Porte-queue demi-lune (Satyrium semiluna) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Information sur l'espèce

Nom et classification

Le Satyrium semiluna Klots, connu jusqu’à tout récemment sous le nom S. fuliginosum (W.H. Edwards, 1861), est un papillon porte-queue de la famille des Lycénidés. Mattoon et Austin (1998) ont récemment publié une revue taxinomique et reconnu cinq sous-espèces faisant partie de deux groupes phénotypiquement distincts. On a considéré que le groupe « fuliginosum » était formé des sous-espèces albolineatum Mattoon et Austin, 1998; fuliginosum, et tildeni Mattoon et Austin, 1998 et que le groupe « semiluna » était formé des sous-espèces maculadistinctum Mattoon et Austin, 1998 et semiluna Klots, 1930.

La documentation canadienne récente (Bird et al., 1995; Layberry et al., 1998, Guppy et Shepard, 2001) a toujours classifié la population de l’Alberta dans la sous-espèce semiluna. Cette interprétation est également avancée par Kondla (2003a, 2004b), bien que les adultes soient perceptiblement plus petits que les individus de l’Idaho, du sud du Montana et du Wyoming. La classification taxinomique des populations de la Colombie-Britannique au niveau de la sous-espèce varie selon la documentation. Layberry et al. (1998) considère ces populations comme faisant partie de la sous-espèce fuliginosum, tandis que Guppy et Shepard (2001) les considèrent comme faisant partie de la sous­-espèce semiluna. Pyle (2002) mentionne que A. Warren les considère comme une sous-espèce « probablement non décrite ». Kondla (2003b) estime également que les populations de la Colombie-Britannique sont une entité non décrite.

Les récents travaux effectués par Warren (2005) ont entraîné la séparation du S. semiluna de l’espèce S. fuliginosa, le S. semiluna ayant obtenu le statut officiel d’espèce. Cette séparation s’appuie sur le fait que « les mâles de toutes les populations du S. semiluna ont des ptérostigmas sur les ailes antérieures, qui varient de vestigiaux à bien développés, tandis que les mâles du S. fuliginosa en sont dépourvus » (Warren, 2005). Les ptérostigmas sont des taches d’écailles odoriférantes spécialisées (androconies) dont l’importance dans l’accouplement a récemment été démontrée (D. Lafontaine, comm. pers.). Par conséquent, l’ancienne espèce S. fuliginosa a été divisée en deux espèces (Warren, 2005), le véritable S. fuliginosa étant restreint à la Californie et le S. semiluna se retrouvant partout ailleurs (D. Lafontaine, comm. pers.). Les deux populations présentes au Canada sont maintenant reconnues comme étant de l’espèce S. semiluna (A. Warren, comm. pers.). La population de la Colombie-Britannique pourrait être une sous-espèce distincte du S. semiluna typique, qui a été décrit selon des individus du nord du Wyoming, mais il n’y a pas de nom de sous-espèce attribué à la forme présente en Colombie-Britannique (D. Lafontaine, comm. pers.).

Le nom commun anglais Half-moon Hairstreak provient de l’emplacement type de l’espèce, soit le ranch Half-Moon situé dans le comté de Teton, au Wyoming (A. Warren, comm. pers.). L’emploi du nom commun français « porte-queue demi-lune » est recommandé (J.-F. Landry, comm. pers.).

Description morphologique

Le porte-queue demi-lune est un petit papillon terne d’aspect principalement brunâtre ou brun noirâtre sur la face dorsale des ailes. La couleur varie selon le sexe, la sous-espèce, l’usure des ailes et l’âge des spécimens conservés dans les musées. Contrairement à de nombreuses espèces de porte-queues, il n’y a pas de queues sur les ailes postérieures.

Les mâles de la population de l’Alberta sont très petits, soit d’une envergure de 25 mm ou moins. La face dorsale de l’aile est d’un brun foncé qui se dégrade en un brun plus pâle avec l’âge. Ces mâles ont un sombre ptérostigma (tache d’androconies) bien visible sur la face dorsale de l’aile antérieure. Le dessous des ailes est brun moyen voilé d’écailles grises le long des marges distales. De grandes taches noires, légèrement entourées d’écailles blanches, sont présentes dans la région postmédiane de la face ventrale des ailes antérieures. Les taches noires postmédianes sur la face dorsale des ailes postérieures sont de beaucoup réduites. Les régions submarginales du dessous des ailes n’ont pas de caractéristiques spéciales ou sont très faiblement marquées. Comparativement aux mâles, les femelles sont plus grosses et leur face ventrale est plus pâle et plus grise.


Figure 1. Vues dorsales et ventrales comparatives d’entités de l’Alberta (parc national des Lacs-Waterton) et de la Colombie-Britannique (à proximité du lac White).

Vues dorsales et ventrales (voir description longue ci-dessous).

L’échelle est réelle.

Description pour la figure 1

La figure 1 illustre des spécimens mâles de l’Alberta et de la Colombie-Britannique. Des illustrations comparatives montrant des spécimens femelles de l’espèce S. fuliginosa et du Canada se retrouvent dans Kondla (2003b).


Les mâles de la population de la Colombie-Britannique du porte-queue demi-lune ont une envergure de 30 mm ou plus et sont visiblement plus gros que les individus de l’Alberta. La couleur de l’aile dorsale est un gris-brun foncé qui apparaît noirâtre lorsque le spécimen est frais. La couleur dorsale pâlit avec l’âge. Le ptérostigma de la face dorsale de l’aile antérieure de la plupart des individus est discret et moins nettement défini que chez les individus de la population de l’Alberta. Le dessous du mâle est plus visiblement maculé que dans la population de l’Alberta. Cette maculation accentuée comprend des taches marginales plus nettes et une rayure sombre plus visible au bout de la cellule de l’aile antérieure. Les femelles diffèrent des mâles de la même façon que leurs homologues de l’Alberta.

Le porte-queue demi-lune adulte peut être confondu avec un autre Lycénidé qui vole dans les mêmes régions et durant la même période. Ce papillon est l’Aricia icarioides ou bleu de Boisduval (aussi classé dans le genre Icaricia ou Plebejus par d’autres auteurs). Cette confusion dans l’identification se limite aux vues ventrales, car les mâles de l’espèce A. icarioides sont bleus sur la face dorsale des ailes, et même les femelles de cette espèce montrent habituellement un certain fond bleu sur cette même face.

Les œufs du S. fuliginosa, qui pourraient en fait être ceux du S. semiluna, sont décrits par Scott (1986a) comme étant de coloration blanc verdâtre. Scott (1992) fournit plus de détails sur l’aspect de l’œuf et note que certains œufs sont brun roux, possiblement en raison de l’âge. La chenille du dernier stade est décrite par Ballmer et Pratt (1988). Ils notent qu’elle ressemble en surface à la chenille de l’A. icarioides. Elle est aussi décrite comme ayant une coloration de fond vert pâle avec des motifs latéraux blanchâtres et une tête brun foncé.

Description génétique

Les échanges génétiques entre les populations de la Colombie-Britannique et celle du parc national des Lacs-Waterton sont très peu probables en raison d’un isolement géographique et de barrières écologiques importantes. Le Guelph Centre for DNA Barcoding a assemblé un segment de la séquence d’ADN mitochondrial de la cytochrome C oxydase à partir de dix spécimens de S. semiluna (quatre du bassin de White Lake en Colombie-Britannique, deux du parc national des Lacs-Waterton en Alberta et quatre du comté de Kittitas dans l’État de Washington). La séquence des nucléotides était identique chez les dix spécimens. L’analyse ne résout pas la question des récentes divergences, car ce résultat n’appuie ni ne réfute l’hypothèse selon laquelle les différences dans l’aspect des adultes et les différences structurales dans la tache d’androconies du mâle indiqueraient des différences dans la structure génétique entre les populations de l’Alberta et de la Colombie-Britannique (F. Sperling, comm. pers.).

Unités désignables

Certains éléments portent à croire que les deux populations canadiennes pourraient être taxinomiquement distinctes, mais aucun nom n’a été attribué aux sous-espèces pour ces populations; d’autres travaux devraient être entrepris à cet égard. Les différences morphologiques observées pourraient indiquer l’existence de deux entités distinctes ou refléter la plasticité de certaines caractéristiques lorsque l’espèce occupe des habitats différents.

Il y a un isolement géographique notable entre les deux populations au Canada, qui s’étend également très au sud de la frontière canadienne. Il n’y a pas de possibilités d’échanges d’individus entre les populations de l’Alberta et de la Colombie-Britannique. Les populations sont séparées principalement par des habitats non propices pour l’espèce sur une distance en ligne droite d’environ 400 km. Ces populations pourraient ne pas sembler biogéographiquement distinctes si toute la région de la Cordillère du sud-ouest du Canada était considérée comme homogène, mais les environnements biogéographiques et écologiques de la région du sud de l’Okanagan de la Colombie-Britannique et du sud-ouest de l’Alberta sont différents. De plus, au Canada et aux États-Unis, il existe d’importantes zones d’habitat de haute altitude non propice situées à l’ouest et à l’est des montagnes Rocheuses. Par contre, bien que les populations de l’Alberta et de la Colombie-Britannique soient dans des contextes écologiques différents et bien qu’elles sont isolées l’une de l’autre, elles se situent toutes deux dans l’écozone des montagnes du Sud.

Les populations de l’Alberta et de la Colombie-Britannique sont assujetties à divers régimes d’utilisation des terres et à diverses menaces. La population de l’Alberta se trouve dans un parc national où les menaces anthropiques sont limitées, mais où elle est exposée aux processus naturels stochastiques et assujettie aux impacts négatifs liés à l’invasion de la centaurée maculée (Centaurea maculosa) et à son contrôle. La population de la Colombie-Britannique se trouve dans un certain nombre de sites assujettis à une gamme d’utilisations des terres qui pourraient menacer la pérennité de ce papillon à ces endroits. Son habitat est également sujet à l’invasion d’espèces végétales exotiques.

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