Yucca glauque (yucca glauca) évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2013 : chapitre 6

Rapport de situation du COSEPAC sur le Yucca glauque Yucca glauca au Canada - 2013

Nom scientifique : Yucca glauca Nuttall

Synonymes : Yucca angustifolia Pursh, Yucca glauca var. gurneyi McKelvey, Yucca glauca var. stricta (J. Sims) Trelease, Yucca stricta J. Sims

Nom français : yucca glauque

Noms anglais : Soapweed, Yucca, Small Soapweed Yucca, Great Plains Yucca, Spanish Bayonet, Beargrass, Narrow-leafed Yucca

Nom pied-noir : eksisoke (ou aiksisooki).

Nom lakota : hupestola.

Famille : Agavacées; l’espèce est parfois placée dans les Liliacées ou les Asparagacées.

Le Yucca glauca Nutt. est la seule espèce du genre Yucca à pousser au Canada à l’état indigène. Il s’hybride avec le Y. elata dans l’est du Colorado, dans le centre du Nouveau-Mexique et en Arizona, et on croit qu’il s’hybride également avec le Y. constricta, le Y. baileyi et le Y. angustissima (Webber, 1953; Groen, 2005) dans certaines parties de son aire de répartition. Aucune de ces espèces ne pousse naturellement au Canada, mais elles peuvent y être présentes dans un contexte horticole.

Description morphologique

Le yucca glauque est une plante vivace polycarpique à longue durée de vie qui produit une rosette, ou un groupe de rosettes, de feuilles longues, étroites et très pointues (figure 1). Chaque groupe de rosettes appartient au même individu génétique (genet) et est ici appelé « clone », conformément à la terminologie en usage pour cette espèce. Les feuilles atteignent 25 à 40 cm de longueur chez les individus matures (Kingsolver, 1984; Csotonyi et Hurlburt, 2000). À la floraison, chaque rosette produit une seule inflorescence, qui réunit 15 à 75 fleurs parfaites, à port retombant, et peut atteindre une hauteur de 30 à 85 cm (Csotonyi et Hurlburt, 2000). En Alberta, la plupart des inflorescences comportent une ou deux fleurs par aisselle, mais certaines sont ramifiées et en comportent jusqu’à 5 par aisselle. Les fleurs sont grandes, blanches à blanc verdâtre ou blanc rosâtre (Csotonyi et Hurlburt, 2000). À maturité, les fruits sont ligneux, déhiscents, de la grosseur d’un kiwi. Dans la population de la sous-station de recherche de Onefour (ci-après appelée « population de Onefour »), les fruits du yucca glauque renferment en moyenne 146 (± 94) graines, qui sont plates, noires et réparties en six loges ou rangées (Hurlburt, 2004; figure 2). Chaque clone possède un ou deux rhizomes de fort diamètre, où prennent naissance de plus petits rhizomes (Groen, 2005). Les rhizomes forment ainsi un réseau enchevêtré dont la profondeur, en Alberta, est limitée par la présence d’une couche durcie dans le sol (D. Hurlburt, obs. pers.).


Figure 1. Clone de yucca glauque, dans la réserve de pâturage de Pinhorn, en Alberta, à la fin juin 2002

Photo d’une rosette de yucca glauque avec inflorescence (voir description longue ci-dessous).

Photo : D. Hurlburt.

Description pour la figure 1

Photo d’une rosette de yucca glauque (Yucca glauca) avec inflorescence (à l’avant-plan). Les feuilles sont longues, étroites et très pointues. Les fleurs sont blanc verdâtre.


Figure 2. Loge de fruit de yucca glauque, avec graines viables (noires) et non viables (blanches).

Photo d’un fruit de yucca glauque (voir description longue ci-dessous).

En s’alimentant, la chenille de teigne du yucca a détruit une partie des graines viables. Photo : D. Hurlburt.

Description pour la figure 2

Photo d’un fruit de yucca glauque, coupé de manière à montrer l’intérieur d’une loge avec un rang de graines aplaties. Certaines graines sont noires (viables), tandis que les autres sont blanches (non viables). L’extérieur du fruit est vert. Une chenille rosâtre de teigne du yucca est fixée à quelques-unes des graines noires.

Aucune sous-espèce de yucca glauque n’est reconnue, tous les individus poussant au Canada se trouvent dans la même aire écologique nationale du COSEPAC (celle des Prairies), et il n’existe aucune distinction justifiant l’évaluation de plusieurs unités désignables. Par conséquent, une seule unité désignable est reconnue aux fins du présent rapport.

Le yucca glauque entretient une relation de mutualisme obligatoire avec son pollinisateur, la teigne du yucca (Tegeticula yuccasella), chaque espèce ayant besoin de son interaction avec l’autre pour accomplir son cycle vital. Peu de relations interspécifiques de cette nature ont été répertoriées dans le monde entier, et il pourrait s’agir du seul exemple parmi les espèces vivant librement au Canada.

Le yucca glauque est le seul hôte de la teigne du yucca et de trois autres espèces de papillons, dont la teigne tricheuse du yucca (T. corruptrix) et la fausse-teigne à cinq points du yucca (Prodoxus quinquepunctellus), qui utilisent respectivement les fruits et les inflorescences de la plante comme sites de ponte. Ces deux espèces ainsi que la teigne du yucca figurent à titre d’espèces en voie de disparition dans l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril. Par ailleurs, les chenilles de l’hespérie géante de Strecker (Megathymus streckeri) ont besoin des feuilles, des tiges et des racines du yucca glauque pour croître (Anweiler, 2005). Cette espèce figure sur la liste d’espèces candidates du COSEPAC, mais elle n’a pas encore été évaluée. Ce réseau de cinq espèces spécialisées très interdépendantes est complété par les interactions complexes de certaines espèces de fourmis et de pucerons (Perry, 2001; Perry , 2004; Snell, 2008a, 2008b) et constitue un bon exemple d’interdépendance de plusieurs espèces, le déclin d’une des espèces pouvant nuire aux chances de survie de toutes les autres.

Au Canada, le yucca glauque et la teigne du yucca possèdent des caractéristiques particulières qui permettent à ces espèces ainsi qu’à leur relation de mutualisme de persister malgré les conditions biologiques et environnementales très variables associées à la limite nord de leurs aires de répartition. Ainsi, en Alberta, le yucca glauque présente les plus longues périodes de floraison à avoir été répertoriées pour toute espèce du genre Yucca; cette longue période de floraison permet un certain taux de pollinisation et de formation de graines même en cas d’émergence tardive du papillon. La plante peut provoquer la chute sélective des fruits renfermant le moins d’œufs de papillon, ce qui doit lui permettre d’affecter ses ressources au développement des fruits de manière à accroître le succès de reproduction du papillon. Ce processus n’avait jamais été décrit (Hurlburt, 2004). Contrairement à la plupart des yuccas, le yucca glauque, en Alberta, peut conserver spontanément ses fleurs autopollinisées, apparemment sans provoquer de consanguinité nuisible parmi la descendance (Hurlburt, 2004). Cependant, même dans le cas de l’autopollinisation, la teigne du yucca doit être présente pour transporter le pollen. Les caractéristiques particulières de ces populations périphériques leur confèrent une importance toute spéciale comme objets de conservation.

De plus, comme les populations périphériques du yucca glauque et de la teigne du yucca sont sans doute mieux adaptées aux conditions environnementales différentes que ne le sont les populations plus centrales, elles devraient jouer un rôle de premier plan dans une expansion des aires des deux espèces. Ces populations périphériques pourraient également être plus résilientes à l’égard des perturbations anthropiques et du changement climatique (Lesica et Allendorf, 1995; Lomolina et Channell, 1998).

Le yucca glauque a une valeur commerciale comme matériel horticole et est communément offert dans les pépinières d’un bout à l’autre du Canada (Hurlburt, 2001). Comme les racines de yucca renferment des saponines stéroïdes, elles ont été employées comme agent savonneux dans certains shampooings et savons. Les extraits de yucca étaient également populaires comme médicaments à base de plantes, et on en vantait même les mérites comme panacées (Hurlburt, 2001). Par ailleurs, on cherche actuellement à déterminer, au moyen d’expériences, si l’ajout d’extraits de yucca aux aliments du bétail peut aider à réduire la teneur du fumier en composés ammoniacaux ou les émissions de méthane des bovins, sans nuire à leur digestion (voir par exemple Holtshausen et al., 2009).

On sait que le yucca glauque avait une importance particulière pour certains peuples autochtones des États-Unis, comme source de nourriture et de fibre, et on peut supposer qu’il existe des connaissances traditionnelles autochtones sur cette plante, notamment sur ses interactions avec la teigne du yucca, dans les régions où le yucca glauque est plus commun qu’au Canada. Au Canada, on ne connaît aucune connaissance traditionnelle autochtone sur le yucca glauque, et on n’a jamais trouvé d’objet de fabrication autochtone renfermant des fibres de yucca.

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