Bruant vespéral (Pooecetes gramineus affinis) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Le Bruant vespéral est un oiseau des prairies qui préfère les zones arides dégagées aux herbes courtes et peu abondantes ou les tapis herbacés (Reed, 1986; Dechante et al., 2001; Campbell et al., 2001). La diversité structurale revêt une grande importance pour cet oiseau; il utilise la végétation haute, comme les arbustes ou les arbres épars en bordure des prairies, comme couverture et pour s’y percher et chanter, et les zones de végétation courte pour chercher de la nourriture (Davis et Duncan, 1999). Dans l’ouest de l’État de Washington, Rogers (2000) a déterminé que les endroits fréquentés par le Bruant vespéral pour la recherche de nourriture étaient en moyenne constitués de 32 p. 100 de sol dénudé, le reste étant composé de graminées et d’herbes non graminéennes. L’oiseau utilise également les piquets de clôture, les clôtures en grillage et d’autres structures artificielles pour s’y percher et chanter (Beauchesne, 2002b).

Plusieurs études montrent que le Bruant vespéral évite le pâturage permanent et les champs de foin (voir Kantrud, 1981; Prescott et al., 1995 dans Jones et Cornely, 2002; Campbell et al., 2001). Cela correspond aux résultats du recensement effectué dans le sud-est de l’île de Vancouver où des territoires de reproduction ont été repérés à proximité des champs utilisés pour la production de foin, mais pas dans les champs mêmes (Beauchesne, 2002a; idem, 2003; idem, 2004). Le Bruant vespéral semble préférer les prairies éloignées des zones urbaines (Bock et al., 1999; Jones et Bock, 2002). La taille de l’îlot d’habitat pourrait aussi être importante (Kershner et Bollinger, 1996; Rogers, 2000). Par exemple, dans l’État de Washington, le Bruant vespéral de la sous-espèce affinis fréquente actuellement les vastes zones herbeuses, et non les petits îlots d’habitat semblable (Scott Pearson, comm. pers.). Dans l’est de l’Oregon, toutefois, on a relevé sa présence dans des zones couvrant moins de 4 ha (Jones et Cornely, 2002) et dans l’île de Vancouver, la population existante se trouve dans une zone d’habitat propice d’environ 10 ha de superficie (Beauchesne, 2002a).

Dans l’île de Vancouver, la communauté végétale dans le lieu de reproduction connu se compose d’espèces indigènes et non indigènes. On a souvent vu les oiseaux utiliser des bouquets de genêts à balai, ou Cytisus scoparius, pour s’y percher et chanter ou pour échapper à des prédateurs.Ils cherchent leur nourriture sur le sol des zones dégagées adjacentes, dans les sols graveleux et les couverts épars de graminées et d’herbes non graminéennes (Beauchesne, 2002a; idem, 2003; idem, 2004).

Tendancesen matière d’habitat

Toutes les sous-espèces 

Depuis l’arrivée des Européens, les habitats de prairies se sont dégradés dans toute l’aire de répartition du Bruant vespéral. Dans beaucoup de zones, la qualité et la quantité des habitats du Bruant vespéral se sont détériorées en raison de l’exploitation (urbaine et industrielle) et des pratiques agricoles modifiées (p. ex. fauchage plus tôt et plus fréquent; agrandissement des champs agricoles et réduction des couloirs : Jones et Cornely, 2002; Altman, 2003).

Bruant vespéral de la sous-espèce affinis 

Avant la colonisation, les habitats du Bruant vespéral de la sous-espèce affinis en Colombie-Britannique se limitaient probablement aux zones arides à la végétation clairsemée dans les prairies et les écosystèmes des chênes de Garry, notamment ceux brûlés depuis peu par les Premières nations. Selon une carte théorique des types d'habitats présents avant la colonisation (1859) dans la vallée du bas Fraser, il y avait des prairies sur les berges du fleuve Fraser, du lac Sumas et dans le delta du fleuve Fraser (T. Lea, comm. pers.). Ces habitats étaient vastes, comme le décrit le lieutenant Charles Wilson, durant le relevé mené à la hauteur du 49e parallèle de 1858 à 1862 : « La prairie s’étend sur les berges de la rivière Chilukweyuk, située à environ 2 milles du camp, d'où la vue est superbe; on y aperçoit ses magnifiques herbes ondoyantes et ses rangées de peupliers, de saules, de frênes et d’érables au premier plan [traduit de l’anglais] » (Chilliwack Museum, 2002). Même si le type de prairies n’est pas précisé, il aurait pu s’agir de prairies à herbes courtes, qui constituent un habitat pour le Bruant vespéral.

Dans l’île de Vancouver, le gouverneur Douglas a évoqué l’existence d’une prairie ouverte qui s’étendait sur 6 milles derrière le Fort Victoria, ce qui porte à croire qu’il y avait de vastes zones de prairies dégagées dans la région. Les cartes des anciennes communautés végétales dégagées dans la région de Victoria indiquent la présence de larges prairies et d’écosystèmes des savanes de chênes de Garry (T. Lea, comm. pers.). Puisque la plupart des données ont été compilées à partir de relevés effectués 30 ans ou plus après l’interdiction de brûler les prairies imposée par le gouverneur Douglas aux Premières nations, les chênes de Garry et de Douglas taxifoliés étaient déjà en pleine croissance à cette époque (Lutz, 1995; Turner, 1999). On trouve des restes de ces grandes prairies dégagées dans le parc Beacon Hill, à Victoria et dans la réserve écologique de l’île Trial, près de Victoria. Bien que certaines de ces zones semblent propices pour le Bruant vespéral, elles sont actuellement très réduites.

Il se peut que les Européens aient d’abord augmenté l’habitat terrestre disponible dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique en déboisant et en asséchant des terres humides à des fins agricoles. Toutefois, la taille et la qualité de ces habitats se sont ensuite détériorées en raison de l’urbanisation et de l’intensification des activités agricoles. Dans la région, on continue de transformer des terres agricoles en zones résidentielles, en terrains de golf, en développements commerciaux ou en serres industrielles, ce qui nuit au Bruant vespéral (Dawe et al., 2001). Au même moment, comme la plupart des habitats naturels sont détruits ou considérablement modifiés, on ne trouve que des restes d'habitats naturels potentiels.

Des décennies de suppression des feux ont entraîné la croissance envahissante des habitats de prairies et de prés de chênes et ont empêché la création de nouvelles zones dégagées. La majeure partie de la région a été modifiée à des fins résidentielles et agricoles, la terre de surface et les régimes hydriques ayant subi de profonds changements et la structure végétale se dégradant par la suite. L’envahissement par les plantes exotiques transforme encore davantage la structure végétale de l’habitat restant (les genêts à balai et les graminées longues exotiques remplacent les graminées et les herbes non graminéennes indigènes courtes). Au cours des 150 dernières années, la réduction des habitats terrestres naturels dans la région en raison de modifications humaines a été évaluée à 80 p. 100 (Ward et al., 1998). Fuchs (2001) estime pour sa part que les écosystèmes des chênes de Garry et les écosystèmes associés de la Colombie-Britannique ont baissé de 95 p. 100 dans la région (Fuchs, 2001).

L’aéroport de Nanaimo est actuellement l’un des rares endroits de la région pourvu d’une étendue assez grande d’habitat convenable (Beauchesne, 2002a; idem, 2003). L’enlèvement de la terre de surface pour l’aménagement de pistes a créé une  érosion naturelle, laissant derrière une base de gravier qui ne permet qu’une croissance végétale limitée. Ailleurs, on a noté que les aéroports représentaient certaines des plus grandes prairies restantes; si elles sont bien gérées, ces dernières peuvent fournir de précieux refuges à de nombreuses espèces des prairies (Kershner et Bollinger, 1996).

Ailleurs, le déclin des populations dans les États de Washington et de l’Oregon est lié à la perte des habitats (Rogers, 2000; Altman, 2003). Dans l’ouest de l’État de Washington, les habitats de prairies ont baissé d’environ 98 p. 100 depuis la colonisation; ils ont été transformés en zones urbaines ou agricoles non propices à l'espèce, se sont reboisées en raison de l'interdiction de brûler ou ont été envahis par des plantes exotiques (Crawford et Hall, 1997; Smith et al., 1997; Rogers, 2000). La vallée de Willamette dans l’ouest de l’Oregon abrite toujours un restant de population de Bruants vespéraux de la sous-espèce affinis, mais les habitats qui s’y trouvent ont subi de profonds changements depuis l’arrivée des Européens (Altman, 2003).

Protection et propriété

Le seul lieu de reproduction connu du Bruant vespéral de la sous-espèce affinis dans le sud-est de l’île de Vancouver se trouve sur les terrains de l’aéroport de Nanaimo. Cet aéroport indépendant est détenu et géré par la Nanaimo Airport Commission (NAC, 2001; idem, 2002; idem, 2005). La principale priorité en matière de gestion de la végétation y est l’observation des règlements de la Federal Aviation Authority (FAA) (B. Clark, comm. pers.).

Il existe d’autres lieux de reproduction historiques dans l’île de Vancouver sur des terres agricoles privées, qui sont généralement gérées à la discrétion de chaque propriétaire foncier. Les parcs régionaux et d’autres zones protégées pourraient également contenir des habitats convenables, mais la superficie disponible n’a pas été évaluée. Si l’on en juge par la forte tendance au développement qui a cours dans le sud-est de l’île de Vancouver et la vallée du bas Fraser, il est peu probable que de grandes quantités de nouvel habitat convenable soient créées à l’avenir (Dawe et al., 2001). La gérance de l’habitat existant revêt donc une importance primordiale.

Conscient de l’importance de l’aéroport de Nanaimo pour la survie du Bruant vespéral de la sous-espèce affinis au Canada, l’Équipe de rétablissement des écosystèmes de chênes de Garry (GOERT) du groupe de mise en œuvre du rétablissement des vertébrés à risque  a conclu avec l’aéroport de Nanaimo un « accord de gérance » (Beauchesne, 2002c). Bien que la conservation des prairies ne soit pas la priorité numéro un de cette entreprise commerciale, il semblerait que la gestion des pistes se fasse, pour l’instant, en harmonie avec les besoins en habitat de reproduction du Bruant vespéral (Beauchesne, 2002b). Le Groupe travaille actuellement avec la direction de l’aéroport, dans le cadre des règlements de Transports Canada et d’autres politiques dérogatoires, afin de protéger et d’améliorer les lieux de reproduction du Bruant vespéral. L’accord, qui porte sur des questions comme le moment du fauchage, le moment et les lieux d’application des pesticides, la gestion des espèces envahissantes et d’autres questions relatives à la gestion de la végétation, a été signé en 2003 et devrait demeurer en vigueur (Beauchesne, 2002c).

Toutefois, d’autres développements des terrains de l’aéroport pourraient menacer la persistance de cette sous-espèce dans la région. Dans son énoncé de vision, la Nanaimo Airport Commission précise qu’elle saisira les occasions d’exploitation tout en exerçant une  gérance environnementale responsable (NAC, 2001). L’aéroport a pour mandat de participer à des projets de développement économique visant à agrandir les installations de transport aérien et à favoriser l’activité économique dans tous les secteurs compatibles avec le transport aérien (NAC, 2005). Ainsi, l’accord de gérance renferme une clause selon laquelle l’aéroport peut mettre en valeur la zone occupée par le Bruant vespéral s’il se présente une possibilité de création d’activité économique (Beauchesne, 2002c). L’entreposage de bois d’œuvre et de la machinerie lourde ainsi que la construction de nouveaux hangars sont des exemples d’utilisations récentes des terres, dont aucune n’est probablement compatible avec les besoins en habitat de reproduction du Bruant vespéral. De la même manière, une modification du programme de gestion des pistes pourrait avoir un effet néfaste sur l’habitat de reproduction du Bruant vespéral. À l’heure actuelle, on compte mettre à jour le système radar de l’aéroport, ce qui nécessitera le déboisement de l’espace entourant les pistes (B. Clark, comm. pers.). Le fauchage qui s’ensuivra aura un impact sur le lieu de reproduction du Bruant vespéral.

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