Petite-centaurée de Muhlenberg (Centaurium muehlenbergii évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Habitat

Besoins en matière d’habitat

La population canadienne de Centaurium muehlenbergii se trouve dans la zone biogéoclimatique côtière à douglas (Douglas et al., 1999), qui englobe une petite partie du sud-est de l’île de Vancouver, plusieurs îles du détroit de Georgie et une étroite bande de la côte continentale voisine (Meidinger et Pojar, 1991). Cette région est abritée des précipitations par les monts Olympic et les montagnes de l’île de Vancouver. Il en résulte un climat de type méditerranéen, à étés chauds et secs et à hivers doux et humides. À Victoria, la température moyenne annuelle est de 10 °C, la température moyenne quotidienne variant entre 4 °C en décembre et 15,6 °C en juillet. La sécheresse estivale détermine dans une large mesure le caractère de la végétation de la région. À Victoria, les précipitations annuelles sont en moyenne de 690 mm, et moins de 5 p. 100 des précipitations sont enregistrées en juillet et en août. Le déficit hydrique annuel dépasse 350 mm (McMinn et al., 1976; Fuchs, 2001).

Dans la zone côtière à douglas, le Centaurium muehlenbergii occupe trois différents types d’habitats. La population d’Oak Bay pousse dans un pré inondé une partie de l’année (mare printanière), situé dans un peuplement de chênes de Garry (Quercus garryana), à 10 mètres d’altitude. Aucun arbre ne pousse dans ce pré en raison des inondations récurrentes. Le profil pédologique n’a pas été établi, mais il s’agit probablement d’un sol de type Tolmie ou Gleysol mal drainé, dérivé de matériaux d’origine marine à texture moyenne à fine recouvrant une argile marine (Day et al., 1959; H. Roemer, comm. pers., 2003). Les herbacées associées au C. muelhenbergii comprennent des espèces indigènes et exotiques, dont la plagiobothride de Scouler (Plagiobothrys scouleri), le jonc de Kellogg (Juncus kelloggii), le psilocarphe élevé (Psilocarphus elatior), la renoncule à feuilles d’alisme (Ranunculus alismifolius var.alismifolius), la callitriche marginée (Callitriche longipedunculata), la camassie camash (Camassia quamash), le jonc des crapauds (Juncus bufonius), le mouron nain (Anagallis minima) et l’hétérocodon rariflore (Heterocodon rariflorum). Le jonc de Kellogg, le psilocarphe élevé et la renoncule à feuilles d’alisme ont été désignés espèces en voie de disparition par le COSEPAC. Plusieurs graminées exotiques envahissantes (Agrostis stolonifera, Bromus hordeaceus, Cynosurus echinatus, Holcus lanatus, Dactylis glomerata, etc.) sont également présentes.

La population des îles Gulf se trouve dans la partie est de la petite île Chatham, située au large de Victoria. Elle pousse dans un sol sableux dénudé à la marge d’un marais à distichlis dressé (Distichlis spicata), juste au-dessus de la ligne de marée haute. Les espèces associées sont l’épilobe cilié (Epilobium ciliatum), la cotule pied-de-corbeau (Cotula coronopifolia), la porcelle enracinée (Hypochaeris radicata) et le jonc de la Baltique (Juncus balticus).

La population de Nanaimo occupe un suintement printanier situé en terrain incliné, à la lisière d’une forêt de douglas (Pseudotsuga menziesii) et d’arbousier d’Amérique (Arbutus menziesii), où elle pousse en association avec des bryophytes, dans une mince couche de sol minéral peu développé recouvrant un substratum de grès ou de conglomérat de la formation de Nanaimo. Le genêt à balais (Cytisus scoparius), un arbuste exotique, a envahi le site et risque de remplacer le Centaurium muehlenbergii.

Aux États-Unis, le Centaurium muehlenbergii est classé comme espèce facultative des milieux humides (USDA-NRCS, 2005). Dans l’ensemble de son aire de répartition étatsunienne, il a été observé dans différents types d’habitats : falaises, clairières humides au sein de forêts, lieux humides au sein d’arbustaies à armoises (J. Pringle, comm. pers., 2001); lieux humides situés à moins de 500 m d’altitude au sein de forêts de séquoia, de chênaies et de forêts mixtes sempervirentes (Munz et Keck, 1959); prairies humides (Guard, 1995); chênaies, forêts de piémont, prairies de vallée et génévraies (Calflora, 2000); prairies annuelles ou à sol serpentineux (Callizo et al., 1997).

En somme, le Centaurium muehlenbergii affiche une assez grande amplitude écologique : il pousse parmi diverses communautés végétales, sur des sols sableux à chernozémiques mal drainés (tolérance possible à la fois aux milieux salins et aux milieux serpentineux). Le C. muehlenbergii est plutôt intolérant à l’ombre et dépendrait d’un régime de feux pour maintenir son habitat dégagé et limiter les espèces qui lui font concurrence. Au Canada, l’espèce semble préférer les sites mouillés en hiver et au printemps, mais s’asséchant durant l’été.

Tendances en matière d’habitat

Il existe peu d’information historique précise pouvant nous renseigner sur un éventuel rétrécissement ou une éventuelle extension de l’aire de répartition du Centaurium muehlenbergii dans la région ou sur une éventuelle diminution ou augmentation du nombre de parcelles d’habitat.

Toutefois, depuis l’arrivée des colons européens dans le sud de l’île de Vancouver, la majeure partie de la savane à chêne de Garry a été détruite au profit de l’agriculture et de l’aménagement urbain, et ce qu’il reste de cette formation végétale a été profondément transformé par la progression d’espèces ligneuses, qui ne sont plus arrêtées par les feux, et la présence d’espèces exotiques envahissantes. Moins de 5 p. 100 (moins de 1 000 hectares) de la superficie originale de chênaie de Garry demeureraient intouchés ou quasi intouchés, et ce reliquat est très fragmenté (Fuchs, 2001). Prentice et Boyd (1988) ont étudié les transformations qu’ont subi les milieux estuariens de la côte est de l’île de Vancouver et, selon leurs estimations, ceux-ci avaient déjà connu un déclin de plus 32 p. 100 au tournant du siècle. Bien que cette destruction ait ralenti depuis, ils ont observé que les forêts et les terres agricoles adjacentes faisaient de plus en plus place à des aménagements urbains.

Le sud-est de l’île de Vancouver est parmi les régions d’Amérique du Nord qui connaissent la plus forte croissance urbaine. La population du Grand Victoria est passée d'environ 180 000 habitants en 1966 à 318 000 habitants en 1996, et on prévoit qu’elle dépassera 400 000 habitants d’ici 2026 (BC Ministry of Management Services, 2003). De même, on prévoit que la population de Nanaimo passera de 127 016 habitants en 2001 à plus de 219 000 habitants en 2026, soit presque le double (BC Ministry of Management Services, 2003). Cette croissance démographique et les infrastructures qu’elle nécessite continueront de causer la destruction et la fragmentation des écosystèmes naturels par le déboisement, l’assèchement des milieux humides et l’affectation des terres à des usages agricoles, commerciaux, industriels et résidentiels (Ward et al., 1998).

Les milieux convenant au Centaurium muehlenbergii n’ont probablement jamais été aussi abondants que les chênaies de Garry et les écosystèmes associés, mais ils ont certainement connu un déclin au moins aussi important que ces derniers, la pression pour l’aménagement à des fins d’habitation et commerciales étant particulièrement forte sur la côte, habitat de prédilection de l’espèce. Les populations d’Oak Bay et de Nanaimo occupent une petite superficie de verdure au cœur ou juste à côté de grandes étendues d’habitation aménagées sur des sites semblables aux sites qui pouvaient anciennement abriter le C. muehlenbergii.

Aux États-Unis, les tendances de l’habitat du Centaurium muehlenbergii sont semblables à celles qu’on observe au Canada. Le C. muehlenbergii est une des espèces indigènes des prairies humides de la vallée de la Willamette (Wilson, 2001). Or, ces prairies sont parmi les écosystèmes les plus rares de l’Oregon, et ce qu’il en reste est très fragmenté. Leur déclin est attribuable à la progression des espèces ligneuses, à la propagation d’espèces nuisibles, à l’exploitation agricole, à l’étalement urbain et à la modification des régimes hydrologiques (Clark et Wilson, 2001).

Protection ou propriété

En Colombie-Britannique, aucune loi ne protège spécifiquement les plantes vasculaires rares ou en voie de disparition, ni les écosystèmes du chêne de Garry ou les écosystèmes associés. Cependant, le Centaurium muehlenbergii pourrait être protégé en vertu de la Wildlife Amendment Act (2004) de la province. À l’heure actuelle, moins de 1 p. 100 de la zone côtière à douglas est protégé (Eng, 1992).

La population d’Oak Bay se trouve dans un grand parc municipal géré par les autorités du district d’Oak Bay (tableau 1). À l’heure actuelle, ce secteur n’est visé par aucun plan d’aménagement, et il est peu probable qu’il le soit dans l’avenir. Il est cependant très utilisé à des fins récréatives, et les espèces en péril qu’il abrite ne bénéficient que du minimum de protection. La population des îles Gulf se trouve en territoire des Premières nations, et l’usage prévu de ces terres, s’il y en a un, nous est inconnu. La population de Nanaimo se trouve sur un terrain privé, et le promoteur entend faire transférer le titre de propriété d’une partie du terrain (justement celle où se trouve la population de C. muehlenbergii) au service des parcs de la ville (J. Kirby, comm. pers., 2008). En dehors de ces secteurs, la majeure partie des milieux pouvant abriter le C. muehlenbergii se trouve sur des propriétés privées dont l’aménagement est du ressort des autorités locales (GOERT, 2002). D’autres habitats potentiels se trouvent sur des terrains gérés par le ministère des Parcs de la province, le service des parcs du district régional de la capitale, diverses organisations non gouvernementales ou le ministère de la Défense nationale. La proportion d’habitat potentiel se trouvant sous chacun de ces régimes fonciers n’a pas été déterminée.

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