Épaulards (Orcinus orca) programme de rétablissement : chapitre 3

3. Habitat Essentiel

En vertu de la Loi sur les espèces en péril, un « habitat essentielNote de bas de page 6 » est défini comme un « habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d'une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d'action élaboré à l'égard de cette espèce. » (Loi sur les espèces en péril (LEP), paragraphe 2(1)). Selon la LEP, la désignation de l'habitat essentiel de l'espèce dans la mesure du possible constitue une prescription juridique (LEP, alinéa 41 (1)c)). Une fois qu'un habitat essentiel a été désigné par le ministre, il devient interdit de détruire un de ses éléments (LEP, paragr. 58(1)), et le ministre compétent est tenu de mettre dans le registre une déclaration énonçant comment l'habitat essentiel est protégé légalement (LEP, paragr. 58(5)).

Il est difficile de définir l'habitat essentiel pour n'importe quelle espèce, mais cela l'est d'autant plus pour des animaux marins mobiles comme les épaulards. Les épaulards résidents parcourent de grandes distances géographiques et les membres des communautés d'épaulards résidents du nord et du sud peuvent être dispersés sur des centaines de kilomètres à n'importe quel moment dans le temps. Aussi, notre connaissance des épaulards vient en grande partie de la très courte période qu'ils passent à la surface et où nous pouvons les voir. Or, la façon dont ils utilisent et parcourent leur habitat sous-marin tridimensionnel n'est pas du tout bien comprise. Les vocalisations sous-marines des épaulards résidents fournissent un aperçu de leur état comportemental, mais elles nous en disent peu sur la manière dont ils utilisent les caractéristiques géographiques de l'environnement. Dans l'état actuel de nos connaissances, l'habitat le plus important pour l'épaulard à l'été et à l'automne se compose de chenaux, de rivage ou d'autres caractéristiques topographiques ou océanographiques qui attirent sa proie migratrice, le saumon.

Peu de preuves semblent indiquer que des caractéristiques physiques particulières de l'environnement aident ou contraignent les épaulards, sauf pour celles qui leur permettent d'avoir accès à leurs proies. En effet, en tant que prédateurs de niveau supérieur, les épaulards n'ont généralement pas besoin d'endroits où se réfugier, ils vivent dans une grande variété d'habitats côtiers et pélagiques de la planète, et ils peuvent tolérer une large plage de niveaux de température, de salinité et de turbidité. La présence d'épaulards résidents est étroitement associée à la présence du saumon (Heimlich-Boran, 1988; Felleman et al., 1991; Osborne, 1999; Nichol et Shackleton, 1996; Ford et al., 1998), et c'est cette caractéristique contraignante de l'environnement qui affecte leur répartition, quoique notre connaissance soit limitée dans le temps aux mois d'été et d'automne. Pour le reste de l'année, on dispose de beaucoup moins d'information sur leur régime alimentaire, leur répartition et leurs habitudes migratoires. De toute évidence, un objectif particulier du plan d'action doit être de déterminer s'il existe d'autres habitats où vivent les épaulards pendant l'hiver et le printemps et qui sont essentiels à leur rétablissement. De tels critères devront tenir compte de la probabilité que les changements survenus dans l'importance relative des principaux stocks de saumons puissent causer des changements correspondants dans l'emplacement géographique de l'habitat essentiel des épaulards résidents.


3.1 Désignation de l'habitat essentiel de l'espèce

Deux zones de concentration saisonnière des épaulards résidents, qui sont situées au large du nord-est et du sud-est de l'île de Vancouver, ont été décrites d'une manière exhaustive et satisfont aux exigences requises pour la désignation comme habitat essentiel en vertu de la LEP. L'habitat essentiel (voir les figures figure4 et figure5) est décrit au moyen de coordonnées pour chaque population (voir l'annexe B) et comprend ces attributs désignés : la disponibilité des proies de prédilection (plus précisément le saumon quinnat et le saumon kéta) ainsi que l’absence de perturbation acoustique et de contamination chimique, lesquelles empêcheraient l’espèce d’utiliser les zones d’habitat essentiel pour s’alimenter, socialiser, s’accoupler, se reposer et, dans le cas des épaulards résidents du nord, se frotter sur les rochers près de la plage.

Ces deux zones sont caractérisées par des chenaux étroits avec des courants forts, et semblent être des « entonnoirs » géographiques où tend à se concentrer le saumon migrateur à destination du Fraser, qui présente la plus grande production de saumons dans la région (Northcote et Larkin, 1989), et d'autres plus petits cours d'eau coulant dans le détroit de Georgia et le détroit de Puget. La justification de la désignation de l'habitat essentiel et une description générale de l'habitat et de ses caractéristiques sont présentées aux sections section3.1.1 et section3.1.2 pour les épaulards résidents du nord et du sud respectivement.

Il existe probablement d'autres zones qui sont importantes pour les épaulards à diverses périodes, mais elles n'ont pas encore été étudiées suffisamment en détail pour pouvoir être formellement identifiées. Des mesures pour identifier et protéger efficacement d'autres zones d'habitats essentiels seront décrites dans le plan d'action qui suivra le présent programme de rétablissement.


3.1.1 Résidentsdu sud

L'habitat essentiel des épaulards résidents du sud englobe les zones transfrontalières du sud de la Colombie-Britannique (C.-B.) et de l'État de Washington. Ces eaux comprennent le passage Boundary et le détroit de Haro et les zones contiguës dans le détroit de Georgia et le détroit de Juan de Fuca, comme l'illustre la figure 4 (voir la description officielle de la zone désignée à l'annexe B). Cette zone représente une aire de concentration très importante pour les épaulards résidents du sud. Des analyses des données actuelles concernant les profils d'occurrence des épaulards résidents du sud pour l'ensemble de la côte ont été réalisées par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis, dans le cadre de la désignation de l'habitat essentiel en vertu de l'Endangered Species Act (ESA), en collaboration avec le Ministère des Pêches et des Océans (MPO) (National Marine Fisheries Service (NMFS), 2006a). Cette évaluation fournit des documents quantitatifs sur l'importance de ces zones transfrontalières pour ces animaux et constitue, au même titre que l'information publiée antérieurement, le fondement de la désignation de l'habitat essentiel. Le texte qui suit résume les grandes lignes de la justification de la désignation et des importants aspects de l'habitat des épaulards résidents du sud.

La présence de résidents du sud dans cette zone est fortement corrélée avec la synchronisation de la migration du saumon dans ces eaux (Heimlich-Boran, 1988; Felleman et al., 1991; Osborne, 1999). À l'intérieur de cette zone, les secteurs particulièrement importants pour l'alimentation sont les eaux du littoral des côtés ouest et sud-ouest de l'île de San Juan, la pointe sud de l'île de Vancouver, le chenal Swanson au large du nord de l'île Pender et au large de l'embouchure du Fraser (Heimlich-Boran, 1988; Hoelzel, 1993; Ford et al., 2000; données non publiées, Centre for Whale Research (CWR) et programme de recherche sur les cétacés-Ministère des Pêches et des Océans (PRC-MPO).


Figure 4 : Habitat essentiel des épaulards résidents du sud. La région hachurée montre les zones envisagées pour désignation au titre d'habitat essentiel des épaulards résidents du sud en vertu de l'Endangered Species Act (ESA) des États-Unis.

Habitat essentiel des épaulards résidents du sud. La région hachurée montre les zones envisagées pour désignation au titre d'habitat essentiel des épaulards résidents du sud en vertu de l'Endangered Species Act (ESA) des États-Unis.

La zone d'habitat essentiel est utilisée régulièrement par chacun des trois groupes de résidents du sud de juin à octobre, et ce, la plupart des années (Osborne, 1999; Wiles, 2004). Le groupe J semble être présent dans la zone pendant une bonne partie du reste de l'année, mais, en général, les deux groupes de résidents du sud, K et L, sont absents de décembre à avril. L'habitat essentiel des résidents du sud est sans aucun doute d'une grande importance pour la communauté entière d'épaulards résidents du sud qui l'utilise comme aire d'alimentation pendant la période de la migration du saumon, et il correspond conséquemment à la définition d'habitat essentiel donnée dans la Loi sur les espèces en péril.

Une grande partie de la zone effectivement admissible comme habitat essentiel des épaulards résidents du sud relève de la compétence des États-Unis, et la désignation d'un habitat essentiel en vertu de la LEP ne s'applique donc qu'à une partie de la zone comprise à l'intérieur des eaux canadiennes (figure 4). En novembre 2005, les États-Unis ont désigné les épaulards résidents du sud comme espèce en voie de disparition en vertu de l'Endangered Species Act (ESA), (NMFS, 2005a). En conséquence, 6 630 km2 des eaux intérieures américaines de l'État de Washington et du détroit de Juan de Fuca sont envisagées, en novembre 2006, comme habitat essentiel en vertu de l'ESA (voir la figure 4) (NMFS, 2006b).


3.1.2 Résidents du nord

L'habitat essentiel des épaulards résidents du nord englobe les eaux du détroit de Johnstone et du sud-est du détroit de la Reine-Charlotte ainsi que les chenaux reliant ces détroits, comme l'illustre la figure 5 (voir la description officielle de la zone désignée à l'annexe B). Cette zone constitue une très importante aire de concentration des épaulards résidents du nord. Des analyses des données actuelles concernant les profils d'occurrence des épaulards résidents du nord pour l'ensemble de la côte ont été réalisées (NMFS, 2006) et fournissent des documents quantitatifs sur l'importance du détroit de Johnstone pour ces animaux. Cette évaluation constitue, au même titre que l'information publiée antérieurement, le fondement de la désignation de l'habitat essentiel. La zone ci-après désignée comme habitat essentiel est appelée la zone du « détroit de Johnstone » et a longtemps été le point central des activités de recherche et d'observation des baleines portant sur la communauté d'épaulards résidents du nord (Johnstone Strait Killer Whale Committee (JSKWC), 1991). Le texte qui suit résume les grandes lignes de la justification de la désignation et des importants aspects de l'habitat des épaulards résidents du nord.

Les résidents du nord fréquentent cette zone la plupart des jours, de juillet à octobre, leur nombre atteignant généralement un sommet de la mi-juillet à la mi-septembre (JSKWC, 1991; Nichol et Shackleton, 1996). Pendant le mois de novembre, les épaulards sont présents de façon plus sporadique dans la zone, et à partir de décembre jusqu'à mai, ils se font rares, mais ils sont néanmoins observés de temps en temps. Bien que tous les groupes de résidents du nord aient été signalés dans la zone, celle-ci est utilisée le plus souvent par un seul segment de la communauté d'épaulards, soit les groupes appartenant au clan A en particulier (Ford, 1984; Nichol et Shackleton, 1996). Certaines années, on tend à voir plus fréquemment les membres du clan G en septembre et en octobre qu'au cours de l'été (Nichol et Shackleton, 1996; données non publiées, PRC-MPO). Dans la zone du détroit de Johnstone, les épaulards résidents du nord passent la majeure partie de leur temps en quête de proies, principalement du saumon quinnat, en juillet et septembre, et du saumon kéta, en octobre (Ford, 1989; Ford et al., 1998; données non publiées PRC-MPO). Les épaulards utilisent aussi cette zone pour se reposer, socialiser et se frotter sur les rochers près de la plage (Ford, 1989; Ford et al., 2000).


Figure 5 : Habitat essentiel des épaulards résidents du nord en été et en automne en Colombie-Britannique

Habitat essentiel des épaulards résidents du nord en été et en automne en Colombie-Britannique.

Se frotter sur les rochers semble être une activité importante pour les épaulards résidents du nord. Ainsi, 90 % des épaulards se trouvant dans le détroit de Johnstone se rendent près des plages où ils peuvent s'adonner à cette activité et y passent environ 10 % de leur temps (Briggs, 1991). Pendant cette période, ils sont très sensibles à la perturbation. Reconnaissant l'importance de cet habitat pour les épaulards, la province de la Colombie-Britannique a établi, en 1982, la réserve écologique de Robson Bight-Michael Bigg afin de protéger une zone dans le secteur Ouest du détroit de Johnstone et l'estran près de Robson Bight où sont situées ces plages à vocation particulière (figure 5). Cependant, en 1990, en réaction aux préoccupations croissantes soulevées par les activités humaines réalisées dans Robson Bight et aux alentours, les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada ont conjointement donné le mandat au Johnstone Strait Killer Whale Committee d'élaborer des recommandations de gestion en vue d'assurer la conservation et la protection des épaulards (JSKWC, 1991, 1992). L'une des principales recommandations de ce comité prévoit l'établissement d'une zone de gestion spéciale couvrant un plus grand secteur marin que celui de la réserve écologique actuelle et l'établissement d'un programme de patrouille saisonnière pour surveiller les activités menées sur les baleines à partir de navires et ainsi atténuer la perturbation potentielle. La zone désignée comme habitat essentiel englobe l'aire recommandée au titre de zone de gestion spéciale.

La zone de gestion spéciale englobe les principales zones d'alimentation des épaulards utilisant le secteur du détroit de Johnstone ainsi qu'au moins six plages utilisées à divers degrés par les épaulards pour se frotter (voir la zone ombragée sur la figure 5). Étant donné l'importance de cette zone pour un grand segment de la communauté d'épaulards résidents du nord pendant la majeure partie de la saison où ils s'alimentent de saumons, et comme les épaulards utilisent traditionnellement ces plages pour se frotter, cette zone est désignée au titre d'habitat essentiel, comme il est défini dans la Loi sur les espèces en péril.

Il se peut qu'il y ait d'autres zones qui seront admissibles au titre d'habitat essentiel pour les résidents du nord pendant d'autres périodes de l'année et pour les groupes de résidents du nord qui utilisent rarement la zone du détroit de Johnstone au cours de l'été et de l'automne, mais l'information est actuellement insuffisante pour pouvoir les décrire. On procède actuellement à l'analyse des données recueillies jusqu'à maintenant sur les profils d'occurrence des épaulards résidents du nord pour l'ensemble de la côte à l'extérieur des zones désignées, ce qui permettra d'identifier d'autres zones à prendre en considération comme habitats essentiels (Ford, 2006). Ces zones incluraient des segments de l'entrée de Dixon, le détroit de Caamano, le chenal Whale et les chenaux entourant l'île King sur la côte continentale centrale de la C.-B.. Les épaulards résidents du nord fréquentent tous ces endroits, du moins certaines années, particulièrement pendant les mois de mai jusqu'au début de juillet (Nichol et Shackleton, 1996; données non publiées PRC-MPO). Dans d'autres aires situées au nord de l'île de Vancouver et sur la côte continentale, on a aussi relevé plusieurs plages où les épaulards vont se frotter, qui mériteraient également une protection comme habitat essentiel en raison de l'importance de cette tradition comportementale pour la diversité culturelle des populations d'épaulards résidents.


3.2 Exemples d'activités susceptibles d'entraîner une destruction de l'habitat essentiel

Bon nombre des menaces qui pèsent sur les épaulards résidents concernent aussi leur habitat; et ceci est particulièrement préoccupant pour l'habitat essentiel. Les menaces qui pèsent sur l'habitat essentiel sont brièvement énumérées ici, mais la section 2.2 donne plus de détails à leur égard. Comme il a été mentionné précédemment, il importe de reconnaître que définir et identifier un habitat essentiel pour les épaulards résidents est une tâche complexe. Il existe beaucoup de lacunes dans notre compréhension de l’habitat essentiel, et cette question constituera un point central de recherche dans le plan d’action.


3.2.1 Perturbation géophysique

Les zones qui, de par leur topographie sous-marine, entraînent les saumons dans des secteurs où ils se concentrent avant le frai constituent une caractéristique physique fondamentale de l'habitat essentiel pour les épaulards résidents du sud et du nord. En conséquence, n'importe quelle perturbation physique à grande échelle, comme un tremblement de terre, pourrait changer de manière importante les concentrations de saumon et être considérée comme une menace sérieuse. Cependant, de telles catastrophes sont imprévisibles et le risque qu'elles se produisent est faible. Les activités industrielles, notamment la construction, le forage, le battage de pieux, le dragage et la pose de conduites, sont les sources les plus probables de destruction de l'habitat essentiel. Les pêches à l'aide de filets qui traînent (accidentellement ou intentionnellement) sur le fond marin détériorent également l'habitat. Les ancres de bateaux endommagent le fond marin et peuvent contribuer à altérer les plages où les épaulards vont se frotter ou à faire en sorte que les épaulards aillent à un autre endroit. Les structures physiques comme les quais et les parcs à filet pour l'aquaculture peuvent entraîner le déplacement des épaulards. Dans un habitat essentiel, l'installation de structures individuelles et l'effet cumulatif de structures multiples devraient être évalués en fonction des besoins des épaulards dans l'habitat essentiel.

La présence de plusieurs plages où les épaulards vont se frotter constitue une caractéristique fondamentale de l'habitat essentiel des épaulards résidents du nord. Toute destruction de ces plages ou perturbation des épaulards alors qu'ils se trouvent dans ces zones devrait être considérée comme étant une menace. Ces plages à vocation particulière seraient également vulnérables à la perturbation en cas d'inondation et de glissements de terrain dans les zones contiguës aux plages.

Dégradation acoustique

Il devient de plus en plus manifeste que l'environnement acoustique sous-marin revêt une importance capitale pour les cétacés (Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 2004; International Whaling Commission (IWC), 2004). Il convient donc de gérer la menace que représente la dégradation de l'environnement acoustique sous-marin pour l'habitat essentiel, afin que les épaulards résidents puissent continuer de communiquer entre eux et de déceler et de capturer leurs proies dans cet habitat. De nombreuses menaces pèsent sur l'intégrité acoustique de l'habitat essentiel, comme il en a été question dans la section 2.2.3.

Rappelons que le bruit sous-marin comprend les relevés sismiques, les sonars commerciaux et militaires, la navigation, la construction et le dragage.


3.2.2 Contamination chimique et biologique

La dégradation de la qualité de l'eau par les contaminants environnementaux constitue une menace particulièrement grave pour les épaulards, leurs proies et leur habitat. Ces contaminants et leurs sources sont examinés à la section 2.2.1. Si beaucoup de contaminants sont aéroportés et dispersés sur l'ensemble des eaux côtières de la Colombie-Britannique, il reste que les eaux entourant le Lower Mainland et l'île de Vancouver sont particulièrement à risque en raison de leur proximité avec des agglomérations humaines. La contamination englobe les risques pour l'habitat qui sont liés à l'introduction d'espèces exotiques. L'utilisation des terres en milieu urbain constitue une préoccupation importante pour la santé des écosystèmes côtiers (Grant et Ross, 2002) et la situation est peu susceptible de s'améliorer compte tenu de la croissance de la population. D'ici l'an 2020, il est prévu que dans la partie canadienne de cette zone la population se chiffrera à plus de 3,8 millions d'individus (C.-B., statistiques, 2004), tandis que la population de l'État de Washington de cette zone atteindra plus de 7,7 millions d'individus (Office of Financial Management, State of Washington (OFM), 2004).

Un déversement accidentel d'hydrocarbures ou de tout autre matériel toxique dans les zones d'habitat essentiel aurait des conséquences graves et immédiates, car cela affecterait la santé des populations d'épaulards résidents (voir la section 2.2.4) et rendrait également inhabitables des zones de l'habitat essentiel, et ce, pendant une période prolongée.


3.2.3 Disponibilité réduite des proies

Puisque la présence du saumon conditionne simultanément la présence des épaulards résidents au sein de l'habitat essentiel (Heimlich-Boran, 1988; Nichol, 1990; Nichol et Shackleton, 1996; Osborne, 1999), toute baisse notable de la quantité, la qualité et la disponibilité du saumon dans l'habitat essentiel porterait atteinte à la fonction même de cet habitat.

S'il est nécessaire que les proies soient physiquement accessibles aux épaulards résidents dans leur habitat essentiel, ces derniers se trouvent parfois en situation de concurrence avec des navires de pêche qui recherchent les mêmes proies, particulièrement dans les lieux de pêche de prédilection. La présence des bateaux de pêche a également pour effet de modifier le comportement des poissons (Mitson et Knudsen, 2003), ce qui risque de les rendre moins accessibles aux épaulards résidents. Cette question appelle toutefois des recherches supplémentaires.


3.3 Planification des études relatives à l'habitat essentiel

Bien qu'il soit clair que la protection de l'habitat qui sert de principale aire d'alimentation à ces populations durant une partie de l'année, par la désignation au titre d'habitat essentiel, est actuellement nécessaire, il peut exister d'autres zones admissibles en tant qu'habitats essentiels pour les deux populations résidentes durant d'autres parties de l'année de même que pour les groupes d'épaulards résidents du nord qui utilisent occasionnellement la zone du détroit de Johnstone au cours de l'été et de l'automne. On ne peut toutefois, faute d'information, caractériser ces zones à l'heure actuelle. Dans le tableau suivant, le lecteur trouvera les études nécessaires à l'identification d'autres zones à désigner au titre d'habitat essentiel.

 

Tableau 3 : Planification des études nécessaires à l'identification d'autres zones d'habitat essentiel et des menaces connexes
Études État
Mener des études approfondies sur une année entière pour relever les zones d'occupation. En cours
Relever des aires d'alimentation d'importance tout au long de l'année pour déterminer si elles devraient être proposées en tant qu'habitats essentiels additionnels. En cours
Déterminer les activités autres que l'alimentation qui peuvent être des fonctions importantes de l'habitat essentiel. Proposé
Relever les sources de perturbation acoustique qui peuvent avoir un effet négatif sur l'habitat essentiel ou en restreindre l'accès Proposé
Relever les causes de perturbation physique qui peuvent avoir un effet négatif sur l'habitat essentiel ou en restreindre l'accès. En cours
Relever les sources de contaminants biologiques et chimiques qui peuvent avoir une incidence négative sur l'habitat essentiel. En cours
Relever les facteurs qui peuvent avoir une incidence négative sur la disponibilité et la suffisance des proies dans des zones de l'habitat essentiel. En cours (en lien avec les initiatives relatives au saumon)


3.4 Mécanismes de protection de l'habitat essentiel

En application du paragraphe 58 (4) de la Loi sur les espèces en péril, un arrêté de protection a été pris pour protéger l’habitat essentiel de l’épaulard résident.

Outre cet arrêté de protection, il existe divers mécanismes qui contribuent à protéger l’habitat essentiel des épaulards résidents, notamment des outils législatifs comme des lois, des règlements, des programmes et des politiques du gouvernement, ainsi que des pratiques exemplaires à suivre de même que des programmes d’éducation et d’intendance (voir le tableau 4) qui, étant donné la compréhension actuelle de la nature et de l’ampleur des menaces relevées pesant sur l’habitat essentiel, peuvent fournir une protection supplémentaire à ces derniers. Comme l’habitat essentiel des épaulards résidents du sud englobe les eaux de l’État de Washington, où se trouvent d’autres zones d’habitat essentiel, il est primordial de favoriser la collaboration transfrontalière au chapitre de la protection de l’habitat. Le texte qui suit résume l’applicabilité et les applications des mécanismes exposés.

Au Canada, la Loi sur les pêches prévoit la protection de l'habitat contre les altérations physiques et l'introduction de substances délétères. Le Règlement sur les mammifères marins (RMM, partie 7) de la Loi sur les pêches interdit la perturbation des mammifères marins, notamment par des activités produisant des sons à haute énergie (relevés sismiques et sonars de fréquence basse à médiane) ou par des bruits associés à diverses activités industrielles. Garrett et Ross (sous presse) fournissent un résumé complet de la législation qui s'applique actuellement aux contaminants en milieu marin. Des efforts proactifs, lesquels visent à s'assurer de l'évaluation des activités et de la mise en œuvre des mesures de contrôle et d'atténuation, sont essentiels à la protection de l'habitat essentiel des épaulards. Des activités d'examen préalable, comme celles requises aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE), et la gestion intégrée prévue par la Loi sur les océans constituent des mécanismes fondamentaux pour la protection de l'habitat essentiel. Des mécanismes de surveillance et d'application de la réglementation sont cruciaux et complètent les programmes susmentionnés dans le maintien de la conformité.

Des mesures permettant de gérer les menaces qui pèsent sur la fonction alimentaire de l'habitat essentiel, et avant tout sur le saumon, peuvent être mises en place par l'entremise d'activités de gestion au titre de la Loi sur les pêches, dans le cadre de Plans annuels de gestion intégrée des pêches (PGIP). Il conviendrait également d'évaluer un mode de gestion globale des stocks de saumons prenant explicitement en compte les besoins alimentaires des épaulards résidents; ce pourrait être une façon d'assurer la protection des ressources alimentaires.

Des programmes non gouvernementaux d'éducation et d'intendance (comme le programme La protection du milieu aquatique -- Guide à l'usage du plaisancier et le programme de réduction des effluents toxiques) compléteront les programmes gouvernementaux et encourageront les Canadiens à agir individuellement afin de protéger l'habitat essentiel. Dans les secteurs où l'habitat essentiel fait partie d'une réserve ou d'une autre terre qui a été mise de côté à l'usage et au profit d'une bande en application de la Loi sur les Indiens les paragraphes 58(7) et 59(5) de la Loi sur les espèces en péril (LEP) exigent de consulter la bande avant d'appliquer une interdiction de détruire l'habitat essentiel ou d'adopter des règlements visant à protéger l'habitat essentiel qui se trouve sur des terres fédérales.

Le tableau suivant récapitule les menaces les mieux comprises pesant sur l'habitat essentiel, décrit les mesures de protection actuellement en place et recommande d'autres mesures qui peuvent être nécessaires à la protection explicite de l'habitat essentiel des épaulards résidents, selon notre compréhension actuelle de l'habitat essentiel et des menaces connexes. Les autres mesures recommandées pourraient être évaluées plus en profondeur et intégrées au plan d'action établi pour ces populations en vertu de la LEP. En outre, ces mesures de protection devront être révisées au gré de l'évolution de notre compréhension des caractéristiques importantes de l'habitat nécessaire à la survie de ces populations et des menaces qui pèsent sur cet habitat.

 

Tableau 4 : Mesures actuelles et recommandées pour la protection de l'habitat essentiel (en plus de l’arrêté de protection)
Menaces Mesures actuelles Autres mesures recommandées
Perturbations géophysiques Loi sur les pêches et

examen préalable selon la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE)

Gestion intégrée dans l'habitat essentiel des résidents du nord
S'assurer que la planification de toutes les modifications de l'habitat et de l'utilisation marine intègre une évaluation de l'habitat essentiel des épaulards.

Considérer la planification de la gestion intégrée pour l'habitat essentiel des résidents du sud.

Appliquer une approche de précaution pour les zones où l'habitat essentiel n'a pas encore été déterminé.
Perturbations géophysiques causées aux plages où les épaulards vont se frotter Risques à haute protection -Examen préalable selon la LCEE

Parcs et réserve écologique de la C.-B. et Programme de surveillance (Robson Bight)

Technologie de surveillance à distance (p. ex. Orcalab)
Interdire de modifier l'habitat des plages où les épaulards vont se frotter.

Établir une zone de protection marine (ZPM) (Loi sur les océans) à Robson Bight.

Initiatives de gestion des pêches (Loi sur les pêches) dans les zones des plages où les épaulards vont se frotter.

Évaluer le besoin de protection des autres plages où les épaulards vont se frotter.

Veiller à ce que la planification de toutes les modifications apportées à l'habitat et de l'utilisation marine (p. ex. les pêches) intègre une évaluation des plages où les épaulards vont se frotter.
Dégradation acoustique – relevés sismiques Examen préalable selon la LCEE pour certains programmes sismiques et les mesures d'atténuation requises

Examen régional des programmes sismiques ne relevant pas de la LCEE

Dispositions du Règlement sur les mammifères marins (RMM) relatives à la perturbation
Évaluer le récent projet de normes visant l'atténuation de la prospection sismique

Adopter une approche préventive dans les zones où l'habitat essentiel n'a pas encore été défini

Modifier le RMM de façon à réglementer l'autorisation d'activités qui sont perturbatrices

Exiger un examen préalable et une autorisation pour toutes les activités sismiques

Encourager la coopération transfrontalière à l'égard des mesures d'atténuation
Dégradation acoustique - sonars Protocoles pour l'utilisation militaire des sonars

Dispositions du RMM relatives à la perturbation
Passer en revue l'utilisation actuelle des sonars militaires et les protocoles afférents pour vérifier qu'ils concordent; modifier au besoin

Modifier le RMM de façon à réglementer l'autorisation d'activités qui sont perturbatrices

Encourager la coopération transfrontalière à l'égard des mesures d'atténuation

Adopter une approche préventive dans les zones où l'habitat essentiel n'a pas encore été défini
Dégradation acoustique – activité industrielle Dispositions du RMM relatives à la perturbation Examiner, et restreindre s'il y a lieu, la dégradation acoustique découlant de projets de construction ou de développement

Modifier le RMM de façon à réglementer l'autorisation d'activités qui sont perturbatrices
Contaminants chimiques et biologiques dans les eaux canadiennesNote de bas de page a Convention de Stockholm sur les Polluants organiques persistants (POP)

Plan d'action du bassin de Georgia (Environnement Canada)

Programmes d'éducation environnementale d'Organisme non gouvernementaux (ONG) (protection du milieu aquatique -- Guide à l'usage du plaisancier, programme de réduction des effluents toxiques, etc.)

Loi sur la gestion de l'environnement (Environmental Management Act) de la C.-B.

Loi sur les pêches (Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE))

Initiatives de l'industrie (p. ex. Clean Print BC)

Loi sur la lutte antiparasitaire intégrée (Integrated Pest Management Act, IPMA, Santé Canada)

Entente sur les standards pancanadiens du Conseil canadien des ministres de l'Environnement

Loi sur les engrais
Mieux identifier et mieux comprendre les principaux contaminants et leurs sources.

Mieux appliquer la réglementation actuelle.

Accroître le financement pour l'éducation à l'échelle individuelle, municipale et sectorielle.

Évaluer et renforcer la Loi sur la gestion de l'environnement (Environmental Management Act) de la C.-B.

Évaluer et renforcer la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

Continuer d'améliorer les stations de traitement de l'eau.

Évaluer et renforcer la Loi sur la lutte antiparasitaire intégrée (Integrated Pest Management Act), Loi sur les engrais.
Contaminants biologiques et chimiques dans les eaux des États-Unis De nombreuses lois visant à protéger l'habitat essentiel contre la contamination sont énumérées dans Garrett et Ross (sous presse) Renforcer la collaboration transfrontalière relativement à la réduction des contaminants.

Formuler des recommandations détaillées, y compris des actions d'EVS (2003).
Déversements d'hydrocarbures et de produits chimiques toxiques Réglementation sur les risques à haute protection concernant les substances délétères

Plan bilatéral Canada – États-Unis d'intervention en cas de déversements dans les eaux transfrontalières du sud-CANUSPAC

Plan d'intervention en cas de déversements dans les eaux transfrontalières du nord (entrée de Dixon)-CANUSDIX

Plan d'urgence BC Marine Oil Spill Contingency Plan, 1992 (OSRIS)

Plan d'urgence en cas de déversements en milieu marin (gouvernement fédéral)

Équipe régionale des interventions d'urgence (ERIU)

Washington State Department of Ecology
Élaborer et intégrer des mesures particulières pour les épaulards aux plans d'intervention actuels en cas de déversement d'hydrocarbures.
Présence et disponibilité du saumon Plan de gestion intégrée des pêches concernant le saumon (en vertu de la Loi sur les pêches) pour la conservation du saumon

Règlements sur la gestion des captures découlant de la Loi sur les pêches
Évaluer les proies disponibles aux épaulards résidents et veiller à ce que les plans de gestion leur laisse des quantités suffisantes de proies, même en tenant compte d'éventuels changements climatiques.

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