Chabot pygmée (Cottus sp.) programme de rétablissement : chapitre 5

Habitat

On ne dispose pas de données actuelles et historiques sur la qualité et l’étendue de l’habitat du chabot pygmée, de sorte que les tendances précises concernant la disponibilité de l’habitat demeurent inconnues. Les comparaisons effectuées entre de l’information limnologique datant de 2001 et celle recueillie dans les années 1930 et 1960 semblent indiquer que l’habitat situé en zone limnétique, dans le lac Cultus, a peu changé au cours des 65 dernières années, en dépit d’une augmentation considérable de l’utilisation publique du lac et des terres adjacentes (COSEPAC, 2003). Les pratiques en matière d’utilisation des terres et d’autres activités humaines ont probablement occasionné un certain déclin sur le plan de la qualité et de l’étendue de l’habitat, mais l’ampleur des changements semble être plus importante dans les zones littorales peu profondes. L’impact de ces changements sur le chabot pygmée n’est pas connu. Nous discutons ci-après des tendances générales touchant les utilisations des terres et de l’eau dans le bassin hydrographique.

Le lac Cultus est une destination récréative populaire depuis la fin des années 1800. Le bassin hydrographique est fortement aménagé pour les usages récréatifs, résidentiels et agricoles, et pratiquement tout le rivage qui pouvait être aménagé l’a été dans une certaine mesure (Ministry of Lands, Parks & Housing, 1980). Le rivage restant est abrupt et inaccessible par la route. Le parc provincial du lac Cultus a été créé en 1948 et représente aujourd’hui 656 ha de rivage, tant sur le littoral est que ouest du lac Cultus. En 1969, la International Ridge Recreation Area (zone récréative internationale Ridge) a été établie, totalisant 2080 ha qui englobent tout le territoire situé entre la limite est du parc et la ligne de crête. Le parc municipal du lac Cultus est situé sur la rive nord du lac et couvre environ 259 ha. Le parc a été créé aux termes d’une loi provinciale en 1932 et il est exploité par la ville de Chilliwack, dont il est la propriété.

Le parc provincial du lac Cultus est la destination la plus populaire dans le Lower Mainland et se classe au deuxième ou au troisième rang dans la province pour le nombre total de visites sur le terrain de camping, selon les conditions météorologiques, pendant un été donné (Ministry of Lands, Parks & Housing, 1980). Le parc est utilisé de façon intensive et soutenue tout au long de l’été et attire d’importantes foules chaque week-end et la plupart des jours du milieu de la semaine par beau temps (Ministry of Lands, Parks & Housing 1980). L’utilisation historique du parc a été proportionnelle à l’accroissement de la population dans la région, avec environ 1,5 million de personnes qui visitent le parc chaque année actuellement (COSEPAC, 2003). Les deux parcs sont exploités pour la réalisation d’activités aquatiques et de plage sur une base intensive. L’aménagement se poursuit dans les zones riveraines et les hautes terres du parc, principalement à des fins récréatives et touristiques (Ministry of Lands, Parks & Housing, 1980; Cultus Lake Parks Board, 2006).

Des activités telles que la chasse et l’exploitation forestière sont permises dans la zone récréative, mais l’exploitation forestière n’est pas possible dans une grande partie du bassin hydrographique, car les sols y sont abrupts et instables (Ministry of Lands, Parks & Housing, 1980). Le couvert forestier actuel du côté est du lac consiste principalement en une forêt secondaire de Douglas taxifolié et d’érable, qui fait suite de l’exploitation forestière qui a eu lieu avant la création du parc. Actuellement, l’exploitation forestière n’a lieu que près du cours supérieur du ruisseau Frosst, aux États-Unis (COSEPAC, 2003). Les impacts de l’exploitation forestière sur le lac Cultus sont probablement mineurs (COSEPAC, 2003).

La construction de résidences permanentes est limitée à de petites zones sur les côtés nord-est et nord-ouest du lac et à la plage Lindell, au sud. Des activités agricoles ont lieu près de l’extrémité sud. Les activités qui ont des effets directs sur la zone littorale du lac incluent l’enlèvement de la végétation aquatique et riveraine, la modification du rivage et l’empiétement physique des quais et des jetées (COSEPAC, 2003). Les activités qui ont une incidence sur les affluents incluent la canalisation et l’enlèvement de la végétation riveraine (COSEPAC, 2003). La dégradation potentielle de la qualité des apports d’eau douce de surface et de fond du lac, attribuable à des écoulements en provenance de systèmes septiques, au ruissellement d’origine agricole et à l’utilisation domestique d’engrais, est particulièrement préoccupante (COSEPAC, 2003).

Le plus important changement observable de l’habitat dans le lac s’est produit à la suite de l’introduction de la myriophylle en épi (Myriophyllum spicatum)vers la fin des années 1970. De 1977 à 1991, l’aire de répartition de cette espèce dans la zone littorale a presque doublé et est passée de parcelles surtout clairsemées à des tapis denses (COSEPAC, 2003). En 1991, elle couvrait 22 ha sur les 74 ha de la zone littorale du lac (Truelson, 1992); les répartitions subséquentes n’ont fait l’objet d’aucun suivi. On ne sait pas si le chabot pygmée a utilisé, par le passé, des zones littorales maintenant infestées par la myriophylle.

5. Protection de l’habitat

Aucune disposition ne vise de façon précise la protection de l’habitat du chabot pygmée. Cependant, l’espèce profite probablement de la législation en vigueur (Loi sur les pêches) qui protège l’habitat du poisson en général. Environ 92 % du rivage du lac Cultus se trouve à l’intérieur du parc provincial du lac Cultus et du parc municipal du lac Cultus. Ces parcs s’étendent dans les hautes terres (Figure 2).

6. Habitat essentiel

La désignation et la protection de l’habitat essentiel est un composant clé de la gestion des espèces en péril. Même si la définition de l’habitat essentiel est l’un des aspects les plus complexes de la gestion d’une espèce, cette étape est essentielle si l’on veut assurer la survie à long terme d’une espèce. Ce principe est un élément central de la législation sur les espèces menacées en général et de la Loi sur les espèces en péril en particulier, qui définit l’habitat essentiel comme étant :

« … l’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce. » [par. 2(1)].

La nécessité de désigner et de protéger l’habitat essentiel est clairement reconnue par les scientifiques, les gestionnaires des ressources et le grand public. Malgré sa complexité, la question centrale est la même pour toutes les espèces, à savoir déterminer le rôle de l’habitat sur le plan de la limitation de la population et répondre à la question suivante : quelle quantité d’habitats est nécessaire pour assurer la survie et le rétablissement d’une espèce sauvage inscrite?

6.1 Désignation de l’habitat essentiel de l’espèce

Présentement, il est possible de relever des caractéristiques générales relatives aux habitats qui sont vraisemblablement importantes. Par exemple, s’il s’avère que le chabot pygmée fait son nid dans les zones benthiques profondes du lac Cultus, une partie ou la totalité de cet habitat pourrait se qualifier comme étant essentiel. Le chabot pygmée utilise les zones limnétiques du lac pendant la majorité de sa vie, de sorte qu’une partie ou la totalité de cet habitat pourrait se qualifier comme étant essentiel. Ainsi, ces habitats ou des parties de ceux-ci seront désignés comme faisant partie de l’habitat essentiel de l’espèce. Toutefois, en raison d’un certain nombre de lacunes au chapitre de l’information, nous ne pouvons établir une démarcation précise de l’habitat essentiel pour le moment. Les lacunes générales dans les connaissances sont analysées dans la section 13.

6.2 Programmes d’étude

Nous savons très peu de chose à propos du chabot pygmée. Le programme d’études suivant doit permettre la délimitation de l’habitat essentiel du chabot pygmée. Une description plus détaillée de chacune des tâches sera exposée dans au moins un plan d’action. On projette que ces études soient entreprises au cours des cinq années à venir, et réévaluées en même temps que les mises à jour du programme de rétablissement.

Utilisation de l’habitat -- La première tâche consiste à acquérir une meilleure compréhension de l’utilisation de l’habitat par le chabot pygmée à ses différents stades de vie. La description des associations à un habitat fondamentales pour chaque stade de vie est une information dont il faut absolument disposer pour définir l’habitat essentiel (Rosenfeld et Hatfield, 2006), en particulier pour ce qui est de l’habitat de frai du chabot pygmée. En général, on s’entend sur les types d’habitats utilisés par le chabot pygmée, mais une compréhension plus précise est essentielle. Dans la mesure du possible, les exigences en matière d’habitats doivent être définies sur le plan des éléments des microhabitats tels que la profondeur, le type de substrat et son état ainsi que les caractéristiques physiques de l’eau.

Disponibilité de l’habitat -- La deuxième tâche consiste à examiner l’habitat historiquement et actuellement disponible. L’information concernant l’étendue et la répartition des différents types d’habitats disponibles pour l’espèce constitue également un composant clé dans l’exercice de délimitation de l’habitat essentiel. Il faut effectuer des études pour décrire l’abondance et la répartition des différents habitats dans le milieu. Dans la mesure du possible, la disponibilité historique des habitats doit être explorée afin que l’on puisse disposer d’un contexte pour évaluer les conditions actuelles et procéder à la délimitation finale de l’habitat essentiel.

Abondance de la population -- Des objectifs de rétablissement clairement définis pour la population à chaque stade de développement sont essentiels à la désignation de l’habitat essentiel du fait que l’étendue de l’habitat désigné comme étant essentiel doit être liée à un repère démographique (Rosenfeld et Hatfield, 2006). Pour ce faire, il faudra passer en revue les données historiques et actuelles sur l’abondance de la population dans le cadre du processus d’établissement des objectifs de rétablissement. Les données actuelles et historiques sur l’abondance de la population nous donnent un contexte significatif pour situer les objectifs de rétablissement, bien que nous reconnaissions que l’abondance historique puisse être difficile à établir avec précision. Il est possible qu’on ne puisse évaluer que qualitativement l’abondance historique du chabot pygmée.

Objectifs de rétablissement --L’établissement d’objectifs de rétablissement peut nécessiter plusieurs étapes et la collecte de plusieurs données. Les objectifs de rétablissement peuvent s’appuyer sur des principes de base (p. ex. Thomas, 1990; IUCN, 2001; Reed et al., 2003), des analyses numériques telles que l’analyse de la viabilité de la population (AVP; Morris et Doak, 2002) ou une combinaison de diverses techniques. Dans le cas d’organismes tels que le chabot pygmée, pour lesquels on dispose de relativement peu d’information et pour lesquels l’acquisition de renseignements supplémentaires nécessite une longue période de collecte, il peut être avantageux d’utiliser des objectifs fondés sur des principes de base. Cependant, il n’en demeure pas moins important d’examiner de tels objectifs en procédant à une évaluation des paramètres démographiques clés (p. ex. survie et fécondité) et d’entreprendre une modélisation précise de la population (p. ex. analyse de l’élasticité; voir Gross et al., 2002) pour explorer les stades de développement qui ont le plus grand effet limitatif sur l’abondance du chabot. Il sera nécessaire d’établir des objectifs pour chaque stade de vie important (Rosenfeld et Hatfield, 2006).

Relations entre l’habitat et l’abondance -- La désignation de l’habitat essentiel nécessite l’établissement de relations quantitatives entre l’habitat et l’abondance qui nous permettent ensuite d’établir l’étendue de l’habitat nécessaire à l’atteinte d’un objectif de rétablissement démographique (Rosenfeld et Hatfield, 2006). L’élaboration d’une telle relation n’est pas simple et peut nécessiter, du moins en partie, le recours à l’avis d’experts.

Définition de l’habitat essentiel -- La dernière étape, à savoir la définition même de l’habitat essentiel, consiste à utiliser des objectifs démographiques et les relations qui existent entre les types d’habitats et l’abondance pour déterminer quelles quantités d’habitats différents sont requises pour maintenir une population de chabot pygmée viable et, par la suite, déterminer les emplacements précis de ces habitats dans le milieu.

6.3 Exemples d’activités qui sont susceptibles d’entraîner la destruction de l’habitat essentiel

Tant que l’habitat essentiel n’est pas officiellement délimité, il n’est pas possible de formuler des orientations précises concernant les activités qui sont les plus susceptibles de détruire l’habitat essentiel autrement qu’en employant des termes très généraux. Par exemple, les activités qui représentent une menace pour les zones littorales profondes ou celles qui modifient la productivité des zones limnétiques peuvent avoir des effets négatifs sur le chabot pygmée. Les menaces plus générales pesant sur certains des types d’habitats importants pour le chabot pygmée sont traitées à la section 3.

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