Petite-centaurée de Muhlenberg (Centaurium muehlenbergii évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Facteurs limitatifs et menaces

Les connaissances sur les besoins en matière d’habitat et sur la dynamique des populations du Centaurium muehlenbergii sont trop limitées pour permettre de cerner les facteurs expliquant le faible effectif et la faible répartition de l’espèce au Canada. La rareté du C. muehlenbergii au Canada est peut-être due à des facteurs intrinsèques tels qu’une faible compétitivité, une faible capacité de dispersion, une nature hautement spécialisée de l’habitat ou un faible taux de recrutement et de survie, ou à des facteurs extrinsèques tels que des barrières géographiques, les changements climatiques passés, les changements récents d’affectation des terres (transformation de l’habitat, broutage, lutte contre les incendies, etc.), ou encore à diverses combinaisons ou à l’ensemble de ces facteurs.

Aucun lien direct n’a été démontré entre les menaces décrites ci-dessous et le déclin (actuel ou historique) de l’effectif ou de l’aire de répartition du Centaurium muehlenbergii au Canada. Cela tient peut-être simplement au fait que l’espèce n’a pas été observée assez longtemps dans son habitat canadien pour nous permettre de dégager d’éventuels effets de ces menaces. Toutefois, à défaut de preuves du contraire, ces menaces sont considérées imminentes, mais la gravité de leurs conséquences reste à déterminer.

1. Espèces exotiques envahissantes

Partout dans le monde, les espèces envahissantes sont la deuxième cause, après la perte d’habitat, du déclin des espèces indigènes (D’Antonio et Vitousek, 1992; Myers et Bazely, 2003). Dans l’est de l’île de Vancouver, les écosystèmes du chêne de Garry et les écosystèmes associés ont été envahis par des espèces exotiques au point où celles-ci comptent aujourd’hui pour 59 à 82 p. 100 de leur couverture herbacée (Roemer, 1995, cité par Fuchs, 2001; Erickson, 1996). Dans les prés à chêne de Garry, la proportion des espèces introduites est passée d’environ 25 p. 100 en 1972 à 40 à 76 p. 100 en 1995 (Roemer, 1995, cité par Fuchs, 2001), ce qui montre que leur progression s’accélère plutôt qu’elle ne ralentit. Certaines de ces espèces ont été introduites accidentellement, mais un grand nombre ont été introduites délibérément comme fourrage pour le bétail, comme plantes de stabilisation du sol ou comme plantes d’ornement.

Plusieurs auteurs ont décrit les processus susceptibles d’être altérés par la présence d’espèces exotiques. De façon générale, on croit que les espèces envahissantes peuvent nuire au recrutement des espèces indigènes, notamment en occupant les lieux favorables (où les graines peuvent germer); modifier la structure de la végétation; aggraver le déficit hydrique des sols; modifier les conditions édaphiques et microclimatiques, par la litière qu’elles forment; augmenter le risque d’incendie et, le cas échéant, la propagation et l’intensité du feu, par leur contribution à la charge de combustible; modifier la concentration et la répartition des éléments nutritifs du sol; concurrencer directement les espèces indigènes pour l’espace, l’eau, la lumière et les éléments nutritifs (Bergelson, 1990; Facelli et Pickett, 1991; D’Antonio et Vitousek, 1992; Smith, 1994; Gordon, 1998; Brown et Rice, 2000; MacDougall, 2002; Myers et Bazely, 2003). Si leur évapotranspiration est plus élevée que celle des espèces indigènes, les espèces exotiques peuvent causer une modification permanente du régime hydrologique et un abaissement de la nappe phréatique, ce qui entraîne des effets sur la répartition des espèces indigènes (Gordon, 1998).

Oak Bay

À Oak Bay, le pré à chêne de Garry où pousse le Centaurium muehlenbergii est fortement envahi par des espèces exotiques, en particulier par des graminées vivaces, dont le dactyle pelotonné (Dactylis glomerata), la flouve odorante (Anthoxanthum odoratum), le pâturin des prés (Poa pratensis), la houlque laineuse (Holcus lanatus), l’ivraie vivace (Lolium perenne), l’agrostide stolonifère (Agrostis stolonifera) et la crételle hérissée (Cynosurusechinatus). Ces graminées livrent une forte compétition aux autres espèces présentes pour l’eau et les éléments nutritifs et peuvent former une litière dense qui, en empêchant la lumière d’atteindre le sol, empêche la régénération des espèces indigènes. La litière formée par ces espèces peut également alimenter des incendies intenses (Équipe de rétablissement des écosystèmes du chêne de Garry, 2002). Le dactyle pelotonné, à système racinaire particulièrement développé et à exigence en azote élevée, est peut-être la plus grave menace à la survie du C. muehlenbergii. Le dactyle pelotonné a été introduit sur la côte de la Colombie-Britannique comme espèce fourragère pour l’ensemencement des prés. Il est toujours cultivé comme fourrage sec et utilisé dans les mélanges de semences de graminées servant à la stabilisation des déblais et des tranchées de route.

Le frêne commun (Fraxinus excelsior), espèce introduite, domine dans un secteur de 0,5 hectare situé près de la population de C. muehlenbergii. Si aucune mesure n’est prise, il continuera probablement de se propager en livrant aux espèces indigènes une compétition pour l’eau, les éléments nutritifs et la lumière (Collier et al., 2004). Des arbustes exotiques sont également présents dans le parc abritant le C. muehlenbergii, notamment l’aubépine monogyne (Crataegus monogyna), le genêt à balais (Cytisus scoparius), la ronce discolore (Rubus discolor), le daphné lauréolé (Daphne laureola) et l’ajonc d’Europe (Ulex europaeus). Toutefois, ces espèces risquent peu de s’établir dans les sites où pousse le C. muehlenbergii en raison de l’humidité du milieu et ne présentent donc pas une menace immédiate pour cette population.

Le dactyle pelotonné, la houlque laineuse, la flouve odorante, la crételle hérissée, le genêt à balais, l’ajonc d’Europe, le daphné lauréolé, l’aubépine monogyne et la ronce discolore sont au nombre des dix principales espèces envahissantes de l’île deVancouver, classées quant à leur incidence sur les écosystèmes du chêne de Garry, à leur résistance aux mesures prises contre elles et à l’urgence de les enrayer (Murray, 2004).

Îles Gulf

La population de l’île Chatham semble moins menacée par des espèces introduites, bien que la cotule pied-de-corbeau (Cotula coronopifolia) et la porcelle enracinée (Hypochaeris radicata) aient réussi à s’établir dans l’île et pourraient se trouver en compétition avec le Centaurium muehlenbergii pour les ressources essentielles.

Nanaimo

Le genêt à balais, très envahissant, est établi à la marge du suintement printanier où pousse le Centaurium muehlenbergii et présente une menace imminente pour cette population et son habitat. Le genêt à balais a été introduit dans le nord-ouest de l’Amérique du Nord comme plante d’ornement en 1850 et, depuis, est devenu une des espèces dominantes de la végétation de l’est de l’île de Vancouver. À de nombreux endroits, cet arbuste forme des peuplements monospécifiques, ayant totalement remplacé la végétation indigène (Roemer, 1972; Fuchs, 2001). Le genêt à balais, de la famille des légumineuses, a la capacité de fixer l’azote atmosphérique et d’enrichir ainsi le sol en azote disponible pour l’ensemble des espèces de l’écosystème (Parker et Haubensak, 2004). Par ailleurs, il produit de grandes quantités de combustible ligneux pouvant alimenter des feux très intenses et peut ainsi modifier le régime naturel de perturbation.

2. Piétinement

Oak Bay

Le parc municipal où pousse le Centaurium muehlenbergii se trouve dans un secteur d’habitation situé à quelques kilomètres du centre de Victoria. Facile d’accès, ce parc est très fréquenté par des piétons, des cyclistes et des chiens à longueur d’année, mais surtout au printemps et à l’été, au moment donc où se déroulent les étapes les plus critiques du cycle vital du C. muehlenbergii. Une circulation piétonne légère à modérée ne nuit probablement pas au C. muehlenbergii; elle lui est peut-être même bénéfique, si elle détruit les mauvaises herbes qui lui font concurrence (M. Fairbarns, comm. pers., 2003). Par contre, les piétons et les cyclistes peuvent créer de nouveaux sentiers, modifier la micro-topographie du fond des mares printanières, couper la communication entre baissières, écraser la végétation des mares printanières et favoriser la propagation des espèces envahissantes. Bien que les vélos soient interdits dans le parc, cette interdiction est rarement mise en vigueur, et, à de nombreux endroits, la circulation intense ainsi que le compactage du sol ont détruit la couverture végétale (Collier et al., 2004). Dans le passé, des adeptes du vélo tout-terrain ont, sans autorisation, construit des tremplins pour le saut à vélo à proximité de la population de C. muehlenbergii. De telles activités constituent une menace supplémentaire à la survie de cette population.

Dans le parc, les chiens doivent être tenus en laisse pendant les mois du printemps (avril à juin), mais, encore une fois, cette règle est rarement mise en vigueur, et on voit régulièrement des chiens courir, creuser et poursuivre une balle dans le pré humide où pousse la seule colonie connue de Centaurium muehlenbergii. Un relevé récent de l’utilisation du parc, mené au printemps, a révélé que près de la moitié des visiteurs fréquentant le pré central étaient accompagnés de chiens, alors qu’on n’a observé que 2 p. 100 des chiens en laisse à un moment donné (Collier et al., 2004). Le C. muehlenbergii est une petite plante qui peut aisément être écrasée ou arrachée par les chiens, ou encore être écrasée ou ensevelie sous leurs fèces. Ces risques se sont accrus depuis l’apparition d’une tendance à faire promener son chien par des entreprises commerciales, lesquelles ont commencé à utiliser le parc à cette fin de manière régulière. Un plan d’intendance du parc établi récemment mentionne que l’utilisation fréquente du parc par des entreprises pour faire promener des chiens sera très dommageable pour le sol et pour la végétation dans la plupart des conditions. Comme les plantes en péril se trouvent principalement dans les prés dégagés, là même où on emmène les chiens courir, il y a manifestement conflit entre la préservation des valeurs du parc et l’utilisation non contrôlée du parc comme lieu de promenade pour les chiens (Collier et al., 2004).

Îles Gulf

L’île Chatham est inhabitée, et la population de Centaurium muehlenbergii de l’île est relativement inaccessible, de sorte que les activités récréatives ne constituent vraisemblablement pas une menace d’importance pour cette population.

Nanaimo

La population de Centaurium muehlenbergii de Nanaimo se trouve à côté d’un sentier de randonnée pédestre et de vélo tout-terrain. Elle risque d’être piétinée par les piétons, les vélos et les chiens, en particulier à la fin du printemps, lorsque le sol a commencé à s’assécher, mais qu’il n’est pas encore durci.

3. Aménagement

Oak Bay

Les anciennes cartes de Victoria et d’Oak Bay (datant des alentours de 1860) montrent de grandes étendues de prés à chêne de Garry et de milieux humides saisonniers à la place d’actuels lotissements d’habitation et autres aménagements urbains. Bon nombre de ces milieux inondés au printemps auraient peut-être pu abriter le Centaurium muehlenbergii. On croit qu’il reste aujourd’hui moins de 5 p. 100 de ce type d’habitat (T. Lea, comm. pers., 2003). Le parc abritant la seule population connue de C. muehlenbergii est délimité sur trois côtés par des lotissements à habitations unifamiliales et, sur le quatrième côté, par une voie de communication. Le parc est tenu comme réserve naturelle (Collier, 2003) et n’est visé par aucun plan d’aménagement.

Îles Gulf

On ne sait pas quels sont les plans à long terme pour ce site (réserve des Premières nations). Dans l’immédiat, celui-ci ne semble visé par aucun projet d’aménagement.

Nanaimo

Le terrain de Nanaimo où se trouve la population de Centaurium muehlenbergii appartient à une compagnie forestière privée et est à vendre au moment où nous rédigeons ce rapport. Ce secteur, à valeur écologique unique, est l’un des dix secteurs à acquérir et à protéger en priorité dans le cadre du programme de rétablissement des chênaies de Garry et des écosystèmes associés (GOERT, 2002). La municipalité de Nanaimo est donc en voie d’élaborer un plan de conservation et d’intendance pour ce secteur qui vise à y protéger les espèces en péril et leur habitat (R. Lawrance, comm. pers., 2005). Le terrain où se trouve la population de C. muehlenbergiia été désigné zone assujettie à un permis d’aménagement (Environmental Development Permit Area, ou EDPA). Cette désignation se traduit par des restrictions quant à l’utilisation du sol, visant à protéger les écosystèmes fragiles et les plantes rares. La municipalité de Nanaimo a ordonné au promoteur de réserver 7 hectares de prairie et d’écosystèmes secs, y compris le site où pousse le C. muehlenbergii. Ce morceau de terrain appartient toujours au promoteur, mais on prévoit transférer le titre de propriété au service des parcs de la municipalité (J. Kirby, comm. pers., 2008).

4. Véhicules tout-terrains

Les véhicules tout-terrains sont souvent mentionnés comme facteur menaçant la survie des espèces qui dépendent des mares printanières et d’autres milieux humides éphémères. Ils compactent le sol, favorisent la propagation des espèces envahissantes, modifient le régime hydrologique, écrasent ou déracinent la végétation et fragmentent l’habitat (Clark et al., 1998; US Fish and Wildlife Service, 1998; Douglas et Illingworth, 1998; Donovan, 2004; Agence Parcs Canada, 2006).

Oak Bay

Au cours des ans, le passage occasionnel de camions et d’autres véhicules a laissé des ornières profondes et durables à maints endroits dans les mares printanières et les prés humides, y compris dans des secteurs abritant le Centaurium muehlenbergii. La situation du parc, à proximité de quartiers d’habitation, oblige la municipalité à adopter une politique énergique de lutte contre les incendies, de sorte que les véhicules d’incendie et les véhicules d’entretien (faucheuse, etc.) circulent dans le parc de façon périodique. Récemment, un véhicule du service des incendies s’est enlisé en hiver dans le pré central, où pousse le C. muehlenbergii, alors qu’il faisait l’entretien des prises d’eau. Un chargement de gravier a été transporté sur les lieux pour combler le trou laissé par le camion, ce qui a causé la destruction d’une partie de la population de C. muehlenbergii (A. Ceska, comm. pers., 2004). Si un incendie se déclarait dans le parc, il faudrait vraisemblablement amener les camions d’incendie et d’autres véhicules lourds dans le pré central pour circonscrire le feu, et cela pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la population de C. muehlenbergii.

Nanaimo

Bien que cela soit interdit, les amateurs de véhicules tout-terrains, de véhicules à quatre roues motrices et, dans une moindre mesure, de vélos tout-terrains pénètrent régulièrement dans cette propriété. Cette circulation a creusé des ornières jusqu’au substratum rocheux dans la zone de suintement où pousse le Centaurium muehlenbergii et, ainsi, a fragmenté l’habitat, modifié le régime d’écoulement des eaux et menacé directement la survie des individus qui ont été écrasés. La circulation de véhicules récréatifs a également perturbé et compacté le sol dans les prés secs avoisinants, réduisant ainsi les chances que le C. muehlenbergii colonise un jour ces milieux.

5. Modification du régime hydrologique

Les espèces annuelles sont souvent sujettes à de fortes fluctuations naturelles d’effectif et d’étendue (Venable et Lawlor, 1980). La population de Centaurium muehlenbergii de Colombie-Britannique, qui se trouve à la limite nord de l’aire de répartition de l’espèce, ne semble pas cependant être caractérisée par un taux de renouvellement élevé. Cela s’explique peut-être par les conditions relativement prévisibles de son habitat (alternance d’inondation, en hiver, et de sécheresse, en été, pour deux des sites; submersion à marée haute pour un autre). Avec le temps, cette fluctuation entre conditions extrêmes peut même avoir favorisé la survie du C. muehlenbergii en limitant la compétition de la part d’espèces ligneuses et d’herbacées mésophytes moins tolérantes au stress. Si tel est le cas, toute modification majeure du régime hydrologique découlant soit de perturbations locales de l’habitat, soit de perturbations à plus grande échelle, comme un réchauffement planétaire, pourrait sérieusement compromettre la survie de la population canadienne de C. muehlenbergii.

Oak Bay

Durant plus d’un siècle, ce secteur a fait l’objet de travaux extensifs d’assèchement qui ont eu une incidence importante sur les communautés végétales (Collier et al., 2004). La majeure partie des premiers travaux de déviation des eaux ont été réalisés afin d’améliorer les pâturages, mais les ouvrages d’assèchement réalisés plus tard pour la construction de routes et d’habitations à proximité du parc ont également eu des effets permanents sur le régime hydrologique local (Collier et al., 2004). Une voie de communication achalandée traverse le parc à une de ses extrémités et le sépare en deux. La lutte contre les incendies a favorisé les espèces ligneuses (indigènes et exotiques), dont la progression peut avoir modifié la quantité de lumière disponible ainsi que l’écoulement des eaux superficielles et souterraines à l’endroit où pousse le Centaurium muehlenbergii. Certains habitants de la région ont demandé que des fossés supplémentaires soient creusés pour assécher les sentiers de randonnée (R. Collier, comm. pers., 2005). On envisage également de creuser des fossés pour éliminer les eaux stagnantes où peuvent se reproduire les moustiques afin d’apaiser la crainte du public face au virus du Nil occidental.

Nanaimo

Comme il a déjà été mentionné, les ornières laissées par les véhicules tout-terrains ont modifié le régime d’écoulement des eaux dans cette localité, peut-être au détriment de la population de Centaurium muehlenbergii. Un corridor de transport traversant le terrain juste à côté de la population de C. muehlenbergii a également un impact sur l’écoulement des eaux. Les coupes à blanc pratiquées dans les forêts voisines et la construction de chemins forestiers ont vraisemblablement eu une incidence considérable sur le régime hydrologique local et ont peut-être également dégradé l’habitat du C. muehlenbergii.

6. Modification du régime de feux

Avant l’arrivée des colons européens, les feux d’origine naturelle ou allumés par l’homme jouaient un rôle important dans le maintien des forêts de douglas sèches et des savanes à chêne de Garry de l’île de Vancouver (Turner et Bell, 1971; Roemer, 1972; MacDougall et al., 2004). Depuis, la lutte contre les incendies a peut-être contribué au déclin des populations de Centaurium muehlenbergii. Il est probable que dans le passé deux des trois sites pour lesquels l’espèce est répertoriée (Oak Bay et Nanaimo) brûlaient périodiquement. Les feux devaient éliminer une grande partie de la végétation, réduisant ainsi la compétition et créant des microsites dégagés où le C. muehlenbergii pouvait s’établir. Les feux jouaient peut-être également un rôle important dans le développement des sols et l’accroissement de leur fertilité, en libérant continuellement des éléments organiques dans l’horizon supérieur.

À Oak Bay, la lutte contre les incendies a entraîné une réduction considérable de la superficie d’habitat disponible pour le Centaurium muehlenbergii, puisqu’elle a permis l’envahissement généralisé de cet habitat par le douglas (Pseudotsuga menziesii) et une vaste augmentation de la couverture d’arbustes indigènes envahissants comme la symphorine blanche (Symphoricarpos albus), le rosier de Nootka (Rosa nutkana) et l’oemléria faux-prunier (Oemleria cerasiformis) (Collier et al., 2004). Dans les boisés clairsemés ayant pu abriter le C. muehlenbergiidans le passé, la symphorine blanche et plusieurs arbustes exotiques déjà mentionnés dominent aujourd’hui le sous-étage. Ces espèces forment un couvert dense qui limite la quantité de lumière parvenant au sol et nuit ainsi à la croissance des herbacées. En outre, il est possible que l’incursion d’arbres et d’arbustes dans les milieux dégagés ait déjà commencé à modifier le régime hydrologique et le régime d’éclairement, puisqu’elle modifie l’écoulement des eaux, augmente la compétition pour l’eau disponible, intensifie l’ombre et cause une accumulation de chaume. Si rien n’est fait pour contrer cette évolution, elle pourrait mener à l’apparition de boucles de rétroaction susceptibles d’accélérer la succession secondaire.

7. Bernache du Canada

Depuis les années 1960, l’effectif de la Bernache du Canada (Branta canadensis) croît de façon exponentielle dans le sud-est de l’île de Vancouver et dans les îles voisines, en partie à cause d’introductions délibérées (McGrenere, 1990; Campbell et al., 1990; Carsen, 2000). La Bernache du Canada se nourrit d’herbe et, ce faisant, remue souvent le sol de larges étendues avec son bec. L’espèce est devenue abondante dans l’est de l’île Chatham (îles Gulf), où son activité incessante d’alimentation et l’accumulation de ses déjections pourraient nuire à la croissance et compromettre la survie du C. muehlenbergii. On ne peut cependant l’affirmer car l’incidence de ce facteur n’a pas été étudiée.

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