Alasmidonte naine (Alasmidonte heterodon) programme de rétablissement : chapitre 2

Information sur l'espèce

1. CONTEXTE[1]

1.1 Résumé d’évaluation du COSEPAC

Date de l'évaluation : Mai 2000 Nom commun Alasmidonte naine Nom scientifique Alasmidonta heterodon Statut du COSEPAC Espèce disparue du Canada Justification de la désignation Autrefois, cette moule d'eau douce était présente dans un seul bassin hydrographique au Canada. Elle est disparue du pays à la suite de la construction d'un pont jetée sur la rivière Petitcodiac en 1967 1968, et elle n'a jamais été observée à nouveau malgré les recherches systématiques et intensives effectuées dans son habitat. Répartition Nouveau-Brunswick Historique du statut du COSEPAC Espèce disparue du Canada en 1968 et désignée disparue du Canada en avril 1999. Statut évalué à nouveau et confirmé en mai 2000. Dernière évaluation fondée sur un rapport de situation publié.

1.2 Description de l’espèce

L’alasmidonte naine est une petite moule d’eau douce dont la forme est vaguement trapézoïdale. Clarke (1981, et cité dans Hanson et Locke [1999]: 3-4) a décrit en détail l’espèce de la façon suivante :

Coquille atteignant environ 45 mm de longueur, 25 mm de hauteur, 16 mm de largeur; test de 1 mm d’épaisseur environ à la moitié antérieure; plus ou moins ovalaire ou trapézoïdale, à pointe postéro-basale arrondie, mince sans être très fragile, à crête postérieure arrondie, modérément renflée. Femelles plus renflées à l’arrière que les mâles. Sculpture nulle mises à part les stries de croissances et la sculpture des sommets. Épiderme brun ou brun jaunâtre, à rayons verdâtres chez les spécimens jeunes ou de couleur pâle. Nacre bleuâtre ou blanc argenté, irisée à l’arrière. Sculpture des sommets composée de 4 bourrelets courbés, formant un angle sur la pente postérieure. Dents de la charnière petites mais distinctes : les pseudo-cardinales comprimées, 1 ou 2 dans la valve droite, 2 dans la gauche; dents latérales légèrement courbées et inversées, c’est-à-dire presque toujours 2 dans la valve droite et 1 dans la gauche.

Il existe très peu de données sur l’âge et la croissance de l’alasmidonte naine. La taille et l’âge à maturité n’ont jamais été déterminés. La détermination de l’âge est difficile en raison du fait que l’érosion de la coquille des plus gros individus entraîne la dégradation des stries de croissance. Des alasmidontes naines de dix ans ont été signalées, et des individus de 12 à 18 ans peuvent exister en théorie. Dans la rivière Petitcodiac, aucune alasmidonte naine n’a été observé en 1984, soit 16 ans après la construction du pont-jetée de Moncton. Cela suggère une mortalité et une disparition rapides des individus vivants au moment de la construction (donc une durée de vie relativement courte), ainsi qu’un échec rapide du recrutement.

1.3 Populations et répartition

L’alasmidonte naine vivait autrefois à environ 70 emplacements dans 15 bassins hydrographiques importants de la Caroline du Nord au Nouveau-Brunswick, et sa présence a toujours été considérée comme étant naturellement occasionnelle ou rare dans l’ensemble de cette aire de répartition. L’aire de répartition historique (figure 1) est plus ou moins continue aux États-Unis, de la Caroline du Nord à la rivière Connecticut au Vermont, mais il existe une importante disjonction géographique entre le lieu de résidence le plus au nord aux États-Unis (Vermont) et l’unique lieu d’occurrence historique au Canada (rivière Petitcodiac au Nouveau-Brunswick). Aux États-Unis, l’espèce est maintenant présente dans seulement 20 des 70 lieux d’occurrence historiques, et la plupart des populations sont considérées comme petites ou en déclin (Nedeau, 2005). En 1990, l’espèce a été inscrite à la liste des espèces en voie de disparition en vertu de la US Endangered Species Act.

Au Canada, l’alasmidonte naine n’était présente qu’à plusieurs sites dans la rivière Petitcodiac (N.-B.), où elle était une espèce commune en 1960 (d’après un relevé effectué cette année-là). L’espèce n’a toutefois pas été observée à nouveau lors des relevés subséquents en 1984 et en 1997-1998. L’espèce n’a jamais été observée dans les autres cours d’eau qui se jettent dans la baie de Fundy, ni dans ceux du Maine et ce, malgré la présence d’habitats aux conditions appropriées (Nedeau, 2005). En raison de la distance entre la population canadienne et les populations aux États-Unis, Nedeau (2005) a suggéré que la population de la rivière Petitcodiac provient d’un refuge glaciaire différent de celui des populations des États-Unis et qu’elle pourrait donc être isolée génétiquement de ces autres populations depuis au plus 50 000 ans. Plusieurs autres espèces de moules ont une aire de répartition discontinue de façon semblable, notamment la lampsile jaune (Lampsilis cariosa), une ligumie (Ligumia ochracea), l’alasmidone renflée (Alasmidonta varicosa) et la lampsile rayée (Lampsilis radiata).

1.4 Besoins de l’alasmidonte naine

1.4.1 Besoins biologiques et besoins en matière d’habitat

Les besoins en matière d’habitat de l’alasmidonte naine sont bien documentés grâce aux efforts de rétablissement menés aux États-Unis. L’espèce vit dans des cours d’eau peu profonds à courant lent ou modéré et d’une largeur variant de moins de 5 m à plus de 100 mètres. 

Figure 1 : Aire de répartition historique de l’alasmidonte naine en Amérique du Nord (Nedeau, 2005), d’après les données tirées du plan fédéral de rétablissement de l’alasmidonte naine du United States Fish and Wildlife Service (1993).

L’espèce est toujours observée sur des fonds de sable ou de gravier fin et souvent à des endroits caractérisés par des pierres ou des cailloux ainsi que près de rivages sous des arbres en surplomb. De plus, l’espèce tolère très peu les fonds limoneux et les faibles teneurs en oxygène.

Il existe très peu de données disponibles sur la biologie de l’alasmidonte naine, et ce que nous connaissons de cette espèce concorde avec la biologie générale des moules d’eau douce. Les œufs sont fécondés au milieu de l’été ou à l’automne, et les glochidies (larves) arrivent à maturité dans une région spécialisée des branchies des femelles appelée marsupium. Une fois libérées dans l’eau au printemps, les glochidies s’agrippent aux nageoires et aux branchies des poissons à l’aide de petits crochets, puis elles s’enkystent dans les poissons hôtes. Après plusieurs semaines, les kystes se rompent et les moules juvéniles gagnent le fond en tombant. Le succès de l’établissement dépend de la présence d’un substrat adéquat composé de sable ou de gravier fin. Les moules juvéniles s’enfouissent dans les sédiments et se nourrissent en extrayant des algues et des débris organiques fins de l’eau par filtration. Une fois établies, les moules sont essentiellement sédentaires, leurs déplacements les plus longs se mesurant en mètres.

L’identité des poissons hôtes de l’alasmidonte naine sauvage n’est pas connue avec certitude même si, d’après des études en laboratoire, plusieurs espèces sont capables de transporter les larves. L’alasmidonte naine a des exigences beaucoup plus rigoureuses que de nombreuses autres espèces de moules d’eau douce en terme d’hôte. L’hôte principal des alasmidontes naines des populations des États-Unis serait le dard tesselé (Etheostoma olmstedi) [Nedeau, 2005]. Parmi les espèces qui sont capables de jouer le rôle d’hôte pour l’alasmidonte naine, seul les tacons de saumon atlantique (Salmo salar) étaient autrefois présents dans la rivière Petitcodiac. L’hôte le plus probable de l’alasmidonte naine du réseau hydrographique de la rivière Petitcodiac aurait toutefois été l’alose savoureuse (Alosa sapidissima), qui était présente aux endroits où l’alasmidonte naine a été observée et qui est disparue de la rivière immédiatement après la construction du pont-jetée (Hanson et Locke, 1999). Il est peu probable que le saumon atlantique ait été le principal hôte puisqu’une population de cette espèce a survécu dans la rivière Petitcodiac jusque dans les années 1990 (l’effectif de cette population ayant été accru par un ensemencement au moyen de tacons), soit longtemps après la disparition de l’alasmidonte naine.

1.4.2 Rôles écologiques

Compte tenu de son abondance historique relativement faible dans l’ensemble de son aire de répartition, il est possible que l’alasmidonte naine n’ait pas joué un rôle important dans les écosystèmes aquatiques. Le réseau hydrographique de la rivière Petitcodiac était un des deux endroits en Amérique du Nord où l’espèce était autrefois considérée comme commune, mais compte tenu des lacunes dans les connaissances sur l’espèce et sa biologie dans ce réseau, il n’est pas possible de décrire quel était son rôle sur le plan écologique.

Les moules d’eau douce, en tant qu’organismes benthiques filtreurs, jouent un rôle dans la transformation du plancton en biomasse benthique puis, en bout de ligne, servent de proies pour des prédateurs aquatiques, aviaires et terrestres. Elles sont considérées comme un bon indice de la qualité de l’eau dans les écosystèmes aquatiques en raison de leur sensibilité à l’envasement, aux faibles teneurs en oxygène et aux changements dans les communautés de poissons.

1.4.3 Facteurs limitatifs

Comme c’est le cas pour d’autres moules d’eau douce, le cycle de vie de l’alasmidonte naine compte deux stades précoces critiques : le stade qui parasite un poisson hôte spécifique et auquel la dispersion peut se produire; le stade d’établissement où un microhabitat aux conditions particulières est nécessaire à la survie. L’abondance du poisson hôte et la disponibilité de l’habitat pour les adultes et les juvéniles (sable ou gravier fin) sont par conséquent des facteurs limitatifs.

L’alasmidonte naine est sensible à la dégradation de l’habitat, y compris à une réduction du débit, à l’envasement et aux faibles teneurs en oxygène. Le rat musqué est le seul prédateur connu des moules d’eau douce adultes, mais il n’est pas considéré comme facteur important ayant mené à la disparition de l’alasmidonte naine du Canada.

1.5 Menaces

1.5.1 Description des menaces potentielles

Une évaluation exhaustive des menaces est impossible puisque l’espèce est disparue du Canada et que les données historiques sont peu nombreuses. Les données disponibles suggèrent que la disparition de l’hôte, en raison de l’absence d’une passe à poissons au niveau du pont-jetée entre Moncton et Riverview (construit en 1968), serait la principale cause de la disparition de l’alasmidonte naine. La construction de ce pont-jetée à entraîner des changements importants au sein des communautés de poissons, y compris la disparition de populations de plusieurs espèces (l’alose savoureuse [Alosa sapidissima], le saumon atlantique [Salmo salar], le poulamon [Microgadus tomcod] et le bar rayé [Morone saxatilis]) et une baisse considérable de l’effectif de populations d’autres espèces (le gaspareau [Alosa pseudoharengus], l’alose d’été [Alosa aestivalis], l’éperlan arc-en-ciel [Osmerus mordax ] et la truite de mer [Salvelinus fontinalis]). Les informations disponibles suggèrent qu’il existe encore un habitat de qualité pour l’alasmidonte naine dans le réseau hydrographique de la rivière Petitcodiac et ce, malgré la dégradation dans certains secteurs. Plusieurs autres espèces de moules d’eau douce, y compris deux espèces du même genre que l’alasmidonte naine (A. undulataet A. varicosa), ont récemment été observées dans ce réseau hydrographique.

[1]Sauf indication contraire, toute l’information présentée dans cette section, à l’exception de l’information sur l’évaluation de l’espèce par le COSEPAC (section 1.1), est tirée de Hanson et Locke (1999).

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