Patterson, comm. pers.). Le résultat obtenu est de 800 ours.

Il n’existe pas d’estimation de la densité pour l’Est de la partie continentale du Nunavut, mais on croit qu’elle y serait nettement inférieure (M. Campbell, comm. pers.; R. Mulders, comm. pers.). Par conséquent, l’auteur a appliqué une densité d’un ours par 1 000 km2 sur un territoire de 200 000 km2 compris entre la baie d’Hudson, l’océan Arctique et le Manitoba; le résultat est de 200 ours. Le total pour le Nunavut serait donc de 1 000 ours grizzlis. En tenant compte des incertitudes quant à la densité de population et à la superficie occupée, on peut raisonnablement avancer que la population d’ours grizzlis du Nunavut est comprise entre 800 et 2 000 ours. Comme ces estimations sont grossières, il est impossible d’évaluer les tendances démographiques. Selon les gestionnaires locaux, il n’y aurait eu aucune variation importante des populations d’ours grizzlis dans les régions de Kitikmeot et de Kivalliq au cours de la dernière décennie (B. Patterson, M. Campbell, comm. pers.).

L’ours grizzli occupe probablement la majeure partie des terres continentales du Nunavut (figure 3). Cette répartition n’a probablement pas varié au cours de la période historique (Schwartz et al., sous presse).

Vu la création du Nunavut en 1999, les mortalités dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut sont rapportées ensemble (tableau 11). La mortalité cynégétique, celle associée à la protection de la vie humaine ou de la propriété ainsi que la mortalité totale ont fluctué au cours de la période considérée.

6.7 Canada

Dans l’ensemble, rien n’indique que la population totale ou que la répartition de l’ours grizzli au Canada aient changé depuis 1991. La zone d’occurrence de l’espèce serait d’approximativement 3 469 000 km2 selon Banci (1991) et McLellan et Banci (1999), mais sa zone d’occupation actuelle se rapprocherait davantage de 2 574 000 km 2.

Le nombre connu d’ours grizzlis tués par l’homme au Canada est en moyenne de 504 par année (tableau 12). Environ 84 p. 100 de ces mortalités sont attribuables à la chasse légale (Premières nations incluses). Une autre tranche de 13 p. 100 est attribuable à la protection de la vie humaine ou de la propriété. D’après les estimations de la population canadienne totale (tableau 6), la mortalité de cause anthropique connue correspond en moyenne à environ 2,0 à 2,4 p. 100 de la population chaque année. Ce taux de mortalité n’est pas distribué également dans les provinces et territoires.


Figure 13. Répartitions actuelle et ancienne (vers 1800) de l’ours grizzli en Amérique du Nord.

Figure 13. Répartitions actuelle et ancienne (vers 1800) de l’ours grizzli en Amérique du Nord.

Adapté de Servheen (1990).

 


Figure 14. Évolution de la densité de la population humaine au Canada par décennie pour la période de 1861 à 2000.

Figure 14. Évolution de la densité de la population humaine au Canada par décennie pour la période de 1861 à 2000.

 


Figure 15. Évolution de la population humaine totale de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest (avec le Nunavut) pour la période de 1971 à 2000.

Figure 15. Évolution de la population humaine totale de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest (avec le Nunavut) pour la période de 1971 à 2000.

Données de Statistique Canada.

6.8 Taille et tendances des populations – Sommaire

On estime au minimum à 27 421 ours la population totale d’ours grizzlis au Canada (plage de 26 916+ à 29 150+). De ce total, entre 6 890+ et 17 199+ ours sont en âge de procréer. L’ours grizzli occupe présentement plusieurs zones discontinues et compte donc plusieurs sous-populations. On a repéré, le long de la bordure sud de l’aire de répartition de l’espèce en Colombie-Britannique, huit isolats dont la population totale n’atteint pas 250 ours (T. Hamilton et B. McLellan, comm. pers.). Dans six de ces isolats, la population est estimée à moins de 30 individus. Dans les deux autres, la population estimée est de 60 et de 67 individus. Le reste de la population canadienne d’ours grizzlis occupe quelque 2 574 000 km2formant un territoire essentiellement continu. L’ours grizzli est disparu de l’écozone des Prairies.

Au Canada, les populations d’ours grizzlis sont très inférieures à ce qu’elles ont déjà été, mais elles sont demeurées essentiellement stables depuis 1990. On pense que même les petites populations isolées du Sud de la Colombie-Britannique sont stables.

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