Yucca glauque (yucca glauca) évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2013 : chapitre 3
Yucca glauque
Yucca glauca
Description et importance de l’espèce sauvage
Le yucca glauque (Yucca glauca) est une plante vivace à longue durée de vie qui forme des rosettes de feuilles longues et pointues. Chaque rosette peut produire une seule inflorescence, mesurant jusqu’à 85 cm de hauteur et réunissant habituellement 15 à 75 grosses fleurs blanches à port retombant. Les fruits sont déhiscents, de la grosseur d’un kiwi, et renferment chacun six rangs de graines noires et plates.
Le yucca glauque entretient une relation de mutualisme avec son pollinisateur, la teigne du yucca, dont les chenilles ont besoin des fruits du yucca glauque comme source de nourriture; ce type d’interaction est relativement rare. Le yucca glauque est également hôte obligatoire de la teigne tricheuse du yucca, de la fausse-teigne à cinq points du yucca et de l’hespérie géante de Strecker.
Le yucca glauque et la teigne du yucca atteignent au Canada la limite nord de leur aire de répartition et y possèdent des caractéristiques particulières leur permettant de persister malgré la grande variabilité des conditions biologiques et environnementales. Les populations de yucca glauque d’Alberta présentent notamment les plus longues saisons de floraison à avoir jamais été observées chez cette espèce. Les fruits du yucca glauque ne parviennent pas tous à maturité, mais les individus de l’espèce qui poussent en Alberta ont la capacité de provoquer un avortement sélectif des fruits qui renferment le moins d’œufs de papillons, ce qui maximise le potentiel reproducteur de ces insectes. De plus, il a été démontré que le yucca glauque, en Alberta, est capable d’autopollinisation, et la descendance ainsi obtenue ne présente aucun signe de dépression de consanguinité précoce.
Répartition
Le yucca glauque pousse à l’état indigène dans les Grandes Plaines d’Amérique du Nord, depuis le Texas jusqu’à l’Alberta et depuis les montagnes Rocheuses jusqu’au fleuve Mississippi. Au Canada, le yucca glauque se rencontre dans deux sites situés en Alberta, le long de la rivière Milk et d’un de ses affluents, la rivière Lost. Une petite population de yucca glauque a déjà été signalée près de Rockglen, en Saskatchewan; la plante y pousse dans des conditions naturelles, et nous considérons qu’il s’agit d’une troisième population canadienne de l’espèce sauvage.
Les populations de yucca glauque situées le plus près des populations canadiennes se trouvent plus au sud, à une distance d’environ 100 à 120 km, près de la rivière Missouri, au Montana. Une immigration à partir de ces populations est peu probable, parce que les graines du yucca glauque ne se dispersent qu’à une faible distance et que la plus grande partie du territoire séparant ces populations des populations canadiennes a été modifiée pour la culture en bandes et ne convient donc pas au yucca glauque.
Habitat
Le yucca glauque pousse sur des pentes de ravin bien drainées, exposées au sud, à végétation clairsemée, dans le bassin de la rivière Milk, dans le sud-est de l’Alberta et le sud-ouest de la Saskatchewan. Le climat se caractérise par des étés secs et très chauds, de faibles précipitations, une grande amplitude journalière et de fréquentes conditions météorologiques extrêmes telles que vents forts et fortes pluies.
Les pentes de ravin présentant ces caractéristiques sont rares, ce qui constitue une limite naturelle pour le yucca glauque. Pour que l’espèce puisse s’étendre, il faudrait qu’elle utilise la prairie environnante, mais celle-ci a sans doute perdu de sa qualité comme habitat potentiel du yucca glauque, en raison de la suppression des incendies et de la diminution d’autres facteurs de perturbation naturelle, comme l’impact des bisons se roulant sur le sol de la prairie.
Biologie
Les populations de yucca glauque se maintiennent par reproduction asexuée (clonale), en produisant des rosettes, ou par reproduction sexuée, en produisant des graines. Les semis de yucca glauque fleurissent à l’âge de 20 à 25 ans, ou peut-être davantage, mais les rosettes issues de la reproduction asexuée peuvent fleurir au bout de quelques années seulement. Chaque rosette fleurit une seule fois avant de mourir, mais on estime que les clones (individus génétiquement distincts) peuvent vivre plus de 50 ans. La reproduction sexuée suppose une relation de mutualisme obligatoire avec la teigne du yucca, pollinisateur de la plante et prédateur de ses graines. Au Canada, le yucca glauque se reproduit presque exclusivement par voie asexuée : comme très peu de semis parviennent à s’implanter, la reproduction sexuée ne contribue pratiquement pas à la persistance des populations. Cependant, elle demeure essentielle au maintien de la relation de mutualisme avec les papillons du yucca.
Le yucca glauque fleurit depuis le début juin jusqu’en septembre. La teigne du yucca s’accouple en plein jour, dans une fleur de yucca glauque. Au crépuscule, les femelles du papillon se dispersent vers d’autres fleurs pour y effectuer la pollinisation et pondre parmi les ovules de la plante.
Seulement environ 10 % des fleurs pollinisées finissent par donner des fruits mûrs; dans les autres cas, il y a chute sélective des fruits avant leur maturité. Selon les relevés effectués dans la sous-station de recherche de Onefour, le yucca glauque produit 3 ou 4 fruits par inflorescence.
Taille et tendances des populations
À Onefour, on a estimé que le nombre total de clones de yucca glauque se situait entre 45 000 et 72 000 en 2006, et cette estimation concorde avec celle faite en 1977 (55 000 clones). La population de Onefour s’est quelque peu étendue à la prairie environnante depuis la fin des années 1970 (environ 1 000 clones), probablement à la suite d’un incendie de prairie qui a réduit la densité des graminées concurrentes.
À Pinhorn, l’effectif total de la population semble stable, se maintenant à environ 400 à 450 clones depuis 1977. Cependant, des améliorations apportées en 2004 à la méthode de délimitation des clones ont permis de réviser l’estimation à 1 366 clones. Aucune mortalité et aucun recrutement de clones n’ont été signalés depuis 1998.
La population de Rockglen, découverte en 2000, était constituée de 6 clones en 2000, en 2005 et en 2011.
Le taux de survie des clones matures a été estimé à 0,997 à Onefour. Le taux de germination des graines fluctue grandement selon les années, le nombre de semis augmentant à la suite des années de forte fructification durant lesquelles certaines activités ont perturbé le sol. Au moyen de modèles de projection démographique, on a estimé que le taux de croissance de la population de Onefour est légèrement positif, s’établissant à λ = 1,004.
Menaces et facteurs limitatifs
Au Canada, le yucca glauque est naturellement limité par sa relation avec la teigne du yucca. Les autres facteurs limitatifs possibles sont le broutage par les ongulés sauvages et les insectes ainsi que les conditions météorologiques extrêmes telles que vents forts et fortes pluies.
Les principales menaces anthropiques auxquelles est exposé le yucca glauque sont la modification de son habitat par le manque de perturbation (notamment associé à la suppression des incendies), par la mise en culture des terres, par le développement pétrolier ou gazier et par la circulation de véhicules tout-terrain. Le yucca glauque est également prélevé pour le commerce horticole et à des fins médicinales.
Protection, statuts et classements
Le yucca glauque est désigné « espèce menacée » aux termes de la Loi sur les espèces en péril (LEP) du Canada et est considéré comme « en voie de disparition » (Endangered) aux termes de la Wildlife Act de l’Alberta. L’espèce a fait l’objet d’un plan de rétablissement provincial de l’Alberta et d’un programme de rétablissement national d’Environnement Canada. Elle est classée G5 (non en péril) à l’échelle mondiale, N1 (gravement en péril) à l’échelle du Canada et S1 (gravement en péril) à l’échelle de l’Alberta.
Au Canada, deux des populations de yucca glauque se trouvent sur des terres publiques gérées respectivement par l’Alberta, dans la réserve de pâturage de Pinhorn, et par Agriculture et Agroalimentaire Canada, dans la sous-station de recherche de Onefour. Son habitat y est protégé par une désignation de l’habitat essentiel aux termes de la LEP et d’un règlement provincial visant les zones naturelles d’Alberta. La population de Rockglen se trouve dans un terrain privé, sauf un de ses clones, qui pousse au bord d’un chemin de juridiction provinciale. Comme cette population n’avait pas été incluse dans les évaluations antérieures de l’espèce, son habitat essentiel n’a pas été désigné.
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